toujours la nature de l'urss

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Vérié » 22 Mai 2008, 18:32

(El convidado de piedra @ jeudi 22 mai 2008 à 18:46 a écrit : Si on se pose la question en termes concrets (imaginés), comment croyez vous que ce serait pris Trotsky pour mener un e révolution politique contre Staline?

Aurait-il eu des chances de gagner ou de perdre? (Il n'a meme pas eu la possibilité de se poser la question...)

Mais, s'il avait eu le concours de quelques alliés pas sur (kamenev, zinoviev, d'autres) ce serait-il risque d'organiser un grand désordre pour essayer de déboulonner les bureaucrates?


Si Trotsky avait triomphé dans sa lutte contre Staline, il serait tout simplement devenu... Staline (avec sans doute des variantes liées à sa personnalité), car il n'y avait pas 36 issues en URSS à partir du moment où la révolution ne s'étendait pas à l'Europe.

Trotsky en avait conscience puisqu'il a refusé de tenter un coup d'Etat en s'appuyant sur l'armée, où il comptait de nombreux partisans, et de devenir une sorte de Bonaparte.

Et, de toute manière, si Staline a gagné, ce n'est évidemment pas par hasard. C'est celui avait le bon profil qui l'a emporté, comme toujours. Les révolutionnaires ne peuvent être majoritaires que dans les situations révolutionnaires, quand ils sont portés par le mouvement.

Evidemment, on te voit venir de loin, Conviviado, tu te demandes si Trotsky aurait pu lancer une sorte de révolution culturelle en 1924 ou 1927. Mais on ne va pas repartir sur la discussion de l'autre fil. Trotsky, pour mener une révolutioon politique, comptait sur le prolétariat, pas sur la jeunesse scolarisée encadrée par l'armée, car Trotsky était un marxiste révolutionnaire.

Se demander ce qu'il aurait pu faire ou ce qu'il aurait fallu faire à sa place n'a donc pas grand sens. On ne refait pas l'histoire. Dans cette impasse historique, les révolutionnaire ne pouvaient que choisir la façon de mourir politiquement.
Vérié
 
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Message par jedi69 » 22 Mai 2008, 19:57

Wesh les amis !!!

Bien ou bien ?



(piter @ jeudi 22 mai 2008 à 09:56 a écrit :
a écrit :
En fait des obstacles entre les producteurs et les moyens de productions, le capitalisme lui même les enlève, lui même socialise la production, lui même concentre le prolétariat.


c'est malheureusement plus compliqué que cela. la socialisation que réalise le développement capitaliste n'est pas tout à fait celle que doit réaliser la classe ouvrière, et ne peut etre reprise telle quelle.
il faut lire là dessus le chapitre du tome I du Capital qui s'appelle De la coopération (c'est le chapitre 11 je crois).


Et qui a dit socialisation sous le capitalisme = socialisation sous le socialisme ? :altharion:

Moi ? :whistling_notes: :rtfm:

C'est très bien d'avoir lu "Le capital", c'est pas moi qui va te le reprocher. Après, c'est bizarre de lire Lénine sans les interprétations de Trotsky, de connaitre Trotsky sans se servir de ses analyses comme boussole dans l'actualité. C'est bizarre de voir des oppositions entre Marx, Lénine, Trotsky.

Bon, c'est pas la même époque, Ok, mais fondamentalement, ils défendent les intérêts de la classe ouvrière mondiale, ils se complètent, à nouvelles époques, nouvelles analyses, à nouvelles industrie mondiale, nouvelle classe ouvrière, nouvelles expériences, nouvelles idées révolutionnaires, mais on peut pas opposer fondamentalement ces dirigeants du prolétariat internationale.

C'est trop bizarre de faire du chichi entre les analyses du capital et les analyses de L'homme qui a écrit Longuement sur l'Impérialisme et celui qui a analysé en long en large et en travers l'URSS, l'état Ouvrier.

(piter @ jeudi 22 mai 2008 à 09:56 a écrit :
la coopération produite par le capital rassemble les travailleurs contre leur gré dans les fabriques et met la force de leur travail combiné dans les mains du capitalistes et apparait comme une force qui est celle du capital lui meme.


Déjà faut partir de bases, à l'endroit.

Le capital ne s'est pas créé par le saint esprit. C'est l'extermination des indiens d'Amérique, l'esclavage des noir, la colonisation. C'est ça le commerce mondiale depuis que Christophe Colomb à traversé l'Atlantique, c'est comme ça que se forme, en plusieurs siècles, le capitale, sur l'exploitation et l'oppression des forces productives de la planète entière.

C'est comme ça que progresse l'artisanat, les manufactures, l'industrie, l'argent, les finances, le capital. Déracinant les paysans, les jetant dans les cités, les bourgades, les villes.

Le Capital ne né pas de rien, et puis il n'agit pas tout seul. Le Capital, c'est la bourgeoisie qui le possède, c'est elle qui rassemble les travailleurs. Et à ce nouveaux stade, c'est comme ça qu'elle accroit Le Capital, son capital, en exploitant, en opprimant les prolétaires. Les paysans devenus prolétaires sont comme des étrangers non seulement pour la bourgeoisie, mais surtout pour les machines, les produits, les richesses qu'ils "créent".

En fait le capitale apparait comme une force étrangère aux prolétaires ... d'ailleurs au début, les prolétaires ont détruit quelques fabriques dans leurs révoltes. La classe bourgeoise consciente de ses intérêts, transforme le capital en instrument d'oppression, d'exploitation des prolétaires. Le capital n'est pas l'ennemi, c'est les capitaliste, le système capitaliste, Le Capital, il s'agit de le collectiviser, de le mettre en commun, que les prolétaires en est le contrôle, le domine, est le pouvoir dessus.

(piter @ jeudi 22 mai 2008 à 09:56 a écrit :
la tache du prolétariat est d'établir de nouveaux rapports de production sur la base d'une coopération qui sera la réappropriation consciente par les travailleurs de la force de leur travail combiné qui apparaitra comme le résultat de leur activité et non plus comme le résultat du capital.


C'est bizarre, j'ai l'impression de lire du Lassalle ou un truc comme ça.

Réappropriation de leur force de travail ?

Heu, les prolétaires n'ont que ça, leur force de travail, ce qu'il ne possèdent pas, c'est les richesses qu'ils produisent avec leurs forces de travail, c'est ce qui constitue le Capital. Je préfère parler d'expropriation de la bourgeoisie, de collectivisation du capital : machine, produit courant, finance ... etc, etc ...

C'est pareil, pour le "résultat de leur activité" LABORIEUSE, c'est quoi, sinon les produits, les machines, les moyens de productions et le capital financier. En fait, il s'agit de passer de la propriété privée à la propriété collective, de la propriété collective à plus de propriété du tout, à la fin de la collectivisation du capitale par les travailleurs, aux richesses infinies, à l'abondance.

(piter @ jeudi 22 mai 2008 à 09:56 a écrit :
une des limites de Lénine est de parfois "cafouiller" sur ces questions en assimilant l'organisation capitalistes du travail et de sa direction comme le résultat de l'organisation productive de l'industrie moderne, comme un progrès technique en général sans voir que cette organisation est une organisation capitaliste, qu'elle dépossède les travailleurs de leur force collectives pour la placer dans les mains des dirigeants du travail, et l'inscrire dans le procès d'accumulation capitaliste.


:( :altharion: :halalala: On arrive à des choses énormes.

Le taylorisme, le travail au pièce, les méthodes "de managements" de la bourgeoisie ont été utilisé de l'époque de Lénine, mais c'était sous contrôle de l'État, un état qui n'était pas totalement bureaucratisé, où la bureaucratie ne dominait pas, où elle se subordonnait encore aux révolutionnaires, où les ouvriers devaient encore croître en nombre et se cultiver pour en fin exercer eux même correctement le pouvoir ... repasser de l'état POUR les ouvriers à l'état PAR les ouvriers.

Et puis Marx et Engels, parlaient aussi de la dictature du prolétariat, du socialisme comme une transition vers le communisme, où il y aurait encore des inégalités, des contradictions, des éléments de la bourgeoisie, du capitalisme associés ou plutôt sous domination des prolétaires. C'est ce que les Bolchéviks, Lénine font dans un pays arriérés économique, culturellement, et isolé ... comme tu le reconnais, c'est la situation mondiale qui dicte de telle concession, elles sont pas sans danger.

Mais de là a que des méthodes capitalistes empruntais à l'Europe, aux États Unis fasse devenir l'état ouvrier, état bourgeois, fasse devenir capitalisme le socialisme en URSS, il y a un abîme.

Il y en a qui mettent Lénine sur un piédestal, mais alors toi, tu crains, Lénine "cafouillant" ... je sais bien qu'il a été malade à la fin de sa vie, mais même à cette époque là c'était une pointure ... il y a que les bureaucrates pour le mépriser lui et "ses délires".

(piter @ jeudi 22 mai 2008 à 09:56 a écrit :
si Lénine passe à coté de ces problèmes ce n'est pas qu'il soit plus bête :sygus:   qu'un autre, mais surtout c'est le problème de tout le mouvement marxiste de cette époque (la seconde internationale en particulier mais ensuite souvent aussi la troisième) de ne pas poser les questions de l'organisation du travail, et de ne pas vraiment intégrer la question de la transformation des rapports de production comme tels dans leur conception de la révolution prolétarienne.


:sygus:

Franchement, c'est quoi le système soviétique ? Sinon l'organisation des travailleurs pour organiser la société dont l'industrie, le travail industriel, mais aussi l'agriculture, les transports, les communications, l'éducation, la santé, le logement ... etc, etc, etc.

C'est l'utilisation permanente des conseils ouvriers, des comités de travailleurs dans les usines, dans les quartiers comme instruments de domination qui transforme totalement les rapports dans la société dont l'essentiel : les rapports de production.

A cette époque là, on utilisé pas les mêmes termes, mais l'expérience a donné des termes équivalent qu'il fallait perfectionner, qu'il faut élever aujourd'hui à un niveau supérieur. On a pas milles possibilités en tant que travailleurs pour dominer la société, pour l'organiser, collectiviser, planifier.


A+
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Message par com_71 » 23 Mai 2008, 08:07

(El convidado de piedra @ jeudi 22 mai 2008 à 19:51 a écrit : Vérié me voit venir de loin...ce que lui fait répondre ...contre.

Contre quoi?

Contre la révolution politique de Trotsky.

Ajoutant à la longue série de ses découvertes politiques il nous regale d'une lection de mécanicisme comme on n'a pas encore vu.

Trotsky se serait converti en un Staline...Bravo pour le rôle de l'homme dans l'histoire !

Et pour appuyer son "argumentation" il ne pense qu'au "coup d'état" vu qu'il est interdit de toutes les interdictions de penser à lancer une révolution politique parce que, comme disait Trtosky, toute révolution se caractérise par la participation directe des masses.

Vérié ne veut pas des "masses" ça sent mauvais, ça sent la Révolution Culturelle.

Il ne peut concevoir qu'un "coup d'état" ou la transformation de Trotsky en Staline jouant sur la liaison directe entre infrastructure politique et base économique.

Si c'est cela, comme Vérié nous le présente, alors Staline a eu raison d'avoir agit comme il l'a fait...et celui qui a perdu la bataille n'a fait que recevoir la sanction de l'histoire...

Mais je crois que le mécanicisme de Vérié n'est pas une méthode fiable d'analyse.

ET s'il y a des paralleles avec la Révolution Culturelle, ce n'est pas ma faute...
(Trotsky dans Ma Vie a écrit :41. La mort de Lénine et le déplacement du pouvoir



On m'a demandé plus d'une fois, on me demande encore : Comment avez-vous pu perdre le pouvoir ? Le plus souvent, cette question montre que l'interlocuteur se représente assez naïvement le pouvoir comme un objet matériel qu'on aurait laissé tomber, comme une montre ou un carnet qu'on aurait perdu. En réalité, lorsque des révolutionnaires qui ont dirigé la conquête du pouvoir arrivent à le perdre «sans combat» ou par catastrophe à une certaine étape, cela signifie que l'influence de certaines idées et de certains états d'âme est décroissante dans la sphère dirigeante de la révolution, ou bien que la décadence de l'esprit révolutionnaire a lieu dans les masses mêmes, ou bien enfin que l'un et l'autre milieu sont à leur déclin.

Les cadres dirigeants de ce parti sortis de l'action clandestine étaient animés par des tendances révolutionnaires que les leaders de la première période de la révolution formulèrent le plus clairement et le mieux, qu'ils mirent en pratique le plus complètement et avec le plus de succès. C'est cela qui, précisément, fit d'eux les leaders du parti, et par l'intermédiaire du parti, les leaders de la classe ouvrière et, par la classe ouvrière, les conducteurs du pays. C'est par cette voie que certains hommes concentrèrent le pouvoir entre leurs mains.

Mais les idées de la première période de la révolution perdaient insensiblement de leur influence sur les esprits de la sphère du parti qui possédaient le pouvoir immédiat pour gouverner le pays. Dans le pays même, des processus avaient lieu que l'on peut englober sous le terme général de réaction. Ces processus atteignirent plus ou moins la classe ouvrière, et notamment, les éléments ouvriers du parti. La sphère qui composait l'appareil du pouvoir eut alors des desseins nouveaux, distincts, auxquels elle s'efforça de subordonner la révolution. Entre les leaders qui traçaient la ligne historique de la classe et qui savaient voir par-dessus l'appareil, et cet appareil lui-même - énorme, lourd à manier, de composition hétérogène, qui absorbe facilement le communiste moyen, - une disjonction commença à s'esquisser. D'abord elle fut de caractère plus psychologique que politique. Les journées de la veille étaient encore trop récentes. Les mots d'ordre d'Octobre ne s'étaient pas encore effacés dans les mémoires. L'autorité personnelle des leaders de la première période était grande. Mais, sous le couvert des formes traditionnelles, une nouvelle psychologie se formait. Les perspectives internationales s'estompaient. Le travail quotidien absorbait totalement les hommes. De nouvelles méthodes, qui devaient servir à atteindre les buts fixés naguère, créaient de nouveaux desseins et, avant tout, une nouvelle psychologie. Pour nombre et nombre de gens, une situation temporaire apparut comme une station terminus. Un type nouveau se forma.

Les révolutionnaires, en fin de compte, sont faits de la même matière sociale que tous les autres hommes. Mais ils doivent avoir certaines particularités personnelles saillantes qui ont permis au processus historique de les distinguer des autres et de les grouper séparément. La vie commune, le travail théorique, la lutte sous un certain drapeau, la discipline collective, la trempe acquise sous le feu des dangers forment peu à peu le type révolutionnaire. On a pleinement le droit de parler du type psychologique du bolchevik pour l'opposer, par exemple, à celui du menchévik. Avec une suffisante expérience, on distingue même, à vue d'oeil, un bolchevik d'un menchévik, et le pourcentage des erreurs n'est pas élevé.

Cela ne signifie pourtant pas que, dans un bolchevik, tout ait toujours été du bolchevisme.

Transformer une certaine conception du monde en chair et en os, lui subordonner tous les aspects de sa conscience et combiner avec elle un monde de sentiments personnels --cela n'est pas donné à tous, c'est plutôt le privilège d'un petit nombre. Dans la masse ouvrière, cela est compensé par l'instinct de classe qui, dans les époques critiques, atteint à une grande subtilité.

Il y a, cependant, dans le parti et dans l'Etat, un grand nombre de révolutionnaires qui, quoique sortis en majorité de la masse, se sont depuis longtemps détachés d'elle et qui, par leur situation, s'opposent à elle. L'instinct de classe, en eux, s'est déjà évaporé. D'autre part, il leur manque une stabilité théorique et la largeur de vue pour embrasser le processus dans son ensemble. Dans leur psychologie, il subsiste un bon nombre d'endroits non défendus, à travers lesquels - lorsque la situation change - pénètrent librement des influences idéologiques hétérogènes et hostiles.

Dans les périodes de lutte clandestine, de soulèvements, de guerre civile, les éléments de cette sorte n'étaient que des soldats du parti. Dans leur conscience, une seule corde résonnait, et elle était au diapason du parti. Mais lorsque la tension fut moindre, lorsque les nomades de la révolution en vinrent à se fixer sur place, en eux se réveillèrent, s'animèrent et se développèrent les traits de caractère de l'homme du commun, les sympathies et les goûts de fonctionnaires contents d'eux-mêmes.

Fréquemment, certaines observations qui échappaient à Kalinine, à Vorochilov, à Staline, à Rykov, donnèrent de l'inquiétude. D'où cela vient-il ? me demandai-je. De quel trou cela sort-il ? Arrivant à telle ou telle séance, je trouvais des groupes en conversations qui cessaient souvent en ma présence. Dans ces causeries il n'y avait rien qui fût dirigé contre moi. Il n'y avait rien de contraire aux principes du parti. Mais l'état d'esprit était celui d'une tranquillisation morale, de la satisfaction de soi-même, d'un contentement trivial. Les gens éprouvaient tout à coup le besoin de se confesser entre eux de ce nouvel état d'esprit, et il est à propos de dire que les bavardages malveillants prenaient là leur large place. Auparavant, ces hommes en auraient éprouvé de la gêne non seulement devant Lénine et moi, mais devant eux-mêmes. Quand la vulgarité se révélait, par exemple dans une parole de Staline, Lénine, sans relever sa tête penchée très bas sur un papier, promenait de côté et d'autre un regard en-dessous, comme pour voir si quelqu'un d'autre que lui avait compris à quel point le propos de Staline était intolérable. En de tels cas, il suffisait d'un bref coup d'oeil ou d'une intonation pour que notre solidarité à Lénine et à moi nous apparût incontestable dans ces jugements psychologiques.
Si je n'ai pas pris part aux distractions qui entraient de plus en plus dans les moeurs de la nouvelle sphère dirigeante, ce n'est pas par moralité; c'est simplement parce que je n'avais pas envie de subir les épreuves du pire ennui. Aller en visite les uns chez les autres, être assidu à des représentations de ballets, assister à des beuveries collectives dans lesquelles on médisait des absents, cela ne me séduisait pas du tout. La nouvelle sphère supérieure sentait que ce genre de vie ne me convenait pas. Elle ne tâchait même pas de m'y engager. C'est pour cette même raison que bien des causeries de groupes cessaient dès que j'apparaissais et que les causeurs se séparaient, un peu confus pour eux-mêmes, avec une certaine hostilité à mon égard. Et cela marqua, si l'on veut, que je commençais à perdre le pouvoir.

Je me borne ici au côté psychologique de l'affaire, laissant à part les dessous sociaux, c'est-à-dire les modifications anatomiques de la société révolutionnaire. En fin de compte, ce sont, bien entendu, ces modifications qui décident. Mais on est obligé de prendre un contact immédiat avec leurs reflets psychologiques. Les événements internes se développaient relativement lentement, facilitant les processus moléculaires de la dégénérescence de la sphère supérieure et ne laissant presque pas de place pour que les deux positions inconciliables pussent s'affronter devant les masses. A cela, il faut encore ajouter que le nouvel état d'esprit resta longtemps et reste encore masqué par des formules traditionnelles. Il n'en était que plus difficile de déterminer jusqu'à quelle profondeur allait le processus de dégénérescence. Le complot de Thermidor, à la fin du XVIIIe siècle, préparé par la marche même de la révolution, avait éclaté d'un seul coup et avait pris la forme d'un dénouement sanglant. Notre Thermidor à nous traîna en longueur. La guillotine fut remplacée, du moins pour un laps de temps qu'on ne saurait déterminer, par le mensonge. La falsification du passé, systématique, organisée selon la méthode de la «chaîne», devint l'instrument d'une transformation de l'armement idéologique du parti officiel. La maladie de Lénine, et l'expectative où l'on se tenait pour le cas où il reviendrait à la direction, créèrent une situation provisoire indéterminée qui dura, avec un intervalle, près de deux ans. Si le mouvement révolutionnaire avait été en période ascendante, les atermoiements auraient profité à l'opposition. Mais la révolution essuyait alors, dans le plan international, défaites sur défaites, et les ajournements profitèrent au réformisme national, fortifiant automatiquement la bureaucratie de Staline contre moi et mes amis politiques. La campagne engagée contre la théorie de la révolution permanente, campagne due à de vrais philistins, à des ignorants, persécution tout simplement bête, provint précisément de ces sources psychologiques. Jacassant devant une bouteille ou revenant d'un spectacle de ballets, tel fonctionnaire content de lui-même, disait à tel autre non moins satisfait: «Trotsky n'a en tête que la révolution permanente.» A cela se rattachent les accusations qui ont été portées contre moi de n'avoir pas le sentiment de l'équipe, d'être un individualiste, un aristocrate. «On ne peut pas tout faire et agir tout le temps pour la révolution; il faut aussi songer à soi» - cet état d'esprit se traduisait ainsi: «A bas la révolution permanente!» La protestation élevée contre les exigences théoriques du marxisme et les exigences politiques de la révolution prenaient graduellement, pour ces gens-là, la. forme d'une lutte contre le «trotskysme». Sous cette enseigne, le petit bourgeois se dégageait dans le bolchevik. Voilà en quoi consista la perte par moi du pouvoir, et ce qui détermina les formes dans lesquelles cette perte eut lieu.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par com_71 » 23 Mai 2008, 08:17

(Trotsky Ma Vie fin du ch. 45 a écrit :La révolution d'Octobre exige que l'on prenne des distances historiques encore plus grandes. Ce ne sont que des niais incorrigibles qui puissent lui reprocher de n'avoir pas donné en douze ans l'apaisement et la prospérité universels. Si l'on prend les mesures de la Réforme allemande et de la Révolution française qui ont été deux étapes dans le développement de la société bourgeoise, à une distance de presque trois siècles l'une de l'autre, il faut s'étonner seulement de constater que la Russie, arriérée et isolée, après douze années passées depuis sa révolution, ait assuré aux masses populaires un niveau de vie qui n'est pas plus bas que ce qu'il était à la veille de la guerre. Cela déjà est, en son genre, un miracle. Mais, bien entendu, la signification de la révolution d'Octobre n'est pas en cela. Elle est une expérience pour parvenir à un nouveau régime social. Ce régime sera modifié, refait et, peut-être, depuis la base même. Il recevra un tout autre caractère, se fondant sur une toute nouvelle technique. Mais, après plusieurs dizaines d'années, et, après plusieurs siècles, le nouveau régime social se retournera vers la révolution d'Octobre, de même que le régime bourgeois se retourne vers la Réforme allemande ou la Révolution française. C'est tellement clair, si indiscutable, si inébranlable que même les professeurs d'histoire le comprendront, dans un bon nombre d'années, il est vrai.
Eh bien, et qu'adviendra-t-il de vous-même ? J'entends cette question dans laquelle la curiosité n'est pas exempte d'ironie. Ici, je ne puis ajouter que peu de chose à ce qui est déjà dit dans ce livre. Je ne mesure pas le processus historique avec le mètre de mon sort personnel. Au contraire, j'apprécie mon sort personnel non seulement objectivement, mais subjectivement, en liaison indissoluble avec la marche de l'évolution sociale.

Depuis que j'ai été expulsé, j'ai lu plus d'une fois dans les journaux des considérations sur la «tragédie» qui m'a atteint. Je ne connais pas de tragédie personnelle. Je sais que deux de ceux qui étaient à la tête de la révolution ne sont plus à leur place. Un journal américain, qui a imprimé un article de moi, y a ajouté une remarque profondément pensée, en ce sens qu'en dépit des coups subis par l'auteur, il aurait conservé, comme on le voit par l'article, la clarté de son raisonnement. Je ne puis que m'étonner de cette tentative de philistins pour établir une relation entre la force du jugement et l'occupation du poste gouvernemental, entre l'équilibre moral et les circonstances d'actualité. Je n'ai pas connu et je ne connais pas de pareille dépendance. En prison, ayant un livre ou une plume à la main, je vécus des heures de satisfaction aussi complète que dans les réunions de masses de la révolution. Le mécanisme du pouvoir a été ressenti par moi plutôt comme une charge inévitable que comme une satisfaction spirituelle. Mais, de tout cela, peut-être, on peut parler plutôt en citant de bonnes paroles venues d'ailleurs.

Le 26 janvier 1917, Rosa Luxembourg écrivait, de prison, à une amie :

«Cette complète dissolution dans la vulgarité est pour moi tout à fait incompréhensible et intolérable. Vois, par exemple, comment Goethe s'élevait avec une supériorité sereine au-dessus des choses. Pense seulement à ce qu'il a dû vivre : la grande Révolution française, qui, à courte distance, devait lui sembler une force sanglante et sans aucun but, et ensuite, de 1793 à 1815, la série ininterrompue des guerres. Je ne te demande pas d'écrire des vers comme Goethe, mais son regard sur la vie --l'universalisme des intérêts, l'harmonie intérieure-- cela peut être assimilé par quiconque, ou du moins, on peut s'efforcer d'y arriver. Et si tu me disais : Goethe n'est pas un militant politique, je pense que je te répondrais ceci : un militant doit justement s'efforcer de se mettre au-dessus des choses ; autrement il restera le nez plongé dans toutes sortes de saletés ; --bien entendu, je n'ai en vue ici qu'un militant de grand style...»

Belles paroles ! Je les ai lues pour la première fois ces jours-ci et elles m'ont rendu la figure de Rosa Luxembourg plus proche et plus chère qu'auparavant.

Par ses idées, par son caractère, par toute sa manière de sentir le monde, Proudhon, ce Robinson Crusoé du socialisme, m'est étranger. Mais Proudhon avait la nature d'un combattant, il avait le désintéressement moral, la faculté de mépriser l'opinion publique officielle et, enfin le feu d'une curiosité portée sur divers côtés ne s'éteignait pas en lui. Cela lui donnait la possibilité d'être toujours au-dessus de sa propre vie, dans les hauts et les bas, comme également au-dessus des réalités de son temps.

Le 26 avril 1852, Proudhon écrivait d'une prison à un de ses amis :

«Le mouvement ne se montre pas sans aucun doute juste ni direct, mais c'est une tendance constante. Ce qui est fait, à tour de rôle, par chaque gouvernement, au profit de la révolution, ne peut être retiré ; ce que l'on fait contre la révolution passe comme un nuage ; je me délecte à ce spectacle dans lequel je comprends chaque tableau ; j'assiste à ces transformations de la vie du monde comme si j'en recevais d'en haut l'explication. Ce qui écrase les autres m'élève de plus en plus, m'inspire et me fortifie : comment voulez-vous donc que j'accuse le sort, que je pleure sur les gens et que je les maudisse ? Le sort, je m'en moque ! quant à ce qui concerne les gens, ils sont trop peu instruits, trop asservis pour que je puisse me sentir offensé à leur égard.»

Bien que tout cela ait un certain goût de pathétique ecclésiastique, ce sont de belles paroles. Je les signe.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Vérié » 23 Mai 2008, 10:21

a écrit : Jedi
Le taylorisme, le travail au pièce, les méthodes "de managements" de la bourgeoisie ont été utilisé de l'époque de Lénine, mais c'était sous contrôle de l'État, un état qui n'était pas totalement bureaucratisé, où la bureaucratie ne dominait pas, où elle se subordonnait encore aux révolutionnaires, où les ouvriers devaient encore croître en nombre et se cultiver pour en fin exercer eux même correctement le pouvoir ... repasser de l'état POUR les ouvriers à l'état PAR les ouvriers.

Et puis Marx et Engels, parlaient aussi de la dictature du prolétariat, du socialisme comme une transition vers le communisme, où il y aurait encore des inégalités, des contradictions, des éléments de la bourgeoisie, du capitalisme associés ou plutôt sous domination des prolétaires. C'est ce que les Bolchéviks, Lénine font dans un pays arriérés économique, culturellement, et isolé ... comme tu le reconnais, c'est la situation mondiale qui dicte de telle concession, elles sont pas sans danger.

Mais de là a que des méthodes capitalistes empruntais à l'Europe, aux États Unis fasse devenir l'état ouvrier, état bourgeois, fasse devenir capitalisme le socialisme en URSS, il y a un abîme.


- "Fasse devenir capitalisme le socialisme en URSS". Voyons Jedi, il n'y a jamais eu de "socialisme" en URSS. C'est Staline qui parlait de construire le socialisme dans un seul pays, pas Lénine ni Trotsky !
- La dictature du prolétariat doit en effet, dans la vision de Marx, imposer la transition vers le socialisme puis vers le communisme. Pendant cette période de transition, des inégalités demeurent bien entendu. On ne les fait pas disparaitre d'un coup de baguette. Mais il faut déjà qu'il y ait dictature du prolétariat et transition. En URSS, après l'effondrement des organes de pouvoir ouvrier, il n'y avait plus de dictature du prolétariat, et encore moins de "transition" vers le socialisme. La transition s'est faite vers le capitalisme d'Etat, puis vers le capitalisme privé.
-Les méthodes de "management" et d'organisation du travail de la bourgeoisie ne sont pas neutres. Sans doute représentaient-elles un "progrès" dans l'URSS délabrée de l'après guerre civile, mais un progrès capitaliste. Une classe au pouvoir peut certes accepter collectivement des sacrifices librement consentis, mais certainement pas de travailler aux pièces, sous le controle de chronos, de petits chefs flics et de cadres privilégiés. C'est absolument incompatible. Il ne suffit pas qu'il y ait à la tete de l'Etat un parti avec la ligne juste pour y changer quoi que ce soit.

Une des caracactéristiques fondamentales du capitalisme et des méthodes qui l'accompagnent, c'est de produire des exploiteurs et des exploités. Toute méthode, toute division du travail destinée à exploiter davantage les travailleurs et à les abrutir renforce les rapports de production capitaliste, produit des exploiteurs et accélère la transition... vers un capitalisme encore plus efficace, c'est à dire capable d'arracher davantage de plus value aux exploités etc.

a écrit : Proudhon cité par Trotsky
Ce qui écrase les autres m'élève de plus en plus, m'inspire et me fortifie : comment voulez-vous donc que j'accuse le sort, que je pleure sur les gens et que je les maudisse ? Le sort, je m'en moque ! quant à ce qui concerne les gens, ils sont trop peu instruits, trop asservis pour que je puisse me sentir offensé à leur égard.»


Ces propos sont tout de meme très élitistes ! A la limite du mépris...

a écrit : Convidado
Bravo pour le rôle de l'homme dans l'histoire !

Et pour appuyer son "argumentation" il ne pense qu'au "coup d'état" vu qu'il est interdit de toutes les interdictions de penser à lancer une révolution politique parce que, comme disait Trtosky, toute révolution se caractérise par la participation directe des masses.



Ce qu'explique Plekhanov, dans son texte génial et incontournable sur le role de l'individu dans l'histoire, c'est justement que les individus ne peuvent jouer un role que dans un cadre strictement déterminé par les circonstances historiques. Si Lénine vivait aux Etats unis aujourd'hui, il ne pourrait pas diriger une révolution.
Les révolutionnaires ne sont influents et ne peuvent jouer un role que quand les masses ont des aspirations révolutionnaires. Et le problème, c'est que les masses n'avaient plus de telles aspirations en 1928, quand TRotsky a été expulsé par Staline. Comme l'explique très bien le texte mis en ligne par Com 71, les bolcheviks bureaucratisés et "enpetitsbourgeoisés" étaient à l'unisson avec l'Etat d'esprit dominant de l'époque, d'où l'isolement de Trotsky et de ses partisans. Staline, lui, s'est fait le représentant de cette aspiration, non à la révolution, mais au retour à l'ordre, la tranquilité et aux privilèges. C'est pour cela qu'il a triomphé, pas parce qu'il était plus intelligent, ni meme plus malin que Trotsky. D'un point de vue de l'arrivisme personnel cynique, oui, il était certes plus malin. Mais ce n'était pas l'objectif de Trotsky.

Quant à faire appel aux masses... Trotsky a essayé, certes un peu tardivement, de faire appel aux jeunes du parti dans Cours nouveau. Mais il ne suffit pas de lancer un appel pour etre suivi ! Essaie donc de lancer un appel aujourd'hui à la grève générale ! Il y a des gens qui le font tous les quinze jours depuis des années sans le moindre résultat.
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Message par jeug » 23 Mai 2008, 11:13

a écrit :Fréquemment, certaines observations qui échappaient à Kalinine, à Vorochilov, à Staline, à Rykov, donnèrent de l'inquiétude. D'où cela vient-il ? me demandai-je. De quel trou cela sort-il ? Arrivant à telle ou telle séance, je trouvais des groupes en conversations qui cessaient souvent en ma présence...

J'ai parfois un peu de mal avec les textes de Trotsky. Je pense que ça peut venir de la traduction. Ici, l'exemple est extrême puisque la traduction déforme l'idée. Dans la première phrase, "échappaient à" est mis pour "s'échappaient de", ce qui n'a pas du tout le même sens. La phrase aurait du être, selon moi :
a écrit :Fréquemment, certaines remarques que laissaient échapper Kalinine, Vorochilov, Staline, Rykov, me donnèrent de l'inquiétude...
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Message par com_71 » 23 Mai 2008, 11:15

(Vérié @ vendredi 23 mai 2008 à 11:21 a écrit :

(Proudhon cité par Trotsky a écrit :
«Le mouvement ne se montre pas sans aucun doute juste ni direct, mais c'est une tendance constante. Ce qui est fait, à tour de rôle, par chaque gouvernement, au profit de la révolution, ne peut être retiré ; ce que l'on fait contre la révolution passe comme un nuage ; je me délecte à ce spectacle dans lequel je comprends chaque tableau ; j'assiste à ces transformations de la vie du monde comme si j'en recevais d'en haut l'explication. Ce qui écrase les autres m'élève de plus en plus, m'inspire et me fortifie : comment voulez-vous donc que j'accuse le sort, que je pleure sur les gens et que je les maudisse ? Le sort, je m'en moque ! quant à ce qui concerne les gens, ils sont trop peu instruits, trop asservis pour que je puisse me sentir offensé à leur égard.»


Ces propos sont tout de meme très élitistes ! A la limite du mépris...

Tu as encore lu de travers ?

Proudhon dit en substance :
"Je ne peux en vouloir à ceux qui approuvent mon emprisonnement car..."
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Vérié » 23 Mai 2008, 12:50

(com_71 @ vendredi 23 mai 2008 à 12:15 a écrit : Tu as encore lu de travers ?

Proudhon dit en substance :
"Je ne peux en vouloir à ceux qui approuvent mon emprisonnement car..."

D'accord, il ne leur en veux pas, mais parce qu'il s'estime placé à cent coudées au dessus d'eux.

Je ne crois pas avoitr lu de travers, j'ai meme relu car j'ai été surpris par ce ton.

"Ce qui écrase les autres m'élève", je trouve tout de meme ça un peu prétentieux.
Il dirait par exemple : "ce quii écrase les autres me renforce dans mes convictions", ce serait un peu différent. C'est peut-etre le style de l'époque, mais tout de meme...
Vérié
 
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