Communisation

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Puig Antich » 29 Jan 2006, 20:52

Je ne comprends pas clairement, par contre un point :

a écrit :Ces luttes de classes sont ce qu'elles sont. Elles n'ont pas tort ou raison. Elles ne font pas d"erreurs" que les militants auraient à redresser. Elles sont l'état de l'affrontement capital-prolétariat.


Mais les "militants", et plus largement les minorités agissantes ou les avant-gardes, ne sont-ils pas les produits de ces luttes de classe. Leur extériorité ne peut être fondée - ou non - ailleurs que dans leurs têtes... Je ne vois pas où peut se situer un en-dehors ?
Puig Antich
 
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Message par Patlotch » 29 Jan 2006, 20:52

(Barnabé @ dimanche 29 janvier 2006 à 20:08 a écrit :Je ne vois en particulier pas en quoi ces théories peuvent être des outils efficace dans la lutte de classe contre le capitalisme (là je ne parle pas de la pratique particulière de Patlotch, mais de ce à quoi peuvent servir ses idées).


Il ne faut pas faire dire à ces théories ce qu'elles ne disent surtout pas : que les luttes dépendraient de leur compréhension puis de leur application. Par provocation, un de ces théoriciens affirmait récemment "nous n'existerions pas que ça ne changerait rien au cours de la lutte de classes", pas plus, on peut l'admettre que le Capital (je parle du Capital et pas d'oeuvre plus politiques) n'a eu d'effets directs sur la lutte de classes pendant... (? bonne question)

Ces théories ne sont donc pas dans la posture que l'on reproche à la théorie, coupée des luttes, de la pratique etc. On leur reproche ici, paradoxalement, d'être dans la posture que l'on assigne soi-même à la théorie : être un guide pour l'action, en gros.

a écrit :Cela se double du fait que la plupart du temps je ne comprends simplement pas leur signification (et pourtant j'ai un peu l'habitude de lire de la philo).


Je reconnais que ce n'est pas immédiat et je ne suis pas au bout, ni garant de respecter les textes que je tente (avec un succès visible) de résumer. Ceux qui les ont produit ont considérer longtemps, et encore en partie, qu'ils ne devaient pas avoir de polémiques directes, que ça ne servait à rien etc. S'ils tendent depuis quelques temps à sortir de la clandestinité, c'est bien parce que la réalité (l'état de la contradiction de classes...) tend à montrer la pertinence au moins partielle de leurs considérations.
Ils ont raison dans la mesure où une telle confrontation n'a guère d'intérêt en dehors d'une pratique de luttes. Et aucun forum n'est à proprement parler une pratique de luttes.

a écrit :Pour moi la théorie révolutionnaire doit être un instrument pour agir sur le monde, sur la société. Et je n'arrive toujours pas à voir en quoi celles proposées par Patlotch peuvent être utile (à part le truc sur le militantisme, qui peut être utile pour ... théoriser de ne pas militer).


Critiquer le militantisme, ce n'est pas prôner l'inaction. C'est changer ce qu'on entend par pratique de classe, quand on est révolutionnaire. C'est comprendre que la lutte de classes, ce n'est pas d'abord le produit d'actions militantes extérieures à la classe.

a écrit :Et puisque Patlotch aime les citations du barbu, je conclus avec celle-là qu'il connaît certainement : "Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c'est de le transformer".


Nous sommes bien d'accord et il n'y a rien de contradictoire avec ces théories, qui ne sont précisément pas de la philosophie, même si elle s'en servent et la critiquent. Marx dit quelque part (l'Idéologie allemande ?) qu'avant d'abolir la philosophie, il faudra la réaliser. Tout le sens de "transformer" dans cette 11ème des Thèses sur Feuerbach renvoie aux précédentes, à ce que Marx entend par "praxis", qui n'est pas ce que les militants entendent par "pratique".
Patlotch
 
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Message par Puig Antich » 29 Jan 2006, 20:57

a écrit :Tout le sens de "transformer" dans cette 11ème des Thèses sur Feuerbach renvoie aux précédentes, à ce que Marx entend par "praxis", qui n'est pas ce que les militants entendent par "pratique".


Oui mais en militant tu n'es pas obligé de te percevoir comme garant de la pratique unique et infaillible. Et, autant je suis d'accord pour dire que la praxis au sens général ce n'est pas le produit d'un militantisme précis (autrement dit la conscience ne vient pas de l'extérieur) ; autant militer en percevant sa pratique comme proposition particulière, fondée en tant que tendance ou tradition dans la classe, ne me pose pas de probleme.
Puig Antich
 
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Message par Puig Antich » 29 Jan 2006, 21:00

Exemple, Mansoor Hekmat écrit sur le "communisme-ouvrier"

a écrit :Un point central sur lequel nous avons constamment mis l’accent à travers les débats de ces dernières années est que le socialisme ouvrier est un mouvement social qui existe de façon indépendante, et non le dérivé de l’activité de marxistes ou de communistes. C’est un mouvement qui se déroule historiquement. La lutte contre le capitalisme avec pour objectif de le remplacer par le socialisme à travers une révolution ouvrière, est une vision vivante et fermement établie au sein de la classe ouvrière - c’est une tradition de lutte vivante. La théorie, la conscience de ce mouvement peut, à une période donnée, être adaptée ou inadaptée, vraie ou fausse. Quoiqu’il en soit, il existe toujours un courant au sein du mouvement de la classe ouvrière qui aspire et essaye constamment de pousser la classe tout entière dans cette direction socialiste.
Puig Antich
 
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Message par Patlotch » 29 Jan 2006, 21:09

(Puig Antich @ dimanche 29 janvier 2006 à 20:52 a écrit : Mais les "militants", et plus largement les minorités agissantes ou les avant-gardes, ne sont-ils pas les produits de ces luttes de classe.

Bien sûr. Encore faut-il considérer comment. Il est assez difficile de considérer que telle organisation aujourd'hui est produite par les luttes actuelles, sauf précisément pour les formes de réseaux et autres qui s'inscrivent dans le réformisme radical,, le citoyennisme, l'altermondialisme, l'antilibéralisme, le référundum et ses comités du NON etc.

Ce rapport n'a d'intérêt qu'au sein d'une lutte donnée, quand on y participe.

a écrit :Leur extériorité ne peut être fondée - ou non - ailleurs que dans leurs têtes...


Je crois plutôt que c'est l'intériorité à la lutte de classes que beaucoup fantasment, du seul fait d'appartenir à telle organisation.

a écrit :Je ne vois pas où peut se situer un en-dehors ?


Je ne tiens pas du tout à diaboliser le militant d'organisation. Dans une lutte donnée, dès lors qu'il ne débarque pas comme un cheveu sur la soupe, il est dans la lutte comme tout le monde. Dans ce qu'il fait il n'est pas plus que tous ceux qui y participent, encartés ou pas. Sa carte ou son organisation ne lui apportent rien de plus dans une lutte donnée. Elles peuvent par contre, selon les cas (d'orgas et de personnes), le priver de voir ce qui se passe réellement, tellement il a envie d'y projeter ce qu'il veut y voir, ce qu'il veut apporter de plus parce que lui, avant même la lutte, a déjà compris où elle va, et où elle doit aller... Il possède la conscience, les autres non. C'est ça la posture militante objectiviste/subjectiviste. C'est pas le fait de se battre. Un communiste, sa différence dans une lutte, c'est pas de la canaliser a priori, c'est de la pousser le plus loin possible. C'est pas de dire qu'il y a des formes meilleures que d'autres en général (par ex "la grève générale" comme cantique des cantiques), mais d'en trouver d'adéquates à une situation. D'être réactif, comme on dit. Le génie de Lénine, ce fut sa réactivité, qui le poussa souvent à faire le contraire de ce qu'il avait écrit.
Patlotch
 
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Message par Puig Antich » 29 Jan 2006, 21:27

a écrit :
Je ne tiens pas du tout à diaboliser le militant d'organisation. Dans une lutte donnée, dès lors qu'il ne débarque pas comme un cheveu sur la soupe, il est dans la lutte comme tout le monde. Dans ce qu'il fait il n'est pas plus que tous ceux qui y participent, encartés ou pas. Sa carte ou son organisation ne lui apportent rien de plus dans une lutte donnée. Elles peuvent par contre, selon les cas (d'orgas et de personnes), le priver de voir ce qui se passe réellement, tellement il a envie d'y projeter ce qu'il veut y voir, ce qu'il veut apporter de plus parce que lui, avant même la lutte, a déjà compris où elle va, et où elle doit aller... Il possède la conscience, les autres non. C'est ça la posture militante objectiviste/subjectiviste. C'est pas le fait de se battre. Un communiste, sa différence dans une lutte, c'est pas de la canaliser a priori, c'est de la pousser le plus loin possible. C'est pas de dire qu'il y a des formes meilleures que d'autres en général (par ex "la grève générale" comme cantique des cantiques), mais d'en trouver d'adéquates à une situation. D'être réactif, comme on dit. Le génie de Lénine, ce fut sa réactivité, qui le poussa souvent à faire le contraire de ce qu'il avait écrit.


Une organisation peut apporter plusieurs choses :
- des informations sur ce qui se passe ailleurs, sur les éventuelles "convergences de lutte" - non au sens des comités incantatoirs du même nom
- un cadre de discussion avec des personnes impliqués dans d'autres luttes
- un appareil clandestin nécessaire à la planification, par exemple, d'une insurrection armée

Inversement, elle peut aussi être dans le faux, et elle ne garantie en rien la supériorité de ses militants dans telle ou telle lutte - comme certains peuvent le croire.

L'organisation en elle-même n'implique pas la "posture militante" que tu critique.

Mais on pourrait tout aussi bien dire, par exemple, d'un théoricien non-organisé qu'il "a envie d'y projeter ce qu'il veut y voir (sur la lutte), ce qu'il veut apporter de plus parce que lui, avant même la lutte, a déjà compris où elle va, et où elle doit aller"

Sinon je suis OK sur Lénine ; même si par exemple je suis en désaccord comme je l'ai dit dans un post précédent sur "la conscience apportée de l'extérieur" ; c'est bien parce que Lénine navigue à contre-courant, n'a pas peur de se tromper puis de changer de cap, qu'il joue un rôle actif dans la révolution ; pas par la grâce d'une quelconque démocratie autoorganisée ou que sais-je - en référence à un autre fil - mais parce qu'il va contre justement.

Sur la grève générale, ce n'est certes pas une panacée, mais dans certaines circonstances ce peut être un appel au ralliement... le tout est qu'il ne soit pas déconnecté de la pratique, justement.
Puig Antich
 
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Message par Patlotch » 29 Jan 2006, 21:46

(Puig Antich @ dimanche 29 janvier 2006 à 21:27 a écrit : Une organisation peut apporter plusieurs choses :
- des informations sur ce qui se passe ailleurs, sur les éventuelles "convergences de lutte" - non au sens des comités incantatoirs du même nom
- un cadre de discussion avec des personnes impliqués dans d'autres luttes
- un appareil clandestin nécessaire à la planification, par exemple, d'une insurrection armée

La critique (au sens d'analyse critique) du militantisme et celle de l'organisation, se recoupent, mais ce n'est pas la même chose.

Ensuite, il n'y a pas de considérations sur l'organisation hors du temps, c'est-à-dire de ce qu'il est possible de produire à un moment donné, d'une lutte particulière, ou de l'affrontement global dans le moment historique présent.

Ce que tu dis qu'apporte une organisation est vrai*, sans nécessiter qu'elle soit une structure permanente particulière telle qu'un parti politique. Elle pose l'acte d'organiser comme indispensable, ce que personne ne nie, heureusement.


* avec plus qu'une réserve sur "convergences de luttes" qui mériterait un fil de discussion sur ce qu'on entend, et attend, par là...


a écrit :L'organisation en elle-même n'implique pas la "posture militante" que tu critiques.


Cette posture est indépendante du fait d'appartenir à une organisation, mais une organisation permanente, comme structure partisane, tend à fabriquer cette posture.

a écrit :Mais on pourrait tout aussi bien dire, par exemple, d'un théoricien non-organisé qu'il "a envie d'y projeter ce qu'il veut y voir (sur la lutte), ce qu'il veut apporter de plus parce que lui, avant même la lutte, a déjà compris où elle va, et où elle doit aller"


OUI*, mais c'est précisément ce que distingue "être dans les luttes en théoricien" ou "en tant que théoricien"..., le fait d'y être comme les autres en y assumant une tâche particulière (comme d'autres en assument d'autres), ou en considérant qu'on y est plus que les autres, garant de l'application de la théorie (ou de la ligne de l'orga, pour un militant)

*Un "théoricien non-organisé" ? Celui qui se bat dans une situation donnée, qu'il soit ou non théoricien, ou artificier, ou chanteur de mots d'ordres... participe à l'organisation de cette lutte. Sinon, même la production théorique, en tant que formulation séparée, nécessite une organisation. Un théoricien non-organisé, je ne sais pas ce que c'est : un ectoplasme ?

a écrit :Sur la grève générale, ce n'est certes pas une panacée, mais dans certaines circonstances ce peut être un appel au ralliement... le tout est qu'il ne soit pas déconnecté de la pratique, justement.


Ce n'était qu'un exemple, on peut en dire de même de toutes formes d'actions...
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Message par Jacquemart » 29 Jan 2006, 22:26

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Message par Puig Antich » 30 Jan 2006, 01:29

a écrit :Il est assez difficile de considérer que telle organisation aujourd'hui est produite par les luttes actuelles, sauf précisément pour les formes de réseaux et autres qui s'inscrivent dans le réformisme radical,, le citoyennisme, l'altermondialisme, l'antilibéralisme, le référundum et ses comités du NON etc.


Pour moi tout çà, ce n'est pas les "luttes actuelles". Les luttes actuelles c'est encore et toujours les luttes du prolétariat ; à ce titre il y a plus à apprendre des grèves sauvages des transports publics en Italie, des syndicats sud-coréens, etc., que de n'importe quel coquille vide qui appelle à voter non ou à acheter du café équitable... C'est ça pour toi les luttes actuelles ???
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Message par Patlotch » 30 Jan 2006, 11:39

(Puig Antich @ lundi 30 janvier 2006 à 01:29 a écrit :Pour moi tout çà, ce n'est pas les "luttes actuelles". Les luttes actuelles c'est encore et toujours les luttes du prolétariat ; à ce titre il y a plus à apprendre des grèves sauvages des transports publics en Italie, des syndicats sud-coréens, etc., que de n'importe quel coquille vide qui appelle à voter non ou à acheter du café équitable... C'est ça pour toi les luttes actuelles ???

Il ne nous appartient pas de décider de ce que sont « les luttes actuelles ». Molles ou dures, ce sont des luttes. Quand celles dont tu parles se développeront en France, effectivement ça prendra une autre allure, mais « il y a à apprendre » de toutes ces luttes, dans la mesure où toutes se heurtent aux limites de la reproduction du capital, du moins quand les revendications posent la question. La lutte contre le CPE n’est pas moins une lutte revendicative du prolétariat sur ses conditions de reproduction. Comme celles de la SNCM. Luttes pour sauver des restes d'acquis keynésiens ou empêcher des réformes liées à la restructuration. Le critère public/privé n'est pas pertinent pour décider que le capital y est plus ou moins aux manettes : pas de positivité révolutionnaire ou anticipant le communisme dans le "service public".

La question initiale était les militants et l'organisation sont-ils produits par les luttes de classes ? La caractéristique générale, depuis quelques années, c’est la tendance à l’auto-organisation, que les luttes soient dures ou molles. Ce qui relève du démocratisme radical tend à produire les formes d’organisation de l’altermondialisme, du citoyennisme, les réseaux convergents, la mise en scène des sommets sociaux… et l’attitude cherchant à prolonger le mouvement social par un débouché politique, « une alternative radicale » institutionnelle de type Etat démocratique… Ce n’est pas « une coquille vide », mais une idéologie qui émerge dans ce cycle du capital. A l'opposé, ce qui relève de l’anticitoyennisme se structure plus ou moins en tendances activistes… Mais dans les deux cas, les luttes s’auto-organisent en dehors des formes partisanes héritées du mouvement ouvrier. Dans la plupart des luttes on peut discerner ces tendances.

En d’autres termes, le couple ancien du mouvement ouvrier social-démocratie / bolchévisme (réformisme/révolution), avec ses marges anarchistes de gauche, com’lib’ ou conseillistes, est remplacé par le couple démocratisme radical, alternativistes / Anti-citoyennistes, révolutionnaires. Il tend à restructurer les positionnements dans les luttes :

Les vieilles orgas, issues du mouvement ouvrier, soit se repositionnent en mutant et abandonnent le « socialisme » (PCF, LCR…), soient se figent sur le « programme » et ses formes (le grand parti ouvrier). Mais en aucun cas ce type d’orga n’est plus ni produit ni reproduit par les luttes actuelles, sauf comme revival, jusqu’à la caricature folklorique (le conseillisme à la Maël Monnier).
Patlotch
 
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