Bonnes feuilles

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Cyrano » 21 Mars 2005, 21:08

Suite à le demande d'un jouvenceau, je mets un extrait d'un texte de Jack London.
Et je n'ai pas triché!
Regardez la date... ça cause de la mondialisation...


“LA QUESTION DU MAXIMUM” 1898 [extraits]
Jack London


Les autels seront désacralisés, mais ils seront les autels des marchés. Des prophètes surgiront, mais ce seront les prophètes des prix et des produits. Des batailles seront engagées, non pour l'honneur et la gloire, mais pour des trônes et des sceptres, pour des dollars et des cents, pour des marchés et des échanges. [...] Les capitaines de guerre seront sous le commandement des capitaines d'industrie. En un mot, ce sera une lutte pour se rendre maître du commerce mondial, et pour obtenir la suprématie industrielle.
Il est plus significatif, ce combat dans lequel nous sommes plongés, pour la raison qu'il est le premier à se livrer à l'échelle mondiale. Aucun mouvement général déclenché par l'homme n'a jamais été aussi étendu, n'a porté aussi loin. [...]
Le monde d'Homère, limité aux côtes de la Méditerranée et de la Mer Noire, était beaucoup plus vaste que notre monde d'aujourd'hui que nous soupesons, mesurons, et calculons avec autant de facilité et d'exactitude que s'il s'agissait d'un ballon d'enfant. La vapeur a rendu toute ses parties accessibles, les a rapprochées considérablement. Le télégraphe annihile l'espace et le temps. Toutes les parties du monde savent ce que n'importe quelle autre partie pense, envisage, ou fait. Une découverte réalisée dans un laboratoire allemand est présentée à San Francisco moins de vingt-quatre heures plus tard. Un livre écrit en Afrique du Sud est publié simultanément dans tous les pays de langue anglaise et le lendemain se trouve entre les mains des traducteurs. La mort d'un missionnaire obscur en Chine ou d'un contrebandier dans les mers du Sud est servie, dans le monde entier, sur le plateau du petit déjeuner. Le production de froment de l'Argentine, d'or du Klondike est connue partout où les hommes se rencontrent et font des affaires. Le rétrécissement, ou la centralisation, est devenu tel que le plus humble employé de n'importe quelle capitale peut tâter le pouls du monde. La planète est devenue, en vérité, très petite : et, pour cette raison, aucun mouvement d'importance vitale ne peut rester cantonné à la région ou au pays où il a pris naissance.
C'est ainsi qu'aujourd'hui l'élan économique et commercial s'exerce à l'échelle du monde entier. C'est une affaire d'importance pour tous les pays. Personne ne peut s'en désintéresser. Sinon, ce serait périr. Cela est devenu une bataille, dont le fruit appartient aux forts et à personne d'autre que les plus forts parmi les forts. [...]
Le mouvement est devenu général. Aujourd'hui une marée toujours croissante de capitaux passe d'un pays à l'autre.
La lutte pour les marchés étrangers n'a jamais été aussi acharnée qu'actuellement. Ils représentent le seul grand exutoire pour les excédents accumulés. Les capitaux avides de fructifier cherchent dans le monde entier où ils pourraient se fixer. [...]
Des puissances surgiront et s'effondreront, des coalitions géantes se formeront et se dissoudront dans le rapide tourbillon des événements. Des nations vassales, des territoires soumis passeront de main en main comme autant de marchandises. Et avec l'inévitable déplacement des centres économiques, on est en droit de supposer que les populations vont de déplacer ça et là, comme elles ont fait autrefois [...].
De colossales entreprises seront projetées et réalisées, des concentrations de capitaux et des fédérations de travailleurs s'effectueront sur une échelle cyclopéenne. Concentration et organisation s'accompliront de façon dont on n'aurait jamais rêvé jusque là. [...]
La succession des siècles a été marquée non seulement par l'ascension de l'homme, mais par celle de l'homme du peuple. Depuis l'esclave, ou le serf attaché à la glèbe jusqu'aux postes supérieurs de la société moderne, il s'est élevé, échelon par échelon, dans l'effritement du droit divin des rois et la chute fracassante des sceptres. Qu'il n'ait fait tout cela que pour devenir l'esclave perpétuel de l'oligarchie industrielle, c'est une chose contre laquelle tout son passé proteste. L'homme du peuple mérite un meilleur avenir, ou alors il n'est pas à la hauteur de son passé.

Jack London. “La question du maximum”, recueil “Yours for the Révolution”. Collection 10/18. 1977. (page 94).

Notes:

“The Question of Maximum” est un texte de Jack London, rédigé en 1898. Le magazine Mc Lure's qui l'avait d'abord accepté (et payé) ne le publia pas. Le texte ne fut finalement publié qu'en 1905, dans un recueil de textes socialistes de Jack London The War of The Classes. Jack London a inséré dans son texte, à l'appui de son analyse, de nombreux chiffres sur l'évolution de la production industrielle et des échanges commerciaux à la fin du XIXe siècle (chiffres non cités dans l'extrait).

L'article de Jack London contient aussi une intuition étonnante sur le Japon qui s'extirpait de son Moyen Age :

« Le Japon, hier à peine sorti du régime médiéval du Shogunat et qui d'un seul coup, s'est emparé des connaissances scientifiques et de la culture de l'Occident, donne déjà la preuve de l'habileté qu'il a acquise dans la production de surplus, et se prépare peut-être à jouer en Asie le rôle joué en Europe par l'Angleterre il y a cent ans. [...] Il est également manifeste qu'on ne pourra l'empêcher de jouer un rôle de premier plan dans le drame industriel qui commence à se jouer sur la scène d'Extrême-Orient. »
Cyrano
 
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