La morale de La Fontaine est-elle réac ?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Ottokar » 14 Avr 2005, 07:55

L'éphéméride d'hier sur l'anniversaire de la mort de La Fontaine m'a laissé un peu songeur. Bien sûr il y a ses petites fables coquines (quoique la morale de la deuxi-ème est bizarre) mais globalement, je le ressens plus comme conformiste et réac.

C'est sans doute le propre des fables, que de colporter la morale traditionnelle : à part évidemment "selon que vous serez puissant ou misérable..." ce qui est dit c'est qu'il ne faut pas viser trop haut ("la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf"), se contenter de son sort, plier pour ne pas rompre, travailler dur ("le laboureur et ses enfants"), épargner plutôt que de dépenser et puis, on est heureux quand on n'a pas d'argent ("le savetier et le financier"), etc.

Devions-nous reprendre cette morale ?
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Message par faupatronim » 14 Avr 2005, 08:52

Il ne faut pas faire d'anachronisme tout de même : La Fontaine écrit au 17ème siècle et tout ce que tu relèves est très loin d'être "conformiste", non seulement pour l'époque dans laquelle il écrit, mais aussi vis à vis du public en mesure de le lire.

a écrit :ce qui est dit c'est qu'il ne faut pas viser trop haut ("la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf"), se contenter de son sort, plier pour ne pas rompre, travailler dur ("le laboureur et ses enfants"), épargner plutôt que de dépenser et puis, on est heureux quand on n'a pas d'argent ("le savetier et le financier"), etc.

Tout cela s'adresse à une aristocratie qui ne travaille pas (et dont l'oisiveté est même érigée en valeur), qui vit par et pour l'apparence, qui méprise le petit peuple.
Je crois qu'il faut voir ses fables ainsi et pas à la lumière de notre société issue d'une révolution bourgeoise qui a renversé la morale à tout ces niveaux.
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Message par Ottokar » 14 Avr 2005, 09:00

Soit, et cela peut se lire aussi à la lumière de son amitié avec Fouquet, rappelée dans l'éphéméride : c'est l'amitié pour quelqu'un qui s'est élevé seul, face ceux qui "se sont donné la peine de naître et puis c'est tout", comme dira Beaumarchais un siècle après.
Il n'empêche que les fables ont été utilisées par l'école bourgeoise -qui ne les a pas apprises ?- et que, lues aujourd'hui, elles véhiculent cette morale "éternelle", c-à-d traditionnelle et finalement réac ! Il faut certes que les gosses apprennent tout, mais je préfère qu'ils vibrent à Prévert plutôt qu'à La Fontaine...
A mon avis, un large bémol s'imposait donc dans l'éphéméride.
Ottokar
 
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Message par faupatronim » 14 Avr 2005, 09:20

(Ottokar @ jeudi 14 avril 2005 à 10:00 a écrit : Il n'empêche que les fables ont été utilisées par l'école bourgeoise -qui ne les a pas apprises ?- et que, lues aujourd'hui, elles véhiculent cette morale "éternelle", c-à-d traditionnelle et finalement réac !

Et bien justement je voulais souligner que la morale n'a rien d'éternel et qu'à son époque La Fontaine est plutôt à ranger dans le camps des "progressistes".

Ensuite la bourgeoisie s'en est servi, c'est certain. Mais peut-on juger des écrits à la seule aune de leur instrumentalisation postérieure ? Que dire alors de Lénine utilisé par Staline ?

Je ne suis pas un spécialiste de La Fontaine mais je suis sûr que, de toute façon, la bourgeoisie pourrait s'enparer de l'ensemble de son oeuvre (tout n'est pas appris à l'école :roll: )
faupatronim
 
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Message par j1v3 » 14 Avr 2005, 09:26

Je suis plutôt d'accord avec Ottokar, ca m'a un peu surpris aussi cette éphéméride... mais bon c'est sur que c'est un boulot monstre (auquel je ne participe pas) l'éphéméride, alors on peut imaginer qu'il y'ai parfois quelques "ratés".
j1v3
 
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Message par quijote » 14 Avr 2005, 11:49

Il y a dans la Fontaine tout un tas d' écrits "érotiques " que l 'on n' apprend pas à l 'école et qui témoignent de son anticonformisme . Bien sûr , ce n 'est pas un révolutionnaire , mais il y a toute une prise de distance par rapport aux pouvoirs en place . Il est très individualiste : c'est un esprit libre qui a voulu faire passer un certain nombre de messages dans ses fables .

Par ailleurs merci aux camarades qui font l 'éphéméride pour leur travail si utile et instructif
quijote
 
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Message par titi » 14 Avr 2005, 12:47

je ne sais pas si ceux ici qui ont des enfants ( :-P ) pourront confirmer, mais les miens ont plus eu à apprendre, en école élémentaire, de poèmes de Prévert que de La Fontaine

et même du brassens, du brel, du lapointe
(bon en ce moment c'est Indochine "j'ai demandé à la lune"...)
titi
 
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Message par Wapi » 14 Avr 2005, 19:21

D'accord avec Zelda, Byrrh, Faupat ... On aurait bien tort de se priver, petits et grands, de tels morceaux de finesse et littérature que sont certaines fables.

A mon avis, la morale dans les fables de la fontaine ne provient pas spécialement de l'aristocratie ni de la bourgeoisie.

N'oublions pas qu'elles furent largement inspirées par celles d'Esope, un écrivain esclave (selon la légende) qui mettait en scène des animaux donnant des leçons aux hommes pour critiquer les moeurs des dominants...

Au passage je ne trouve pas du tout réac "le laboureur et ses enfants"...

Une petite présentation du poète source, sur le site :

http://ysopet.free.fr/

a écrit : 
Esope
Probablement VIIe-VIe siècle av.J.-C.

Fabuliste grec qui, selon la légende, serait un esclave phrygien affranchi. En réalité, on ignore presque tout de lui Certaines traditions le décrivent encore comme un être disgracié, boiteux et bègue (son nom veut dire "pieds difformes"). Esclave de plusieurs maîtres successivement, il aurait voyagé en Afrique et en Orient après avoir été affranchi, et aurait été envoyé dans diverses cités grecques comme émissaire de Crésus. Il serait l'auteur quasi légendaire de courtes fables faisant partie de la tradition orale, ayant pour acteurs des animaux qui donnent des leçons aux hommes. Ces fables, connues des Athéniens dès la fin du Ve s. av. J.-C, recueillies par Démétrios de Phalère, font partie de la culture des peuples indo-européens et représentent sans doute le recueil de fables le plus lu de la littérature. Aux environs de l'ère chrétienne, le poète grec Babrias donna une version en vers des récits ésopiques, probablement aux alentours des Ier et IIe siècles av. J.-C., dont Phèdre s'inspira pour écrire une version en latin (Ier siècle av. J.-C.). Le recueil qui, aujourd'hui porte le nom d'Ésope, est une compilation, en grande part, constituée de paraphrases en prose des fables de Babrias, qui fut établie au XIVe siècle. Ses écrits devaient fortement influencer la littérature d'Occident ; ils inspirèrent les fabulistes du Moyen Âge et, plus tard, Jean de La Fontaine.
                                            --------------
Le recueil qu'Ésope nous laisse comporte environ trois cents brefs récits en prose, souvent accompagnés d’une courte moralité. Au-delà des anecdotes se précise la caractéristique essentielle du genre : le mentir-vrai. Là où la société emprisonne ou tue ceux qui disent la vérité, l’artiste est acculé à la « feinte », au « dire sans dire ». Et quelle meilleure ruse que de faire parler les animaux ? Les puissants du jour sont réduits à l’impuissance, car se fâcher reviendrait à avouer qu’ils se sont reconnus.
Wapi
 
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