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Message Publié : 06 Sep 2005, 01:35
par Puig Antich
Pour introduire sur cette question sur laquelle nous manquons cruellement de documentations, un texte d'un petit groupe gauchiste (le GCI) dont je ne partage absolument pas l'ensemble de la méthodologie, mais qui avait l'avantage d'avoir des militants sur place et de se placer sur le terrain de l'internationalisme.

J'invite ceux qui ont de la documentation, même partielle, sur cette question, à la publier ici ; il faut noter qu'un livre existe, je crois, en kurde, publié par des gens du PCO d'Irak. Avis aux éventuels traducteurs !

Ici : http://www.wpiraq.net/kurdish/shura/shura.htm ; se trouve des photographies des événements et de révolutionnaires tombés alors au combat.

a écrit :    

Défaitisme Révolutionnaire en IRAK



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Dans le précédent numéro de Communisme No.33, nous annoncions notre intention de continuer à centraliser les informations en provenance d'Irak au fur et à mesure que nos camarades présents dans la région réussissaient à nous les faire parvenir. Nous avions relaté les quelques éléments dont nous disposions à ce moment-là, décrivant le défaitisme des prolétaires en Irak (cf. plus particulièrement le chapitre "La situation en Irak" de l'article intitulé "Guerre ou Révolution"). Depuis lors, de nouvelles informations nous sont parvenues en provenance directe de nos camarades, ou par le biais de prolétaires qui ont tenu à faire connaître le plus rapidement possible, et parfois même dans le feu de l'action, le type de situation auquel ils étaient confrontés. L'ensemble de ces informations confirme et renforce en tous points les conclusions auxquelles nous arrivions au terme de notre précédent article: le défaitisme révolutionnaire du prolétariat en Irak a été exemplaire et sa lutte autonome, face à toutes les fractions capitalistes, y compris ses fractions nationalistes et islamistes, fut d'une énorme importance.

Nous allons donc brièvement tenter ici de redonner les principaux éléments qui nous sont parvenus. Nous demandons aux lecteurs d'être indulgents quant au relatif désordre et au caractère partiel et parfois morcelé de la présentation de ces informations. Tenez compte du fait que nous avons reçu ces informations par des voies parfois très indirectes et à partir de communications avec des camarades et des prolétaires, qui, dans certains cas, s'affrontaient à l'Etat les armes à la main.



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Nous avions déjà dit que dès avant le déclenchement de la guerre, d'importantes luttes du prolétariat avaient éclaté contre l'Etat: émeutes de la faim, manifestations contre la guerre, etc. Nous disposons maintenant d'informations complémentaires sur la situation et l'état d'esprit des soldats et des prolétaires en général, avant même les premiers bombardements de la Coalition.

La situation locale au terme de la guerre Iran/Irak, constitue déjà un contexte difficilement maîtrisable par l'Etat. Le contrôle des villes est très difficile. Dix ans de guerre ont littéralement armé la majorité des prolétaires: la région des marais, par exemple, est depuis lors un lieu historique de rencontre pour les déserteurs et autres prolétaires en rupture avec l'Etat. D'autre part, pour le soldat qui s'est battu pendant ces dix années, la soumission à la discipline d'une administration qui lui réclame des impôts, aux injonctions d'un chef de service ou d'un contremaître à l'usine, etc., est très difficilement acceptable. De plus, en glorifiant le soldat de retour du front comme héros national (propagande indispensable pour la poursuite de la guerre), l'Etat encourage indirectement l'insoumission et la résistance à la discipline quotidienne. Il réagit de façon plus ou -moins confuse pour maintenir la paix sociale, mais ne parvient pas à mettre un frein à la désobéissance et à la désorganisation généralisée.


Ainsi, dès le moment où la menace d'une nouvelle guerre se fait de plus en plus précise, la résistance à celle-ci se concrétise de différentes manières: de la réaction passive à l'action violente et armée contre les recruteurs. Les historiques noyaux armés de prolétaires combatifs, qui pendant la guerre Iran/Irak jouèrent un rôle très important, sont ici encore décisifs. Avant et pendant cette guerre-ci, ils assument différents niveaux de direction dans la résistance à l'encadrement militaire. C'est ainsi qu'au moment même où se déroule une résistance passive (le refus de l'enrôlement, le refus d'accepter les ordres des supérieurs, le refus de partir au front --avec l'appui fréquent et manifeste de la famille et des amis--), en de nombreux endroits, cette résistance est transformée, grâce à ces minorités d'avant-garde, en une action militaire consciente d'affrontement aux recruteurs et à tous ceux qui exhibent des galons.


Comme toujours, l'action des minorités les plus décidées à exécuter quelques officiers ne trouve de prime abord aucun appui ouvert de la part des prolétaires soumis à l'uniforme. Malgré la sympathie que ces derniers éprouvent pour ce type d'action, les campagnes de l'Etat contre les défaitistes réussissent encore à imposer le terrorisme d'Etat. Mais peu à peu, la peur disparaît et les exécutions d'officiers augmentent jusqu'à devenir massives. Dans de nombreux cas, les soldats lynchent en masse "leurs propres officiers". On arrive ainsi à une situation de rupture de toute la verticalité nécessaire à la cohérence de l'armée. Les officiers prennent peur, ils perdent le rapport de force. Les soldats font ce qu'ils veulent. Les officiers en sont réduits à s'excuser et à demander pardon. Ils prétendent qu'eux aussi sont contre la guerre et qu'ils ne sont pas responsables de la mobilisation.


La situation au sein de l'armée est devenue tellement chaotique que lorsque la Coalition a déclenché l'offensive militaire, ces mêmes officiers ont arraché les galons de leur uniforme de crainte d'être reconnus et exécutés sur place par la masse des déserteurs. Se présenter avec des galons face à la troupe relevait du suicide.


Dans différents points stratégiques du sud, les noyaux défaitistes vont plus loin encore: ils attaquent les locaux du parti officiel, occupent les dépôts d'aliments et les distribuent aux prolétaires affamés; ils détruisent les locaux de la police secrète et exécutent les agents de l'ordre. Dans les villes de Bassorah, Nassouria et Diwenia, la situation devient insurrectionnelle. Il faut savoir que cette région est un lieu historique de concentration de déserteurs et autres prolétaires en rupture avec l'Etat. Nous avons relaté dans des numéros précédents ("Iran/Irak: Guerre de classe contre guerre impérialiste" in Le Communiste No.20) les offensives militaires que l'Etat en Irak avait lancées sur ces régions des marais, faisant, un an après la guerre avec l'Iran, des milliers de morts. A l'époque, le gouvernement reconnaissait officiellement 10.000 déserteurs cachés dans cette région. Aujourd'hui, il en reconnaît 1 million, dont 55.000 déserteurs armés.


Dans cette région du sud de l'Irak, les insurrections se sont déclenchées au moment de l'offensive terrestre de la Coalition. La situation des prolétaires était de plus en plus intenable à cause des bombardements massifs dans les villes de Bassorah, Amaara, Nasiria, Nadjaf et Karbala... Les minorités organisées ont centralisé ces réactions, et des luttes ont eu lieux autour de toutes ces villes. Contrairement à tout ce qui a été dit à propos du caractère religieux du mouvement, les prolétaires n'ont eu dans leur lutte, aucun égard par rapport à la religion. Nadjaf et Karbala sont, pour les chiites des lieux sacrés, mais l'insurrection n'a rien à voir avec le chiisme, contrairement à tout ce que la presse bourgeoise en a dit. Ainsi, les prolétaires se sont servis des lieux sacrés pour y pendre, dans les lieux de prière, les baassistes qu'ils avaient attrapés. Les mausolées ont été criblés de balles et les prolétaires en colère ont pissé dans les mosquées! Difficile de parler de "fanatisme religieux"!


Pendant l'insurrection de Nadjaf et Nasiria, l'armée de la Coalition était aux portes de ces villes. Ils ont clairement arrêté l'offensive terrestre pour permettre à l'armée irakienne de lancer l'offensive contre le mouvement insurgé. Le débarquement de l'armée irakienne à provoqué la débâcle dans les rangs ouvriers et les déserteurs sont partis en tous sens. Ceux qui essayaient de se réfugier auprès des troupes "alliées" pour leur demander un asile, une aide,... se voyaient répondre: "vous avez soif, on vous donne à boire, et en échange vous déposez les armes"! Ils étaient ensuite renvoyés désarmés dans la ville pour se faire massacrer. Bel exemple de collaboration contre l'insurrection, entre Saddam et la Coalition.


Nous avons également relaté dans Communisme No.33 le processus qui mène de grandes franges du prolétariat du sud à monter en arme sur Bagdad et la réaction immédiate de Saddam Hussein qui rappelle les troupes dont il dispose au Nord, dans le Kurdistan, renforçant par là même la désorganisation de l'Etat sur cette région.


Ainsi sont-ils des milliers à se retrouver dans le nord avec des militants d'autres régions: des turcs venant de Kirkuk, des iraniens ayant fui la guerre et la répression à l'époque des insurrections en Iran,... A cause de la destruction des villes telle que Hallabja, Kharadisa par Saddam il y a quelques années... ils vont se réfugier autour de Sulaymaniya (plus de 70.000 déserteurs se sont retrouvés dans cette région, plus de 70.000 prolétaires qui s'organiseront en groupes radicaux pour l'auto-défense, pour la lutte contre les contrôles étatiques, contre les nationalistes kurdes ou autres). Le mélange de prolétaires de différents horizons, expériences,... déterminera une situation où les nationalistes kurdes auront très peu de poids dans les luttes, leurs mots d'ordre habituels de "libération du peuple kurde", du "droit du peuple kurde",... n'auront que peu d'incidence sur l'insurrection de Sulaymaniya du mois de mars.


Rappelons à ce propos également que pour contrer les importants soulèvements de villes du nord telles Mossoul, Arbil, Kirkouk, Sulaymaniya,... qui se déroulèrent dès le déclenchement de l'offensive terrestre, Saddam Hussein signa des accords de coexistence pacifique avec les nationalistes. Jalal Talabani, leader de l'Union Patriotique du Kurdistan (UPK), puis Massoud Barsani, leader du Parti Démocratique du Kurdistan Irakien (PDKI), annoncèrent publiquement en avril et mai 1991, qu'ils étaient arrivés à un accord avec Saddam Hussein. Et tout récemment encore, Talabani confirmait que pendant la guerre, par "respect national", son groupe s'abstint de toute action pouvant déstabiliser l'Etat, assurant qu'il y eut un respect mutuel des territoires dans lesquels chaque force assurait le monopole de la violence. Nous savons également maintenant que les "Moudjahiddin du peuple" d'Iran participèrent également à ces accords et que leurs troupes de choc furent utilisées contre le prolétariat insurgé.


Dans le nord donc, la lutte prolétarienne se situe d'emblée en dehors et contre les organisations nationalistes d'opposition officielle, telles que l'UPK et le PDKI. Dès le début, l'avant-garde prolétarienne internationaliste et défaitiste, dénonce ces fractions comme participationnistes à la guerre.


En ce qui concerne les luttes qui se sont déroulées dans cette région, outre les informations que nous avons publiées dans notre précédent numéro, nous possédons maintenant plus de renseignements quant au contexte et aux conditions dans lesquels eurent lieu ces affrontements avec l'Etat, et ce plus particulièrement à propos de l'insurrection du mois de mars à Sulaymaniya.


Mais avant d'aborder l'insurrection en mars, nous voudrions compléter une information que nous avons donnée dans notre précédent numéro, à propos d'une manifestation de femmes dans cette même ville, manifestation pendant laquelle 300 femmes furent arrêtées et assassinées plus tard. Lors de cette manifestation une militante originaire d'Iran tenta de s'emparer de l'arme d'un soldat et fut abattue par un autre militaire posté en haut d'une tour. C'est cet événement qui déclenchera la bagarre générale durant la manifestation, et cette militante est devenue, aujourd'hui, un symbole de la lutte des prolétaires contre la guerre, contre l'Etat, un martyre reconnu de tous et représentant l'image des combats de Sulaymanya. Que cette militante soit d'origine iranienne ne compte pas pour les prolétaires en Irak; l'important, c'est ce qu'elle a fait. Ce n'est pas pour raconter une anecdote, que nous relatons ce fait, c'est parce qu'il exprime globalement le contenu anti-nationaliste de l'antagonisme à l'Etat qui surgit d'une lutte où les prolétaires ne marchent plus dans les ornières tracées par l'ensemble des idéologies bourgeoises où l'on tente de les faire s'opposer en tant qu'irakien ou iraniens, kurdes ou chiites,...


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Contrairement à ce qu'affirmèrent toutes les informations quant au caractère complètement spontané de l'insurrection à Sulaymaniya en mars de cette année, il apparait maintenant clairement qu'elle fut le résultat d'un travail organisationnel intense assumé par des minorités d'avant-garde.

Pendant les six mois qui précèdent l'insurrection, l'activité militante des minorités est ardue. Un groupe fait surface: Perspective Communiste, qui publie un journal intitulé "Le Prolétaire", journal qui circule principalement entre les militants. Les liens entre ceux-ci sont très réduits car la répression et le poids des massacres passés pèsent très lourd. Les militants s'organisent dans la clandestinité. Avec le développement des émeutes pendant l'occupation du Koweit, des camarades de Perspective Communiste organisent des débats avec d'autres minorités militantes. D'autre part, des prolétaires s'organisent autour d'un groupe qui s'intitule Shora (qui signifie Conseil). Shora représente plus ou moins 300 militants (d'Irak et d'Iran) qui décident de s'organiser, d'homogénéiser leurs positions, de mettre au point les questions techniques et médicales, de récupérer des armes,...


A Sulaymaniya, ils décident d'attaquer le 8 mars à 13h. Des équipes sont formées qui reçoivent des cibles précises: casernes, polices, sièges de police secrète et de renseignements: "l'Hôtel des nations unies", entrées principales de la ville et alentours de façon à empêcher les nationalistes et les journalistes d'entrer,... Ces dernières décisions sont accueillies avec joie par tous les prolétaires. En effet, depuis quelques temps, la tension était grande, tout le monde attendait qu'il se passe quelques chose. L'armée aussi sentait grandir la haine et la tension, elle prévoyait l'explosion. Mais l'attaque de Sulaymaniya la surprit: la ville fut attaquée partout en même temps.


Nos camarades nous ont communiqué des situations précises dans lesquelles, tel que cela survient dans tout processus insurrectionnel, les groupes d'insurgés internationalistes eux-même furent fréquemment dépassés par l'action de masse de prolétaires stimulés par leurs intérêts et leur haine de classe. C'est ainsi que lorsque les quelques centaines de révolutionnaires armés pénètrent dans Sulaymaniya, ils voient arriver des masses de prolétaires insurgés, les armes à la main, qui les saluent. Leur surprise est plus grande encore de constater que les prolétaires insurgés, sans autre intention que d'imposer leurs intérêts par la violence contre tous les oppresseurs, ne possèdent pas seulement des armes légères mais ont également récupéré des pièces d'artillerie lourde qu'ils se préparent à utiliser contre l'Etat.


Pendant l'attaque de la ville, de plus en plus de prolétaires se joignent au combat. Lorsque les groupes s'emparent de casernes, ils distribuent directement les armes à tous les prolétaires prêts à se battre et leur donnent des directives: attaquer les stocks de lait -qui est rationné- les prisons, libérer les prisonniers,... Tout ce qui porte uniforme est massacré sur le champ sans autre forme de procès.


L'insurrection est particulièrement violente: les prolétaires se vengent des années de massacre et de terrorisme organisés par l'Etat en attaquant ouvertement les forces de la police secrète de Saddam Hussein.


Après deux jours de combats, le "Foyer Hausmann" (cache de la police politique) tombe aux mains des insurgés. La lutte est acharnée, les soldats, très bien entraînés défendent chèrement les lieux et ce n'est que grâce à l'afflux d'un nombre de plus en plus imposant de prolétaires que la victoire est acquise. Les centaines de flics baassites qui se trouvent dans ce bâtiment seront tués.


L'occupation de la ville s'organise, en commençant par la réappropriation de machines, de documents secrets, d'armes,... Ce qui explique les déclarations de quelques dirigeants nationalistes dans des journaux occidentaux:

"Le désordre ne profite à personne, il est indiscutable qu'il y a des provocateurs parmi ceux qui sèment le désordre... ils détruisent tout. Non seulement ils attaquent et tuent des membres de la police secrète de Saddam Hussein, ce qui est compréhensible, mais ils brûlent également toutes les archives policières, les registres de propriété et d'état civil... il est clair que pour nous il y a des agents provocateurs, baassistes, car vous vous rendez bien compte que nous aurons besoin de tout cela plus tard, que toute organisation de l'Etat à besoin de ces archives!"
Ce que ces bourgeois ne comprennent pas, ou mieux dit, ce qu'ils n'ont pas intérêt à admettre, c'est le fait que cette révolte n'a pas pour but la réorganisation de l'Etat et la gestion du capital, ou la libération de la nation, mais que comme toute insurrection prolétarienne importante, elle lutte contre l'Etat lui-même et attaque l'ensemble de ses expressions: militaires, policiers, édifices publics, partis de l'ordre, archives de la Sûreté et de la Propriété.

Lorsque les prolétaires apprennent que des baassistes sont cachés en dehors de la ville dans un parc, ils s'y ruent aux cris de:


"Vive Shora, abolition de l'Etat!"



"Nous voulons les soviets!"

Les mots d'ordre favorables à "l'autonomie kurde" sont quasi inexistants. Les prolétaires qui tentent de s'organiser en milices empêchent les Peshmergas (combattants des organisations nationalistes) d'entrer à Sulaymaniya. Il est clair pour tous les insurgés que les nationalistes et Saddam sont main dans la main.

Les nationalistes vont alors à Kirkouk pour prendre le contrôle la ville. Ils arrivent les premiers, suivis de très près par les militants de Shora, armés jusqu'aux dents. A Kirkouk, l'UPK et le PDKI sont majoritaires; forts de ce rapport de force en leur faveur, ils se battent contre le gouvernement et contre Shora.


L'accord entre Saddam et les nationalistes pour mâter la rébellion, prévoit le renvoi des "arabes" (les déserteurs venus du sud et qui ont participé aux insurrections du nord) dans "leur" région ainsi que la lutte pour l'autonomie du Kurdistan.


Après les insurrections, la "Radio Libre du Kurdistan" émet tous les jours des menaces d'exécution contre tous ceux qui se trouvent en possession de tracts de Shora ou d'armes.


La communauté de lutte unissant pratiquement Perspective Communiste et Shora comprend néanmoins des désaccords de positions dont on n'a guère de détails. Ces désaccords et cette rupture vont démobiliser et éloigner un grand nombre des prolétaires sympathisants. Pourtant, les militants des deux groupes resteront solidaires face à la répression des nationalistes.


Très brièvement résumé, Shora se définit comme un groupe prolétarien internationaliste, opposé aux nationalistes kurdes ou autres; il se bat pour renforcer le mouvement révolutionnaire, non seulement en Irak, mais partout dans le monde. Il définit le Capital comme un rapport social mondial qui ne peut donc être supprimé que mondialement, par une révolution mondiale.


Après les insurrections, le mouvement est retombé quelque peu et Shora est passé à la clandestinité pour ne pas être massacré.


L'armée et les nationalistes reprennent Sulaymaniya mi-avril. L'alliance du gouvernement et des nationalistes est parfaite: les nationalistes dénoncent les militants de Shora à l'Etat et donnent toutes les informations qu'ils détiennent: noms, adresses, activités...


Shora appelle alors à dénoncer les nationalistes partout dans le monde. Ceux-ci organisent des campagnes radiophoniques clamant qu'ils ont libéré le Kurdistan, que les villes ont été libérées grâce à l'UPK et au PDKI, qu'il faut suivre l'exemple et nettoyer la ville des anarchistes, fauteurs de troubles,... Les 30 et 31 mai, il y a encore eu des émeutes à Sulaymaniya. Des pillages sont organisés et nombreux sont les soldats qui lâchent leurs armes de peur d'être massacrés. Les forces gouvernementales et les nationalistes appellent du renfort. Pourtant, malgré la haine envers les nationalistes, les prolétaires ne les tuent pas, l'UPK peut donc se permettre de tirer sur toute personne qui sortirait de chez elle après 19h. Cette organisation reste donc maintenant maître de la situation.


A Kirkouk, Rania et Arbil d'importants soulèvements prolétariens ont également eut lieu. Le rôle des déserteurs et des groupes minoritaires armés y est également important. Ces minorités, qui se définissent explicitement contre toutes les fractions bourgeoises (gouvernementales et nationalistes), se sont concentrées et entraînées dans les régions de Karadakh Kawkaman. L'affrontement entre nationalistes et internationalistes est clair et ouvert. Les camarades internationalistes savent que la défaite est synonyme de massacre et que les milices nationalistes agissent sans pitié.


A Bagdad même, avant les premiers bombardements, tout le monde s'était préparé à s'enfuir notamment grâce à un véritable trafic de faux laissez-passer et l'organisation de planques, de lieux de retraite,... Tous avaient organisé leur désertion avant même que soit lâchée la première bombe sur Bagdad: les simples soldats, mais aussi certains officiers qui arrachaient leurs galons et étaient parfois les premiers à partir. La caserne la plus grande de Bagdad s'est ainsi vidée en moins de deux dès les premiers obus, et aucun coup de feu pour défendre ces casernes n'y a été entendu. Il y a eu des affrontements, des désertions, des exécutions d'officiers. Des soldats et d'autres prolétaires insurgés constituent des corps de choc armés pour se battre contre les forces baassistes et parviennent, pendant la guerre, à contrôler deux quartiers de la ville: Althaoura et al Shïela. A l'intérieur de Bagdad, ces quartiers constituent des pôles d'attraction pour l'extension de la désertion: des centaines de soldats (originaires d'autres régions du pays) s'échappent des principales casernes de Bagdad et rejoignent des quartiers où ils reçoivent un appui total leur permettant de retourner dans leur région d'origine: repos, habits civils, nourriture,...


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Affirmer que, pendant la guerre du Golfe, la Coalition ne bombarda que des objectifs militaires et seulement "collatéralement" des objectifs civils relève du plus pur mensonge. Alors de deux choses l'une: ou bien le mensonge concernant la force et la puissance technologiques de la Coalition était encore plus grand que ce que nous croyions et dénoncions dans le précédent numéro de Communisme; ou bien les bombardements n'eurent jamais comme cibles des objectifs militaires. Nous savons aujourd'hui, grâce à des camarades internationalistes d'Irak, que 80% des bombardements ont été effectués sur des objectifs civils. Nous savons également que les installations militaires irakiennes sont pratiquement intactes et que les centres de fabrication chimique ou d'expérimentation des armes nucléaires n'ont pas été touchés. Au terme de la guerre, Bagdad a la même capacité de produire des armes chimiques et de construire des armes nucléaires qu'auparavant.

Quant aux sanglants combats dans lesquels s'affrontèrent les "héros" de la Coalition et les soldats de la Garde Républicaine, il s'agit là encore d'un mensonge intégral. Seuls 5% de la Garde Républicaine furent victimes de la guerre; la destruction de ce corps de choc de l'Etat assumée par la lutte prolétarienne fut beaucoup plus importante que celle effectuée par la totalité de l'offensive de la Coalition.


Comme il fallait s'y attendre, le maintien de l'ordre bourgeois fut beaucoup plus préoccupant et déterminant pour la Coalition que ses contradictions avec Saddam "le maudit". Aujourd'hui encore (juillet '91), les troupes de choc de l'Etat irakien jouent un rôle essentiel dans la région. Il n'y a pas de doute qu'au-delà des désirs de liquider Saddam, le Pentagone, et en général les forces les plus puissantes du capitalisme international, considèrent le parti Baas comme un bon garant de l'ordre dans la région (ce qui n'exclut pas, bien au contraire, des alliances avec les nationalistes et les religieux). Il est clair que tant la décision de ne jamais attaquer les secteurs décisifs de la Garde Républicaine que celle d'arrêter la guerre furent motivées par l'impérieuse nécessité d'une force locale capable de garantir la paix sociale.


Les médias eux-mêmes ont diffusé des images où l'on voit cette scène, surréaliste de leur point de vue, de marines nord-américains protégeant les soldats et les Gardes Républicains contre la colère et la subversion prolétariennes.


De la même manière, les missions humanitaires consistent fondamentalement en une action concertée pour désarmer le prolétariat. Dans les camps, l'ONU travaille avec les nationalistes et rien ne se fait sans leur accord. On ne donne de la nourriture qu'à ceux qui remettent leur fusil! Les nationalistes font des appels incessants à la radio. Sur un ton à la fois menaçant et rassurant, ils appellent les militants recherchés, par leur nom, affirment connaître l'endroit où ils se cachent et les enjoignent de se rendre; ils leur promettent l'amnistie et s'engagent à leur donner de la nourriture en échange de leurs armes... L'aide "humanitaire" est ainsi uniquement vendue à ceux qui sont prêts à accepter la discipline de l'Etat, la soumission à l'ordre,... Les forces de la Coalition les récompensent alors d'un peu de pain et d'attention médicale.


Ni le gouvernement, ni les nationalistes, ni les forces de la Coalition ne parvenaient à contrôler la situation. C'est clairement pour cette raison qu'ils ont dû s'allier. Le gouvernement a lancé plusieurs patrouilles dans chaque ville du nord avec pour consigne de découvrir les prolétaires venant du sud et de les y renvoyer. Mais la tension est si grande que les soldats lâchent leurs armes et clament leur solidarité à chaque fois qu'un prolétaire refuse de leur montrer sa carte d'identité.


Par ignorance et/ou en conséquence de l'action délibérée de désinformation, on identifie les masses de prolétaires insurgés dans le nord au nationalisme kurde, et celle du sud à l'islamisme de l'Etat iranien.


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Extrait d'un tract diffusé par nos camarades dans la région.


"... Sans le rôle anti-prolétarien des nationalistes kurdes et des autres oppositions démocrates, les prolétaires insurgés auraient aujourd'hui réglé leur compte, non seulement à Saddam mais également à l'Irak; ils auraient menacé toute la région par l'extension de leur action déterminée et révolutionnaire et leur désir d'en finir avec la société d'exploitation capitaliste.

... La défaite d'une fraction bourgeoise dans la guerre dépend non pas du fait que l'autre camp soit plus fort, mais essentiellement du manque d'enthousiasme des prolétaires révolutionnaires à défendre la nation et "leur" bourgeoisie ainsi que de leur volonté de trahir la patrie;


... En Irak, les prolétaires n'ont pas seulement refusé d'accomplir le devoir de défense de la nation, ils ont utilisé leurs armes contre l'Etat ainsi que contre toutes les forces armées d'opposition (la lutte des militants internationalistes dans le nord contre les nationalistes!)...


DETRUISONS L'ETAT CAPITALISTE !



LUTTONS CONTRE L'AUTONOMIE DU KURDISTAN ET LA DEMOCRATIE EN IRAK !



FAISONS DES MOSQUEES ET DES EGLISES, LES TOMBES DES ORGANISATIONS RELIGIEUSES!

Renforçons l'unité et l'organisation de notre mouvement communiste internationaliste, comme objectif fondamental dans la lutte contre le capitalisme.

Avril 1991 - Groupe Communiste Internationaliste.


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Sans sous-estimer la puissance idéologique répressive de ces idéologies ni celle des forces nationalistes et religieuses, nous insistons sur le fait que toutes les luttes décrites ici se sont organisées en dehors et contre ces forces, qui, comme on l'a vu, n'ont jamais appelé à la lutte contre l'Etat et ont au contraire clairement constitué un de ses plus sûrs défenseurs.

Dans le nord, nous avons vu que l'opposition entre les nationalistes et les insurgés a mené à l'affrontement armé et que pendant et après la guerre, toute lutte sérieuse contre celle-ci s'est heurtée à l'union de la Garde Républicaine et des milices nationalistes.


Dans le sud, là où la lutte contre la guerre fut sans doute plus générale, massive et violente mais moins organisée que dans le nord, les islamistes pro-Iran, ont eu beaucoup moins de poids que ce qu'en ont dit les médias. Si les insurrections dans les régions des marais avaient été partisanes de l'Etat d'Iran, il y a longtemps que la masse de prolétaires incontrôlés qui existe dans cette zone depuis des temps immémoriaux se serait unanimement réfugiée sur le territoire iranien. Or aujourd'hui, il y a quelques 55.000 personnes en arme dans cette région qui n'acceptent aucun embrigadement du Capital, ni celui-ci, ni aucun autre. L'ensemble des nouvelles en provenance de cette région confirme l'existence de l'affrontement permanent entre les prolétaires "insoumis" et les islamistes.


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Pour terminer, nous voulons insister sur l'importance pour le prolétariat mondial de ce qui se joue pour l'instant en Irak et nous voulons répercuter en même temps l'appel international que nous font les camarades de la région.

Selon des informations que nous avons récemment reçues, malgré l'unité de toutes les fractions du Capital (baassistes, coalition, nationalistes, religieux,...) pour écraser le prolétariat, la lutte continue avec beaucoup d'intensité.


Les nationalistes font tout leur possible pour imposer l'ordre bourgeois mais la désorganisation et la désobéissance sont générales. Le fait même qu'il n'y ait pas de travail et que toutes les règles imposées par l'Etat aient été remises en question par le prolétariat, rend très difficile le travail de ceux qui veulent rétablir l'ordre bourgeois.


La politisation est énorme. On discute partout de "ce qu'il faut faire". Toutes les organisations politiques classiques éclatent. Des fractions, des groupes et des dizaines de nouvelles organisations se créent. Rien qu'à Sulaymaniya, des camarades nous ont dit avoir compté, pendant le mouvement, 36 sièges d'organisations différentes.


De leur côté, les forces répressives de l'Etat, loin de la fureur prolétarienne, se réorganisent. Avec l'appui de la Coalition, la Garde Républicaine et les milices nationalistes reconstituent leurs forces et préparent un nouveau massacre.


Nos camarades nous communiquent, dans un document qui nous est parvenu, qu'ils ont de nombreux blessés dans leurs rangs, qu'ils sont menacés par les nationalistes et en danger de mort. Ils nous demandent de répercuter leur appel à la solidarité dans le monde.


Il est clair qu'aussi exemplaire que puisse être la lutte du prolétariat de la région, étant donné l'isolement et la faiblesse de l'action autonome du prolétariat dans les autres parties du monde, le rapport de force nous est défavorable. Seule l'action internationale du prolétariat contre "sa propre bourgeoisie" peut apporter une véritable solidarité à nos camarades sur ce front de la bataille.


Nous appelons donc à redoubler les efforts de solidarité avec le prolétariat en Irak. Nous appelons plus que jamais à faire connaître ce qui se passe dans cette région, en diffusant nos matériaux ainsi que toutes les informations qui proviennent des camarades internationalistes de la région. Nous appelons à dénoncer partout dans le monde (parce qu'ils sont présents partout dans le monde!) le rôle criminel et complice de Saddam Hussein, des nationalistes kurdes du PDKI et de l'UPK, des islamistes de tout type et des troupes internationales de la Coalition.


CAMARADES! L'OPPOSITION ENTRE LES CLASSES EST LA MEME LA OU TU TE TROUVES; LORSQUE TU AS FACE A TOI UN NATIONALISTE (KURDE,IRAKIEN, OU QUELQU'IL SOIT), N'OUBLIE PAS QU'IL S'AGIT DU MEME ENNEMI QUE CELUI QU'AFFRONTE TON FRERE PROLETAIRE EN IRAK!


Le texte que nous publions ici et l'appel que nous formulons est en continuité directe avec le travail que notre groupe réalise depuis des années dans la région Iran/Irak, ainsi qu'avec la réunion internationale que nous avons organisée il y a deux ans à Berne. Ce texte prolonge également l'ensemble des tentatives que les communistes internationalistes font pour fortifier et centraliser la communauté de lutte du prolétariat contre le capitalisme mondial.


Lors de la présentation de la réunion de Berne (Cf. l'annexe intitulée "A propos d'une réunion internationale de travail" in Communisme No.29), nous formulions un appel concret dans le même sens qu'aujourd'hui. Nous appelions à envoyer des informations, des prises de positions, des contributions matérielles,... pour tenter de centraliser l'action communiste au niveau le plus large possible. Aujourd'hui, alors que des camarades sont menacés de mort, nous réitérons cet appel avec plus de force que jamais.


Nous tenons néanmoins à signaler que la boite postale et le compte courant que nous avions ouvert en grande Bretagne après la réunion de Berne sont resté pratiquement sans effet, et nous appelons les camarades qui ont des contributions ou des propositions pour centraliser l'action communiste, à entrer si possible en contact direct avec les militants du Groupe Communiste Internationaliste dans les pays où ils sont présents. Si cela n'était pas possible, qu'ils envoient leurs contributions à l'adresse centrale du groupe en Belgique.


Contre le capitalisme et ses guerres,



Contre le nationalisme et tous ses Etats,



Luttons aux côtés du prolétariat défaitiste révolutionnaire d'Irak,



Pour la révolution communiste mondiale!



Communisme No.34