Nationalisme = chauvinisme ?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par stef » 25 Oct 2002, 00:26

Réponse à Ianovka (partie I),

Je pense que les textes que tu cites sont utiles - tu n'alourdis pas le débat, tu l'enrichis. Ceci étant, je ne suis pas sûr que ces citations soient les plus appropriées de ton point de vue....

Réglons d'abord, un quiproquo. Tu écris "l'indépendance d'un état arriéré est à moitie fictive (...) ça ne doit surtout pas être une revendication exclusive des révolutionnaires ". Je crois l'avoir écrit : pour moi, une politique marxiste en Palestine est fondée sur 3 axes : République palestinienne, gouvernement ouvrier-paysan, Etats-Unis socialistes du Moyen-Orient. Donc nous sommes d'accord.

Au passage, je note que la IV "soutient inconditionnellement la lutte de la Chine ou de l'Inde pour l'indépendance nationale, car dans cette lutte, (...), ils portent des coups sévères aux Etats impéria­listes." Ce qui est évident dans le cas palestinien. Oui, en Palestine nous sommes nationaliste. Mais au sens communiste du terme.

Là où tu me sembles glisser est quand tu te prononces pour "mettre en garde contre une unité nationale qui ne servirait que la bourgeoisie pour imposer sa domination". C'est plus complexe : accords pratiques, oui, généraux, non.

:trotsky: avait été confronté à la question plusieurs fois. Voici comment il posait la question vis à vis de l'APRA, l'organisation nationaliste petite bourgeoise péruvienne, très similaire à l'OLP :
"Je pense qu'il est possible et souhaitable de conclure des accords avec les apristes en vue de tâches pratiques déterminées, à la condition de préserver notre totale indépendance d'organisation."
Source : http://marxists.org/francais/trotsky/oeuvr.../lt19380923.htm

Ce qui était généralisé dans "l'I.C. après Lénine" où il dit pour la Chine :
"L'unique " condition " de tout accord avec la bourgeoisie, accord séparé, pratique, limité à des mesures définies et adapté à chaque cas, consiste à ne pas mélanger les organisations et les drapeaux, ni directement ni indirectement, ni pour un jour ni pour une heure, à distinguer le rouge du bleu, et à ne jamais croire que la bourgeoisie soit capable de mener une lutte réelle contre l'impérialisme et de ne pas faire obstacle aux ouvriers et aux paysans ou qu'elle soit disposée à le faire. "

Mais après avoir précisé :
"Peut-être, ici, s'agit-il d'ententes circonstancielles strictement pratiques ? Il est évident que nous ne pouvons, pour l'avenir, renoncer à de tels accords, rigoureusement limités et servant chaque fois un but clairement défini. C'est le cas par exemple quand il s'agit d'une entente avec des étudiants du Kuomintang pour l'organisation d'une manifestation anti-impérialiste, ou bien de secours versés par des marchands chinois aux grévistes d'une concession étrangère. De tels phénomènes ne sont nullement à exclure dans l'avenir, même en Chine. "
Source : http://www.marxists.org/francais/trotsky/l...cal/ical23.html

Autrement dit, pour lui, des accords épisodiques avec le Fatah ne seraient pas à exclure. Seulement épisodiques.

Pourquoi ? Prenons la Palestine.
L'OLP n'est pas née par hasard. Elle est née de ce que la domination impérialiste sur le pays interdit tout avenir à la bourgeoisie palestinienne. D'où sa tentative de déserrer l'étreinte (phénomène d'ailleurs classique : cf le Vénézuela de Chavez).
Donc la bourgeoisie et la petite bourgeoisie sont face à une contradiction : autoliquidation sous la férule impérialiste ou autoliquidation par le gvt ouvrier-paysan. Ce qui explique le caractère bordélique de leur politique, les va et vient.
Et d'où le fait que sans se faire d'illusions, on ne puisse exclure des acccords sur des points déterminés. Des tk palestiniens auraient pu collaborer avec le Fatah de Marghouti pour libérer Jénine, p. ex., etc. Je n'ai rien contre un front avec eux pour exiger sa libération en France non plus, etc. Par contre, pas d'accord programmatique. Parce que 1/ nos objectifs diffèrent à long terme 2/ Nous savons qu'ils ne sont même pas capables de même réaliser l'indépendance - comme ils l'ont montré en signant Oslo. Ils cèdent forcément face à la pression impérialiste.

:bounce:
stef
 
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Message par stef » 25 Oct 2002, 00:55

Réponse à Ianovka (II)

Tu te prononces contre "dresser des cloisons étanches entre Palestiniens et Israëliens", "priver la classe ouvrière palistinienne de l'appui inestimable que serait la classe ouvrière Israëlienne dans leur combat. C'est la politique de l'OLP et de tous les groupes religieux palestiniens, ça ne doit pas être la politique des trotskystes !"

Emman, qui est plus réaliste - sans doute son voyage là bas l'a-t-elle aidé - amende en disant que la "classe ouvrière " "pourrait être" un appui inestimable.

Le souci me semble juste, pas la réponse que tu y apportes.

Il est bien évident que sur le terrain militaire, les palestiniens n'ont pas une chance. L'issue est politique, elle dépend du mvt ouvrier international. C'est pourquoi l'action en solidarité avec eux est cruciale ici comme ailleurs.

Mais il n'en demeure pas moins que le soutien à la revendication de la liberté pour TOUTE la Palestine doit être absolu. Comme tu le cites : "Le prolétariat révolutionnaire du monde entier soutient inconditionnellement la lutte de la Chine ou de l'Inde pour l'indépendance nationale, car (...) ils portent des coups sévères aux Etats impéria­listes. "

Passons à la fameuse classe ouvrirère palestinienne, dont je note qu'elle ne dispose ni de parti ni même de syndicat authentiquement ouvrier. Il est un fait, c'est que même les mvts qui ont existé à une autre époque ("la paix maintenant") ont disparu. Pourquoi ? Parce qu'ils butent sur le fait incontournable qu'il n'y a de pacification possible que par la destruction de l'Etat sioniste ou l'expulsion des palestiniens (qui se répare peu à peu). Il n'y a pas de marge. Et on ne peut qu'en tenir compte, d'autant plus que pour tous les israeliens, y compris ceux du bas de l'échelle, la fin de l'Etat sioniste, c'est la fin de leurs privilèges. Comment l'ignorer ?

Miser sur la "solidarité des travailleurs israeliens" (au-delà d'individualités) me semble donc irréaliste (cf la décolonisation algérienne, ou d'Afrique du Sud.).

Ceci étant, je partage le souci consistant à ne pas surfer sur un mot d'ordre du type "les juifs à la mer". D'où ma formulation de République palestinienne acceuillante pour les juifs qui le désirent. Procéder autrement, serait effectivement de la provocation, n'aboutirait qu'à isoler un peu plus les palestiniens.
stef
 
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Message par pelon » 25 Oct 2002, 08:57

Tu veux dire, je suppose, " fameuse classe ouvrière israelienne".
pelon
 
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Message par emman » 25 Oct 2002, 09:14

a écrit :Tu te prononces contre "dresser des cloisons étanches entre Palestiniens et Israëliens", "priver la classe ouvrière palistinienne de l'appui inestimable que serait la classe ouvrière Israëlienne dans leur combat. C'est la politique de l'OLP et de tous les groupes religieux palestiniens, ça ne doit pas être la politique des trotskystes !"

Emman, qui est plus réaliste - sans doute son voyage là bas l'a-t-elle aidé - amende en disant que la "classe ouvrière " "pourrait être" un appui inestimable.

Le souci me semble juste, pas la réponse que tu y apportes.

Il est bien évident que sur le terrain militaire, les palestiniens n'ont pas une chance. L'issue est politique, elle dépend du mvt ouvrier international. C'est pourquoi l'action en solidarité avec eux est cruciale ici comme ailleurs.

Mais il n'en demeure pas moins que le soutien à la revendication de la liberté pour TOUTE la Palestine doit être absolu. Comme tu le cites : "Le prolétariat révolutionnaire du monde entier soutient inconditionnellement la lutte de la Chine ou de l'Inde pour l'indépendance nationale, car (...) ils portent des coups sévères aux Etats impéria­listes. "

Passons à la fameuse classe ouvrirère palestinienne, dont je note qu'elle ne dispose ni de parti ni même de syndicat authentiquement ouvrier. Il est un fait, c'est que même les mvts qui ont existé à une autre époque ("la paix maintenant") ont disparu. Pourquoi ? Parce qu'ils butent sur le fait incontournable qu'il n'y a de pacification possible que par la destruction de l'Etat sioniste ou l'expulsion des palestiniens (qui se répare peu à peu). Il n'y a pas de marge. Et on ne peut qu'en tenir compte, d'autant plus que pour tous les israeliens, y compris ceux du bas de l'échelle, la fin de l'Etat sioniste, c'est la fin de leurs privilèges. Comment l'ignorer ?

Miser sur la "solidarité des travailleurs israeliens" (au-delà d'individualités) me semble donc irréaliste (cf la décolonisation algérienne, ou d'Afrique du Sud.).



Bon juste pour info, Stef, parce que ça fait plusieurs fois, même si ça me dérange pas plus que ça, Emman, c'est "il". :smile:

Pour le reste je comprends pas ta position sur la classe ouvrière israelienne (je pense que c'est ce dont tu voulais parler quand tu écrit "la fameuse classe ouvrière palestinienne"). Tu donnes l'impression, de même que Wolf, de vouloir nier son existence.
En quoi un ouvrier Israelien travaillant dans une usine israelienne serait différent d'un ouvrier européen ou d'Amérique du Nord ?
Parce qu'Israel est un etat colonial, il ne subirait pas l'exploitation capitaliste ?
La classe ouvrière israelienne à des privilèges ? Mais comme une bonne partie de la classe ouvrière des pays dit développés (en comparaison à celles des autres pays) qui bénéficie de quelques miettes que les capitalistes veulent bien céder de leur pillage de tout le reste de la planète. N'en est-elle pas pour autant exploitée ?

Le mot d'ordre "prolétaires de tous les pays unissez-vous" :marx: ne dit rien d'autre que les prolétaires quelque soit leur pays ont les même intérets, parce qu'ils subissent, même à des degrés divers, l'exploitation sans frontière de la classe capitaliste.
Le fait que la classe ouvrière soit embrigadée dans le maintien du système ne le rend pas moins d'actualité.
emman
 
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Message par pelon » 25 Oct 2002, 09:31

Franchement, les amis, je suis d'accord avec Pelon: discuter de manière abstraite, interpréter sa citation de trotsky en dehors de tout contexte ne mène à rien.

Le marxisme, ce ne sont pas des principes abstraits suspendus dans les airs. Les questions théoriques sont bien sûr primordiales, mais on ne peut les saisir que dans une situation concrète.

Il me semble par exemple que la discussion sur la palestine était plus riche que celle ci.

mais bon, je dis ça pour dire quelque chose, faites comme vous voulez :blink:
pelon
 
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Message par com_71 » 25 Oct 2002, 10:36

Oui, soyons concrets. ;)
Dans cette discussion il a été cité plusieurs fois les exemples de l'Algérie et de l'Afrique du Sud.
L'Algérie est un exemple d'une certaine démission du mouvement trotskyste. La majorité des organisations présentes en France a renoncé implicitement à participer à la construction d'un parti révolutionnaire en Algérie en parant les nationalistes du FLN (ou du MNA) de vertus socialistes sans rapport avec la réalité.
Le soutien pratique aux nationalistes (qui fait maintenant la fierté de la LCR) n'était, pratiqué ainsi et quel que soit le courage des militants, pas un "devoir internationaliste" mais une capitulation politique.
Pour en revenir à l'attitude respective des nationalistes et celle (bien virtuelle malheureusement) des internationalistes en Algérie, il est de fait que le FLN ne s'est jamais adressé à la population travailleuse d'origine européenne. La pratique des attentats représentait bien souvent le contraire.
A la fin de la guerre les travailleurs pieds-noirs votaient majoritairement à gauche (PC et PS) ce qui, malgré la politique de ces organisations représentait quand même quelque chose, mais l'OAS a pu les utiliser comme masse de manoeuvre sans que le FLN n'essaie de s'y opposer.
Une direction internationaliste des masses en lutte aurait du promettre protection et appui aux européens opposés à l'impérialisme français ou à l'OAS (qui pratiquait des attentats contre ses opposants). Il y aurait eu à mener toute une politique visant explicitement au maintien d'une grande partie de la population pied-noire dans l'Algérie libérée, et cela passait par la reconnaissance à cette population de tous les droits démocratiques et nationaux, si naturellement elle ne soutenait pas la perennité de la présence, militaire ou non, de l'impérialisme.
Il aurait fallu disputer la direction de la lutte aux nationalistes qui visait consciemment à l'établissement d'un état bourgeois. S'adresser aux pieds-noirs, lutter contre la politique d'attentats aveugles, lutter contre les méthodes expéditives du FLN contre ses propres opposants, refuser son aventurisme (le 17 octobre 1961 les manifestants algériens ont été massacrés par la police, mais aussi manoeuvrés, utilisés, par la direction du FLN qui avait imposé une manifestation désarmée...) tout cela au nom de l'émancipation des travailleurs.
Ce n'est certainement pas une tâche facile, elle n'a pas été accomplie en Algérie. En Palestine les forces des internationalistes sont certainement bien faibles, mais ce n'est pas les aider que de renoncer à l'avance à l'internationalisme prolétarien, en camouflant ce renoncement en soutien critique des nationalistes bourgeois, toujours plus soutien que critique.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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