par stef » 23 Oct 2002, 00:24
Et pour COM 71, voici un article du Monde qui permettra peut-être de comprendre ce qu'est la colonisation au quotidien et pourquoi je suis pour l'expropriation :
La présence de pacifistes israéliens n'y a rien changé. Selon un rituel quasi quotidien, des dizaines de colons juifs des environs de Naplouse, en Cisjordanie, ont attaqué, samedi 19 octobre, des paysans palestiniens qui tentaient de récolter leurs olives dans les champs de la commune d'Akraba. Dimanche 6 octobre, l'un de ces raids armés a coûté la vie à Hani Abdallah Bani Mania. Alors qu'il courait se mettre à l'abri des tirs dans un creux du chemin qui mène au village, ce jeune homme de 24 ans a été tué d'une balle dans le dos. Il est tombé au milieu des oliviers qui habillent le paysage aride de cette vallée agricole. Sur la colline opposée, un mirador défend les premières maisons de la colonie d'Itamar, l'une des plus radicales de la Cisjordanie, cible d'attaques palestiniennes ces derniers mois.
"C'est de là qu'ils sont descendus, témoigne Fouad Wadee, le cousin de la victime, qui, avec une vingtaine d'autres cueilleurs d'olives, dont des femmes et des enfants, a assisté à l'agression mortelle. On n'a pas fait attention au bruit des colons ; c'est seulement quand ils ont commencé à tirer que l'on a réalisé ce qui se passait." Deux autres hommes ont été blessés. L'un a perdu un œil. "On a toujours eu des problèmes avec les colons d'Itamar, mais c'est la première année que l'on atteint cette violence,constate Ghaleb Mayadmeh, le maire de cette commune de 7 500 habitants. L'an dernier, ils avaient déraciné un millier de nos oliviers et empoisonné deux cents de nos moutons. Mais surtout, ils veulent par tous les moyens confisquer notre terre."
Chaque année, partout en Cisjordanie, la cueillette des olives exacerbe les tensions. Les intimidations violentes et répétées des colons obligent les agriculteurs palestiniens à laisser en friche une partie de leurs terres. "Entre ici et Naplouse, sur 20 kilomètres, les champs qui bordent la route sont abandonnés, car ils sont trop exposés aux descentes des colons", explique Zaher.
Incapables de résister plus longtemps à ces actes de terreur, les villageois du hameau de Yanoun, niché en contrebas des miradors d'Itamar, ont jeté l'éponge. Samedi 19 octobre, la moitié des 150 habitants qui y vivaient encore ont abandonné leurs biens et rejoint Akraba. Seule une poignée d'entre eux, soutenus par des pacifistes israéliens de Taayouch, occupent les lieux. Commentant ce départ forcé, le premier depuis longtemps, le négociateur palestinien Saëb Erakat a accusé le gouvernement israélien de "mener une épuration ethnique avec la complicité des colons".
Sinistré et isolé comme la plupart des villages de Cisjordanie depuis deux ans, Akraba dépend en grande partie de sa production d'huile d'olive. "Avant l'Intifada, 30 % des familles vivaient de l'agriculture et 50 % des hommes travaillaient en Israël, explique le maire. Aujourd'hui, ces chômeurs reviennent à la terre. Mais le commerce est au point mort. Sur les 100 000 litres produits en 2001, 20 000 sont encore stockés au village."La récolte 2002 risque de connaître le même sort.
BASTONNADE EN RÈGLE
Malgré la terreur que font régner les colons, beaucoup. de familles palestiniennes n'ont pas le choix et viennent aux champs la peur au ventre. "Je regarde toutes les cinq minutes la route en contrebas, pour vérifier qu'ils n'arrivent pas", témoigne un cousin de la famille Bani Mania, qui remplit des sacs d'olives. A la tâche depuis 6 heures du matin, deux femmes, perchées sur un escabeau, détachent les fruits à la main tout en surveillant de jeunes enfants. Tous espèrent achever sans problème la récolte de leurs vingt-cinq oliviers quotidiens.
Pour Inbessat Ahmad, une veuve de 45 ans, et son fils Salim, 19 ans, la cueillette de cette année a failli être fatale. La veille de la mort de Hani, les colons s'étaient livrés à une bastonnade en règle dans un autre champ d'Akraba. "Ils ont frappé Salim avec la crosse de leur fusil, puis ils ont voulu lui fracasser la tête avec une pierre."Couché sous une couette d'enfant, Salim a encore le visage tuméfié. "Dès que possible, nous retournerons aux champs. Les olives sont notre seule source de revenus, et nous ne pouvons pas laisser les Israéliens nous prendre notre terre", explique sa mère. La résistance passive, telle est la défense adoptée par les villageois, qui, malgré ces incidents répétés, n'envisagent pas de porter plainte. "La réponse n'est pas légale, elle est politique, insiste le maire. Les colons vivent sur nos terres illégalement."
Après le meurtre de Hani, des colons ont été interrogés quelques heures. La police israélienne a enregistré leur déclaration attestant qu'ils avaient agi en état de légitime défense. Ce week-end, un député travailliste a accusé la police de renoncer délibérément à poursuivre les fauteurs de troubles.
Stéphanie Le Bars