Survivance des courants non trotskistes ?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par clavez » 23 Mars 2006, 16:12

J'ai toujours eu l'impression que sous le vocable de trotskiste, on trouvait tout ce qui, une fois, a éxisté dans le cadre de la II internationale, d'avant 1914.

Par ailleur, du fait de l'ambiance réactionnaire de la période, l'extrème gauche est en recul, particulièrement les secteurs dissidents les plus faibles. En effet, pour qu'il y ait des groupes dissidents, il faut encore qu'il y ait des luttes et des trahisons significatives dans le cadre d'un mouvement suffisament ample.
clavez
 
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Message par eruditrotsk » 06 Avr 2006, 14:58

Faut-il répondre "en France" ou dans "le monde entier".

Le courant bordiguiste "officiel" (celui où jadis Bordiga était affilié à la façon dont Marx et Engels étaient affiliés à des organisations socialistes comme le POF de Guesde-Lafargue : Bordiga produisait des textes théoriques à partir de l'après-guerre dans une publication qui s'appelait le Programme Communiste, traduits et republiés, pas tous, dans la revue du même nom, en français à partir de 1957.

De ce courant sont issus différents groupes qui ont plus ou moins d'existence, les militants, si on peut dire, se comptent à l'unité :
- Invariance (apparu en 1967-68, à partir de J. Camatte, qui a dérivé vers le conseillisme puis vers je ne sais pas quoi et qui publie toujours de loin en loin des textes que je ne sais comment caractériser - on sort de la politique).
- De cet Invariance est issu un petit groupe de traducteurs qui ont continué en liaison avec Camatte puis en rupture avec lui à publier des traductions des classiques du bordiguisme et aussi des autres courants de la gauche communiste, comme par exemple les radicaux allemands de Brême, type Knief ou Borschardt (mais oui le fabricant du "Capital" en digest). Ils ont une publication annuelle de textes anciens, et d'un certain intérêt politique. Mais aussi des traductions moins utiles de textes anarchistes, et aussi des préfaces à peu près aussi inutiles que les derniers textes de Camatte.
- Il y a eu un temps une revue aujourd'hui disparue, Le Fil du temps (treize ou quatorze numéros parus dans les années soixante-dix) par des camarades proches un temps de Camatte, en l'occurence Dangeville qui fut aussi le maître d'oeuvre des publications thématiques de textes de Marx-Engels chez Maspéro. Dans la revue, ils publiaient surtout des textes de Bordiga, mais qui avaient le défaut d'être parfois retouchés par Dangeville ! C'est le charme de "révolution anonyme de la classe"... De même que dans les textes de Marx-Engels, il faisait aussi sa sauxe, en coupant dans les textes, en les organisant à sa façon, et parfois en les commentant à sa sauce. Mais enfin il a fait aussi connaître ainsi des textes de Marx-Engels jamais traduits. Et puis les traductions des staliniens ne sont pas parfaites... Un des Fil du temps est consacré également à un recueil de textes de Marx-Engels sur la Belgique (il y avait une poignée de Belges dans ce groupe).
- Il y a eu une scission dans le courant bordiguiste, dite des Florentins, sur une différence d'appraciations dans le travail syndicale, qui a donné plus récemment (années quatre-vingt) naissance à une revue française "La gauche communiste" qui repenait aussi certains textes de la tradition bordiguiste, mais ce groupe a rendu l'âme au début des années quatre-vingt-dix. On en trouve des traces sur Internet.
- Le groupe Programme Communiste-Le Prolétaire en France a éclaté en 1982. Ses deux principaux dirigeants (un couple) ont connu une dérive de type nationalistes arabisants. Ils sont les auteurs d'un livre non bordiguiste sur la première guerre du Golfe, puis ?...
- Le groupe PC-Le Prolétaire s'est donc réorganisé come il a pu quelque temps plus tard, avec beaucoup moins de camarades et de moyens. Ils ont rompu avec le groupe Il Programma Comunista italien pour suivre le groupe Il Comunista (je ne sais pas quelles sont les raisons de cette scission en Italie). Actuellement, Le Prolétaire sort trois ou quatre fois par an et la revue au mieux une fois par an, mais elle n'est pas parue depuis deux ou trois ans.
- Il Programma Comunista est resté animé par Bruno Maffi, vieux dirigeant historique du bordiguisme, après la guerre, décédé il y a un an ou deux. Ce groupe publie en français, à peu près une fois par an, une publication, Cahiers Internationalistes. Ils ont un représentant en France. Ils rééditent à l'occasion de notre fête les textes qui nous attaquaient dans le vieux Prolétaire d'avant 1982.

Avant toutes celles que j'ai évoqué, il y a eu une scission importante dans le courant bordiguiste en 1952 entre Bordiga et Damen. Damen était la cheville ouvrière du Parti Communiste Internationaliste reconstruit, en Italie, à la fin de la guerre et qui a pu avoir quelques milliers de partisans, majoritairement des ouvriers italiens attachés à Bordiga. De cette scission est donc sorti le courant bordiguiste que je viens d'évoquer à la louche et un autre courant qui publie toujours en italien un mensuel, Battaglia comunista, qui était antérieurement une des publications du groupe avant la scission de 1952. Et une revue Prometeo. Tout cela parait toujours en Italien. Damen père est décédé comme Bordiga, mais Damen fils lui a succédé. Ils ont des liens avec un groupe anglais CWO qui publie une revue théorique annuelle International Communist et une revue mensuelle politique Revolutionary Perspectives. Ils ont un site internet. Il y a depuis quelques années un groupe français qui publie une revue plus ou moins annuelle, Bilan & Perspectives.

En Italie, il existe d'autres groupes plus ou moins bordiguistes (N+1), demi-bordiguiste (Lotta Comunista). Il y avait autrefois des ramifications du groupes Programme Communiste dans d'autres pays mais tout cela est plutôt disparu.

(A suivre)
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Message par eruditrotsk » 06 Avr 2006, 15:07

Voilà, je savais que j'oubliais un "groupe", ou plutôt une revue : les cahiers du marxisme vivant, trois numéros parus en une douzaine d'années. C'est aussi un groupe issu du Prolétaire. Il comptait dans ses rangs, la fameuse "Frédérique", évoquée dans le roman de malaquais, Planète sans Visa, c'est-à-dire Suzanne Voulte, décédée elle aussi il y a un ou deux ans.

Pendant les années quarante, il y avait un groupe bordiguiste, la Fédération française de la Gauche Communiste. Quand Bordiga s'est finalement affilié au PCI de Damen, elle a été une partisane de Bordiga et certainement une des principales traductrices de ses textes en français. Elle était dans le groupe de 1957 aussi.

Dans ce groupe bordiguiste, il y avait aussi Marc Chirik qui lui s'est opposé à Bordiga (et surtout à Vercesi, qui avait été le principal animateur de la revue "Bilan", publiée à Bruxelles, dans la période d'avant-guerre). Chirik n'était pas d'accord pour rester dans le courant bordiguiste qui avait réintégré Vercesi, qui semble avoir eu une dérive non internationaliste à la fin de la guerre. A partir de là, il a créé son propre groupe la Gauche Communiste de France ancêtre du CCI. La GCF s'est dissoute en 1950 et Chirik est parti s'installer au Venezuela, d'où il est revenu en 1968. Mais c'est une autre histoire...
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Message par Gaby » 06 Avr 2006, 16:26

(txi @ jeudi 23 mars 2006 à 12:34 a écrit : Un forumeur se réclame ici du "conseillisme", et j'ai appris l'existence de la LCF.
On ne peut pas vraiment parler de "survivance" d'un courant, puisque cedit sigle vient d'être inventé. Mael a adoré la lecture de Pannekoek sur marxists.org, si je ne dis pas n'importe quoi.
Ce n'est pas tout à fait comme ce que raconte eruditrotsk.
Gaby
 
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Message par mael.monnier » 07 Avr 2006, 20:26

Du côté luxemburgiste, je connais le groupe "Démocratie communiste" qui s'en réclame, voici l'adresse de leur site : http://perso.wanadoo.fr/democom/index.html

Du côté du communisme de conseils, il existe toujours le bulletin "Echanges et mouvement" qui est disponible à l'adresse suivante : http://www.mondialisme.org/rubrique.php3?id_rubrique=3

Du côté bordiguiste, il y a notamment le BIPR (Bureau International pour le Parti Révolutionnaire), voir http://www.ibrp.org/ ; et l'Organizzazione Comunista Internazionalista en Italie, voir http://www.tightrope.it/user/chefare/testi/questoci.htm.
mael.monnier
 
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Message par topaze » 08 Avr 2006, 08:13

C'est fort de café quand on dit 'Bordiga produisait des textes théoriques à partir de l'aprés guerre dans une publication qui s'appelait le programme communiste, traduit et republié par tous, dans la revue du même nom, en français à partir de 1957'. Ceci fait passé Bordiga pour un rat de bibliothéque. alors que Bordiga et la gauche communiste d'Italie a lutter dés le début contre l'opportunisme qui començait a poindre au sein de la 3éme internationale et par la suite contre la dégénerscence de celle ci. Elle ne fut pas seule. Elle a été rejoint par la gauche Germano/Hollandaise, la gauche communiste de Russie. d'ailleurs lénine était à l'écoute de ces critiques, puisque celui ci sorti une brochure qui s'appele 'la maladie infantile du communisme (le gauchisme)' pour répondre a ces critiques. Gorter membre de la gauche allemande lui répondra dans un texte qui s'appele 'réponse au camarade Lénine'
Pour plus de renseignement sur les positions des gauches communistes, j'invite a lire 'la gauche communiste d'Italie'. La gauche hollandaise, la gauche communiste de france. On peut commander ces livres sur le site du courant communiste international. http://www.internationalism. org
Concernant la réponse de Gorter a lénine, il me semble que c'est paru au éditions spartacus
Concernant la réponse de lénine, je l'ai dans une édition qui s'appele 'editions en langues étrangéres'. Je ne sait pas si ça existe toujours
Topaze. sympathisant de la gauche communiste
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Message par pelon » 08 Avr 2006, 09:32

(topaze @ samedi 8 avril 2006 à 09:13 a écrit :C'est fort de café quand on dit 'Bordiga produisait des textes théoriques à partir de l'aprés guerre dans une publication qui s'appelait le programme communiste, traduit et republié par tous, dans la revue du même nom, en français à partir de 1957'. Ceci fait passé Bordiga pour un rat de bibliothéque. alors que Bordiga et la gauche communiste d'Italie a lutter dés le début contre l'opportunisme qui començait a poindre au sein de la 3éme internationale et par la suite contre la dégénerscence de celle ci.

Nous savons tous ici ce qu'a réprésenté Bordiga dans l'IC. Cela fait partie de l'histoire du mouvement ouvrier et nous en avons déjà discuté. Nous n'aurions sûrement pas la même appréciation que toi sur ce qu'a représenté Bordiga mais c'est une autre discussion.
Les précisions qui sont données ici sur le mouvement bordiguiste après-guerre sont beaucoup plus confidentielles et je ne vois pas en quoi c'est insultant pour Bordiga de dire qu'il produisait des textes théoriques. Sinon, on réduirait aussi Marx (ou Trotsky dans les années 30) à des rats de bibliothèque. Non, la différence avec les rongeurs de livres c'est que ces intellectuels étaient des révolutionnaires et qu'ils étudiaient et écrivaient non pour le fric ou je ne sais quelle reconnaissance mais pour armer la classe ouvrière, la rendre plus consciente et aider à renverser ce système injuste. Après, la participation ou non à des événements historiques, ils ne pouvaient pas plus les choisir que la période dans laquelle ils vivaient.
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Message par eruditrotsk » 12 Avr 2006, 20:41

Je ne connais pas trop bien Lotta Comunista. J'incline à penser qu'ils restent aujourd'hui encore un groupe nettement plus important que les différentes branches du courant bordiguiste, mais je ne sais pas de quelle taille.

Il me semble que leurs origines remontent à la Deuxième Guerre mondiale. Leur principal dirigeant Arrigo Cervetto (1927-1995) a participé à la guerre des partisans en Italie, ce qui fut une source de recrutement pour son groupe (et aussi celui de Damen auquel allait se rallier Bordiga). Il n'a pas digéré le "tournant se Salerne" du stalinien Togliatti quand celui-ci a fait clairement comprendre qu'il n'était pas question de renverser la société bourgeoisie à la fin de la guerre mais aucontraire de la préserver.

Après guerre, Cervetto a étudié le marxisme et a gagné à sa vision du marxisme des anarchistes italiens qui vivaient une situation un peu comparable aux anars français des années cinquante : il y avait chez les anars des courants attirés par le léninisme et-ou l'anti-stalinisme. Il a donc commencé à publier des articles sur la guerre froide dans une publication anarchiste (regroupé depuis dans le texte "l'impérialisme unitaire"). Il a mené en même temps une activité de type syndicale pour maintenir des liens avec la classe ouvrière. Il avait à cet égard une certaine critique du manque de militantisme des groupes bordiguistes, notamment sur le plan syndical, ce qui lui semblait être l'abc.

Dans les années cinquante, entre le groupe (GAAP, groupes anarchistes d'action prolétraienne), le PCI de Damen, il y avait une sorte d'unité d'action (il y en a des traces visibles dans la revue "Socialisme ou Barbarie", avec qui ils ont eu un temps un "partenariat"). Du coup, Cervetto a donné des articles dans la revue du groupe de Damen (Prometeo) et aussi dans un journal appelé Action Communiste, une aile gauchiste en rupture avec le PCI de Togliatti. Vers 1957, ils ont dénoncé la tendance à la social-démocratisation des PC. Ensuite il leur a fallu résister au développement du maoisme, un des sous-produits de cette social-démocratisation. Ils ont repris la position de Bordiga sur l'URSS mais avec des différences notamment une critique de ce qu'ils considèrent chez Bordiga comme une surévaluation de l'impérialisme américain. En même temps, ils ont critiqué son "attentisme" en matière de militantisme. Leur non-attentisme leur a permis de développer une groupe.

Ce qui rejoint par ailleurs la remarque faite au sujet de ma petite présentation des groupes bordiguistes. Je suis en gros OK avec le commentaire de Vérié là-dessus. La situation de Bordiga était celle de Marx et Engels par rapport aux partis de son temps (mutatis mutandis), ce n'était pas une critique. Il semble évident que Bordiga avait des capacités théoriques que les autres n'avaient pas. Et il peut très bien se concevoir que dans un groupe il y ait un théoricien. Le problème des bordiguistes c'est qu'ils sont généralement dévorés par leur tâches éditoriales et qu'ils ne restent pas grand monde pour recruter. Et avec le temps, cela se paye...

En passant, Trotsky avait approché Bordiga via Leonetti pour lui proposer de le faire s'évader quand il était en relégation dans une île au début ds années trente, (c'est Sedov qui s'en serait chargé avec une vedette rapide pour "cueillir" Bordiga), ce que ce dernier a décliné. Trotsky aurait été apparemment content d'avoir un interlocuteur de la taille théorique de Bordiga, même s'il avait de graves divergences avec lui.

Et c'est un fait également que de 1930 à 1944 Bordiga n'a pas eu d'activité militante même de caractère théorique (peut-être a-t-il étudié le marxisme en "rat de bibliothèque", je ne sais pas), mais en tout cas rien de pratique, même pas une publication. Le "centre bordiguiste" à ce moment-là c'est Perrone-"Vercesi" à Bruxelles (et la revue Bilan, dont je viens de découvrir que la totalité est désormais en ligne sur un site qui s'appelle... Smolny, pour les amateurs.... c'est en français, mais c'est parfois bien décevant comme toutes les mythologies).
eruditrotsk
 
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