pologne

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Barnabé » 20 Avr 2003, 17:20

Sur la différence entre les républiques baltes et les états du glacis, voici ce qu'écrivait VO en 66 dans son CLT (c'est un peu long mais ça vaut le coup de citer le passage dans son ensemble):
(LES DÉMOCRATIES POPULAIRES SONT-ELLES DES ETATS SOCIALISTES ? @ clt 1966 a écrit :

Comment se posait cette tâche pour la bureaucratie en Europe Centrale ?

Il est impossible de comprendre le rôle de la bureaucratie dans ces pays sans avoir constaté, compris, assimilé, son caractère profondément contre-révolutionnaire, et sa peur congénitale de la révolution prolétarienne. Une révolution se propageant en Europe Centrale ne s'arrêterait pas à la frontière de l'Union Soviétique. Elle ferait éclater la fragile domination de la bureaucratie. Et celle-ci ne pouvait courir un tel risque.

Or, seule une force de coercition organisée, pouvait arrêter et briser le développement de la lutte de classes. Le devoir numéro un que la bureaucratie s'est fixé était de mettre fin à l'absence ou à la fragilité des Etats nationaux de son glacis et construire des appareils solides. Le caractère de ces appareils d'Etat sera déterminé par leurs tâches et par les forces sur lesquelles ils s'appuieront. On verra que la bureaucratie s'appuiera sur les fronts nationaux de composition et de politique anti-prolétarienne, expressions locales de la sainte alliance internationale entre la bureaucratie et les impérialistes.

La bureaucratie soviétique, dans la mesure où son objectif principal était d’étouffer le développement révolutionnaire du mouvement ouvrier, ne pouvait bâtir que des appareils d'Etat anti-prolétariens.   Pour cela, elle s'est appuyée sur les forces les plus anti-ouvrières, donc souvent les plus réactionnaires, nous verrons sous quelle forme concrète.

En défendant contre l'impérialisme allemand les conquêtes de la Révolution d'Octobre, l'Armée Rouge a effectivement porté le sceau de son origine prolétarienne. Mais, en Europe Centrale, l'Armée Rouge est intervenue en 1945 comme une force contre-révolutionnaire destinée à empêcher l'éclosion de la révolution prolétarienne, remplissant rigoureusement le même rôle qu'aurait rempli en pareille circonstance une armée capitaliste. Son origine n'y change rien. Cette force contre-révolutionnaire dont le but principal était d'écraser la classe ouvrière, et alliée dans ce but aux couches les plus anti-prolétariennes, ne pouvait en aucun cas créer des Etats ouvriers, pas même « déformés ».

La question serait posée différemment en cas d'intégration de ces pays dans l'Union Soviétique. Personne ne discute la nature de l'Etat lettonien ou estonien, pour la bonne raison que l'Etat de ces pays est celui de l'Union Soviétique, et comme tels, ils font en effet partie de l'Etat russe, Etat ouvrier dégénéré. Pourquoi l'Union Soviétique n'a pas réalisé cette intégration ? Pour une part à cause des accords de Téhéran, Yalta, etc... Mais aussi, et surtout, parce qu'elle n'en avait pas la possibilité. Car pour briser le prolétariat dans le cadre des Etats nationaux la bureaucratie pouvait trouver des alliés tout indiqués, dans les forces bourgeoises et petites-bourgeoises nationales. On verra concrètement que c'étaient ces forces-là qui ont reconstruit les Etats de l'Est avec la bénédiction de l'Armée Rouge.

Alors qu'en intégrant ces pays à l'URSS la bureaucratie se serait heurtée à toutes ces forces bourgeoises et petites-bourgeoises, et à l'impérialisme, alliés irremplaçables   pour briser le prolétariat , mais ennemis acharnés d'une soumission à un Etat ouvrier, même dégénéré. Certes, le prolétariat armé et mobilisé aurait pu briser ces forces, mais encore une fois, c'est à cette mobilisation trop dangereuse, que la bureaucratie se refusait.

On n'attribue pas suffisamment d'importance au maintien des Etats nationaux ; pourtant, la bureaucratie soviétique a créé là des instruments d'oppression qui n'étaient pas les siens, qui lui étaient étrangers et qui, les événements récents le prouvent, peuvent se tourner contre elle.

La lutte contre le prolétariat, qui dans chaque pays a mis la bureaucratie du côté des forces bourgeoises, n'a pas mis fin à l'antagonisme entre l'impérialisme et la bureaucratie. Les forces bourgeoises une fois le danger de la révolution prolétarienne écarté, tiraient vers leurs alliés naturels, les Etats impérialistes. Or la bureaucratie russe tenait à sa zone de sécurité pour la séparer de ses dangereux alliés, qui ne tarderont pas d'ailleurs à agir à nouveau comme adversaires. Si la bureaucratie russe ne pouvait bâtir que des Etats anti-prolétariens, bourgeois, elle tenait au moins à s'assurer leur contrôle.

Une fois le prolétariat brisé, et au fur et à mesure que le danger d'une vague révolutionnaire s'éloigne, le fossé s'approfondit entre l'impérialisme et la bureaucratie et on s'achemine vers la guerre froide. Pour maintenir son contrôle sur les Etats de son glacis, la bureaucratie est contrainte d'éliminer tranche par tranche les partis bourgeois, et épurer ses propres partis staliniens. Mais ceci ne changera plus rien à la nature des Etats du glacis.
Barnabé
 
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Message par Barnabé » 20 Avr 2003, 18:22

Pour la clareté de la discussion qui a eu quelques tendences à digresser, essayons de reprendre synthétiquement le fond de la discussion entre CPS et LO sur la nature des états du glacis (l'étude historique me semble pour cela plus efficace que le pinaillage terminologique sur les caractérisations):

- Il me semble que l'on peut être d'accord sur la période d'avant 47-48 où suite aux traités (Téhéran, Yalta, etc.) l'URSS reconstruit des appareils d'Etat dans les pays de l'Est. Ces appareils se construisent souvent autour des vieux dirigeants bourgeois et ils n'ont évidemment pas pour fonction de modifier les rapports sociaux de production, de construire le socialisme où d'exproprier la bourgeoisie.

( Just a écrit :
Partout, le Kremlin s'efforça de maintenir ce qui subsistait des Etats bourgeois, de l'ordre bourgeois, Les nationalisations affaiblissaient énormément, économiquement et socialement, la bourgeoisie, déjà très faible comme classe. Telles qu'elles ont été réalisées, elles restaient cependant dans le cadre du mode de production capitaliste. Les entreprises nationalisées fonctionnaient par rapport au marché et à ses lois.


( voix ouvrière @ clt 66 a écrit : La tâche centrale de ces Etats pendant toute cette période « bourgeoise démocratique » (pour reprendre l'expression des staliniens), était de briser le prolétariat et de remettre en marche l'économie sur une base capitaliste, exactement comme en France ou ailleurs.
(...)
Pourtant, malgré les appels et les sourires, le patronat reste par trop faible pour assurer seul le fonctionnement de l'industrie. Parallèlement à une politique ouvertement pro-capitaliste, les régimes d'après-guerre commencent les nationalisations. Ces fameuses nationalisations qui, pour certains, constituent l'argument massue en faveur de la théorie des Etats ouvriers sont faites en majeure partie pendant la période qualifiée de « bourgeoise », y compris par les staliniens, et sous des gouvernements à prédominance de « partis bourgeois ». Elles sont effectuées avec la bénédiction de la bourgeoisie qui est la première à en sentir la nécessité économique absolue.


- Maintenant, ce que nous disent les camarades de CPS, c'est qu'à partir de 47, la bureaucratie soviétique va être poussée "contre son gré" par la politique de l'impérialisme, à exproprier la bourgeoisie et à transformer les états du glacis en états ouvriers déformés:
( Just a écrit :
A partir de 1947, ces conflits ont pris un tour aigu en relation avec la politique que l'impérialisme américain impulsait désormais : il visait à refouler la bureaucratie du Kremlin de l'Europe de l'Est, et éventuellement à s'ouvrir une voie de pénétration en URSS même.
(...)
La bureaucratie du Kremlin n'a pas repoussé sans hésitations, et encore bien moins celle des pays de l'Europe de l'Est, la participation au plan Marshall. Molotov participa à la Conférence de Paris du 27 juin, réunissant les ministres des Affaires étrangères d'Angleterre, de France, d'URSS, qui discutait de la proposition Marshall. Mais Molotov, sans dire non, mit en cause le contrôle que les pays capitalistes, surtout l'impérialisme américain, exerceraient plus ou moins directement sur l'économie de l'URSS et de l'Europe de l'Est, en cas d'acceptation du plan Marshall.
(...)
Il fallait choisir : ou laisser les puissances impérialistes reprendre le contrôle de l'Est de l'Europe, ouvrir la porte à la pénétration capitaliste en URSS, ou aligner les rapports de production de ces pays sur ceux de l'URSS.


Finalement, ce n'est que dans les derniers mois de 1947 que le Kremlin décida définitivement d'aligner les rapports économiques, sociaux et politiques de la Roumanie, de la Bulgarie, de la Hongrie, de la Pologne et de la Tchécoslovaquie sur ceux de l'URSS. En Bulgarie, à partir du décret du 23 décembre 1947, l'essentiel de l'industrie, de la banque, du commerce extérieur dépendirent de l'Etat. En Hongrie, c'est à partir de la loi du 29 avril 1949. En Pologne, c'est à partir de la fin 1947-début 1948 que l'opération eut lieu. En Roumanie, c'est à partir d'une loi votée le 18 juin 1948. En Tchécoslovaquie, le coup d'Etat de février va faire passer tout le pouvoir entre les mains des staliniens. Il va être le point de départ de l'opération. Pour ce qui concerne l'Est de l'Allemagne, la proclamation, le 11 octobre 1949, de la République démocratique allemande et la constitution d'un gouvernement, le gouvernement Grotewohl, marquent le tournant décisif.
(...)
Désormais, le moteur de l'économie de ces pays ne sera plus le profit, mais la satisfaction des besoins sociaux tels que les plans les exprimeront, c'est-à-dire avant tout les besoins de la bureaucratie, celle du Kremlin en premier lieu, avec les immenses contradictions, insolubles, explosives, que cela implique.


Et le camarade Wolf de nous demander une autre version des faits.
Alors voilà:

( clt 66 a écrit : L'établissement et la consolidation des Etats en Europe Centrale se sont poursuivis dans le contexte mouvant des relations entre l'impérialisme et la bureaucratie soviétique. Or le fossé s'élargit depuis la fin de la guerre entre les deux blocs alliés. Jusque là, la base de l'entente était la peur commune de la révolution prolétarienne à l'échelle internationale, ce qui se reflétait à l'échelle nationale. À partir du moment où le danger de la révolution prolétarienne est éloigné, les impérialistes se retournent contre l'ex-allié dont ils n'ont plus besoin.

Dorénavant, la contradiction entre la nature bourgeoise des Etats occupés par la Russie et leur dépendance de l'URSS devient aiguë. Cette contradiction se manifeste d'abord à travers l'opposition des partis « bourgeois » organiquement liés à l'impérialisme et les P.C. La bureaucratie soviétique sous peine de voir sa mainmise sur l'Europe Orientale remise en cause, est obligée d'engager la lutte. Les P.C. - seuls partis ouvertement pro-russes, ou plus exactement partis sur lesquels la bureaucratie a le plus de contrôle - vont rechercher le contrôle complet des gouvernements des nouveaux Etats.
(...)
Vers la fin 1948, grâce à la répression policière, et sans mobilisation réelle du prolétariat, la quasi totalité des partis autres que les P.C. ont été éliminés ou assimilés.

À partir de ce moment, la résistance des Etats bourgeois à la mainmise soviétique s'est manifestée surtout à travers les P.C. eux-mêmes. Quand ces Etats avaient une assise sociale suffisante, quand ils n'étaient pas directement « noyautés » et contrôlés par le N.K.V.D., quand l'Armée Rouge n'était pas sur place, l'appareil d'Etat, même dirigé par des staliniens, rompait avec la bureaucratie soviétique. Telle est l'explication de la rupture soviéto-yougoslave.

Mais même sur les autres appareils d'Etat la bureaucratie n'a réussi à maintenir son contrôle que par une pression constante, par des purges systématiques au niveau des directions des P.C. (procès Rajk, Kostov, Gomulka, Slansky, Clémentis, etc.). Sous le couvert de lutte contre le Titisme, une sourde lutte opposait l'appareil d'Etat soviétique, aux appareils d'Etats nationaux. Et les exécutés n'étaient pas toujours les anti-russes. Certains parmi les plus en vue - c'est une des rançons de la politique dans ces pays où le pouvoir bonapartiste repose sur une pointe d'aiguille - furent condamnés comme « titistes » tout en étant les représentants officiels de Moscou.

C'est pendant cette période 1948-1949 qu'ont été achevées les mesures soi-disant « socialistes ». La Nationalisation fut achevée (rappelons qu'elle ne touchait plus que les 20-30% de l'industrie). La rupture quasi totale avec l'impérialisme fut consommée et le monopole du commerce extérieur établi. Il ne s'agissait nullement des mesures socialistes mais des mesures nécessitées politiquement.

La bureaucratie russe ne pouvait pas laisser intacts pendant la guerre froide les liens étroits entre les bourgeois nationaux et l'impérialisme.
(...)
Le plan Marshall a été un avertissement pour la bureaucratie. Il montrait à quel point elle ne pouvait pas compter ni sur les appareils d’Etat des Démocraties Populaires, ni même sur les partis communistes pour résister à la pénétration impérialiste. Si elle voulait sauvegarder sa mainmise sur ces Etats, il lui fallait agir, radicalement.

L'établissement du monopole du commerce extérieur n'était pas le fait des Etats des Démocraties Populaires, il leur était imposé. C'était la réponse de la bureaucratie au plan Marshall.

C'est dans ces conditions qu'en 1949, les Etats soi-disant socialistes étaient nés.

Sont-ils des Etats ouvriers déformés ou dégénérés ? Nous avons vu que ces Etats s'étaient construits sans qu'en aucun endroit, à aucun moment le prolétariat intervienne par ses organisations de classe, sur la base d'un programme de classe. Et partout où il dépassait les cadres qui lui étaient fixés par des organisations qui n'étaient pas les siennes, il était brisé dans son élan de la manière la plus violente.

Pour nous, comme pour Trotsky, la désignation « Etat ouvrier dégénéré » a une signification précise. Cette désignation que nous admettons sans réserve pour définir la nature de l'Etat Soviétique, souligne le fait qu'en Russie la classe ouvrière
- a effectivement poussé sa Révolution jusqu'au bout,
- a effectivement détruit le vieil appareil d'Etat,
- a effectivement construit son propre Etat.
Cet appareil d'Etat, prolétarien sans conteste, a dégénéré par la suite pour des raisons que nous ne traiterons pas ici, et la classe ouvrière s'est vue dépossédée de son pouvoir par une couche bureaucratique parasitaire.

Rien de tel dans les Démocraties Populaires, où la classe ouvrière n'a jamais pris le pouvoir, n'a jamais détruit l'Etat bourgeois.

Ces appareils d'Etat, bourgeois par leur nature, bourgeois par leur rôle, subsistent... Ils sont certes contrôlés - d'ailleurs de moins en moins - par l'Etat russe. Mais ceci prouve seulement leur faiblesse et non leur nature et leur fonction sociale. Remarquons en passant que c'est par un abus de langage qu'on appelle bureaucratie les couches politiquement dominantes dans ces pays.


Du coup moi ma question aux camarades de CPS est la suivante:
Comment entre 47 et 49, sans intervention consciente et révolutionnaire de la classe ouvrière, l'action de la bureaucratie soviétique qui a été essentiellement une action de coercition envers les appareil d'Etat des pays du glacis (et bien sûr aussi envers leur classe ouvrière) a pu modifier radicalement le mode de production d'une producton capitaliste, vers la "satisfaction des besoins sociaux" (même déformés par le caractère bureaucratique de la plannifaication)?
Barnabé
 
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Message par Barnabé » 21 Avr 2003, 16:22

a écrit : J'aurais envie de te répondre par boutade : de la même manière qu'elle a intégré sans contradictions apparentes l'estonie, la lithuanie, la lettonie directement au sein de l'URSS.

Objection non valable votre honneur (chacun son tour),
Parce que justement la manière dont la bureacratie s'est assuré le contrôle des pays balte n'est pas la même que celle utilisée pour les états du glacis.
Estonie, Lithuanie et Lettonie, ont été intégrés dans l'URSS. La "méthode d'assimilation à été simple: destruction des Etats et administration directe des territoires.
Or les république de l'Est n'ont pas été intégrés de cette manière. La bureaucratie soviétique a préféré y laisser les anciens Etats. Pourquoi? c'est ce qu'essayait d'expliquer le passage du clt:
( clt a écrit :
Alors qu'en intégrant ces pays à l'URSS la bureaucratie se serait heurtée à toutes ces forces bourgeoises et petites-bourgeoises, et à l'impérialisme, alliés irremplaçables   pour briser le prolétariat , mais ennemis acharnés d'une soumission à un Etat ouvrier, même dégénéré. Certes, le prolétariat armé et mobilisé aurait pu briser ces forces, mais encore une fois, c'est à cette mobilisation trop dangereuse, que la bureaucratie se refusait.

a écrit :
Mais le problème de votre position est qu'à fixer ses regards sur la seule supersutructure étatique, on arrive au cul de sac actuel : "la Russie est encore un etat ouvrier ultra dégénéré". Ce qui devrait de toucher, barnabé, non?

Comme quoi le déterminisme sur le plan théorique...
Je ne sais pas ce que tu entend par se fixer sur les "superstructures étatiques". Encore que lorsque l'on essaie de caractériser des Etats je vois mal où il faudrait regarder sinon au niveau des formes étatiques.
Les états sont des instruments de domination politique (par définition). Dans les pays de l'Est, cette domination était indiscutablement exercée par la bureaucratie du Kremlin. En URSS, cette bureaucratie s'était appuyé sur les structures dégénérées de l'Etat forgé par la révolution russe (d'où un Etat ouvrier dégénéré). Dans les pays du glacis, la domination politique de la bureaucratie s'est faite à l'aide des Etats de 44, c'est à dire (et on est tous d'accord là dessus) des états bourgeois.

Alors évidemment, ce niveau d'analyse n'est pas indépendant des rapports sociaux de production. Il est même déterminé par eux (on est marxistes, quoi). C'est pourquoi je pense je pense par exemple qu'avec l'ouverture au capitalisme, la bureaucratie soviétique a cessé d'existé comme groupe social ayant des intérêts différents de la bourgeoisie et que la Russie n'est plus un Etat ouvrier (aussi dégénéré que ce soit).

Sauf que dans les pays de l'Est en 45, c'est la bureaucratie soviétique qui domine politiquement. Autrement dit la domination politique dans ces pays n'est déjà pas déterminée par les rapport de productions de ces pays, mais par le partage du monde opéré à la fin de la guerre entre les impérialismes et l'URSS. A partir de 47-48, la pression de l'impérialisme (plan Marshall etc.) tend à pousser les Etats du glacis à s'opposer à la domination politique de la bureaucratie soviétique. D'où l'augmentation de l'épuration de ces appareil d'état des éléments plus ou moins contestataires, d'où aussi la nécessité de couper ces Etats de tout contact avec l'impérialisme. C'est là qu'il y a la fin de l'étatisation de l'industrie et la mise en place du monopole du commerce extérieur. L'URSS utilise toujours des états bourgeois, mais les isole du marché capitaliste mondial. Il n'y a pas à s'étoner que cela donne un fonctionnement économique pour le moins atypique pour un pays capitaliste. Mais cela n'en modifie pas pour autant la nature des états.
L'URSS aurait pu choisir en 47-48 d'annexer tous les pays du glacis. De détruire militairement tous leurs appareils d'Etat et d'en faire des républiques d'URSS. Cela aurait régler le problème de la nature des Etats du glacis, il n'y en aurait plus eu du tout. Sauf que du point de vue des rapports de force de la guerre froide qui était en train de se mettre en place, cela n'était pas possible pour l'URSS qui a donc du continuer à utiliser des états bourgeois, avec un contrôle plus ferme.
Barnabé
 
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Message par Barnabé » 21 Avr 2003, 18:11

Je prépare ma réponse...
Mais en attendant je suis tombé sur un texte de :trotsky: relatif dans une certaine mesure à cette discussion (je ne cite pas intégralement car le texte n'est pas numérisé (et pas sur MIA)):
( L'URSS en guerre @ LT septembre 39 a écrit :
La question des provinces occupées
Admettons pour l'instant que, par accords avec Hitler, le gouvernement de Moscou laisse intacts dans les provinces occupées, les droits de propriété privée et se borne à un "contrôle" de type fasciste. Une telle concession aurait un caractère principiel et pourrait devenir le point de départ d'un nouveau chapitre du régime soviétique et par conséquent d'une nouvelle appréciation de notre part, de la nature de l'Etat soviétique.

Le plus vraissemblavle est cependant que dans les provinces qui doivent faire partie de l'Urss, le gouvernement de Moscou prendra des mesures d'expropriation à l'égard des grands propriétaires et d'étatisation des moyens de production. Une telle voie est la plus vraissemblable, non parce que la bureaucratie est fidèle au programme socialiste, mais parce qu'elle ne veut partager ni le pouvoir ni les privilèges qui lui sont liés, avec les anciennes classes dominantes des provinces occupées.
(...)
Une mesure de caractère révolutionnaire -"l'expropriation des expropriateurs"- est réalisée dans le cas présent par la voie militaire et bureaucratique. L'appel à l'activité propre des masses dans les nouveaux territoires -et sans cet appel, ne fut-il que fort prudent, il est impossible d'établir le nouveau régime- sera sans aucun doute remplacé demain par d'impitoyables mesures policières, pour assurer la suprématie de la bureaucratie sur les masses révolutionnaires éveillées.
(...)
Le critère fondamental de la politique, ce n'est pas pour nous les transformations de la propriété dans tel ou tel territoire partiel, quelque important qu'ils soient en eux mêmes, mais les modifications dans les formes de la conscience et de l'organistation du prolétariat mondial. L'élévation de sa capacité de défendre les anciennes conquêtes et d'en accomplir de nouvelles. De ce point de vue, le seul décisif, la politique de Moscou, prise dans son ensemble, conserve entièrement son caractère réactionnaire et reste le principal obstacle dans la voie de la révolution internationale.

Nous ne changeaons pas d'orientation

L'étatisation des moyens de production, avons-nous dit, est une mesure progressive. Mais son caractère progressif est relatif; son poids spécifique dépend de l'ensemble de tous les autres facteurs. Ainsi, il faut établir avant tout, que l'extension du territoire de l'autarcie et du parasitisme bureaucratique, accompagné de mesures "socialistes" peut accroître le prestige du Kremlin, engendrer des illusions sur les possibilités de substituer à la révolution prolétarienne des manoeuvres bureaucratiques etc... Ce mal dépasse de loin le contenu progressif des réformes stalinistes en Pologne. Pour que la nationalisation de la propriété dans les provinces occupées devienne la bas d'un développement réellement progressif, c'est-à-dire socialiste, il est nécessaire de renverser la bureaucratie de Moscou. Notre programme conserve par conséquent toute sa valeur. Les évenements ne nous ont pas pris à l'improviste. Il faut seulement les interpréter correctement; il faut comprendre clairement que, dans le caractère de l'URSS et dans la situation internationale, il existe de profondes contradictions. Il est impossible de se libérer de ces contradictions à l'aide de tours de passe-passe terminologiques ("Etat ouvrier", "Etat non ouvirer"). Il faut prendre les faits tels qu'ils sont. Il faut batir une politique qui parte des relations et des contradictions réelles.
Barnabé
 
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Message par Louis » 21 Avr 2003, 20:26

personnelement, la seule chose que je comprend, c'est que vos catégories intelectuelles ne parviennent pas a faire autre chose que des monstres conceptuels : des états ouvriers sans ouvriers ou des états bourgeois sans bourgeois. Tout cela me semble bien dérisoire, a la limite du ridicule (et là, je suis TRES gentil)

a mon avis, il faut repenser completement nos catégories de pensée et dire que "pour le moment" nous navigons dans un brouillard total. Sinon, on ressemble un peu trop a mon gout au ministre irakien de l'information "des chars américains , mais vous avez révés"
Louis
 
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Message par Barnabé » 21 Avr 2003, 20:59

Bon, maintenant un début de réponse à ton post précédent,

a écrit : Je ne parlais pas d'une autre question que celle de "l'expropriation des expropriateurs". La question est: oui ou non considérez vous que la bureaucratie a exproprié les expropriateurs dans les pays Baltes, sous une forme , effectivement différente de celle des autres pays du dit glacis puisqu'elle a pu se permettre de les coloniser, ce qui lui était impossible en pologne et cie à cause des masses d'abord.

Pour les Etats baltes, je pense qu'on a affaire à une expropriation des expropriateurs par un méthode militaro-bureaucratique tel que la décrit Trotsky dans le texte cité plus haut.
Pour les pays du glacis je pense que la question est plus compliquée. Ces pays n'ont en effet pas pu être colonisées, à cause des masses et à cause des rapports entre l'URSS et l'impérialisme.
Et cela fait une sacrée différence. Parce que l'on a des états bourgeois. Dire qu'il y a expropriation des expropriateurs par les satellites, cela veut dire qu'il y a expropriation en 47-48 par des états bourgeois . Ce qui n'est pas un mince problème.
Toute la différence entre les pays baltes et les autres, c'est le maintien ou non d'un appareil d'état. C'est pourquoi je plaide non coupable sur l'incohérence.


Sur l'analogie entre restauration capitaliste en URSS et "ouvriériastion" des états du glacis en 47-48. Il y a quand même une grosse différence. La domination politique de la bureaucratie en URSS était par nature quelquechose d'extrêmement instable (et le fait qu'elle soit resté en place près de 70ans grâce aux équilibres de la guerre froide n'y change rien).Le rétablissement d'un marché capitaliste en Urss par les privatisations successive, a ainsi pu balayer la bureaucratie (ou le plus souvent la pousser à se reconvertir).
Je ne crois pas pour autant que ce soit un phénomène réversible (si on veux faire une analogie physique, c'est un peu comme le caractère irreversible des brisures d'équilibres instables, genre une boule sur une pyramide).
Supposons que cela le soit, cela voudrait dire que la domination politique d'une bureaucratie, le type "état ouvrier dégénéré (ou déformé)" serait la structure sociale produite par un certain type de rapports sociaux de production. C'est la question que pose Trotsky toujours dans le même texte (maintenant que j'ai le lien je ne vais pas me priver de citations):

(LT @ l'urss en guerre a écrit :
Sur le plan scientifique et politique - et non pas purement terminologique - la question se pose ainsi: la bureaucratie constitue-t-elle une excroissance temporaire sur l'organisme social ou bien cette excroissance s'est-elle déjà transformée en un organe historiquement nécessaire? Une monstruosité sociale peut être le résultat d'une combinaison accidentelle (c'est-à-dire temporaire et exceptionnelle) de circonstances historiques. Un organe social (et c'est ainsi que se présente chaque classe, y compris une classe exploiteuse) ne peut se constituer que comme produit (résultat) des exigences internes profondes de la production elle-même.


Je pense que tu sais comment l'auteur répond à la question. Penser que les modifications des rapports de productions (étatisation et monopole du commerce extérieur) produise la transformation d'"états bourgeois" en "états ouvrier déformé" avec sa propre caste bureaucratique parasitaire (tout comme en urss, quoi), c'est voir la bureaucratie comme résultat nécessaire de certains rapports de production. Alors on peut penser que l'analyse de Trotsky sur la nature des bureaucratie ne correspond plus à la situation de 48, mais il va falloir sérieusement argumenter.

Pour ma part, je pense qu'un Etat ouvrier dégénéré est une monstruosité sociale, le produit d'une combinaison accidentelle de l'histoire: le triomphe de la révolution en Russie puis son isolement dans un environnement impérialiste. Je ne crois pas qu'un certain type de rapport de production produise des "états ouvriers dégénérés" comme organe politique et social correspondant.

Alors en effet le fonctionnement de la production dans les états du glacis est pour le moins atypique. Ce sont au départ des rapports de production capitalistes (jusqu'en 47-48) que l'on coupe en suite du marché mondial (monopole du commerce extérieur). Alors oui du coup cela fonctionne au niveau de l'écorce comme en URSS. Sauf que la nature de l'arbre (la nature bourgeoise des états) crée des contradictions. C'est des états bourgeois qu'on oblige à fonctionner en régime autarcique. D'où la nécessité d'un contrôle et d'une coercition permanente de la part de l'Urss sur ces Etats, d'où aussi les différentes frictions entre les pays du glacis et la puissance tutélaire.

Je n'ai pas le temps là de traité de la question intéressante (celle des tâches politiques), donc à suivre...
Barnabé
 
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