Publié : 20 Avr 2003, 17:20
Sur la différence entre les républiques baltes et les états du glacis, voici ce qu'écrivait VO en 66 dans son CLT (c'est un peu long mais ça vaut le coup de citer le passage dans son ensemble):
(LES DÉMOCRATIES POPULAIRES SONT-ELLES DES ETATS SOCIALISTES ? @ clt 1966 a écrit :
Comment se posait cette tâche pour la bureaucratie en Europe Centrale ?
Il est impossible de comprendre le rôle de la bureaucratie dans ces pays sans avoir constaté, compris, assimilé, son caractère profondément contre-révolutionnaire, et sa peur congénitale de la révolution prolétarienne. Une révolution se propageant en Europe Centrale ne s'arrêterait pas à la frontière de l'Union Soviétique. Elle ferait éclater la fragile domination de la bureaucratie. Et celle-ci ne pouvait courir un tel risque.
Or, seule une force de coercition organisée, pouvait arrêter et briser le développement de la lutte de classes. Le devoir numéro un que la bureaucratie s'est fixé était de mettre fin à l'absence ou à la fragilité des Etats nationaux de son glacis et construire des appareils solides. Le caractère de ces appareils d'Etat sera déterminé par leurs tâches et par les forces sur lesquelles ils s'appuieront. On verra que la bureaucratie s'appuiera sur les fronts nationaux de composition et de politique anti-prolétarienne, expressions locales de la sainte alliance internationale entre la bureaucratie et les impérialistes.
La bureaucratie soviétique, dans la mesure où son objectif principal était d’étouffer le développement révolutionnaire du mouvement ouvrier, ne pouvait bâtir que des appareils d'Etat anti-prolétariens. Pour cela, elle s'est appuyée sur les forces les plus anti-ouvrières, donc souvent les plus réactionnaires, nous verrons sous quelle forme concrète.
En défendant contre l'impérialisme allemand les conquêtes de la Révolution d'Octobre, l'Armée Rouge a effectivement porté le sceau de son origine prolétarienne. Mais, en Europe Centrale, l'Armée Rouge est intervenue en 1945 comme une force contre-révolutionnaire destinée à empêcher l'éclosion de la révolution prolétarienne, remplissant rigoureusement le même rôle qu'aurait rempli en pareille circonstance une armée capitaliste. Son origine n'y change rien. Cette force contre-révolutionnaire dont le but principal était d'écraser la classe ouvrière, et alliée dans ce but aux couches les plus anti-prolétariennes, ne pouvait en aucun cas créer des Etats ouvriers, pas même « déformés ».
La question serait posée différemment en cas d'intégration de ces pays dans l'Union Soviétique. Personne ne discute la nature de l'Etat lettonien ou estonien, pour la bonne raison que l'Etat de ces pays est celui de l'Union Soviétique, et comme tels, ils font en effet partie de l'Etat russe, Etat ouvrier dégénéré. Pourquoi l'Union Soviétique n'a pas réalisé cette intégration ? Pour une part à cause des accords de Téhéran, Yalta, etc... Mais aussi, et surtout, parce qu'elle n'en avait pas la possibilité. Car pour briser le prolétariat dans le cadre des Etats nationaux la bureaucratie pouvait trouver des alliés tout indiqués, dans les forces bourgeoises et petites-bourgeoises nationales. On verra concrètement que c'étaient ces forces-là qui ont reconstruit les Etats de l'Est avec la bénédiction de l'Armée Rouge.
Alors qu'en intégrant ces pays à l'URSS la bureaucratie se serait heurtée à toutes ces forces bourgeoises et petites-bourgeoises, et à l'impérialisme, alliés irremplaçables pour briser le prolétariat , mais ennemis acharnés d'une soumission à un Etat ouvrier, même dégénéré. Certes, le prolétariat armé et mobilisé aurait pu briser ces forces, mais encore une fois, c'est à cette mobilisation trop dangereuse, que la bureaucratie se refusait.
On n'attribue pas suffisamment d'importance au maintien des Etats nationaux ; pourtant, la bureaucratie soviétique a créé là des instruments d'oppression qui n'étaient pas les siens, qui lui étaient étrangers et qui, les événements récents le prouvent, peuvent se tourner contre elle.
La lutte contre le prolétariat, qui dans chaque pays a mis la bureaucratie du côté des forces bourgeoises, n'a pas mis fin à l'antagonisme entre l'impérialisme et la bureaucratie. Les forces bourgeoises une fois le danger de la révolution prolétarienne écarté, tiraient vers leurs alliés naturels, les Etats impérialistes. Or la bureaucratie russe tenait à sa zone de sécurité pour la séparer de ses dangereux alliés, qui ne tarderont pas d'ailleurs à agir à nouveau comme adversaires. Si la bureaucratie russe ne pouvait bâtir que des Etats anti-prolétariens, bourgeois, elle tenait au moins à s'assurer leur contrôle.
Une fois le prolétariat brisé, et au fur et à mesure que le danger d'une vague révolutionnaire s'éloigne, le fossé s'approfondit entre l'impérialisme et la bureaucratie et on s'achemine vers la guerre froide. Pour maintenir son contrôle sur les Etats de son glacis, la bureaucratie est contrainte d'éliminer tranche par tranche les partis bourgeois, et épurer ses propres partis staliniens. Mais ceci ne changera plus rien à la nature des Etats du glacis.