L'Express du 24 au 30 avril consacre un dossier de huit pages et fait sa Une sur Madame Badinter et son "livre événement" dans lequel elle dénonce la "fausse route" du "féminisme français". Un vrai festival ! Par où commencer ? Par le tir croisé de la juriste Marcela Iacub (pourfendeuse de l'"ordre moral féministe" ), d'Hervé Le Bras (qui a fait l'objet d'une plainte pour harcèlement sexuel de la part d'une de ses étudiantes) et d‘Elisabeth Badinter contre ce que la journaliste Jacqueline Remy qualifie de "dernier texte sacré du féminisme", c'est-à-dire l'Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff). "Est-il légitime d'additionner viols, coups et blessures et pressions psychologiques comme s'il s'agissait de la même violence ?", interroge Elisabeth Badinter. Et de rendre responsables les chercheuses du manque de précision de certains journalistes qui traduisent l' "indice global de violences conjugales" par "le taux de femmes battues". Mais ce genre de raccourcis journalistiques fait légion dans les médias. Pourquoi madame Badinter n'a-t-elle pas réagi sur la question de l'insécurité par exemple ? Sûrement parce qu'il y a une volonté de minimiser les violences psychologiques tout aussi destructrices que les violences physiques. Car pour elle, "il y a aussi des bourreaux femmes et des mégères en tout genre". Cela n'aurait rien à voir avec le patriarcat mais avec une "pathologie sociale et psychologique". Pour celle qui semble si attachée à la rigueur scientifique, dire qu'il n'existe qu'un seul et unique "féminisme français" coupable de "victimisme" est pour le moins surprenant. Car celle-ci amalgame sans scrupules les féministes différentialistes - qui attribuent à chaque sexe des qualités biologiquement prédéterminées - et celles qui se battent dans la rue et non dans les couloirs du Parlement européen, contre les inégalités sociales et économiques et contre les violences faites aux femmes. Madame Badinter tient à sa posture de féministe universaliste au-dessus de la mêlée (de harpies) au lieu de venir porter la contradiction au sein même du mouvement féministe : il est en effet plus simple de se faire interviewer dans L'Express que de se coltiner la réalité militante...
Pauline Terminière