Insurrection du ghetto de Varsovie

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par pelon » 02 Mai 2003, 17:28

CITATION
Avril-mai 1943 : l'insurrection du ghetto de Varsovie

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À l'aube du 19 avril 1943, quand des unités SS, appuyées par des miliciens ukrainiens et baltes, entrèrent dans le ghetto de Varsovie, elles y furent accueillies à coups de grenades et par des tirs de mitraillettes. La première insurrection de la Seconde Guerre mondiale venait d'éclater.

En avril 1941, les nazis avaient entassé 430000 Juifs dans ce ghetto. Deux ans après, il n'en restait plus que 40000 dont ils pensaient venir facilement à bout. Pourtant, des groupes de combat, mal armés, peu nombreux, allaient les tenir en échec un mois durant. 600 à 700 hommes et femmes épuisés par des années de privations avaient décidé de résister, même sans espoir de vaincre, même avec la certitude de périr au combat, plutôt que de se laisser exterminer docilement.

Pour en venir à bout, l'armée allemande, alors au faîte de sa puissance, dut user de tanks, de canons, et prendre d'assaut immeuble après immeuble. À la mi-mai, tout était fini. Du ghetto il ne restait plus que des ruines. De très rares survivants avaient réussi à fuir par les égouts, quand tout fut fini. C'est à certains d'entre eux que l'on doit le récit de l'insurrection et de sa préparation.

Dès leur victoire militaire de 1939 sur la Pologne, les autorités d'occupation allemandes avaient entrepris d'y opprimer très durement les Juifs. Représentant une fraction importante de la population dans un pays où l'État et l'Église catholique entretenaient de longue date l'antisémitisme, ils étaient pris au piège. Hormis de rares individus (fortunés ou ayant des relations), ils n'avaient nulle part où fuir.

Même avant-guerre, les puissances dites démocratiques (USA en tête) leur avaient fermé les portes, ce contre quoi les trotskystes avaient été parmi les seuls à s'élever. Trotsky, dès les années trente, avait dit, par exemple en 1938, que "même si la guerre est écartée, le prochain développement de la réaction mondiale implique avec certitude l'extermination physique des Juifs". C'est cela qui se mettait en place en Pologne. En avril 1940, les autorités allemandes créèrent un premier ghetto à Lodz, principale ville industrielle du pays. Dans la capitale, il fallut presque toute l'année 1940 pour en constituer un autre.

Derrière ce retour à l'obscurantisme médiéval, c'est l'extermination de la population juive, voulue et planifiée par le nazisme, qui se mettait en branle. Par les massacres et en profitant du fait que les victimes, dans leur immense majorité, voulurent croire jusqu'au bout, comme l'ont rapporté les rares survivants de l'insurrection, qu'elles pourraient échapper au pire.

Car, deux ans durant, malgré les conditions de survie effroyables, malgré les déportations continues de milliers de gens et les bruits qui filtraient sur les camps, ainsi que les récits d'évadés revenus informer le ghetto de ce qui l'attendait, sa population crut en un illusoire répit en s'infligeant à elle-même les sacrifices qu'exigeaient d'elle ses bourreaux. Pour cela, les nazis purent s'appuyer sur une police juive qui assassinait ceux qui s'opposaient à elle, sur un conseil juif qui organisait les déportations et choisissait ainsi entre ceux qui allaient mourir tout de suite et ceux qui allaient mourir un peu plus tard. En à peine deux mois de 1942, les trois quarts des habitants du ghetto partirent dans des trains les menant aux camps d'extermination. Quand reprirent ces déportations de masse, début 1943, 90% des habitants du ghetto avaient déjà péri de faim, de froid, de maladie, abattus dans la rue ou, surtout, dans les camps d'extermination.

Pendant ces années-là, des militants de divers partis et organisations, surtout issus du mouvement ouvrier, socialiste ou communiste, avaient organisé une vie culturelle collective, maintenu des traditions politiques dans le ghetto, édité une presse d'agitation et de propagande, tenté de gagner des sympathies actives. Sans grand succès jusqu'alors. Mais, en ce début 1943, il ne devenait que trop évident pour les survivants que leurs jours étaient comptés. C'est alors que des organisations sionistes, sionistes de gauche, communiste et socialiste (le Bund) créèrent l'Organisation juive de combat, celle qui allait mener l'insurrection. Certes, elle n'avait aucune chance de l'emporter, et les insurgés ne l'ignoraient pas. Mais en faisant le choix de mourir les armes à la main, ils purent se sentir "enfin, libérés de la peur", comme certains d'entre eux, rescapés, l'ont écrit dans leurs Mémoires.

Aujourd'hui, soixante ans après, se déroulent des commémorations où l'on parle de la lutte de l'humanité contre la barbarie. Mais les discours officiels émanent le plus souvent de gens, d'organisations, de gouvernements qui n'ont rien à voir, de près ni de loin, avec le combat des insurgés du ghetto et ce qui les animait. Or, sans ces hommes et ces femmes, ces militants nourris des idéaux du mouvement ouvrier et du socialisme et s'appuyant sur des organisations qui s'en réclamaient, l'insurrection du ghetto de Varsovie n'aurait certainement pas été possible.

P.L.

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pelon
 
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Message par Louis » 02 Mai 2003, 18:52

Il y a 60 ans:
le ghetto de Varsovie s'insurge
Garde l'espérance !

En avril 1943, la plupart des Juifs de Varsovie sont exterminés. Pourtant, pendant vingt jours, quelques centaines de combattants vont affronter les nazis.

Le souvenir de la révolte du ghetto de Varsovie en avril 1943 ne doit pas s'estomper. Alors que la plupart des 300 000 Juifs de Varsovie avaient déjà été déportés et gazés dans le camp d'extermination de Treblinka, quelques centaines de combattants sont parvenus à défier l'occupant nazi et à l'affronter vingt jours durant, en lui occasionnant des pertes notables. Aucun espoir d'une issue victorieuse ne leur était permis, leur seul objectif était de "témoigner", de clamer au monde que la population juive de Varsovie ne se laisserait pas mener passivement à l'abattoir et d'inciter d'autres opprimés à suivre leur exemple.

Le silence du "monde libre"

Un autre aspect de l'événement nous semble également d'actualité à l'heure où l'impérialisme anglo-saxon recouvre ses activités guerrières de grandes proclamations sur le respect du droit, de la démocratie, de la morale, etc. Il s'agit de la discrétion du "monde libre", à l'époque, sur l'atroce agonie des derniers Juifs de Pologne. La radio et la presse anglo-saxonnes en parlèrent très peu après quelques jours de tractations entre le Foreign Office et le gouvernement polonais en exil à Londres. Les Britanniques voulaient "vérifier l'exactitude des faits" et souhaitaient ménager un allié polonais qui ne nourrissait pas de sympathie particulière à l'égard des Juifs.
La Pologne avait été envahie par les nazis le 1er septembre 1939, aussitôt après la signature du pacte germano-soviétique. Très rapidement, des mesures vont être prises contre la population juive qui comptait alors plus de trois millions de personnes : confiscation de biens, interdiction de travailler dans les institutions publiques et les organismes de l'Etat, interdiction de voyager, rémunérations limitées, interdiction pour les médecins juifs de soigner des non-Juifs, port de l'étoile jaune à partir de 12 ans, etc.
En novembre 1940 les nazis créent le ghetto de Varsovie où doit se rendre toute la population juive de la ville avec interdiction d'en sortir. Une ceinture de 18 km de mur et de barbelés l'entoure. L'isolement est total. La misère devient telle que des gens meurent de faim en pleine rue ; sans parler des épidémies de typhus. Un conseil juif de 24 membres (Judenrat), aux ordres de l'occupant, gouverne le ghetto et dispose d'une police juive en uniforme pour maintenir l'ordre.
Malgré la brutalité de la répression, la majorité de la population essaie de survivre et ne croit pas aux informations alarmistes qui parviennent de temps à autre. Dès février 1941 pourtant, quelques rescapés avaient raconté comment les nazis avaient gazé des Juifs à Chelmno après en avoir gazé 40 000 à Lodz. Seules les organisations ouvrières juives y accordent du crédit et commencent un travail de propagande et d'organisation. Elles comprennent essentiellement le Bund (socialiste et non sioniste), la Hashomer Hatzair (socialiste et sioniste), les syndicats et des organisations de jeunesse. Le Parti communiste polonais qui a été liquidé par Staline en 1938 est en train de se reconstituer.
A partir de la mi-42, suite aux nombreuses exécutions de résistants et aux fusillades nocturnes, la population commence à comprendre que son avenir est des plus incertains. C'est le 20 juillet 1942 que le Judenrat sera mis en demeure (et acceptera) de signer un appel avertissant la population juive que, sauf exceptions, elle devra quitter la ville. Les rafles commenceront aussitôt et au deuxième jour de rafle le président du Judenrat, l'ingénieur Adam Czerniakow, se suicidera. Il savait parfaitement ce que signifiait le prétendu départ à l'Est et ne pouvait amoindrir sa responsabilité qu'en disparaissant. C'est alors que les rafles se succèdent, opérées par les gendarmes, les Ukrainiens et la police juive, au rythme de 5 000 à 6 000 par jour. Les partants sont rassemblés sur l'Umschlagplatz (devant la gare de rassemblement et de triage) et pendant une période on leur distribuera 3 kg de pain et 1 kg de confiture, de telle sorte qu'il y aura des milliers de volontaires affamés, persuadés qu'on ne leur donnerait pas du pain si on voulait les massacrer. Pourtant la vérité commençait à se savoir. Un envoyé avait été expédié du côté "aryen" et avait contacté un cheminot. Avec lui il se rend sur la ligne ferroviaire qu'empruntent les convois de déportés se rendant à Treblinka. Les cheminots de l'endroit leur apprennent que "tous les jours un train de marchandises, rempli de gens en provenance de Varsovie, emprunte cet embranchement et revient à vide. Aucun convoi alimentaire ne passe par là, et la gare de Treblinka est interdite à la population civile. Preuves tangibles que les gens qui y sont conduits sont exécutés".

Insurgés

Au mois de septembre 1942 il ne reste plus que 60 000 habitants dans le ghetto et en octobre les organisations résistantes se réunissent et créent l'Organisation juive de combat (OJC) avec un commandant de la Hashomer, Mordechaï Anielewicz, et un adjoint du Bund, Marek Edelman. L'OJC n'a que très peu d'armes : quelques dizaines de revolvers en mauvais état, des grenades et des cocktails Molotov fabriqués sur place, quelques fusils et un seul pistolet-mitrailleur. Des groupes de combat sont formés qui pratiquent des attentats, attaquent des SS et libèrent des prisonniers. L'OJC règne dans le ghetto qu'elle couvre d'affiches, avec le soutien de la population restante. C'est alors que les Allemands décident d'en finir.
Le 19 avril 1943, à 4 heures du matin, 2 000 à 3 000 Waffen SS, auxiliaires ukrainiens, lettons et policiers polonais, commencent à pénétrer dans la place. Ils seront rejoints par des troupes motorisées, des blindés et de l'artillerie. A leur grande surprise ils seront accueillis par un déluge de feu venant des quatre coins des rues. Il y aura de nombreux morts et deux chars seront incendiés. Après quelques heures de combats acharnés les assaillants s'enfuient et à 14 heures il n'en restera plus un. Ils referont une tentative le lendemain mais sans plus de succès. Ce n'est qu'au troisième essai qu'ils parviendront jusqu'au ghetto central qui sera incendié et littéralement rasé. La moitié des combattants juifs périra pendant les combats. La plupart des survivants décideront de se suicider collectivement et parmi eux, Mordechaï Anielewicz qui était à la tête de l'OJC. Quelques combattants parviendront à s'enfuir par les égouts et rejoindront la Résistance polonaise. Parmi eux Marek Edelman qui a rapporté ultérieurement, de façon émouvante et vivante, l'histoire de l'insurrection.
Ainsi que nous l'avons signalé précédemment, les futurs libérateurs furent d'une discrétion exemplaire à son sujet. Cela devait entraîner un autre suicide, mais à Londres celui-là : le 17 décembre 1943, pour protester contre l'indifférence des puissances occidentales au massacre des Juifs polonais, Artur Zygelboïm mettait fin à ses jours. Il représentait le Bund auprès du gouvernement polonais en exil.

Jean-Michel Krivine.

Rouge 2015 01/05/2003
Louis
 
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Message par com_71 » 02 Mai 2003, 19:58

Un livre pas trop ancien sur le ghetto : CITATION Du fond de l'abîme
Hillel Seidman


Le ghetto de Varsovie, 350000 Juifs; juillet 1942. Des rumeurs insistantes font état de la déportation imminente des Juifs. C'est à ce moment précis que le jeune archiviste de la communauté, Hillel Seidman, décide de consigner dans un journal le récit de l'horreur quotidienne pour le transmettre à la postérité. II poursuivra cette chronique de l'angoisse jusqu'à son arrestation en janvier 1943, sauvé par un extraordinaire passeport paraguayen.
Le "Journal du ghetto", rédigé en hébreu, a paru en 1946, suivi d'une traduction yiddish en 1947. N'ayant jamais fait l'objet d'une édition dans une langue à diffusion internationale, ce texte est resté méconnu alors qu'il s'agit d'un document humain bouleversant qui nous restitue, à travers le vécu d'un homme profondément religieux, la résistance obstinée et multiforme des Juifs de Varsovie à l'entreprise génocidaire nazie, infamante dans l'histoire de l'Allemagne.
Préfacé, traduit de l'hébreu et du yiddish et annoté par Nathan Weinstock, le "Journal du ghetto" de Seidman est accompagné d'un dossier documentaire et critique composé par Nathan Weinstock et Georges Bensoussan, avec la collaboration de Micheline Weinstock, qui fait de ce livre un document unique.[/quote]

C'est dans la collection "Terre Humaine" de Plon je crois.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Louis » 02 Mai 2003, 23:40

Il y a aussi

Mémoires du ghetto de Varsovie
Un dirigeant de l'insurrection raconte
Marek Edelman
chez liana lévi

Marek edelman était aussi un des dirigeants lié à Solidarité dans les années 80
Louis
 
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Message par ianovka » 03 Mai 2003, 17:52

A lire également sur le sujet "La Muraille" de John Hersey, un gros roman basé sur des documents et des témoignages consacrés à l'histoire et au soulèvement du ghetto de Varsovie. Passionant !
"Le capital est une force internationale. Il faut, pour la vaincre, l'union internationale, la fraternité internationale des ouvriers." Lénine
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Message par ianovka » 19 Jan 2004, 21:39

Marche pas le lien ... :annieleid:
"Le capital est une force internationale. Il faut, pour la vaincre, l'union internationale, la fraternité internationale des ouvriers." Lénine
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