par Louis » 25 Juin 2003, 20:26
tiens, puisque nous avons ouvert sur Orwell (si, si, souvenirs souvenirs...) un article de libé - peut etre a prendre avec des pincettes
CITATION (libé)Eric Arthur Blair, alias George Orwell, est né le 25 juin 1903 à Motihari, au Bengale, Inde. Etudiant à Eton, il préféra s'engager dans la police birmane. De retour en Europe, il publie quelques essais et ne prend son nom de plume qu'en 1933 avec «Dans la dèche à Paris et à Londres» (1). Le moment clé dans la vie de l'écrivain est son engagement, aux côtés du Poum (Parti ouvrier d'unification marxiste), une organisation antistalinienne, afin de lutter contre les fascistes durant la guerre d'Espagne. Outre «1984», traduit en 62 langues, et «La Ferme des animaux», Orwell a écrit sept livres d'importance majeure et quelque 700 essais et articles en l'espace de seize années. Le centenaire de sa naissance donne lieu à divers hommages dans la presse. Cet auteur phare du XXe siècle, adulé pour sa dénonciation du totalitarisme et son engagement social, avait aussi ses parts d'ombres. En cinq clés piochées dans la presse.
Négligé. Pour avoir une synthèse complète de la vie de George Orwell, se référer à l'article de son biographe Sir Bernard Crick sur le site de la BBC. Le ton du Washington Post est moins laudateur. «George Orwell est devenu un saint séculaire, acclamé par la gauche et la droite (...), révéré pour son franc-parler, honoré pour son courage moral, son esprit affûté et sa prose de diamant», écrit Glenn Frankel. L'historien Noel Annan convoqué par le Post ne dément pas: «Le premier saint de notre ère, bizarre, féroce, indépendant et ne devant rien à personne.» Au-delà de la sanctification, le Washington Post appelle à se souvenir de l'homme lui-même... en commençant par ses défauts. Et il n'en manquait apparemment pas. «Orwell était un homme étrange et difficile, qui avait peu d'amis, méfiants vis-à-vis des étrangers et qui cachait une tendance à la rigidité. Les personnages de ses romans sont raides et peu convaincants, ses portraits de femmes sont monolithiques et dégagent un parfum net de misogynie inavouée, et ses références occasionnelles aux juifs sont au mieux gênantes», écrit Glenn Frankel. Son apparence était peu soignée, se souvient dans le quotidien de la capitale américaine Frederic Mullally, qui a travaillé avec lui à La Tribune. «Il s'habillait comme un ouvrier, avec un vieux chandail, des chemises qui avaient connu des jours meilleurs et une veste trop serrée. Il se roulait ses cigarettes. Aucune émotion ne perçait sur son visage. Personne que je connaissais -moi compris- ne devint proche de George.»
Mauvais en chimie. Une des obsessions d'Orwell, qu'il a couchée sur le papier en 1946, dans un article intitulé «A Nice Cup of Tea» paru dans «the Evening Standard». La statue Orwell subit là encore quelques outrages. Le Guardian attaque fort: «La moitié de la population du Royaume-Uni va prendre ce qui suit comme une déclaration de guerre. Après des mois de recherches, la Société royale de chimie a répondu à une question qui a brisé des ménages durant des générations, mis à mal des amitiés, et rompu des relations: le lait doit être mis en premier.» La Société ne se prive pas de montrer qu'Orwell avait tort. Il écrit ainsi: «En versant d'abord le thé dans la tasse, on peut régler exactement la quantité de lait, sinon on est susceptible de mettre trop de lait si on fait l'inverse». De son côté, Andrew Stapley, chimiste à l'Université de Loughborough est formel: «Si du lait est versé sur du thé chaud, quelques gouttes venues du lait entrent en contact avec les hautes températures du thé suffisamment longtemps pour qu'une dénaturation significative arrive. Cela a beaucoup moins de chance de se produire si de l'eau chaude est ajoutée au lait.» Le journal donne ensuite LA recette définitive pour la parfaite tasse de thé... So british...
Dépassé. «Le signe le plus évocateur de son influence est les mots qu'il nous a laissés (...) «orwellien», l'adjectif le plus utilisé qui soit dérivé d'un écrivain contemporain», écrit Geoffrey Nunberg, linguiste à Stanford, dans le New York Times. «Dans la presse et sur Internet, il est plus commun que «kafkaïen»» ou même que «l'expression politique rivale “machiavélique”, qui a débuté il y a 500 ans». Mais le revers de la médaille est moins valeureux. Comme décrit dans un autre article du Guardian. «Si, quand vous mentionnez Big Brother, vos amis commencent à babiller sur l'éviction de John, alors vous aurez besoin de donner quelques explications...» Plus de cinquante ans après la mort d'Orwell en 1950, Big Brother n'est en effet plus un synonyme de l'Etat totalitaire décrit dans «1984», mais de télé-réalité (2).
Invalide. Georges Orwell a été marié à Eileen Maud O'Shaughnessy, décédée en 1944. il se remarie en 1949 avec Sonia Brownell. Celle-ci ne vivra que quatorze semaines avec lui. «La Vénus d'Euston Road», comme on la surnommait, traînait avant son mariage avec l'écrivain un passé resplendissant. Elle avait notamment été amoureuse d'Arthur Koestler et maîtresse de Merleau Ponty. Elle a servi de modèle pour la Julia intrépide de «1984». Quand il a demandé sa main, Orwell était déjà semi-invalide. Le mariage sera célébré à l'University College hospital de Londres. «Orwell alité revêtit une veste de smoking pour la brève cérémonie de mariage. Le champagne fut chambré sur un chariot d'hôpital. Quelques mois plus tard, le 21 janvier 1949, Orwell mourrait mais la veuve resta Mme George Orwell pendant trente ans...», écrit le New York Times.
Collabo. C'est une nouvelle page très noire de l'histoire de l'écrivain qu'a exhumée le Guardian. Selon le quotidien britannique, George Orwell avait envoyé en 1949 au gouvernement britannique une liste de 38 sympathisants communistes avérés ou présumés. «Cette découverte confirme l'évidence qui avait surgi sept ans plus tôt. Parmi ceux qui étaient mis à l'index par l'auteur de la «Ferme des animaux» et «1984», figuraient le comédien Charlie Chaplin, le romancier à succès JB Priestley, l'acteur Michael Redgrave, l'historien EH Carr, l'historien de Trotsky Isaac Deutscher, et le député travailliste Tom Drieberg», révèle le Guardian. L'écrivain avait fait parvenir cette liste à Celia Kirwan, fonctionnaire du Foreign Office, dont il était amoureux. Une collaboration qui paraît incroyable pour un auteur dont toute l'œuvre témoigne de son horreur du cynisme et de la raison d'Etat.
Mais Orwell, témoin actif de la guerre d'Espagne, n'a pas oublié comment la presse britannique a passé sous silence l'écrasement de la révolution par le Parti communiste et la liquidation des antifascistes hostiles à Staline. Un autre article du Guardian raconte que le Professor Norman Mackenzie, un des 38 noms de la liste noire, a déclaré qu'Orwell était gravement malade de la tuberculose et «perdait tout contrôle sur lui-même» quand il donna cette liste au Foreign office en 1949. «Les gens atteints de la tuberculose deviennent très étranges à l'approche de la mort. Je suis orwellien, j'étais d'accord avec lui sur l'Union soviétique, mais il est devenu à moitié gaga, je pense. » [/quote]