a écrit :Chacun perçoit désormais la nécessité de remédier aux désordres écologiques. Le pire serait d'adopter une attitude catastrophiste, comme le font certains courants de l'"écologie profonde". L'avenir n'est pas joué, et si la démonstration semble faite que l'humanité peut nuire en profondeur à la biosphère, cela prouve a contrario qu'il n'est nulle fatalité "naturelle" et immanente. La pente peut être remontée. Aucune résignation donc: il s'agit simplement de prendre la mesure de l'urgence.
La question est largement ouverte d'une action coordonnée au niveau mondial pour une gestion raisonnée des ressources énergétiques, la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, la lutte contre la déforestation, l'autosuffisance alimentaire.
Dans une conférence sur le développement durable, deux jours après s'être déclaré candidat, Lionel Jospin a repris à son compte la proposition d'une "Organisation mondiale de l'environnement" (OME). Cette nouvelle institution internationale pourrait-elle faire contrepoids à l'OMC, comme le suggèrent Les Verts? Pour Jospin, l'objectif est celui d'un rapprochement entre investissements privés et fonds publics. "Parmi les cent premières puissances économiques mondiales, on compte en effet 49 Etats et 51 entreprises", constate-t-il. Mais la méthode Jospin n'est que subordination aux intérêts des multinationales les plus puissantes lorsqu'il propose une "démarche contractuelle avec les ONG et les entreprises dans deux domaines, l'eau et l'énergie" et la mise en place d'"une charte internationale des services de l'eau". Ne cherchez pas dans ce discours la volonté d'égratigner un tant soit peu Vivendi ou la Lyonnaise des eaux, puisqu'il s'agit au contraire de leur assurer toujours plus de clients. On privatisera donc les réseaux de distribution d'eau partout dans le monde, si ce n'est déjà fait, au lieu de permettre aux populations de gérer elles-mêmes une ressource de plus en plus précieuse. Les multinationales de l'eau se livrent à un véritable racket sur les prix, insupportable pour les plus démunis. Et là où les populations sont si pauvres que cela ne rapporte pas assez, où les risques de révolte sont trop importants, les subventions des Etats ou de la Banque mondiale assureront les profits de ces firmes, au nom bien sûr de grands projets humanitaires.
a écrit :
Mais l'eau rare et chère n'est pas l'apanage du tiers monde. En France même, l'eau potable vient à manquer dans les régions où l'agriculture industrielle pompe toujours plus les réserves et pollue les nappes phréatiques. En Bretagne, les groupes à qui les municipalités ont "délégué" le service public sont incapables d'assurer la qualité de l'eau. Groupes, municipalités et Etat, chacun se renvoie la responsabilité. La Cour des comptes, dans un rapport publié ces jours-ci, accable les pouvoirs publics et précise que d'autres régions pourraient prochainement connaître les mêmes difficultés. Ce n'est que sous la pression des usagers, notamment par le boycott des factures d'eau, que certaines municipalités remettent en cause ce système.
L'idée d'une OME relève de ces mesures symboliques proposées pour conforter l'idéologie dominante: ce n'est qu'une façon d'habiller le refus d'attaquer la misère environnementale à la racine et de s'en prendre à la marchandisation du monde. Comme si cette nouvelle instance, si vraiment elle voyait le jour, pouvait se suffire à elle-même. Sa création ne serait pas sans rappeler celle du ministère de l'Environnement en 1971, lorsque les premières contestations écologistes sont apparues. Ce ministère, toujours dépourvu aujourd'hui de pouvoirs réels et d'un budget significatif, n'a jamais empiété sérieusement sur les prérogatives des grands corps de l'Etat qui agissent depuis les super-ministères des Finances ou de l'Industrie. Ce ne sont pas les qualités des quelques militants verts arrivés dans le cabinet de Dominique Voynet ces dernières années qui sont en cause, mais la nature même de l'Etat, qui ne peut être transformée par une simple alliance politique avec un parti de gestion comme le PS.
Ainsi, devant les réalités du fonctionnement des institutions, Les Verts se sont beaucoup agités pendant leurs cinq années de participation gouvernementale, pour finalement se renier sur la plupart des dossiers qui concernaient directement l'écologie: concernant les OGM, lorsque la ministre Dominique Voynet a accepté de signer les premières mises en culture, avant de sauver la face par un moratoire obtenu devant la multiplication des actions dirigées par la Confédération paysanne, en compagnie de nombreux militants verts; sur les transports, avec les aides au diesel pour les routiers, la poursuite du programme autoroutier, jusqu'à la réouverture aux poids lourds, ces prochains jours, du tunnel du Mont-Blanc. Qui se souvient seulement du programme français de lutte contre l'effet de serre, si rapidement contredit dans les faits par la capitulation en matière d'écotaxe, sous les censures conjuguées de Fabius et du Conseil constitutionnel? Ni la gestion chaotique de la chasse, ni la récente loi sur l'eau ne marqueront durablement la trace du premier gouvernement rose-vert en France. A l'heure des bilans, le social-libéralisme a incontestablement progressé dans la gauche plurielle, Verts compris. L'écologie politique, elle, a perdu de sa substance.
Les Verts se sont pris au piège d'une contradiction qu'ils avaient pourtant contribué à mettre à jour: face à des atteintes contre la biosphère difficilement réversibles, il y a urgence à agir, sans attendre des lendemains révolutionnaires. Mais partout l'écologie se heurte à la logique prédatrice du capitalisme, logique folle qui interdit de penser des réformes durables. Ainsi, beaucoup de militants écologistes s'interrogent aujourd'hui. Si les accords internationaux, dix ans après Rio, ne débouchent sur rien, si la participation gouvernementale est une impasse, où en est le projet écologiste? Quelle issue choisir?
a écrit :
Le meilleur chemin, à n'en pas douter, est celui des luttes collectives. C'est le chemin pris à l'origine par le combat écologiste, lorsque les antinucléaires, par dizaines de milliers, obstruaient la construction des centrales. La lutte, c'est le seul espoir des paysans du Mouvement des sans-terre (MST) du Brésil face aux escadrons de la mort, le seul espoir des liquidateurs damnés de Tchernobyl que le gouvernement russe veut abandonner sans pension, le seul espoir, aussi, pour les Toulousains victimes d'AZF de pouvoir dire enfin: "Plus jamais ça!" Non, l'écologie sociale n'a pas d'avenir si elle n'est pas d'abord portée par celles et ceux qui subissent ensemble la crise sociale et la crise écologique, par les mouvements sociaux, les luttes démocratiques, au Nord comme au Sud, dans l'indépendance des possédants.
L'écologie sociale, c'est cette compréhension que les limites de la biosphère auxquelles nous nous heurtons sont, pour une bonne part, socialement déterminées, qu'écosystèmes et systèmes sociaux sont inextricablement liés. Si sols fertiles, air pur et eau potable viennent à manquer, c'est à cause de la façon dont nous produisons et dont nous consommons. Le capitalisme pille les ressources naturelles, pollue tant et plus l'environnement, modèle nos comportements quotidiens et génère un consumérisme absurde et gaspilleur. Il n'en est pas moins incapable de répondre aux besoins humains les plus élémentaires de milliards d'individus. N'en déplaise à Lionel Jospin et Noël Mamère, le capitalisme n'est pas "moderne". L'avenir de la planète exige au contraire qu'il soit révolu.
cher rojo cela te semble t il pas une intervention combinant respect de l'environnement et lutte de classe ?