par Louis » 29 Oct 2002, 20:58
L'oppression des femmes et la lutte pour leur émancipation
Grâce à leurs luttes collectives, les féministes ont contribué à ouvrir de nouveaux espaces de liberté pour l'ensemble des femmes tandis que d'autres forces (liées à la montée des intégrismes, à l'offensive néolibérale dans le monde, au développement de nouvelles guerres dans de nombreuses régions) mettent en cause ces fragiles acquis.
La plus grande conquête du féminisme des années soixante-dix, dans les sociétés occidentales, fut celle de la liberté (dans certaines limites malgré tout) de la contraception et de l'avortement. C'est un bouleversement sans précédent dont ne bénéficient pas encore toutes les femmes, loin de là, mais qui a marqué un tournant radical: les femmes peuvent contrôler (du moins théoriquement) leurs maternités.
De plus, ce qui semblait relever de "la vie privée".. des hommes, le droit de frapper son épouse, de violer toute femme non accompagnée d'un homme, voire d'abuser sexuellement de ses enfants, en particulier des petites filles, n'est plus toléré aussi facilement. Le mur du silence a été brisé. Dans les sociétés occidentales, des lois punissent ces crimes qui touchent plus particulièrement les femmes et les enfants, les hommes homosexuels, ou des hommes en prison.
La presse se fait également l'écho des inégalités de salaire ou des autres discriminations que subissent les femmes dans leur activité professionnelle ou de "leurs" difficultés à "concilier" vie professionnelle et vie familiale. Que les institutions politiques soient encore si peu féminisées, choque également l'opinion publique en Europe.
Mais dans les faits, qu'en est-il exactement? Dans le monde, ce sont toujours les femmes qui constituent les plus gros bataillons des analphabètes: en l'an 2000, elles représentent 60 % des enfants non-scolarisés et la majorité des adultes analphabètes (Le Monde du 29 avril 2000); les plus gros bataillons également des personnes les moins bien soignées: une femme meurt chaque minute de causes liées à la grossesse ou à l'avortement. Dans l'Afrique sub-saharienne, les femmes sont trois fois plus touchées par les maladies sexuellement transmissibles que les hommes (chiffres cités dans L'Humanité du 21 septembre 2000).
Si la force de travail salariée tend à se féminiser sur le plan mondial, les femmes continuent d'être moins payées que les hommes, d'être touchées plus massivement par la précarité, d'être victimes de violences au travail et dans la famille: "Au niveau mondial, au moins une femme sur trois a été battue, contrainte à avoir des rapports sexuels, ou maltraitée de quelque autre manière, le plus souvent par quelqu'un de sa connaissance, y compris son mari ou un autre membre de sa famille. Une femme sur quatre a été victime de sévices durant sa grossesse", sans compter les 130 millions de fillettes et de femmes mutilées, ou les "4 millions de femmes et de fillettes vendues annuellement dans le monde" (idem).
De plus ce sont toujours elles prioritairement qui doivent assumer la prise en charge des enfants ou des personnes dépendantes. En France même, des enquêtes récentes montrent que les femmes continuent d'assurer 80 % du "noyau dur" du travail domestique (vaisselle, cuisine, linge, soins matériels aux enfants, courses) et que le surinvestissement professionnel des hommes, quand ils sont en couple avec des enfants, ne compense pas le temps consacré par les femmes aux responsabilités familiales (Le Monde le 27 mai 2000). Toutes ces inégalités font système. La société est bien "patriarcale".
L'oppression des femmes n'est pas seulement un "reste archaïque" des millénaires passés. Elle est toujours actuelle. Elle a été récupérée par le système capitaliste même si cela a produit et produit toujours de nouvelles contradictions au sein du système, comme nous le verrons. C'est pourquoi le combat féministe est lui-même toujours d'actualité.
Etre féministe, ce n'est pas détester les hommes, ni penser que des sentiments amoureux sincères entre hommes et femmes sont impossibles. Non, être féministe, c'est être lucide sur un système social qui, malgré certaines évolutions, établit un rapport de forces au profit des hommes, et leur accorde de nombreux privilèges collectifs et individuels. Cette suprématie masculine, ébranlée par les luttes féministes, se répercute jusque dans les actes de la vie quotidienne, dans la vie intime des couples et des individus des deux sexes, quelle que soit leur orientation sexuelle. Ce sont ces relations que nous voulons changer. Etre féministe en effet, c'est surtout considérer qu'il est nécessaire et souhaitable de transformer en profondeur les relations entre les femmes et les hommes.
Pour chercher à définir quelles sont les voies de libération et d'émancipation pour les femmes, nous tiendrons compte de l'apport qu'ont représenté les luttes et la réflexion des militantes et chercheuses féministes, en France en particulier, au cours des dernières décennies.