Le coup d'Etat du 11 septembre 1973. L'espoir anéa

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Barikad » 17 Sep 2003, 09:14

Sur le site de la LCR 94
CITATION Le coup d'Etat du 11 septembre 1973. L'espoir anéanti.  

Le 11 septembre 1973, soutenu activement par l'administration étatsunienne, le général Augusto Pinochet mettait brutalement fin à l'expérience du gouvernement chilien de l'Unité populaire dirigé par Salvador Allende. Retour sur les raisons d'un tel échec.


L'intérêt que continue de susciter le coup d'Etat de 1973 au Chili ne s'explique pas seulement par la compassion à l'égard des victimes de la brutalité militaire - brutalité dont l'ampleur a été récemment actualisée à la suite de l'arrestation du principal responsable, le général Pinochet. Il est également le reflet différé d'un capital de sympathie international pour une expérience qui cristallisa plusieurs phénomènes politiques à l'oeuvre à l'échelle mondiale au début des années 1970.

La formation de l'Unité populaire (UP) et sa victoire électorale du 4 septembre 1970 sont des événements à mettre en relation avec l'accélération historique de la croissance de la combativité et de la conscience de classe, ainsi qu'avec l'épuisement des réponses bourgeoises au développement en Amérique latine.

La dernière expérience réformiste bourgeoise avait déjà été fortement conditionnée par les luttes paysannes, lesquelles avaient imposé le développement de la réforme agraire en échange du soutien de la paysannerie. Au début du gouvernement démocrate-chrétien d'Eduardo Frei (1964), on comptait un millier de paysans organisés. Ils étaient des centaines de milliers, dans de puissantes fédérations syndicales paysannes, à la fin du mandat d'E. Frei, six ans plus tard. Plusieurs grèves générales et une multiplicité de mobilisations sectorielles vont précipiter la chute du gouvernement réformiste démocrate-chrétien, dans un contexte international où les signes annonciateurs de la crise des années 1970 incitent la bourgeoisie à la prudence. L'application d'un programme d'austérité provoque une scission sur sa gauche, au cours de l'année 1969, avec la formation d'un nouveau parti, le Mapu, qui rejoindra les futures composantes de l'UP. La lutte pour la réforme universitaire et la démocratisation de l'enseignement intègre les étudiants au mouvement général de transformation sociale en cours.  

La victoire, les premiers pas

Avec 36 % des suffrages exprimés, le candidat de l'UP, Salvador Allende, arrive en tête lors de l'élection présidentielle du 4 septembre 1970. La légitimité de sa victoire a été immédiatement reconnue par son adversaire démocrate-chrétien (DC), Radomiro Tomic, comme par la Jeunesse démocrate-chrétienne (JDC). Ce qui n'a pas empêché la direction des DC de conditionner son soutien à la signature d'un pacte des garanties constitutionnelles, manifestant ainsi sa méfiance à l'égard de la coalition gagnante et du président élu.

L'élection de Salvador Allende a déclenché une série de manoeuvres dans les secteurs opposés à sa victoire. La plus spectaculaire s'est traduite par l'assassinat du commandant en chef de l'armée de terre, le général Schneider, au mois d'octobre 1970. La commotion provoquée par cet assassinat a précipité un accord qui a permis la ratification par le Congrès national - avec les voix de la DC - de la victoire électorale et de la passation de pouvoir le 4 novembre.

Les premières mesures ont rapidement été mises en chantier : hausse générale des salaires, nationalisation de l'ensemble du système bancaire, début de la création de "l'aire sociale de l'économie", accélération de la réforme agraire, etc. ; mais surtout, envoi au Parlement d'un projet de réforme constitutionnelle permettant la nationalisation du cuivre, la principale richesse et source de devises du pays, aux mains des multinationales étatsuniennes.  

Lutte contre l'impérialisme

En raison de l'ampleur des profits réalisés par ces firmes au vu et au su du gouvernement précédent, le nouveau pouvoir a refusé toute compensation financière à l'acte d'expropriation. Une jurisprudence qui pouvait avoir des conséquences pour l'ensemble des relations économiques impérialistes de par le monde venait d'être établie. Pas une seule voix ne manqua quand le projet de réforme constitutionnelle fut soumis au vote du congrès. Les voix des sénateurs communistes et socialistes s'additionnèrent dans une joyeuse unanimité à celles des représentants de l'oligarchie terrienne et des lobbies industriels pour approuver l'expropriation du maître impérial de ces derniers.

Résultant de la puissance du soutien populaire à Salvador Allende et à l'UP, cette unanimité forcée ne devait cependant pas masquer le fait que le Chili devenait, du fait de la nationalisation du cuivre - suivie de celle de l'ensemble des matières premières - un centre de la lutte anti-impérialiste. Pour les mêmes raisons, il était la victime annoncée de l'impérialisme.

La réduction de l'inflation et du taux de chômage, les mesures de protection des femmes et des enfants - dont l'emblématique demi-litre de lait par jour, l'extension de la couverture sociale, la gratuité des services de santé pour les plus démunis, la création d'une entreprise de construction de logements sociaux à un rythme accéléré, etc. - ont été autant de mesures à la source de l'accroissement de l'adhésion populaire au nouveau gouvernement. Le 4 mars 1971, l'UP obtient plus de 50 % des voix aux élections municipales.

Ce large soutien populaire n'a pourtant nullement entamé les capacités de résistance de la bourgeoisie, d'autant plus que l'intervention prévisible des Etats-Unis devenait de plus en plus un facteur catalyseur de réaction interne.

Sous les ordres de Washington, les organismes financiers internationaux ont réduit à néant les capacités chiliennes de financement des échanges courants, les tribunaux ont appliqué un embargo sur le cuivre, bloquant ainsi 80 % du revenu provenant des exportations. Le dollar a financé le complot sur tous les fronts : grèves pour paralyser l'économie, marché noir, presse et moyens de communication d'opposition, groupes paramilitaires fascistes et actions terroristes.

La pénurie, le désordre, l'insécurité se sont installés dans le pays. Les grèves patronales, notamment celle des camionneurs, ont cherché à paralyser l'économie, les attentats se sont multipliés. La réaction a lancé toutes ses troupes dans la bataille : même les femmes des beaux quartiers sont descendues dans la rue pour populariser les "concerts de casseroles vides".  

Double pouvoir

Pendant la campagne électorale, un réseau de plus de 15 000 comités de l'Unité populaire (CUP), regroupant environ 700 000 adhérents, s'était constitué. Malgré le bilan tiré lors du congrès des CUP sur le rôle extrêmement positif qu'avaient joué ces structures, la direction de l'UP a prononcé leur dissolution. Peu de temps après, la pénurie autant que la nécessité d'un contrôle et d'une vigilance accrue - que l'UP ne pouvait pas garantir par le seul appareil d'Etat -, ont contraint le gouvernement à créer des organes de contrôle et de la distribution des denrées de première nécessité (les JAP). Leur efficacité a vite été démontrée.

Ces organes sont parvenus à coordonner et ordonner la distribution des denrées, dont la pénurie artificielle était provoquée par le marché noir. Mais la source principale du marché noir, le commerce établi, ne fut pas touchée. Ainsi les commerçants ont pu continuer à organiser la pénurie en faisant disparaître les produits. Aucune mesure allant vers le nécessaire monopole du commerce intérieur ne fut envisagée.

Parallèlement et face à la grève des camionneurs, une autre forme de double pouvoir s'est mise en place : les cordons industriels. Ils regroupaient les secteurs les plus radicalisés de la classe ouvrière, en conflit ouvert avec l'orientation du Parti communiste qui voyait dans la création de ces organes un acte de division de la classe ouvrière.

Structurés territorialement, ces cordons ont spontanément organisé l'ensemble de la vie sur leur territoire : transports des marchandises et des personnes, réquisition des moyens de production et de transport, tâches de vigilance antisabotage, mais aussi tentative de fabrication d'un armement populaire.

Ces cordons se sont développés dans tous les grands centres industriels et ont fait montre d'une extrême efficacité dans les tâches qu'ils s'étaient assignés, notamment dans le domaine de la mobilisation des travailleurs.

De multiples formes d'autoorganisation sont apparues dans cette période, notamment celle regroupant les paysans touchés par la réforme agraire ou en lutte pour obtenir l'expropriation de la terre. Par leur nombre, leur intensité et leur créativité, elles traduisent toutes la volonté d'aller vers un double pouvoir et le remplacement de l'ancien Etat bourgeois.  

La chute

Au lieu de s'appuyer sur la puissante créativité du mouvement populaire, l'UP a choisi la voie de la négociation et du renforcement des institutions, appelant les militaires au gouvernement au cours de la crise créée par la grève bourgeoise de la fin de l'année 1972. Signe évident de faiblesse, cette attitude a désorienté le mouvement de masse et stimulé l'activité contre-révolutionnaire.

Triste épilogue pour l'UP et les espérances d'un peuple. Pendant que l'armée perquisitionnait et réprimait brutalement les travailleurs, sous prétexte de l'application de la loi sur le contrôle des armes, Allende s'en remettait à Augusto Pinochet pour assurer la défense du gouvernement et de la légalité.

Le coût de la défaite du 11 septembre 1973 a montré comment la cécité réformiste peut conduire au désastre : seize ans d'une des dictatures les plus féroces de l'histoire contemporaine. Nul facteur ne peut atténuer la responsabilité de l'UP devant l'échec. Elle a disposé de toutes les conditions pour changer la vie d'un peuple qui lui a généreusement fait confiance. Elle a sacrifié l'espoir devant l'autel des institutions de la bourgeoisie, mortelle ennemie des peuples.

Julian Suarez

Rouge 2030 11/09/2003

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Barikad
 
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Message par Barikad » 17 Sep 2003, 09:54

CITATION (zen @ mercredi 17 septembre 2003, 11:24)"Ne pas oublier et apprendre" ... qu'au Chili, les camarades de la LCR étaient membres du front populaire. Et ils n'ont rien appris:
CITATION
"Au lieu de s'appuyer sur la puissante créativité du mouvement populaire, l'UP a choisi la voie de la négociation et du renforcement des institutions, appelant les militaires au gouvernement au cours de la crise créée par la grève bourgeoise de la fin de l'année 1972. "[/quote]

Comment, par quel miracle l'UP aurait-elle pu s'appuyer sur les masses, c'est-à-dire aller vers l'expropriation du capital? Pour l'avoir fait croire, les camarades chiliens de la LCR ( qui l'ont durement payé comme les autres militants ouvriers chiliens) ont contribué çà leur place à la défaite historique et écrasante de 1973.[/quote]
Ecoutes, je ne suis pas au courant de cette épisode, mais ce ne serait pas la premiere fois que le SU fait ce genre d'erreur (dramatique au deumeurant): Nicaragua, Cuba ..... Brésil !!!
Barikad
 
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Message par pelon » 17 Sep 2003, 10:18

Le groupe du SU étant insignifiant, sa contribution ne fut pas décisive. Cela ne l'empêcha pas de mener une politique centriste. Oui, leurs militants ont payé très cher la défaite de l'UP.
pelon
 
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Message par Stanislas » 17 Sep 2003, 13:30

CITATION Allende s'en remettait à Augusto Pinochet pour assurer la défense du gouvernement et de la légalité.[/quote]
A toutes fins utiles, d'un 'réformiste' :
CITATION "Je paierai de ma vie la défense des principes qui sont chers à cette patrie. La honte tombera sur ceux qui ont trahi leurs convictions, manqué à leur propre parole et se sont tournés vers la doctrine des forces armées. Le Peuple doit être vigilant, il ne doit pas se laisser provoquer, ni massacrer, mais il doit défendre ses acquis. Il doit défendre le droit de construire avec son propre travail une vie digne et meilleure. À propos de ceux qui ont soi-disant « autoproclamé » la démocratie, ils ont incité la révolte, et ont d'une façon insensée et douteuse mené le Chili dans le gouffre. Dans l'intérêt suprême du Peuple, au nom de la patrie, je vous exhorte à garder l'espoir. L'Histoire ne s'arrête pas, ni avec la répression, ni avec le crime. C'est une étape à franchir, un moment difficile. Il est possible qu'ils nous écrasent, mais l'avenir appartiendra au Peuple, aux travailleurs. L'humanité avance vers la conquête d'une vie meilleure .

Compatriotes, il est possible de faire taire les radios, et je prendrai congés de vous. En ce moment des avions sont en train de passer, ils pourraient nous bombarder. Mais sachez que nous sommes là pour montrer que dans ce pays, il y a des hommes qui remplissent leurs fonctions jusqu'au bout. Moi, je le ferai, mandaté par le Peuple et en tant que président conscient de la dignité de ce dont je suis chargé.

C'est certainement la dernière occasion que j'ai de vous parler. Les forces armées aériennes ont bombardé les antennes de radio. Mes paroles ne sont pas amères mais déçues. Elles sont la punition morale pour ceux qui ont trahi le serment qu'ils ont prêté. Soldat du Chili, Commandant en chef, associé de l'Amiral Merino, et du général Mendosa, qui hier avait manifesté sa solidarité et sa loyauté au gouvernement, et aujourd'hui s'est nommé Commandant Général des armées. Face à ces évènements, je peux dire aux travailleurs que je ne renoncerai pas. Dans cette étape historique, je paierai par ma vie ma loyauté au Peuple. Je vous dis que j'ai la certitude que la graine que l'on a confiée au Peuple chilien ne pourra pas être détruite définitivement. Ils ont la force, ils pourront nous asservir, ils mais n'éviteront pas les procès sociaux, ni avec le crime, ni avec la force. L'Histoire est à nous, c'est le Peuple qui la fait.

Travailleurs de ma patrie, je veux vous remercier pour la loyauté dont vous avez toujours fait preuve, de la confiance que vous avez accordé à un homme qui fut le seul interprète du grand désir de justice, qui jure avoir respecté la constitution et la loi. En ce moment crucial, la dernière chose que je voudrais vous dire, c'est que la leçon sera retenue.

Le capital étranger, l'impérialisme, ont créé le climat qui a cassé les traditions : celles que montrent Scheider et qu'aurait réaffirmé le commandant Araya. C'est de chez lui, avec l'aide étrangère, que celui-ci espérera reconquérir le pouvoir afin de continuer à défendre ses propriétés et ses privilèges. Je voudrais m'adresser à la femme simple de notre terre, à la paysanne qui a cru en nous, à l'ouvrière qui a travaillé dur et à la mère qui a toujours bien soigné ses enfants. Je m'adresse aux fonctionnaires, à ceux qui depuis des jours travaillent contre le coup d'État, contre ceux qui ne défendent que les avantages d'une société capitaliste. Je m'adresse à la jeunesse, à ceux qui ont chanté et ont transmis leur gaieté et leur esprit de lutte. Je m'adresse aux Chiliens, ouvriers, paysans, intellectuels, à tous ceux qui seront persécutés parce que dans notre pays le fascisme est présent déjà depuis un moment. Les attentats terroristes fa isant sauter des ponts, coupant les voies ferrées, détruisant les oléoducs et gazoducs, face au silence de ceux qui avaient l'obligation d'intervenir. L'Histoire les jugera.

Ils vont sûrement faire taire radio Magallanes et vous ne pourrez plus entendre le son métallique de ma voix tranquille. Peu importe, vous continuerez à m'écouter, je serai toujours près de vous, vous aurez au moins le souvenir d'un homme digne qui fut loyal avec la patrie. Le Peuple doit se défendre et non pas se sacrifier, il ne doit pas se laisser exterminer et se laisser humilier. Travailleurs : j'ai confiance dans le Chili et dans son destin. D'autres hommes espèrent plutôt le moment gris et amer où la trahison s'imposerait. Allez de l'avant sachant que bientôt s'ouvriront de grandes avenues où passera l'homme libre pour construire une société meilleure.

Vive le Chili, vive le Peuple, vive les travailleurs ! Ce sont mes dernières paroles, j'ai la certitude que le sacrifice ne sera pas vain et qu'au moins surviendra une punition morale pour la lâcheté et la trahison."

Salvador Allende Gossens
Président du Chili du 4 novembre 1970
à son exécution, le 19 septembre 1973[/quote]
Stanislas
 
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