S'il serait injuste de dire que les micro-nationalistes actuels sont d'extrême-droite, ces derniers sont généralement discrets sur les pères fondateurs de ces nationalismes. J'ai choisi un texte sur le nationalisme breton mais le fondateur du nationalisme basque était d'un racisme assez invraisemblable aujourd'hui :
CITATION
1. Historique du mouvement des Seiz Breur
A l'origine du groupe des Seiz Breur, la rencontre de Jeanne Malivel
(1895-1926) et d'Olivier Mordrelle (1901-1985), étudiant en architecture, qui
devait être condamné à mort à la Libération sans jamais renier ses
accointances avec les nazis. Mordrelle lance en 1919 le journal Breiz Atao,
avec son cousin Jean Bricler, abattu par la Résistance en 1943, Francis
Debauvais, lui aussi ardent partisan dès avant guerre de la collaboration
avec le nazisme, et Maurice, dit Morvan, Marchal (1900-1963), futur
membre des Seiz Breur, inventeur du drapeau national-breton noir et blanc et
futur directeur de la revue druidique nazie Nemeton.
Porteur des valeurs de l'extrême-droite, Breiz Atao fut, dès le début,
l'expression d'un racisme qui faisait de la défense de la Bretagne opprimée par
la France la défense d'une culture ethniquement pure, car celte, contre la
déchéance de la France métissée (voir le document). Le volume le plus
représentatif de cette idéologie est l'Histoire de notre Bretagne de Danio
(Jeanne Coroller-du Guerny, elle aussi exécutée par la Résistance) illustrée
par Malivel, en 1922. L'éloge du duc Jean 1er qui "s'occupa activement du
bien de son peuple" en chassant les juifs et l'illustration représentant la France
volant la bourse de la Bretagne firent scandale en leur temps. Le volume est
pourtant cité très élogieusement par Denise Delouche, l'une des
responsables de l'exposition.
A la même époque, Jeanne Malivel rencontre René-Yves Creston
(1898-1964), sa femme Suzanne (1899-1979) et Georges Robin (1904-1928).
En 1923, ils décident de créer une confrérie d'artistes en lui donnant le
nom de Seiz Breur (Sept Frères, en breton). Les réalisations de ces artistes,
associés à des artisans comme Christian Le Part relèvent de la volonté de créer
un "art national breton" en s'inspirant de motifs d'origine celtique ou
supposés tels.
Leur vision, qui n'est que l'expression de Breiz Atao dans le domaine de l'art,
trouve naturellement à s'exprimer comme complément artistique au supplément
littéraire de Breiz Atao, la revue Gwalarn, dirigée par Louis Némo, dit
Roparz Hemon (1900-1978), pionnier de la collaboration du mouvement
breton avec les nazis. Ce supplément artistique dirigé par Creston s'intitule
Kornog, autrement dit Occident, ce qui est explicite. Adhèrent alors aux Seiz
Breur des collaborateurs de Breiz Atao comme Youenn Drezen
(1889-1972) (voir le document) dont Creston illustre le Kan da Gornog
(Chant pour l'Occident), toujours dans la même thématique, et François Elies,
dit Abeozen (1896-1963) qui prendra avec Roparz Hemon la direction de la
radio bretonne sous contrôle des services de propagande allemande.
L'Occupation est la période la plus faste qu'aient connue les Seiz Breur.
Encourageant en sous-main les visées autonomistes, les nazis permettent à
une presse bretonne florissante de voir le jour. Si L'Heure bretonne est
ouvertement pro-nazie, Arvor, le journal de Roparz Hemon, quoique
partisan de "l'Europe nouvelle", se veut une vitrine culturelle, tandis que La
Bretagne de Fouéré affiche un pétainisme résolu. En fait, la collusion entre
les responsables de ces journaux est telle que certaines polémiques sont
organisées de concert. Creston collabore à L'Heure bretonne comme à La
Bretagne où, avec Xavier Haas et Langlais, il assure l'illustration de cette
presse collaborationniste. Le groupe prolifère, s'accroissant de militants du
Parti nationaliste breton comme Henri Caouissin, secrétaire de l'abbé Perrot qui
allait être exécuté par la Résistance, Yann Goulet (1914-1999) chef des
organisations de jeunesse du PNB.
C'est à l'initiative de Creston et de Fréminville (dit Merrien), directeur
de L'Heure bretonne, puis directeur littéraire de La Bretagne, lui-même
membre des Seiz Breur, que l'Institut celtique est créé. Directeur
de la Commission des Beaux-Arts, Creston exerce une influence
décisive sur cet organisme qui est le fer de lance de la collaboration en
Bretagne. En 1942, on trouve dans le quotidien La Bretagne, sous la
signature "Seizh Breur" (avec zh, donc dans l'orthographe imposée par
l'occupant) un texte collectif d'allégeance à Pétain annonçant qu'un souffle nouveau court désormais sur la Bretagne et rappelant la leçon de vitalité raciale donnée par la Bretagne
(c'est-à-dire les Seiz Breur) à l'Exposition internationale de 1937 (voir le document).
Nombreux sont les Seiz Breur qui sont arrêtés à la Libération.
L'emprisonnement est souvent ce qui leur sauve la vie, tant la haine des "Breiz
atao" est grande en Bretagne. Le menuisier Christian Le Part, membre de la
milice bretonne sous uniforme SS dite Bezen Perrot (comme deux autres
membres des Seiz Breur) est abattu par la Résistance, Yann Goulet, condamné
à mort par contumace, s'enfuit en Irlande où il devient une sorte de sculpteur
officiel. Marchal, Elies, Drezen, Caouissin, Rafig Tullou, le druide fondateur de
Kad et collaborateur de L'Heure bretonne, Dorig Le Voyer, le musicien des
Bagadou Stourm, sont condamnés à des peines très faibles en regard de leurs
responsabilités: quelques années d'"indignité nationale". Aucun ne semble avoir
manifesté le moindre regret de leur passé. Marchal et Tullou ont inspiré des
cercles druidiques dont la revue Ordos liée au nouveau parti breton
d'extrême-droite qui vient de se créer (Adsav) indique la permanence.
2. Occultation de l'Histoire, brouillage idéologique
Le texte de l'exposition ne fait aucune allusion à l'idéologie raciste qui
sous-tend Breiz Atao: Mouvements aux faibles effectifs, ils n'ont pas une
idéologie bien assise, passant d'un régionalisme maurrassien à un
nationalisme libertaire, voilà tout ce que nous saurons. L'unique allusion au
racisme apparaît à propos d'une prétendue opposition entre et une droite
nationaliste tentée par le fascisme et une gauche autonomiste (dont les plus
beaux fleurons seraient Marchal et Duhamel, ce dernier auteur dès 1912 d'une
conférence intitulée "La musique celtique, expression de la race" publiée dans
L'Heure bretonne le 12 avril 1941!). On apprend juste que le PNB se laisse
imprégner du fascisme italien et du totalitarisme allemand. L'hostilité à
l'égard des "mocos" (français nés hors de Bretagne, de parents non bretons)
et parfois même le racisme achèvent de placer le mouvement aux antipodes
de la démocratie. Le FN dans une telle perspective doit être aussi parfois
même raciste.
Les dérives collaborationnistes des Seiz Breur sont présentées avec autant
de partialité que d'indulgence: ayant réussi à trouver deux résistants (ou
plutôt un et demi car Creston est pour le moins ambigu), on monte leur rôle en
épingle et on laisse accroire que le groupe des Seiz Breur était partagé entre les
résistants et les autres. Du texte euphoriquement pétainiste de 1942, pas
question: Creston, dont l'aversion pour le nazisme est vive et qui est peu
suspect de sympathie pour le Maréchal Pétain, apporte son aide au réseau
résistant du Musée de l'Homme. Mais cela ne l'amène pas à cesser son action
bretonne: "Nous devons maintenant construire. Il ne s'agit pas de prendre
parti pour telle ou telle conception de la Bretagne. Nous sommes par essence
au dessus des partis. Nous servons uniquement la cause de l'art breton, de la
pensée bretonne." Servir la pensée bretonne en collaborant à des journaux
pro-nazis, incitant constamment à la haine raciale, cela mériterait quelques
explications, d'autant que cette exposition est faite par des historiens.
N'auraient-ils pas lu les textes? Préfèreraient-ils les cacher?
Pour expliquer le discrédit où tombe le mouvement des Seiz Breur
après-guerre, on note que certains, au comportement strictement
"autonomiste", sont jugés sévèrement à la Libération par une opinion qui a
totalement basculé et qui ne s'embarrasse pas de nuances. Ce qui leur vaut
cette incompréhensible persécution de la volonté répressive du nouveau
pouvoir, c'est donc le comportement strictement "autonomiste" de
quelques-uns! Cela permet de conclure que l'épuration a parfois manqué de
discernement, jetant un discrédit durable sur les mouvements culturels
bretons.
S'en prendre à l'épuration revient à défendre d'authentiques fascistes qui
ont effectivement discrédité tout ce qui était breton. Or, ce qui rend cette
exposition intéressante est que la défense de ces fascistes est assurée par la
"gauche" du mouvement breton. Le titre de l'article par lequel le directeur
du Musée de Bretagne, concepteur de l'exposition, fondateur de l'UDB,
expose ses intentions dans le journal nationaliste Bremañ est bien "krouiñ
un arz broadel" (créer un art national). Nous sommes dans une
problématique inchangée - celtisme, ethnicité, revendication identitaire - qui
fait que le "mouvement breton" peut se dire de gauche tout en se réclamant
de fascistes.[/quote]