Nationalisme breton moderne

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par pelon » 22 Sep 2003, 16:20

S'il serait injuste de dire que les micro-nationalistes actuels sont d'extrême-droite, ces derniers sont généralement discrets sur les pères fondateurs de ces nationalismes. J'ai choisi un texte sur le nationalisme breton mais le fondateur du nationalisme basque était d'un racisme assez invraisemblable aujourd'hui :

CITATION
1. Historique du mouvement des Seiz Breur

 A l'origine du groupe des Seiz Breur, la rencontre de Jeanne Malivel
 (1895-1926) et d'Olivier Mordrelle (1901-1985), étudiant en architecture, qui
 devait être condamné à mort à la Libération sans jamais renier ses
 accointances avec les nazis. Mordrelle lance en 1919 le journal Breiz Atao,
 avec son cousin Jean Bricler, abattu par la Résistance en 1943, Francis
 Debauvais, lui aussi ardent partisan dès avant guerre de la collaboration
 avec le nazisme, et Maurice, dit Morvan, Marchal (1900-1963), futur
 membre des Seiz Breur, inventeur du drapeau national-breton noir et blanc et
 futur directeur de la revue druidique nazie Nemeton.

 Porteur des valeurs de l'extrême-droite, Breiz Atao fut, dès le début,
 l'expression d'un racisme qui faisait de la défense de la Bretagne opprimée par
 la France la défense d'une culture ethniquement pure, car celte, contre la
 déchéance de la France métissée (voir le document). Le volume le plus
 représentatif de cette idéologie est l'Histoire de notre Bretagne de Danio
 (Jeanne Coroller-du Guerny, elle aussi exécutée par la Résistance) illustrée
 par Malivel, en 1922. L'éloge du duc Jean 1er qui "s'occupa activement du
 bien de son peuple" en chassant les juifs et l'illustration représentant la France
 volant la bourse de la Bretagne firent scandale en leur temps. Le volume est
 pourtant cité très élogieusement par Denise Delouche, l'une des
 responsables de l'exposition.

 A la même époque, Jeanne Malivel rencontre René-Yves Creston
 (1898-1964), sa femme Suzanne (1899-1979) et Georges Robin (1904-1928).
 En 1923, ils décident de créer une confrérie d'artistes en lui donnant le
 nom de Seiz Breur (Sept Frères, en breton). Les réalisations de ces artistes,
 associés à des artisans comme Christian Le Part relèvent de la volonté de créer
 un "art national breton" en s'inspirant de motifs d'origine celtique ou
 supposés tels.

 Leur vision, qui n'est que l'expression de Breiz Atao dans le domaine de l'art,
 trouve naturellement à s'exprimer comme complément artistique au supplément
 littéraire de Breiz Atao, la revue Gwalarn, dirigée par Louis Némo, dit
 Roparz Hemon (1900-1978), pionnier de la collaboration du mouvement
 breton avec les nazis. Ce supplément artistique dirigé par Creston s'intitule
 Kornog, autrement dit Occident, ce qui est explicite. Adhèrent alors aux Seiz
 Breur des collaborateurs de Breiz Atao comme Youenn Drezen
 (1889-1972) (voir le document) dont Creston illustre le Kan da Gornog
 (Chant pour l'Occident), toujours dans la même thématique, et François Elies,
 dit Abeozen (1896-1963) qui prendra avec Roparz Hemon la direction de la
 radio bretonne sous contrôle des services de propagande allemande.

 L'Occupation est la période la plus faste qu'aient connue les Seiz Breur.
 Encourageant en sous-main les visées autonomistes, les nazis permettent à
 une presse bretonne florissante de voir le jour. Si L'Heure bretonne est
 ouvertement pro-nazie, Arvor, le journal de Roparz Hemon, quoique
 partisan de "l'Europe nouvelle", se veut une vitrine culturelle, tandis que La
 Bretagne de Fouéré affiche un pétainisme résolu. En fait, la collusion entre
 les responsables de ces journaux est telle que certaines polémiques sont
 organisées de concert. Creston collabore à L'Heure bretonne comme à La
 Bretagne où, avec Xavier Haas et Langlais, il assure l'illustration de cette
 presse collaborationniste. Le groupe prolifère, s'accroissant de militants du
 Parti nationaliste breton comme Henri Caouissin, secrétaire de l'abbé Perrot qui
 allait être exécuté par la Résistance, Yann Goulet (1914-1999) chef des
 organisations de jeunesse du PNB.

 C'est à l'initiative de Creston et de Fréminville (dit Merrien), directeur
 de L'Heure bretonne, puis directeur  littéraire de La Bretagne, lui-même
 membre des Seiz Breur, que l'Institut celtique est créé. Directeur
 de la Commission des Beaux-Arts, Creston exerce une influence
 décisive sur cet organisme qui est le fer de lance de la collaboration en
 Bretagne. En 1942, on trouve dans le quotidien La Bretagne, sous la
 signature "Seizh Breur" (avec zh, donc dans l'orthographe imposée par
 l'occupant) un texte collectif d'allégeance à Pétain annonçant qu'un souffle nouveau court  désormais sur la Bretagne et rappelant la leçon de vitalité raciale donnée par la Bretagne
 (c'est-à-dire les Seiz Breur) à l'Exposition internationale de 1937 (voir le document).

 Nombreux sont les Seiz Breur qui sont arrêtés à la Libération.
 L'emprisonnement est souvent ce qui leur sauve la vie, tant la haine des "Breiz
 atao" est grande en Bretagne. Le menuisier Christian Le Part, membre de la
 milice bretonne sous uniforme SS dite Bezen Perrot (comme deux autres
 membres des Seiz Breur) est abattu par la Résistance, Yann Goulet, condamné
 à mort par contumace, s'enfuit en Irlande où il devient une sorte de sculpteur
 officiel. Marchal, Elies, Drezen, Caouissin, Rafig Tullou, le druide fondateur de
 Kad et collaborateur de L'Heure bretonne, Dorig Le Voyer, le musicien des
 Bagadou Stourm, sont condamnés à des peines très faibles en regard de leurs
 responsabilités: quelques années d'"indignité nationale". Aucun ne semble avoir
 manifesté le moindre regret de leur passé. Marchal et Tullou ont inspiré des
 cercles druidiques dont la revue Ordos liée au nouveau parti breton
 d'extrême-droite qui vient de se créer (Adsav) indique la permanence.

2. Occultation de l'Histoire, brouillage idéologique

 Le texte de l'exposition ne fait aucune allusion à l'idéologie raciste qui
 sous-tend Breiz Atao: Mouvements aux faibles effectifs, ils n'ont pas une
 idéologie bien assise, passant d'un régionalisme maurrassien à un
 nationalisme libertaire, voilà tout ce que nous saurons. L'unique allusion au
 racisme apparaît à propos d'une prétendue opposition entre et une droite
 nationaliste tentée par le fascisme et une gauche autonomiste (dont les plus
 beaux fleurons seraient Marchal et Duhamel, ce dernier auteur dès 1912 d'une
 conférence intitulée "La musique celtique, expression de la race" publiée dans
 L'Heure bretonne le 12 avril 1941!). On apprend juste que le PNB se laisse
 imprégner du fascisme italien et du totalitarisme allemand. L'hostilité à
 l'égard des "mocos" (français nés hors de Bretagne, de parents non bretons)
 et parfois même le racisme achèvent de placer le mouvement aux antipodes
 de la démocratie. Le FN dans une telle perspective doit être aussi parfois
 même raciste.

 Les dérives collaborationnistes des Seiz Breur sont présentées avec autant
 de partialité que d'indulgence: ayant réussi à trouver deux résistants (ou
 plutôt un et demi car Creston est pour le moins ambigu), on monte leur rôle en
 épingle et on laisse accroire que le groupe des Seiz Breur était partagé entre les
 résistants et les autres. Du texte euphoriquement pétainiste de 1942, pas
 question: Creston, dont l'aversion pour le nazisme est vive et qui est peu
 suspect de sympathie pour le Maréchal Pétain, apporte son aide au réseau
 résistant du Musée de l'Homme. Mais cela ne l'amène pas à cesser son action
 bretonne: "Nous devons maintenant construire. Il ne s'agit pas de prendre
 parti pour telle ou telle conception de la Bretagne. Nous sommes par essence
 au dessus des partis. Nous servons uniquement la cause de l'art breton, de la
 pensée bretonne." Servir la pensée bretonne en collaborant à des journaux
 pro-nazis, incitant constamment à la haine raciale, cela mériterait quelques
 explications, d'autant que cette exposition est faite par des historiens.
 N'auraient-ils pas lu les textes? Préfèreraient-ils les cacher?

 Pour expliquer le discrédit où tombe le mouvement des Seiz Breur
 après-guerre, on note que certains, au comportement strictement
 "autonomiste", sont jugés sévèrement à la Libération par une opinion qui a
 totalement basculé et qui ne s'embarrasse pas de nuances. Ce qui leur vaut
 cette incompréhensible persécution de la volonté répressive du nouveau
 pouvoir, c'est donc le comportement strictement "autonomiste" de
 quelques-uns! Cela permet de conclure que l'épuration a parfois manqué de
 discernement, jetant un discrédit durable sur les mouvements culturels
 bretons.

 S'en prendre à l'épuration revient à défendre d'authentiques fascistes qui
 ont effectivement discrédité tout ce qui était breton. Or, ce qui rend cette
 exposition intéressante est que la défense de ces fascistes est assurée par la
 "gauche" du mouvement breton. Le titre de l'article par lequel le directeur
 du Musée de Bretagne, concepteur de l'exposition, fondateur de l'UDB,
 expose ses intentions dans le journal nationaliste Bremañ est bien "krouiñ
 un arz broadel" (créer un art national). Nous sommes dans une
 problématique inchangée - celtisme, ethnicité, revendication identitaire - qui
 fait que le "mouvement breton" peut se dire de gauche tout en se réclamant
 de fascistes.[/quote]
pelon
 
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Message par pelon » 22 Sep 2003, 16:40

Référence de ma citation :

ici se trouve le texte que j'ai extrait. On y dénonce à propos de l'exposition consacrée au peintre Xavier de Langlais l'"oubli" de son passé de salaud.
pelon
 
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Message par clavez » 22 Sep 2003, 19:58

Le texte est intéressant et instructif.
Pour le comprendre pleinement, il me semble qu'il faut avoir présent à l'esprit, comme le disent Benedict Enderson, et quelques autres, que c'est le nationalisme qui fabirique les nations. Le phénomène nationale est avant tout, ce me semble, un phénomène politique.
Pelon faisait une remarque sur le thème du sang dans l'idéologie du PNV des origines à juste titre. Ce qui est intéressant c'est l'évolution du racisme basque (être basque c'est avoir les 4 grands parent portants des patronimes basques) avec le temps. Aujourd'hui, les héritiers en viennent à des théories sur le droit du sol.
Mohamed Harbi met en valeur clairement les enjeux politiques de la définition de la nation. Avec la sagesse du recul on pourrait dire que ce n'était pas neutre que le FLN ait repris la catégorie coloniale de musulman pour définir la nation algérienne.
En fin la tradition ouvrière issue de la seconde internationale est un Etat un Parti. La SFIO n'organisait pas les socialistes alsaciens à juste titre.
clavez
 
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