Langue et marxisme

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par canardos » 08 Avr 2012, 21:25

non c'est bien de chomsky, le commentaire de Daniel Dennett c'est le bout de phrase entre parenthèses que j'aurais du mettre aussi en italiques :(Chomsky parle de 50000 ans seulement dans son articles "trois facteurs dans l'architecture du langage). et ce bout de phrase renvoie à un autre article de chomsky auquel je n'ai pas eu accès.

à mon avis, mais c'est une hypothèse, chomsky est beaucoup plus prudent dans son papier de 2002 que dans ses papiers antérieurs parce que depuis des années de nombreux linguistes et biologistes ont critiqué ses thèses et proposé des scénarios alternatifs. en plus c'est un papier ecrit avec marc hauser, un spécialiste des systèmes de communication animale. marc hauser est professeur de psychologie et de neurosciences à Harvard. j'ai lu un ouvrage de ce dernier "à quoi pensent les animaux" aux éditions odile jacob . Dans cet ouvrage Hauser, tout en insistant sur les differences qualitatives entre l'intelligence et les formes de communication animale et celle de l'homme, n'a jamais défendu les conceptions de Chomsky telles que celui ci les avaient formulé antérieurement. la formulation des conclusions a du s'en ressentir...
canardos
 
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Message par shadoko » 10 Avr 2012, 12:43

Ah, ok.

Oui, ce que tu dis est très possible. Mais je suis quand-même étonné du petit nombre de citations précises de Chomsky sur le sujet. Quand on fait une recherche rapide sur internet, on tombe tout le temps sur les mêmes, et elles sont loin d'être très explicites. Ça donne l'impression que certains ont peut-être un peu tourné en boucle sur quelques phrases un peu anecdotiques ou peu réfléchies.
shadoko
 
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Message par canardos » 10 Avr 2012, 13:17

hmm, si une grande partie des linguistes, des psychologues cogniticiens et des specialistes de la biologie évolutive ont jugé nécessaire de critiquer ces thèses et de présenter des scénarios alternatifs, c'est que ce n'était pas quelques citations sorties de leur contexte.

je ne sais pas si tu connais Steven Pinker, mais c'est des psychologues cogniticien et linguistes les plus réputés sur le plan scientifique.

je cite cet extrait de wikipedia:

a écrit :

Steven Pinker (né le 18 septembre 1954, à Montréal, Canada) est un psychologue cognitiviste. Il est reconnu pour son travail sur le processus d'apprentissage du langage chez les enfants qui l'a conduit à donner une base biologique au concept de grammaire générative universelle du linguiste Noam Chomsky. Il est surtout célèbre pour ses livres de synthèse qui s'adressent à la fois aux scientifiques et au grand public.

Après des études au Canada, Steven Pinker a effectué un doctorat en psychologie expérimentale à Harvard. Il fut professeur au département de sciences cognitives et cerveau au Massachusetts Institute of Technology pendant 21 ans avant son retour à Harvard en 2003.

Publications

    Language Learnability and Language Development (1984)
    Visual Cognition (1985)
    Connections and Symbols (1988)
    Learnability and Cognition: The Acquisition of Argument Structure (1989)
    Lexical and Conceptual Semantics (1992)
    The Language Instinct (1994)
    How the Mind Works (1996)
    Words and Rules: The Ingredients of Language (1999)
    The Blank Slate: The Modern Denial of Human Nature (2002)
    The Stuff of Thought: Language as a Window into Human Nature (2007)

Traductions françaises

    L'instinct du langage, Odile Jacob, 1999
    Comment fonctionne l'esprit, Odile Jacob, 2000
    Comprendre la nature humaine, Odile Jacob, 2005



il a centré son article "natural langage and natural selection" sur une critique de la théorie de Chomsky et de Stephen J Gould. et il donne de nombreuses références.

je reproduis un extrait de cet article avec les réferences:

a écrit :

But surprisingly, this conclusion is contentious. Noam Chomsky, the world's best-known linguist, and Stephen Jay Gould, the world's best-known evolutionary theorist, have repeatedly suggested that language may not be the product of natural selection, but a side effect of other evolutionary forces such as an increase in overall brain size and constraints of as-yet unknown laws of structure and growth (e.g., Chomsky, 1972, 1982a, 1982b, 1988a, 1988b; Gould, 1987a; Gould and Piattelli-Palmarini, 1987). Recently Massimo Piattelli-Palmarini (1989), a close correspondent with Gould and Chomsky, has done the field a service by formulating a particularly strong version of their positions and articulating it in print. Premack (1985, 1986) and Mehler (1985) have expressed similar views.



voila l'article entier de Pinker en pièce jointe:




pinker_bloom_1990_naturallanguage_naturalselection.pdf
canardos
 
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Message par canardos » 10 Avr 2012, 13:47

quelques autres citations de Chomsky sur ce sujet:

a écrit :

The Darwinist model would say that language, like other complex organic systems, evolved step by step, each step being an adaptive solution. Yet language is such an integrated "all or none" system, it is hard to imagine it evolving that way. Perhaps the brain grew in size and became capable of all kinds of things which were not part of the original properties (Gould, 1994).



a écrit :

It could be that when the brain reached a certain level of complexity it simply automatically had certain properties because that's what happens when you pack 10lD neurons into something the size of a basketball (Chomsky, 1994).


voila une citation de Premack un des defenseurs de la thèse de Chomsky

a écrit :

Human language is an embarrassment for evolutionary theory because it is vastly more powerful
than one can account for in terms of selective fitness. A semantic language with simple mapping
rules, of a kind one might suppose that the chimpanzee would have, appears to confer all the
advantages one normally associates with discussions of mastodon hunting or the like .... syntactic
classes, structure-dependent rules, recursion and the rest, are overly powerful devices, absurdly
so (Premack, 1985: 281-282).



voila des références sur les positions de Gould:

a écrit :

Gould, S. J. (1987). The limits of adaptation: Is language a spandrel of the human brain?
Paper presented to the Cognitive Science Seminar, Center for Cognitive Science,
MIT, October.
Gould, S. J. (1994). Video. The Human Language Series. Program Three. By Gene
Searchinger.
Gould, S. J. & Lewontin, R. C. (1979). The spandrels of San Marco and the Panglossian
paradign1. A critique of the adaptationist programme. Proceedings of the Royal Society of
London, 205, 281-8.



à noter que Derek Bikerton qui est également un linguiste réputé a lui aussi dans un premier temps en 1990 essayé d'envisager la thèse d'une macromutation récente pour expliquer le passage à un langage syntaxique avant de passer à un scénario neodarwinien classique avec un article ("Lingua ex Machina: Reconciling Darwin and Chomsky with theHuman Brain" Calvin and Bickerton 2000)

il faut encore rappeler l’hypothèse de Deacon qui ne fait pas de la syntaxe l’élément de base du langage humain mais la remplace par la capacité de manipuler des symboles, des abstractions:


je remets ici c'est extrait du site "le cerveau à tous les niveaux" sur Terence Deacon, un extrait que j'avais déjà mis plus haut dans ce fil:

a écrit :

Terrence Deacon, s’oppose à cette primauté de la grammaire et pense plutôt que c’est le caractère symbolique du langage qui est son élément essentiel.

Pour Deacon, les soi-disant symboles utilisés par les animaux ne sont que des indices (voir l'encadré à gauche ). Pour lui, ceux qui essaient d’enseigner aux chimpanzés le langage s’assurent que les mots ou les icônes utilisés pour désigner les choses apparaissent toujours simultanément avec ces choses dans l’environnement de l’animal, ce qui en fait de simples indices. Ce niveau inférieur du langage basé sur les signes et les icônes, Deacon l’associe à celui des premières années de l’enfant. Le langage articulé de l’adulte dépendrait quant à lui de la spécificité du symbole qui, pour Deacon, réside dans les liens logiques que chaque symbole entretient à l’égard des autres. Et c’est ce réseau de relations, beaucoup plus que la seule occurrence de signes arbitraires, qui caractérise pour lui les symboles utilisés par les humains.

Deacon pense donc qu’on ne doit pas chercher à comprendre l’évolution du langage en terme de fonctions grammaticales innées, mais bien en terme de manipulation de symboles et de relations entre les symboles. Il y a certes une prédisposition humaine pour le langage, mais elle serait le produit d’une coévolution entre le cerveau et le langage. Ce qui est inné pour Deacon est un ensemble de capacités mentales qui nous confèrent certaines tendances naturelles, lesquelles se traduisent par les mêmes structures langagières universelles. Il s’agit donc d’une conception différente de celle de Chomsky où ce qui est à l’origine de la grammaire universelle est associé à une innovation cérébrale spécifique au langage.

Cette coévolution du cerveau et du langage, Deacon la voit prendre racine dans la complexité de la vie sociale des humains, avec une grande coopération entre les hommes et les femmes de la communauté pour l’acquisition des ressources, mais également des liens monogames exclusifs assurant les soins nécessaires aux enfants très dépendants durant les premières années. Un mélange explosif qu’on ne retrouve dans aucune autre espèce (les grands singes sont par exemple autonomes pour leur alimentation) et qui nécessite des rituels et des interdictions pour assurer la stabilité des groupes. En d’autres termes des abstractions que seules des capacités symboliques peuvent appréhender.

canardos
 
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Message par shadoko » 10 Avr 2012, 21:34

Merci pour le papier de Pinker, il est très clair en effet.
shadoko
 
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Message par Jenlain » 11 Avr 2012, 22:28

a écrit :
The language faculty is one component of what the co-founder of modern evolutionary theory, Alfred Russel Wallace, called “man’s intellectual and moral nature”: the human capacities for creative imagination, language and other modes of symbolism, mathematics, interpretation and recording of natural phenomena, intricate social practices and the like, a complex of capacities that seem to have crystallized fairly recently, perhaps a little over 50,000 years ago, among a small breeding group of which we are all descendants – a complex that sets humans apart rather sharply from other animals, including other hominids, judging by the archaeological record. The nature of the “human capacity,” as some researchers now call it, remains a considerable mystery. It was one element of a famous disagreement between the two founders of the theory of evolution, with Wallace holding, contrary to Darwin, that evolution of these faculties cannot be accounted for in terms of variation and natural selection alone, but requires “some other influence, law, or agency,” some principle of nature alongside gravitation, cohesion, and other forces without which the material universe could not exist. Although the issues are differently framed today, they have not disappeared.

It is commonly assumed that whatever the human intellectual capacity is, the faculty of language is essential to it. Many scientists agree with paleoanthropologist Ian Tattersall, who writes that he is “almost sure that it was the invention of language” that was the “sudden and emergent” event that was the “releasing stimulus” for the appearance of the human capacity in the evolutionary record -- the “great leap forward” as Jared Diamond called it, the result of some genetic event that rewired the brain, allowing for the origin of human language with the rich syntax that provides a multitude of modes of expression of thought, a prerequisite for social development and the sharp changes of behavior that are revealed in the archaeological record, also generally assumed to be the trigger for the rapid trek from Africa, where otherwise modern humans had apparently been present for hundreds of thousands of years. The view is similar to that of the Cartesians, but stronger: they regarded normal use of language as the clearest empirical evidence that another creature has a mind like ours, but not the criterial evidence for mind and the origin of the human capacity.

If this general picture has some validity, than the evolution of language may be a very brief affair, even though it is a very recent product of evolution. Of course, there are innumerable precursors, and they doubtless had a long evolutionary history. For example, the bones of the middle ear are a marvellous sound-amplifying system, wonderfully designed for interpreting speech, but they appear to have migrated from the reptilian jaw as a mechanical effect of growth of the neocortex in mammals that began 160 million years ago, so it is reported. We know far too little about conceptual systems to say much, but it’s reasonable to suppose that they too had a long history after the separation of hominids, yielding results with no close similarity elsewhere. But the question of evolution of language itself has to do with how these various precursors were organized into the faculty of language, perhaps through some slight genetic event that brought a crucial innovation. If that is so, then the evolution of language itself is brief, speculations that have some bearing on the kind of inquiry into language that is likely to be productive.


a écrit :
There are speculations about the evolution of language that postulate a far more complex process: first some mutation that permits two-unit expressions, perhaps yielding selectional advantage by reducing memory load for lexical items; then further mutations to permit larger ones; and finally the Great Leap that yields Merge. Perhaps the earlier steps really took place, though there is no empirical or serious conceptual argument for the belief. A more parsimonious speculation is that they did not, and that the Great Leap was effectively instantaneous, in a single individual, who was instantly endowed with intellectual capacities far superior to those of others, transmitted to offspring and coming to predominate. At best a reasonable guess, as are all speculations about such matters, but about the simplest one imaginable, and not inconsistent with anything known or plausibly surmised. It is hard to see what account of human evolution would not assume at least this much, in one or another form.


"Biolinguistics and the Human Capacity", Noam Chomsky, Delivered at MTA, Budapest, May 17, 2004.

http://www.chomsky.info/talks/20040517.htm

J'essaie de lire l'article de Pinker ce weekend.

Merci à vous deux pour cette discussion passionnante =D>

// EDIT :
en fait, dans cet exposé de Chomsky présente les idées qu'il mettra sur papier un an plus tard dans l'article "Three Factors in Language Design", dont vous avez parlé précédemment, et qui est ici :
http://www.er.uqam.ca/nobel/bioling/Chomsky_05.pdf
Il vaut mieux donc lire l'article que l'exposé.
Une traduction française :
http://clf.unige.ch/display.php?idFichier=42
Jenlain
 
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Message par canardos » 13 Avr 2012, 22:49

il est évident que le débat sur le développement du langage humain est compliqué par le fait qu'un protolangage ça ne se fossilise pas et que donc les étapes intermédiaires dans l’évolution du langage sont perdues à jamais. on ne peut que procéder par vérification indirecte faisant appel à un ensemble de disciplines pour déterminer la compatibilité des différents scénarios et leur degré de probabilité ...ou d'improbabilité...

mais je vais quand même vous dire pourquoi le scenario de Derek Bikerton me plait bien en tant que matérialiste, évolutionniste...et même marxiste...ce qui ne veut pas dire pour autant que ce soit le bon...

le mode de production de la nourriture chez le chimpanzé est essentiellement individuel. lorsque un chimpanzé trouve une source de nourriture, fruit, végétaux, voire un animal qu'il réussit à tuer, il la cache et la garde pour lui sauf pour amadouer un mâle dominant.

il peut partager la nourriture ne cas de chasse collective, par exemple la chasse au singe colobe, mais c'est plutôt exceptionnel et l'objet de la chasse est toujours en vue. Les signaux et cris ne sont utilisés que pour designer des choses en vue, jamais autrement même si les grands singes peuvent avoir plusieurs centaines de cris différents pour désigner des choses spécifiques.

lorsque la foret a reculé en Afrique à la fin du pliocène une partie des ancêtres communs au chimpanzé et à l'homme se sont adaptés à la vie en savane et sont devenus des charognards. On a retrouvé de nombreux sites de "boucherie" de cette période, des sites ou les australopithèques découpaient des morceaux de charognes avec des pierres tranchantes. Mais qui dit charogne dit afflux de prédateurs. Pour s'approprier des charognes et les exploiter avant l'arrivée des grands prédateurs, il fallait accourir très vite et en nombre. essayer de faire ça seul c'était la mort assurée. il fallait donc que l’australopithèque puisse amener son groupe sur les lieux souvent très distant d'où la nécessite de pouvoir indiquer la nature la direction et la distance d'un objet "off", hors de vue, la charogne convoitée.

il fallait aussi que des membres du groupes intimident les autres prédateurs avec des cris et des pierres pendant que les autres découpaient des morceaux de charogne et que le groupe s'en aille très vite des que les lions les dinofelis et les hyènes arrivaient en force. des australopithèques d'un mètre trente peuvent faire illusion en groupe mais pas très longtemps..

tout ça nécessitait une collaboration une division du travail et donc l'établissement de règles de partage au sein du groupe.

en fait on peut parler d'un mode de production collectif de la nourriture et d'une nouvelle organisation sociale pour gerer ce mode de production et les conflits internes dans le groupe.

et ce mode de production collectif de la nourriture à partir de charognes nécessitait une évolution du système de communication et l'exploitation de certaines capacités que les grands singes possèdent mais qu'ils n'exploitent pas dans leur milieu naturel mais seulement avec des éducateurs humains quand ceux ci les forment très jeunes au langage des signes ou à des langages symboliques à base de pictogramme.

seulement, contrairement aux hommes modernes nos lointains ancêtres ne possédaient pas de grammaires générative innée et avaient des capacités mentales plutôt proches de celles des grands singes actuels si l'on en juge par leur capacité crânienne.

alors comment arrivaient il à indiquer aux autres une direction une distance et la taille d'une charogne sans syntaxe et avec un répertoire limité de sons et de mots.

les neurosciences nous apportent une première indication. de nombreuses zones impliquées dans le langage sont également impliquée dans la gestuelle. d'ailleurs les neurones contrôlant les mains et la bouche arrivent dans la même zone du cerveau.

une autre indication peut être apportée par les linguistes qui comme Bikerton ont étudié les pidgins.

Un pidgin est le nom donné à un langage créé spontanément à partir du mélange de plusieurs langues. Poussés par le besoin de communiquer, ceux qui développent un pidgin s’accordent sur un vocabulaire limité, afin de permettre à des locuteurs de langues différentes de se comprendre. Par conséquent, les pidgins ont une grammaire rudimentaire et un vocabulaire restreint..

pour remplacer la grammaire, les hommes de langues différentes recourent largement aux gestes. par exemple en indiquant un animal, en se montrant soi même et en se frottant le ventre pour montrer qu'on veut le manger. Ensuite bien sur les pidgins deviennent des vraies langues avec une grammaire, ce qu'on appelle des créoles mais au départ la gestuelle remplace largement la grammaire.

on imagine bien les australopithèques associer des mots désignant des choses concrètes avec des gestes et d'autres sons pour créer l'équivalent de phrase simples qui ne permettaient surement pas des discussions philosophiques mais étaient suffisantes pour faire comprendre la direction la distance et la taille du charogne et dire aux autres qu'ils devaient tous suivre le locuteur.

et petit à petit sur des centaines de milliers d'années les sons accompagnant les gestes seraient devenus des marqueurs d'une véritable syntaxe, et les aptitudes cérébrales correspondantes auraient été progressivement sélectionnée...

l'homme et son gros cerveau seraient le produit du langage dans un processus dialectique qui aurait sélectionné les aptitudes à utiliser un langage de plus en plus efficace pour des taches de plus en plus complexes et une vie sociale de plus en plus riche.

le contraire de la vison de Chomsky et de Gould...
canardos
 
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Message par canardos » 15 Mai 2012, 09:57

un petit element au debat, avec un article dans biology letters.

voila l'abstract:

a écrit :

Evidence of an evolutionary precursor to human language affixation in a non-human primate

    Ansgar D. Endress*,
    Donal Cahill,
    Stefanie Block,
    Jeffrey Watumull and
    Marc D. Hauser


Abstract

Human language, and grammatical competence in particular, relies on a set of computational operations that, in its entirety, is not observed in other animals. Such uniqueness leaves open the possibility that components of our linguistic competence are shared with other animals, having evolved for non-linguistic functions. Here, we explore this problem from a comparative perspective, asking whether cotton-top tamarin monkeys (Saguinus oedipus) can spontaneously (no training) acquire an affixation rule that shares important properties with our inflectional morphology (e.g. the rule that adds –ed to create the past tense, as in the transformation of walk into walk-ed). Using playback experiments, we show that tamarins discriminate between bisyllabic items that start with a specific ‘prefix’ syllable and those that end with the same syllable as a ‘suffix’. These results suggest that some of the computational mechanisms subserving affixation in a diversity of languages are shared with other animals, relying on basic perceptual or memory primitives that evolved for non-linguistic functions.



et voila le lien vers l'article en pdf

Evidence of an evolutionary precursor to human language affixation in a non-human primate
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Message par Blondin » 19 Mai 2012, 17:06

Je vois cité Pinker donc peut etre est-ce utile de préciser que cet éminent vulgarisateur des sciences cognitives et neurosciences fait partie des promoteurs d'un retour de la nature humaine dans les sciences. Il explique ainsi dans son ouvrage "Comprendre la nature humaine" (passionnant ai-je trouvé à l'époque) que l'individu n'est certainement pas une table rase à la façon de Descartes, que si notre nature ne nous détermine pas elle nous offre un champ des possibles restreint, pas seulement au niveau du corps mais aussi au niveau de l'esprit. Dans cette démarche, Pinker s'inscrit dans ce que les américains appellent la psychologie évolutionniste... cela ne l'empeche pas de tailler un sacré costume au marxisme dans son ouvrage, qui participerait selon lui de cette négation de la nature humaine, faisant de l'homme un réceptacle de la culture, une page blanche. Quand on voit qu'il cite le livre noir du communisme on se demande s'il connait le marxisme de l'intérieur...
Blondin
 
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Re: Langue et marxisme

Message par canardos » 19 Fév 2015, 16:53

Je reviens sur ce fil à propos des origines du langage et sur la théorie de Chomsky selon laquelle le langage syntaxique est une aptitude innée génétiquement fixée qui suppose un pré-câblage du cerveau, une réorganisation telle qu'elle ne peut être intervenue qu'en une seule fois par une macromutation et ne peut s'expliquer par la sélection darwinienne, c'est à dire par un ensemble de micromutations qui auraient progressivement accru les capacités du cerveau sous la pression de l'environnement pendant une durée de plusieurs millions d'années.

Plus haut dans ce fil en page 1 j'ai déjà présenté brièvement les théories de Steven Pinker, James Mark Baldwin et Derek Bikerton qui présentent des hypothèses darwiniennes sur l'acquisition d'un langage syntaxique sans passer par un hypothétique recâblage complet du cerveau, recâblage dont les neurosciences ont depuis longtemps démontré qu'il n'existait pas.

Mais Stanislas Dehaene, grâce aux travaux les plus récents sur l'acquisition du langage par les nourrissons, apporte aussi l’éclairage d'une discipline en pleine expansion la psychologie cognitive.

Pendant l'année universitaire 2012-2013 il a fait au Collège de France un ensemble de cours sur le sujet:

Les principes Bayésiens de l'apprentissage : sommes-nous des scientifiques dès le berceau ?

Tous ces cours sont téléchargeables ou regardables en streaming ici http://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/p1345611472218_content.htm

Et voila l'introduction à ce cycle de cours:

Comme l’a expliqué Noam Chomsky, la connaissance de la langue dépasse, de toute évidence, la simple évaluation des probabilités de transitions entre mots. Nous devons, au minimum, considérer des règles abstraites qui font intervenir des catégories de mots (noms, adjectifs, verbes). Même les probabilités de transition entre ces catégories ne suffisent pas : toutes les langues possèdent une structure arborescente en constituants enchâssés, elles sont régies par des règles syntaxiques récursives qui se traduisent par des dépendances à distance variable et arbitraire.

Selon Chomsky, la complexité de ces règles et la « pauvreté » des stimuli qu’entend l’enfant nécessitent de postuler l’existence d’une grammaire universelle, un ensemble de principes linguistiques préalables à tout apprentissage. Cependant, un article récent attaque ce point de vue en montrant que, sur la base de l’écoute de quelques dizaines de phrases, un algorithme d’apprentissage bayésien hiérarchique parvient à sélectionner, parmi des millions de règles, celles de la grammaire universelle (Perfors, Tenenbaum & Regier, 2011). Il ne serait donc pas nécessaire de supposer que celles-ci soient innées.

La mise à l’épreuve empirique de cette idée reste presque entièrement inexplorée, car seules quelques recherches empiriques ont porté sur la capacité de très jeunes enfants à apprendre la grammaire. À dix-sept mois, les enfants repèrent l’alternance de mots de fonction (comme l’article « le ») et de noms communs (comme « chien »). À un an, ils extraient la structure grammaticale d’une séquence de syllabes, et la généralisent à des séquences nouvelles. Surtout, l’expérience princeps de Marcus et de ses collaborateurs montre que, dès sept mois, les bébés sont sensibles à des structures abstraites ou « algébriques » dans la répétition d’une série de syllabes (Marcus, Vijayan, Bandi Rao & Vishton, 1999). Prolongée chez l’adulte (Pena, Bonatti, Nespor & Mehler, 2002), cette recherche suggère que, dans le cerveau humain, deux mécanismes très différents seraient à l’œuvre au cours de l’apprentissage de séquences : (1) un mécanisme d’apprentissage statistique, sensible aux probabilités de transition, et (2 un mécanisme d’apprentissage de règles abstraites, tout-ou-rien, qui extrait des règles algébriques (ABB, AxC, etc.). Dès la seconde année de vie, le second mécanisme permettrait à l’enfant de découvrir des règles abstraites sur des items non-adjacents (Gomez & Maye, 2005).

Un article récent s’attaque au défi particulier que pose l’apprentissage des nombres et du comptage (Piantadosi, Tenenbaum & Goodman, 2012). En effet, si les très jeunes enfants apprennent facilement à réciter les nombres « un deux trois quatre… », ils n’en connaissent pas nécessairement le sens (Wynn, 1990). Pendant plusieurs mois, ils apprennent, un à un, le sens de chacun des nombres un, deux, trois, etc. Ce n’est que vers trois ans et demi, qu’ils font soudain un saut conceptuel remarquable : ils comprennent que chaque nom de nombre correspond à une quantité bien précise. Piantadosi et collaborateurs parviennent à rendre compte de ces observations par apprentissage bayésien au sein d’un espace de formules du lambda-calcul, un « langage de la pensée » doté de primitives et de lois de composition. L’algorithme proposé parvient à découvrir les règles récursives qui régissent un domaine comme celui des nombres.
Conclusion

Même si l’hypothèse du bébé statisticien reste spéculative, elle s’avère extrêmement productive, sur le plan empirique autant que théorique. Une série d’expériences récentes bouleverse nos connaissances en démontrant l’étendue et la subtilité des inférences qu’un enfant de moins d’un an est capable de déployer. Il n’est pas exclu que le cerveau de l’enfant abrite, d’emblée, un mécanisme rapide d’inférence. Les modèles bayésiens de l’apprentissage ne sont qu’en partie innéistes. Certes, ils supposent l’existence d’une machinerie complexe d’inférence probabiliste et d’un très vaste espace d’hypothèses (qui, dans l’espèce humaine, à la différence peut-être de toutes les autres espèces animales, inclue les fonctions récursives). Mais ils reposent également sur une sélection hiérarchique qui élimine massivement les hypothèses inappropriées et converge rapidement vers des catégories ou des règles abstraites. En ce sens, ces modèles ne font que préciser la maxime proposée par Jean-Pierre Changeux dans L’homme Neuronal (1983) : « apprendre, c’est éliminer ».


Si vous voulez ne savoir plus regardez ces conférences et téléchargez les supports de cours pour avoir les références.
canardos
 
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