Le congrès de Bakou

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par luc marchauciel » 13 Sep 2012, 19:59

Dans Contretemps, un retour sur le congrès de Bakou en 1920:

a écrit :
Un moment d'espoir: le congrès de Bakou 1920


Septembre 1920. Pour l’état révolutionnaire russe c’était un moment de grand espoir – mais aussi de grand danger. En 1917, les travailleurs russes avaient pris le pouvoir. Depuis ce temps, ils avaient subi une soi-disant « guerre civile » [en réalité l’invasion d’une douzaine d’armées étrangères, y compris la britannique et la française] atrocement cruelle. Des révolutions en Hongrie et Bavière en 1919 avaient été rapidement écrasées.

Les dirigeants bolcheviques savaient bien qu’il fallait étendre la révolution. Si la révolution restait isolée, elle ne pourrait pas survivre. Personne ne parlait encore du socialisme dans un seul pays. Le nouvel état soviétique avait donc besoin d’alliés, dans ses propres intérêts et dans l’intérêt des travailleurs du monde entier. Ou bien le socialisme étendait sa victoire, ou bien l’exploitation continuait et de nouvelles guerres allaient se préparer.

C’était dans cette perspective que l’Internationale Communiste avait été créée en 1919, dans le but d’encourager la révolution mondiale. Le deuxième congrès de l’Internationale, tenu à Moscou en juillet et août 1920, avait regroupé un grand nombre de socialistes et de syndicalistes qui allaient dès lors former les nouveaux partis communistes à même de bouleverser le capitalisme mondial une fois pour toutes. Mais la grande majorité des délégués venaient de l’Europe. Il fallait aussi chercher des alliés ailleurs, dans ce que Zinoviev, le président de l’Internationale Communiste, appelait « la deuxième moitié du congrès de l’Internationale1 ». Voilà ce qui a constitué le congrès de Bakou.

La guerre de 1914-1918 avait été une guerre impérialiste. Malgré leur rhétorique, les empires britannique et français n’avaient aucune intention de « libérer » les peuples des colonies. Le traité de Versailles accordait « le droit des peuples à disposer d'eux‑mêmes » aux pays européens, mais nullement aux pays de l’Afrique et de l’Asie. La vision des bolcheviques portée avec elle un monde où le colonialisme et le racisme seraient abolis et oubliés à jamais. Selon le bolchevique Radek, il fallait s’appliquer « à l’œuvre de reconstruction d’une nouvelle humanité libre où il n’y aura plus de gens de couleur, où il n’y aura plus de différences dans les droits et les obligations, où tous jouiront des mêmes droits et auront les mêmes devoirs2  ». Le manifeste adopté par le deuxième congrès de l’Internationale avait donc souligné l’importance pour les communistes dans les pays impérialistes de la lutte contre leur propre impérialisme :

Le socialiste qui, directement ou indirectement, défend la situation privilégiée de certaines nations au détriment des autres, qui s’accommode de l’esclavage colonial, qui admet des droits entre les hommes de race et de couleur différentes; qui aide la bourgeoisie de la métropole à maintenir sa domination sur les colonies au lieu de favoriser l’insurrection armée de ces colonies, le socialiste anglais qui ne soutient pas de tout son pouvoir l’insurrection de l’Irlande, de l’Égypte et de l’Inde contre la ploutocratie londonienne, – ce « socialiste », loin de pouvoir prétendre au mandat et à la confiance du prolétariat, mérite sinon des balles, au moins la marque de l’opprobre3.

C’est dans ce contexte que le Comité Exécutif de l’Internationale a invité des représentants des peuples opprimés à se rassembler à Bakou. L’endroit était bien choisi. Bakou se trouvait en Azerbaïdjan, un des pays de l’ancien empire tsariste devenu indépendant en 1918, et qui se trouvait « au croisement entre la Russie et l’Orient4 ». D’autre part, il s’agissait d’un centre pétrolier, et les bolcheviques avaient conscience de l’importance que prendrait le pétrole au xxe siècle. Lorsque le révolutionnaire américain John Reed s’adressa aux délégués, il leur demanda : « Vous ne savez pas comment Bakou se prononce en américain? Il se prononce oil [pétrole]5. »

Le voyage n’était pas sans dangers. Le gouvernement britannique mit tout en œuvre pour empêcher les délégués d’arriver à Bakou. Un bateau à vapeur qui transportait des délégués iraniens fut par exemple attaqué par un avion britannique; deux délégués périrent et l’attaque fit plusieurs blessés. Des navires de guerre britanniques essayèrent également d’empêcher les délégués turcs de traverser la mer Noire. Deux iraniens furent tués à la frontière d’Azerbaïdjan par la police iranienne6. Les délégués qui venaient de Moscou devaient, de leur côté, traverser des régions dévastées par la guerre civile.


suite sur :
http://www.contretemps.eu/fr/interventions...%A8s-bakou-1920
luc marchauciel
 
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