Công Binh, la longue nuit Indochinoise

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par rudy » 01 Fév 2013, 22:08

Ce film est dans 11 salles seulement
rue 89
a écrit :Film : le destin forcé des ouvriers-soldats indochinois en France
C’est à travers des nonagénaires souriants que le film de Lam Lê nous raconte comment la France en 1937 était encore un pays esclavagiste. Car comment qualifier autrement la sombre et humiliante aventure qui fut celle des Vietnamiens contraints de venir travailler en France et qui, revenus plus tard dans leur pays, ont reçu insultes et opprobres ?

On les appelait les Công Binh (ouvriers-soldats). Le cinéaste Lam Lê avait entendu parler de cela et même croisé l’un d’entre eux, mais c’est le livre de Pierre Daum sur le sujet, « Immigrés de force » qui lui a ouvert les yeux et donné envie de faire ce film. Ils ont ensemble écrit le scénario.

Le film s’articule de façon chronologique sur les témoignages croisés de Cônh Binh qui ont vécu cette histoire qui a bouleversé leur vie. Ils sont tous nonagénaires (il y a même un centenaire). Lam Lê les a filmé chez eux, essentiellement au Viet Nam où la plupart sont revenus. Leur aventure est commune mais leur façon de raconter unique.

A Paris, dans son bureau de ministre de la Colonie et de la Défense, Georges Mandel décide la réquisition de 80 000 Indochinois de sexe masculin pour aller remplacer dans les usines les ouvriers français appelés sous les drapeaux et bientôt mobilisés. Chaque famille vietnamienne de trois enfants doit donner un fils (six enfants, deux) de 18 à 45 ans. Certains sont très jeunes, d’autres déjà mariés. Peu importe, ils doivent servir la Mère Patrie sinon leur père sera mis en prison.

Hier et aujourd’hui (ADR Productions)

Ils partent. Ils ont 20 ans et se demandent s’ils reverront un jour leur famille, leur pays. Scènes déchirantes de cette séparation que racontent ces vieillards pudiques.
Des sous-travailleurs méprisés et sous-payés

Mais cela n’est rien à côté de l’horreur de la traversée. Parqués dans des cales comme du bétail promis à l’abattoir, n’ayant quasiment rien à manger, ils nagent dans le vomi, l’odeur est épouvantable se souviennent plus d’un demi-siècle plus tard ces vieillards très dignes en renversant la tête ou en plissant les yeux, étouffant un étrange rire, celui des survivants.

Arrivés à Marseille, ils sont dirigés vers la prison des Baumettes alors toute neuve, plus tard dans des baraquements initialement conçus pour des prisonniers allemands. Puis, après le chaos de l’armistice les voici à Bourges, à Bordeaux, ailleurs, travaillant dans des usines, payés des clopinettes et considérés le plus souvent comme des sous-hommes.

Au sein du ministère du Travail du gouvernement de Vichy, ils dépendant de la M.O.I.1 (Main d’œuvre Indigène) qui les loue à des entreprises privés. Mais l’argent ils n’en verront presque pas la couleur étant payé dix fois moins qu’un ouvrier français. Logés dans d’infâmes baraquements, plus que mal nourris, battus. Il y aura des grèves, un mouvement trotskyste essaiera d’organiser le mouvement, on arrête les fortes têtes.

Si certains ont pu repartir au début de la guerre, la plupart se sont retrouvés coincés. Quand Ho Chi Minh vient à Paris en 1946 pour négocier avec la puissance coloniale, il visite le camp de Mazargues à Marseille et parle avec les Công Binh, ils ont quelques espoirs. Mais leur sort n’est pas une priorité. Ce n’est qu’à partir de 1948 que commenceront les retours et ce jusqu’en 1952, deux ans avant Dien Bien Phu. Beaucoup, au retour, seront mal vus : ils ont travaillés avec les Français, ce sont des traîtres. C’est en rejoignant les maquis que plus d’un se reconstituera une virginité. On peut comprendre, qu’ils aient envie de ses battre contre les Français qui les ont si mal traités pour l’immense majorité d’entre eux.
Acteurs et marionnettes

A ces témoignages étonnants, Lam Lé associe deux contrepoints.

    Le premier celui d’un groupe d’acteurs de vingt ans qui reconstituent des scènes comme celle du repiquage du riz en Camargue – c’est à grâce aux Công Binh que l’on mange aujourd’hui du riz camarguais qui a fait la richesse locale. Si bien qu’on a une idée de ce à quoi ils ressemblaient quand ils arrivèrent en France (les documents photos et films étant on ne peut plus rares).


Công Binh fichés (ADR Productions)

    Le second est d’utiliser comme mode narratif complémentaires et léger les célèbres marionnettes sur eau du Viet Nam (filmées dans leur lieu à Hanoï) au service du récit de cette histoire. En filmant ces figurines, l’auteur de « poussière d’empire » est à son affaire.

Cette page-là, celle des Công Binh, l’histoire de France l’ayant occulté, avait « oublié » de l’écrire. Et ceux qui l’avaient vécue dans leur chair, le plus souvent l’avaient tenue au secret jusqu’au soir de leur vie. Le livre de Pierre Daum et le film de Lam Lê, l’un en journaliste-historien, l’autre en cinéaste, noircissent cette page très noire de signes, de mots et de visages inoubliables.
rudy
 
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Message par clavez » 09 Fév 2013, 13:02

j'ai trouvé le documentaire mediocre et surtout ne parlant pas du fond.
clavez
 
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Message par artza » 09 Fév 2013, 14:22

(clavez @ samedi 9 février 2013 13:02 a écrit : j'ai trouvé le documentaire mediocre et surtout ne parlant pas du fond.
Tu es bien laconique... et j'ai quand même bien envie de le voir :roll:
artza
 
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Message par artza » 13 Fév 2013, 09:54

A Paris il n'est plus proposé que dans une seule salle :altharion:

La Clef, 34 rue Daubenton (métro Censier, ligne 7).
artza
 
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Message par artza » 13 Fév 2013, 21:46

Le documentaire peut supporter bien des critiques sur le plan cinématographique, mais là n'est pas son intérêt.

La déportation en France de 25 000 viet-namiens sous autorité militaire est peu connue.

Travaillant tout au long de la guerre dans des usines et des exploitations agricoles, ils contribuèrent à l'implantation de la riziculture en Camargue, dans des conditions concentrationnaires, ils relevèrent la tête revendiquèrent de meilleures rations et un traitement digne.

Défendant une ligne d'union nationale le PC ne se souciait pas d'eux sinon pour les appeler à rejoindre le combat pour leurs oppresseurs contre "le boche" d'abord puis à "travailler d'abord, revendiquer ensuite".
Ils trouvèrent à leur côté des militants trotskystes, deux jeunes étudiants Duoc et Tri puis Khoî, qui laissèrent auprès de certains un souvenir ému.

Entendre ce vieux viet-namien qui les a connu expliquer la différence entre les "deux communismes" telle qu'il l'a compris...

Intéressant la visite d'Ho Chi Minh à Mazargues et son discours "vous êtes des ouvriers, vous devez travailler, nous on s'occupe de la politique" les accords de Fontainebleau "pour mon père (Duoc) c'était une trahison" raconte son fils.

Ce qu'est le sentiment national est chez des colonisés est bien explicité par ces vieux et on peut comprendre combien il peut être facile de le dévier vers une politique bourgeoise en l'absence de militants ouvriers.

Les Cong Binh payèrent chers, rapatriés en 1950, pour les sbires du gouvernement Bao-Daï ils n'étaient que de la graîne de viet-minh, pour les nationalistes staliniens ils avaient vus trop de choses, alors il fallait les calomnier n'avaient-ils pas travailler pour les français.

Pour finir une délégation d'entre eux demandèrent des dédommagements de la France en intervenant auprès de Danièle Mitterrand qui en toucha deux mots à Charasse qui répondit "tout à été réglé en 1948".

Un film à voir.

Séance suivit d'un débat avec le réalisateur le 16.02 à 18h., le 19 à 20h., le 1er mars 20h., et 3 mars 18 h.

Ce serait bien à la fête.
artza
 
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