Spartacre, je suis d'accord avec toi qu'il ne suffit pas de dire "abrogation du capitalisme". Bien entendu. Mais d'articuler nos mots d'ordre avec la nécessité du pouvoir des travailleurs pour les imposer : il me semble que c'est ceci la logique de transition. Et pas simplement avoir des mots d'ordre qu'on pense susceptible d'être repris par les travailleurs (c'est une condition nécessaire mais pas suffisante d'une logique transitoire).
Par exemple, sur la question des licenciements, je pense qu'il est erroné de demander une loi d'interdiction des licenciements, car si c'est impossible de l'obtenir - sommes nous d'accord là dessus ? - pourquoi se fixer un objectif impossible ? Pourquoi faire croire qu'il est possible d'obtenir de telles choses dans le cadre du capitalisme ? Cela apparaît à juste titre comme lunaire pour les travailleurs.
Il ne s'agit évidemment pas de renoncer à l'objectif de l'interdiction des licenciements, mais de proposer d'articuler ce mot d'ordre au pouvoir des travailleurs ; à mon avis :
- en se battant à court terme, quand il y a des plans de licenciements, pour l'expropriation et la nationalisation sous contrôle ouvrier des entreprises qui licencient. Car c'est la seule façon d'empêcher les licenciements. Il faut se battre pour que l'Etat garantisse la pérennité des emplois, car c'est le seul qui peut le faire, même si l'entreprise ne dégage pas de profits. Il est impossible d'obtenir d'un patron qu'il ne ferme pas sa boîte si elle n'est pas rentable (du coup, en général, on essaie de démontrer que le taux de profit est mirobolant, alors même que ce n'est pas le cas : car la crise est bien une réalité, et on ne peut pas conditionner notre refus des plans de licenciements au fait que l'entreprise dégage des profits...)
- en articulant cet objectif de court terme (évidemment difficile à atteindre, mais possible dans le cadre du système, contrairement au fait d'obtenir une loi d'interdiction des licenciements, antagonique au capitalisme) avec la nécessité de rompre avec la logique du profit, et donc d'exproprier les grands groupes capitalistes, ce qui pose directement la question du gouvernement des travailleurs pour réaliser cela.
Je ne crois pas qu'un tel discours relève du bordiguisme ou de l'abstraction pure "abrogation du capitalisme". C'est à mon avis un discours de vérité sur ce qu'il est possible d'obtenir dans le cadre du capitalisme, et sur la nécessité de rompre avec le capitalisme pour en finir avec les licenciements et le chômage de masse.