Analyse de la crise (texte du dernier congrès de LO)

Marxisme et mouvement ouvrier.

Re: Analyse de la crise (texte du dernier congrès de LO)

Message par andrea » 14 Jan 2014, 15:35

C'est bien toi, Lefranc,qui dit ce qui suit!
"Si on se donne la peine de suivre le raisonnement de Marx, on comprend que le blocage des salaires, le faible pouvoir d'achat des travailleurs n'est pas une cause de la crise, mais une conséquence de la crise, et qu'il constitue une contre-tendance à la tendance à la baisse du taux de profit qui conduit à la crise".
Je ne dis pas autre chose, le renforcement du taux d'exploitation est une conséquence (et donc non pas une cause) de la baisse du taux de profit.
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Re: Analyse de la crise (texte du dernier congrès de LO)

Message par pouchtaxi » 14 Jan 2014, 15:50

Au moins deux points d'accord, Le Capital n'est pas une Bible et ma citation ne fait pas de Marx un sous-consommationniste.

Néanmoins tu continues (je m'adresse à GL) à confondre raisonnement et permutation d' étiquettes.


Toute crise est l’expression du caractère chaotique du procès de reproduction du mode production capitaliste. Dans ce mode de production il est erroné de séparer les sphères de la production et de la circulation, elles sont indissociables.

Ces deux sphères sont deux moments d’un seul processus, d’une seule totalité. On peut par nécessité pédagogique dans un exposé, c’est ce que fait Marx dans son livre Le Capital, scinder en diverses parties le processus d’ensemble de reproduction du capital mais dans la réalité ses moments ne sont pas isolables.

En conséquence les thèses qui expliquent la crise uniquement par la suraccumulation ou bien par la surproduction ou bien par la sous-consommation sont également partielles et donc fausses.

Ce n’est qu’en vertu d’un raisonnement schématique et simplificateur que certains ne retiennent qu’un seul de ces aspects. Toute crise peut être vue comme manifestation de suraccumulation, comme surproduction ou bien comme sous-consommation corrélative.

Et s’écharper sur qui est le plus à gauche en fonction d’un seul des ces trois critères arbitrairement retenu est puéril et interdit toute intelligence de la situation.

Henrik Grossmann, stalinien, professeur d’économie en RDA de 1949 à 1954 a vertement critiqué la sous-consommationniste Rosa Luxemburg. Doit-on en déduire que Grossmann est plus révolutionnaire que Luxemburg ?

Restons sérieux !
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Message par Varlin » 14 Jan 2014, 16:46

Salut tout le monde

Dans ce mode de production il est erroné de séparer les sphères de la production et de la circulation, elles sont indissociables.

Personne ne "sépare" les sphères (sauf les purs keynésiens qui raisonnent en terme de demande sans rien dire de l'effet sur la rentabilité). Ca n'est pas forcément schématique de vouloir analyser quelle sphère sur-détermine l'autre.

On ne peut pas mettre surproduction/sous-consommation et suraccumulation sur le même plan. Surproduction c'est le symptome ponctuel de la crise, par exemple dans les années 1930 aux USA quand ils détruisaient des aliments en masse. Ou en 2008 quand il y a eu soudain trop de logements (en pratique c'est le pouvoir d'achat fictif des prolo qui s'est dérobé...). Mais la suraccumulation c'est la raison de fond, qui se manifeste sur longue période (il y a suraccumulation depuis les années 70, mais on ne peut pas dire qu'il y a "surproduction depuis les années 70").

Ne pas vouloir rentrer dans les détails en disant que "tout est dans tout" est aussi stérile que le schématisme. En dehors des citations, en dehors des accusations générales de schématisme, les arguments concrets avancés par GL restent irréfutés.

Par ailleurs, l'argument vaut ce qu'il vaut, mais avec le recul historique, il me semble qu'il apparaît clairement que c'est l'accumulation capitaliste qui a (chaotiquement) engendré la consommation, pas l'inverse. Parti de paysans avec zéro pouvoir d'achat, il est arrivé aux vastes marchés d'aujourd'hui. Rien qu'en prenant la période des 30 glorieuses c'est impressionnant aussi : la forte rentabilité a permis au capital de faire exploser le pouvoir d'achat (et pas l'inverse).
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Re: Analyse de la crise (texte du dernier congrès de LO)

Message par Gaston Lefranc » 14 Jan 2014, 23:03

"Henrik Grossmann, stalinien, professeur d’économie en RDA de 1949 à 1954 a vertement critiqué la sous-consommationniste Rosa Luxemburg. Doit-on en déduire que Grossmann est plus révolutionnaire que Luxemburg ? Restons sérieux !"

Tu appelles cela rester sérieux ? Mais c'est quoi cette manière de vouloir discuter de l'analyse des crises avec de tels "arguments" ? Qui a dit que Luxemburg n'était pas révolutionnaire ? Le fait qu'elle le soit n'a pas empêché Lénine de polémiquer durement contre elle, et de dire qu'elle se trompait complètement dans son analyse économique.

Grossman stalinien, donc pas la peine de lire Grossman, il a forcément tort et Luxemburg raison ? C'est cela être sérieux ? Grossman n'a jamais été un économiste stalinien. Les chiens de Staline, notamment Varga l'économiste, ont craché sur Grossman. L'analyse stalinienne est sous-consommationniste de A à Z. Lis ce texte là (https://digitalcollections.anu.edu.au/b ... ry2013.pdf) avant de cracher sur Grossman. Grossman était irrécupérable pour Staline. C'est pourquoi ses chiens étaient déchaînés contre lui.
Gaston Lefranc
 
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Re: Analyse de la crise (texte du dernier congrès de LO)

Message par spartacre » 15 Jan 2014, 13:03

je ne veux pas avoir l 'air de trancher , c'est la contradiction entre le caractère social de la production et l 'appropriation privée ..qui est importante , LO dénonce fondamentalement la dictature de classe de la bourgeoisie ( car ce n 'est pas seulement un problème d''économie" mais aussi et surtout un problème politique) l 'incapacité consubstantielle de cette classe à faire marcher l 'économie en fonction des besoins .. On peut toujours souligner tantôt un facteur , tantôt un autre qui ressort à tel ou tel moment mais .. nous ne sommes pas des réformistes et dénonçons l'anarchie du système , son caractère dépassé , anachronique , irrationnel ( "on marche sur la tête " ,, disons nous souvent , pour simplifier ).. donc , c'est un mauvais procès que fait GL de prendre ainsi un bout de texte et de déduire je ne sais quoi , comme quoi nous ramènerions la crise à un seul facteur..comme font les syndicats réformistes qui prétendent trouver une "solution" à l 'intérieur du système ...Bon , c'est mon point de vue ....
spartacre
 
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Re: Analyse de la crise (texte du dernier congrès de LO)

Message par andrea » 15 Jan 2014, 15:19

«On voit que la production capitaliste n'est pas un système de production absolu mais un simple mode historique de production correspondant à une certaine époque de développement restreint des conditions matérielles de production (le Capital, livre 3).
« Arrivé à un certain point (1914 pour Trotsky), le capital, c'est-à-dire le travail salarié, entre dans le même rapport avec le développement de la richesse sociale et des forces productives que les corporations, le servage, l'esclavage, et est nécessairement arraché comme une chaîne…. L'anéantissement violent de capital, non par des rapports qui lui seraient extérieurs, mais comme condition de son propre maintien, est la forme la plus frappante sous laquelle avis lui est donné d'avoir à s'en aller et à céder la place à un stade supérieur de la production sociale » (Marx, Grundisse, pages 634-636).

"La lutte menée contre la féodalité par le capital ascendant pour sa libération dans le cadre national a cédé le pas à la lutte du capital financier ultra-réactionnaire, décrépit, se survivant à lui-même, allant vers son déclin, contre les forces nouvelles. Le cadre national bourgeois des Etats, qui avait fourni dans la première époque un point d'appui au développement (souligné par Lénine) des forces productives de l'humanité en train de se libérer du système féodal, est maintenant devenu, dans la troisième époque, un obstacle (souligné par Lénine) à l'essor ultérieur de ces mêmes forces. Naguère classe avancée et ascendante, la bourgeoisie est devenue une classe décadente, déclinante, moribonde, réactionnaire. C'est une tout autre classe qui, sur le vaste plan de l'histoire, est devenue la classe ascendante" (Sous un pavillon étranger, février 1915, Lénine, Œuvres, tome 21).

Au-delà de ce certain point, le capitalisme se trouve désormais dans le même conflit avec « le développement de la richesse sociale des forces productives » que les modes de production défunts auquel il a succédé ; au-delà de « ce certain point », il entre à son tour en agonie, sa crise historique finale commence ; c'est une nouvelle période historique, celle des guerres et les révolutions, la classe ouvrière et son parti international de classe doivent nécessairement renverser ce système capitaliste devenu décadent de façon absolue !
« Une société ne disparaît jamais avant que ne se soient développées toutes les forces productives qu'elle peut contenir ». Marx, Lénine, Trotsky l’ont répété à de nombreuses reprises.
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Re: Analyse de la crise (texte du dernier congrès de LO)

Message par Gaston Lefranc » 15 Jan 2014, 23:06

spartacre, nous sommes bien entendu d'accord pour dénoncer la dictature de la bourgeoisie, le système, etc. Mais il est important d'être capable de répondre aux mensonges du Front de gauche sur la possibilité de sortir de la crise par une relance keynésienne (hausse des salaires, hausse des dépenses publiques) sans sortir du capitalisme. Le Front de gauche cherche à convaincre qu'il existe une autre politique dans le cadre du capitalisme, à la fois plus efficace et plus juste.

Si on est capable d'expliquer que l'analyse du FDG (la crise est due aux salaires trop faibles) et les solutions qui en découlent (il faut augmenter les salaires pour sortir de la crise) sont fausses, alors on marque des points.

Voilà pourquoi les discussions entre marxistes sur l'analyse de la crise sont importantes. Si on a la même analyse de la crise que le FDG, on se tire une balle dans le pied. Et même si par ailleurs on répète qu'on est contre le système capitaliste, qu'il n'y a pas de solution dans le cadre du système, etc., cela apparaît comme une posture, et non comme une nécessité qui découle de notre analyse de la crise.
Gaston Lefranc
 
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Re: Analyse de la crise (texte du dernier congrès de LO)

Message par pouchtaxi » 16 Jan 2014, 12:19

Grossman était irrécupérable pour Staline. C'est pourquoi ses chiens étaient déchaînés contre lui.


1) je ne crache sur personne car je suis poli.

2) Lire Grossmann peut se faire, même si sa mirifique formule mathématique prévoyant l'effondrement du capitalisme, comme s' il s'agissait d'une loi naturelle et sans faire aucune part aux luttes du prolétariat laisse songeur.

3) Staline n'a pas eu à "récupérer" Grossmann. Grossmann a soutenu la politique contre-révolutionnaire de la bureaucratie stalinienne en Espagne (36/39). En 1949 il quitta les USA pour aller enseigner l'économie à Leipzig entre 1949 et 1954, donc en pleine période stalinienne. Les chiens dont parle GL ne se sont nullement déchaînés à ce moment là.

On peut donc exceller dans le domaine de la théorie économique et n'être qu'une piètre boussole sur le plan politique...
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Re: Analyse de la crise (texte du dernier congrès de LO)

Message par Jacquemart » 16 Jan 2014, 14:45

Sur deux points.

1) GL écrit :
Gaston Lefranc a écrit :Mais, d'où vient cette idée qu'une exploitation trop forte des prolétaires dépriment la réalisation de la plus-value ? Pas de chez Marx en tout cas ! Derrière cette idée là, il y a l'idée que ce sont les besoins des travailleurs qui déterminent le niveau de la demande, comme si le capitalisme avait pour finalité de satisfaire les besoins humains. C'est l'inverse qui est vrai : c'est la production qui détermine les besoins. Et si les salaires sont bas et que beaucoup de plus-value est extorquée, les capitalistes n'ont aucun mal à réaliser cette plus-value : l'investissement et la consommation des capitalistes augmentent avec la hausse des profits.

Il me semble qu'il y a un glissement logique. Que, sur le plan théorique, une moindre consommation des salariés puisse être compensée par un surcroît de consommation des capitalistes et/ou des investissements, c'est effectivement possible. Et c'est un argument contre ceux qui pensent que toute baisse des salaires (ou même, de la part de salaires dans la valeur créée) devrait nécessairement mener à la crise.

En revanche, penser que toute baisse des salaires, ou de la part des salaires, sera obligatoirement compensée par le surcroît de consommation des capitalistes, c'est supposer ce qu'il faudrait démontrer. Un phénomène bien connu, par exemple, est que les riches consomment une partie plus faible de leur revenu que les pauvres, et qu'ils n'investissement pas forcément la différence de manière productive. La conclusion est que la compression des salaires peut fort bien déprimer la demande globale/ Même si cela n'a rien d'une conséquence nécessaire, c'est une possibilité.

2) Sur la demande :
Gaston Lefranc a écrit :Quand le taux de profit est élevé, c'est que les capitalistes parviennent à vendre leurs marchandises, et donc que la demande est élevée.

On en revient toujours au même point : de quelle forme de « crise » parle-t-on ? De ce qu'on appelle en économie une phase du cycle, où la production se contracte, les marchandises deviennent invendables et le taux de profit chute ? Ou d'une tendance de plusieurs décennies (comprenant plusieurs de ces cycles) et où l'on peut raisonner sur le fait qu'en moyenne, au cours de cette longue période, l'offre et la demande seront équilibrées ? Une fois de plus, dans le premier cas, on parle des variations du taux d'utilisation des capacités de production. Dans l'autre, on parle du rythme de croissance des capacités de production. C'est totalement différent. Et je ne vois pas comment on pourrait éliminer sur le strict plan théorique la possibilité que le capitalisme puisse connaître une longue phase de taux de profit élevé mais de faible croissance globale des capacités de production et de la demande. Dans une telle phase, les capitalistes ne vendraient leurs marchandises ni plus ni moins bien en moyenne que dans une autre. Mais, constatant la faiblesse de la croissance de la demande globale (entraînée notamment par leur propre politique de réduction des salaires) ils choisiraient d'employer leurs profits (bien réels) à autre chose qu'à augmenter les capacités de production — par exemple, à se racheter mutuellement de plus en plus cher les capacités de production existantes.
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Re: Analyse de la crise (texte du dernier congrès de LO)

Message par Gaston Lefranc » 16 Jan 2014, 23:37

Sur Grossman :

Grossman n'a jamais prétendu que sa formule mathématique était une loi naturelle qui prévoyait l'effondrement du capitalisme. Comment peux tu dire une chose pareille ? Il suffit de lire le plan de son texte (http://www.marxists.org/archive/grossma ... breakdown/) pour voir que Grossman étudie ensuite les contre-tendances. Avec son modèle, il isole certains facteurs pour voir leur impact. Mais tout en précisant très clairement les hypothèses restrictives qu'il fait, et puis en discutant ensuite des contre-tendances. C'est une démarche scientifique, et Marx procède exactement de la même façon dans le Capital. Et il s'est trouvé des gens aussi par exemple pour expliquer que Marx se contredisait entre le livre II et III, puisque dans le livre II il aurait modélisé la reproduction sans crise du Capital, et dans le livre III pas du tout, etc. Quand on critique un auteur, il faut quand même faire l'effort minimal de comprendre comment il procède. Grossman n'a évidemment jamais dit que le capitalisme allait s'effondrer en raison d'une formule mathématique. Il a dit clairement, au contraire, que le capitalisme ne s'effondrerait pas automatiquement, et qu'il fallait une révolution prolétarienne pour sortir du capitalisme.

Grossman est avant tout un économiste. Et ses thèses économiques étaient totalement opposées à la doxa stalinienne, et les économistes staliniens (c'est-à-dire ceux qui produisaient les analyses voulues par Staline et la bureaucratie) polémiquaient contre lui. Mais Grossman n'a jamais renoncé à ses analyses marxistes pour plaire à Staline et ses sbires. C'est un fait. Je n'en fais pas un héros de la cause révolutionnaire, mais ce n'est vraiment pas le sujet ici : on discute de l'analyse économique, et le fait que Luxemburg était une révolutionnaire courageuse (contrairement à Grossman) n'implique aucunement que Grossman avait tort et Luxemburg raison. Je n'ai jamais dit qu'il y avait un lien strict entre l'analyse économique et les positions politiques. Mais cela ne signifie absolument pas que la théorie n'a aucune importance, qu'on peut défendre n'importe quelle analyse, etc. Lénine a bien compris, comme tant d'autres, l'importance de lutter contre les idées fausses, y compris quand ces idées fausses étaient véhiculées par de grandes révolutionnaires (comme Luxemburg) parce que ces idées là avaient des effets bien réels dans le cours de la lutte des classes.

Pour répondre à Jacquemart

« En revanche, penser que toute baisse des salaires, ou de la part des salaires, sera obligatoirement compensée par le surcroît de consommation des capitalistes, c'est supposer ce qu'il faudrait démontrer. Un phénomène bien connu, par exemple, est que les riches consomment une partie plus faible de leur revenu que les pauvres, et qu'ils n'investissement pas forcément la différence de manière productive. La conclusion est que la compression des salaires peut fort bien déprimer la demande globale/ Même si cela n'a rien d'une conséquence nécessaire, c'est une possibilité. »


Tu as raison sur le premier point, mais tu tort je crois sur la conclusion que tu en tires. Si tu avais tort sur le premier point, il n'y aurait jamais de crise, car toujours une demande suffisante. La définition de la crise, c'est l'apparition d'une demande insuffisante par rapport à l'offre. Toute la discussion est sur la cause de cette demande insuffisante. Une baisse de salaires joue favorablement sur le taux de profit, mais c'est une contre-tendance qui a ses limites. Si la composition organique du capital augmente fortement, et que cet effet prime sur la baisse des salaires, alors cela peut déboucher sur une crise de rentabilité. Malgré des baisses de salaires, de plus en plus d'entreprises peuvent faire faillite parce que leur taux de profit devient négatif. Et donc dans ce cas, on n'a pas « compensation ». Mais la cause de la crise, ce n'est pas, contrairement à la conclusion que tu tires, la compression des salaires ! Tout ce qui joue favorablement sur le profit (donc la compression des salaires) n'est pas facteur de crise ; tout ce qui joue défavorablement sur le profit est facteur de crise.

« Et je ne vois pas comment on pourrait éliminer sur le strict plan théorique la possibilité que le capitalisme puisse connaître une longue phase de taux de profit élevé mais de faible croissance globale des capacités de production et de la demande. Dans une telle phase, les capitalistes ne vendraient leurs marchandises ni plus ni moins bien en moyenne que dans une autre. Mais, constatant la faiblesse de la croissance de la demande globale (entraînée notamment par leur propre politique de réduction des salaires) ils choisiraient d'employer leurs profits (bien réels) à autre chose qu'à augmenter les capacités de production — par exemple, à se racheter mutuellement de plus en plus cher les capacités de production existantes »


Si je pense qu'on peut l'éliminer sur le plan théorique. Ton hypothèse d'un taux de profit élevé et d'un taux d'accumulation faible est incompatible avec le fonctionnement du capitalisme. Avoir un taux de profit élevé et un taux d'accumulation faible, cela signifie que de façon durable, une part plus importante des profits est consommée et pas réinvestie. Comme si les capitalistes se mettaient d'accord pour ne plus investir la plus-value extorquée. Mais dans ce cas, il n'y a plus de capitalisme, car il n'y a plus de concurrence. On est dans un autre système à mon sens. Et en tout cas, même si on peut tout imaginer, ce n'est pas ce qu'on observe. La part des profits réinvestis est globalement stable au delà des cycles conjoncturels.

Les profits correspondent à des marchandises vendues (biens de production ou biens de consommation). Ces marchandises correspondent soit à de l'investissement, soit à de la consommation. Si les profits ne servent pas à augmenter les capacités de production, ils sont consommés. Mais ils ne disparaissent dans la nature, dans les marchés financiers, ou dans des rachats mutuels de capacités de production ! Quand X achète à Y des capacités de production, cela n'a rien à voir avec les profits.
Le circuit du capital s'écrit A-M....P... M'-A' ; le profit ou la plus-value, c'est M'-M (excès de valeur sous la forme marchandise) ou A'-A (excès de valeur sous la forme argent). Le profit n'est pas une simple somme d'argent, c'est de l'argent qui a une contrepartie en termes de marchandises, et on ne doit pas perdre de vue cela. Si le taux de profit de l'économie est élevé, cela veut bien dire qu'il y a un surplus de valeur sous forme de marchandises qui a été vendu (ce même surplus de valeur s'exprime alors en unités monétaires). Et ces marchandises, ce sont des biens de production ou des biens de consommation. Et le profit sous forme monétaire, c'est cet argent qui est la contrepartie de ces marchandises.

Une remarque en passant : quand la banque centrale émet massivement de la monnaie, double sa base monétaire, évidemment que cela ne signifie pas que les profits ont explosé.
Gaston Lefranc
 
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