Bonjour Gaston !
Dans l'ensemble je suis d'accord avec les analyses économiques que tu développes et elles me semblent s'accorder avec les explications de Marx.
Cependant je me permets de faire les remarques suivantes avec lesquelles tu ne seras peut-être pas forcément d'accord !......
1/ Comme tu le démontres, il semble effectivement "irréaliste", c'est-à-dire en contradiction avec le fonctionnement du mode de production capitaliste, de s'imaginer qu'il serait possible en période de "crise" (le concept de "crise" devrait effectivement être plus précisément décrit comme le dit Jacquemart à plusieurs reprises) de relancer l'accumulation du capital (la croissance) par une augmentation des salaires (accroître la demande). Une augmentation générale des salaires, en d'autres termes une augmentation du capital variable ne peut qu'entraîner une diminution de la plus-value. Si l'on s'en tient à l'opposition salariés vs capitalistes industriels, une augmentation générale des salaires provoque d'abord une augmentation de la demande des salariés en produits de consommation (mais les salariés consacrent aussi une part de leurs revenus à l'épargne, à l'achat de biens immobiliers et de valeurs mobilières), tandis que la "demande" des capitalistes baisse. Cette "demande" des capitalistes se décompose d'une part en achat de biens de consommation et produits de luxe (consommation individuelle) et d'autre part en achat de biens de production (consommation productives = investissements).
Que certains produits de luxe soient dorénavant - à la suite d'une augmentation générale des salaires - consommés par les salariés aux dépens de la "consommation individuelle" des capitalistes, n'entraîne donc pas une augmentation de la production (Par contre le "niveau de vie" des salariés s'améliore... ce qui n'est pas négligeable). Qui plus est, si les capitalistes maintiennent leur consommation individuelle, ils devront réduire la part de la plus-value qu'ils consacrent aux investissements (achats de moyens de production et de forces de travail). C'est donc l'accumulation du capital qui en pâtirait.
2/ Cependant la plus-value globale ne se ramène pas au seul profit (d'entreprise), mais se répartit en profit, intérêt, rente foncière et impôts. En d'autres termes ce sont les capitalistes (les propriétaires individuels ou collectifs des moyens de production), les capitalistes financiers ou prêteurs de capitaux, les propriétaires fonciers et l'Etat qui se partagent la plus-value. Donc une hausse généralisée des salaires entraîne une baisse de la plus-value "sociale" et partant une baisse des revenus des différentes catégories sociales ou institutions qui se la partagent.
Je sais qu'il n'est pas très "orthodoxe" d'affirmer que les impôts relèvent d'une ponction sur la plus-value. A ma connaissance nulle part dans l'oeuvre de Marx il en est question explicitement. Il faut cependant garder à l'esprit que das Kapital ne représentait qu'une fraction des études auxquelles voulait se livrer Marx afin d'expliquer le fonctionnement de l'ensemble du mode de production capitaliste. Son plan d'ensemble était en effet le suivant : 1/ le Capital (étude restée inachevée !) 2/ la rente foncière (cette étude est contenue dans le livre III 3/ le salaire 4/ L'Etat (ce qui suppose entre autre une théorie de l'impôt) 5/ le commerce extérieur 6/ le marché mondial.
Quoi qu'il en soit l'impôt ne peut provenir que d'un prélèvement sur le surproduit. On rétorquera bien sûr immédiatement que l'impôt ne pèse pas que sur les capitalistes industriels, mais aussi sur ses comparses capitalistes marchands, capitalistes financiers,propriétaires fonciers) et surtout sur les salariés. La plupart des salariés paient en effet des impôts directs (sur leurs revenus) et des impôts indirects (TVA principalement). Or le salaire est par définition censé permettre au vendeur de sa force de travail de la reproduire : se nourrir, s'habiller, se loger, se déplacer, se distraire, élever des enfants, etc. et .... payer les impôts et taxes que l'Etat exige ! En somme c'est une fraction du capital variable qui met en mesure les salariés de payer leurs impôts. On peut en déduire que si les salariés étaient moins imposés, le capital variable destiné à leur embauche pourrait diminuer et partant la plus-value que s'approprient les capitalistes, augmenterait d'autant !!!!...
3/ Pourquoi maintenant s'appesantir sur l'impôt dans un débat sur la baisse tendancielle du taux de profit considéré comme facteur principal de la "crise" ?
D'abord parce que depuis la seconde moitié du 20è siècle les Etats des grandes puissances capitalistes détournent en gros la moitié de leur PIB (= valeur ajoutée = capital variable + plus-value) pour ensuite la redistribuer. Il s'agit là manifestement dans le cadre du mode de production capitaliste d'une forme de "planification sociale" !
Ensuite depuis les années 70, c'est-à-dire le début de la "crise", les patrons, leurs politiciens et leurs chiens de garde idéologiques (économistes nobelisés, journalistes et autres faiseurs d'opinion) réclament à cor et à cri une baisse des impôts et des prélèvements sociaux. La "baisse des charges" pour "nos" entreprises qui veulent investir et embaucher est devenu un enjeu majeur des débats politiques et apparemment aussi de la lutte des classes. Lire à ce sujet le dernier Lutte de classe n° 157 / Février 2014 qui y consacre deux articles, mais qui selon moi est loin d'aider à comprendre la fonction de l'impôt dans le "capitalisme réellement existant".
Pour finir on comprend bien que la volonté de baisser les impôts et autres prélèvements obligatoires correspond à une tentative de contrer la baisse tendancielle du taux de profits en diminuant donc la part que l'Etat prélève sur la plus-value "sociale". Il en va de même des politiques visant à privatiser les services publics. Il s'agit d'offrir au capital de nouveaux secteurs d'accumulation. Le prélèvement de l'écotaxe tel qu'il avait été envisagé est à ce sujet caricatural : c'est un consortium d'entreprises privées qui avait été chargé de collecter l'écotaxe, ces dernières en prélevant au passage le cinquième pour engraisser leurs actionnaires. On se croirait revenu au temps de l'Ancien régime et des Fermiers généraux ! (
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ferme_générale )
Bon, finalement ça peut être de bon augure puisque la crise financière et fiscale de la monarchie constitue l'un des facteurs déterminants de l'éclatement de la Révolution française...