Israël...Palestine...1948...1967...

Marxisme et mouvement ouvrier.

Israël...Palestine...1948...1967...

Message par com_71 » 01 Août 2014, 07:43

1948... année de l'occupation par Israël de la rive Ouest du Jourdain (Cisjordanie) et de la bande de Gaza.
La revue "lutte de classe" publie un article sur le problème palestinien. Article qui reste d'une brûlante actualité.

http://www.lutte-ouvriere.org/documents ... alestinien
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Un échange lu récemment sur un forum d'extrême-gauche

Message par com_71 » 01 Août 2014, 14:46

a, parlant d'Israël a écrit :Ainsi donc, il ne faudrait plus aller visiter ce pays et cotoyer ses habitants ? Si ça ce n'est pas creuser un fossé entre les peuples.
A quand le boycott des villes FN ?


b a écrit :Mais, très cher, évidemment, qu'il ne faut pas côtoyer les israéliens, fussent-ils ajusteurs ou garagistes.
Crois-tu que quand Marx parlait de combattre les peuples contre-révolutionnaires, il parlait à la légère ? Et crois-tu qu'il aurait parlé autrement des habitants de l'Etat sioniste ? Faut-il te faire relire les témoignages de Warshawsky ?



Comme quoi, un nationaliste arabe peut se réclamer de Marx !

On pourrait lui suggérer la tonte systématique de tous ceux (et celles) qui côtoient le moindre israélien. Il y a des précédents qu'il doit applaudir.

Et il peut commencer à s'attaquer à la mémoire du poète palestinien Mahmoud Darwish - manquant d'intransigeance ? - , qui avait osé dédier un poème (Rita) à une jeune femme israélienne.

Et, pourquoi pas ? dénoncer comme "collaborateurs" les militants trotskystes qui essayaient de s'adresser aux soldats allemands, en France, pendant la 2ème guerre mondiale...
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Re: 1967

Message par com_71 » 01 Août 2014, 18:12

Une grande partie du mouvement trotskyste fut, en son temps (1967), fière de la déclaration de l'OSI (Matzpen - Organisation Socialiste Israélienne), dont suivent des extraits :
https://www.marxists.org/francais/4int/ ... atzpen.htm

Le problème palestinien et le conflit israélo-arabe (Manifeste)

18 mai 1967

...Ainsi la situation actuelle est contraire aux intérêts des masses arabes : Israël, sous sa forme actuelle, constitue un obstacle important à la lutte de ces masses contre l'impérialisme et pour l'unité socialiste Arabe. Le maintien du statu quo est également contraire aux intérêts des masses israéliennes.

... Le monde arabe ne peut approuver l'existence en son sein d'un Etat sioniste dont l'objectif déclaré est non pas de servir d'expression politique à sa propre population, mais de tête de pont, instrument politique et destination de l'immigration des juifs du monde entier. Le caractère sioniste d'Israël est également contraire aux véritables intérêts des masses israéliennes, parce qu'il signifie que le pays se trouve dans une dépendance constante de forces extérieures.

Nous estimons, par conséquent, qu'une solution du problème requiert la désionisation d'Israël. L'Etat d'Israël doit subir une profonde transformation révolutionnaire, de sorte que cet état sioniste (c'est-à-dire état des Juifs du monde entier) devienne un état socialiste représentant les intérêts des masses qui y vivent. En particulier, la « loi du retour » (qui accorde à tout juif du monde le droit absolu et automatique d'immigrer en Israël et en devenir un citoyen), doit être abrogée. Chaque demande d'immigration en Israël sera jugée à ce moment séparément sur ses mérites propres, sans discrimination aucune de nature raciale ou religieuse...

...tous les lois et règlements ayant pour objet d'exercer une discrimination envers la population arabe d'Israël, de l'opprimer et d'exproprier ses terres doivent être abrogés. Toutes expropriations et tous dommages (relatifs à la terre, à la propriété et à la personne) causés sous couvert de ces lois et règlements doivent être intégralement dédommagés.

La désionisation d'Israël implique également que soit mis fin à la politique étrangère sioniste, qui sert l'impérialisme. Israël doit prendre une part active à la lutte des arabes contre l'impérialisme et pour l'établissement d'une unité socialiste arabe.

La colonisation sioniste de la Palestine se différencie de la colonisation d'autres pays sous un rapport essentiel : alors que dans d'autres pays les colons ont fondé leur économie sur l'exploitation du travail des autochtones, la colonisation de la Palestine a été réalisée par le remplacement et l'expulsion de la population indigène.
... Comme résultat de la colonisation sioniste s'est formée en Palestine une nation hébraïque avec ses propres caractéristiques nationales (langue commune, économie séparée, etc.). Qui plus est, cette nation a une structure de classe capitaliste ; elle se divise en exploiteurs et exploités, bourgeoisie et prolétariat.

L'argument que cette nation s'est formée artificiellement et aux dépens de la population arabe indigène ne change rien au fait que cette nation hébraïque est maintenant existante. Ce serait une erreur désastreuse que d'ignorer ce fait.

La solution du problème palestinien doit non seulement réparer les torts faits aux arabes de Palestine, mais également garantir l'avenir national des masses hébraïques. Ces masses ont été amenées en Palestine par le sionisme, mais elles ne sont pas responsables des actions du sionisme. Tenter de punir les travailleurs et les masses populaires d'Israël pour les péchés du sionisme ne peut résoudre le problème palestinien, mais seulement mener à de nouveaux malheurs...

Ceux des dirigeants nationalistes arabes qui en appellent au Jihad [guerre sainte] pour la libération de la Palestine ignorent le fait que, même si Israël était vaincu militairement et cessait d'exister en tant qu'Etat, la nation hébraïque existerait encore. Si le problème de l'existence de cette nation n'est pas résolu correctement, une situation de conflit national dangereux et prolongé sera à nouveau créée, ce qui causera une effusion de sang et des souffrances sans fin et servira de nouveau prétexte à l'intervention impérialiste. Ce n'est pas une coïncidence que les dirigeants qui préconisent pareille « solution » s'avèrent également incapables de résoudre le problème kurde.

De plus, il faut comprendre que les masses israéliennes ne seront délivrées de l'influence du sionisme et ne lutteront contre lui qu'à la condition que les forces progressistes du monde arabe leur présentent une perspective de coexistence sans oppression nationale. L'Organisation Socialiste Israélienne estime par conséquent qu'une solution véritable du problème palestinien requiert la reconnaissance du droit de la nation hébraïque à l'autodétermination.

Autodétermination ne signifie pas nécessairement séparation. Au contraire, nous sommes d'avis qu'un petit pays pauvre en ressources naturelles, tel qu'Israël, ne peut exister en tant qu'entité séparée. Une seule alternative s'offre à lui : ou bien continuer à dépendre des puissances étrangères, ou bien s'intégrer dans une union régionale.

Il s'ensuit que la seule solution conforme aux intérêts des masses arabes, comme des masses israéliennes, est l'intégration d'Israël en tant qu'unité dans une union économique et politique du Moyen-Orient sur la base du socialisme. Dans un pareil cadre,la nation hébraïque sera à même de mener sa propre vie nationale et culturelle sans mettre en péril le monde arabe et sans que sa propre existence soit menacée par les arabes. Les forces des masses israéliennes se joindront à celles des masses arabes dans une lutte commune pour le progrès et la prospérité.

Nous estimons, par conséquent, que le problème palestinien, de même que d'autres problèmes essentiels du Moyen-Orient, ne peut être résolu que dans le cadre d'une Union du Moyen-Orient. L'analyse théorique et l'expérience pratique montrent toutes deux que l'unité arabe ne peut se former et exister de manière stable seulement si elle a un caractère socialiste.

On peut donc résumer la solution que nous proposons par la formule : désionisation d'Israël et intégration de celle-ci dans une Fédération Socialiste du Moyen-Orient. Nous sommes d'avis que le problème de l'avenir politique des Arabes palestiniens devrait également être résolu dans le cadre décrit ci-dessus...


Cette déclaration est bien sûr datée. Elle est critiquable en ce qu'elle part souvent de l'existence d'un "monde arabe" plus ou moins sans différenciations de classe.
Elle est cependant d'un autre niveau que l'adaptation au nationalisme arabe, bourgeois comme tous les nationalismes, qui a gagné la majorité de l'extrême-gauche.
Etre du côté du peuple palestinien massacré n'implique aucune proximité politique avec les dirigeants nationalistes qui peuvent s'en réclamer.
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Voix des travailleurs

Message par com_71 » 01 Août 2014, 23:12

https://www.marxists.org/francais/barta ... 050548.htm

Voix des travailleurs 5 mai 1948 a écrit :POURQUOI LE SANG COULE-T-IL EN PALESTINE ?

Depuis plus de deux semaines, les journaux commentent largement la guerre de Palestine, mais n'en éclairent pas le sens.

Alors que les Anglo-Américains soutiennent la Ligue arabe, l'opinion officielle en France s'est montrée plutôt favorable aux sionistes. De quel côté se trouve la "cause juste" ?

Pour les centaines de milliers de Juifs qui cherchent un "foyer" : c'est-à-dire la sécurité, l'Etat-nain de Palestine n'est pas une solution. Mais si les nationalistes juifs, en se basant sur les traditions de l'histoire, ont fait de ce morceau de terre l'objet de tous leurs espoirs, ce sont précisément les impérialistes anglais, les combattant aujourd'hui à mort, qui avaient dès 1917 (déclaration Balfour), promis aux sionistes cette terre se trouvant sous leur domination. Ils n'ont pas tardé à mentir à leurs promesses, car pour eux l'immigration juive, organisée au compte-goutte n'était qu'une machination destinée à introduire un nouvel élément de trouble et de division dans le monde arabe, suivant la formule "diviser pour régner". Cependant que des milliers de jeunes juifs donnaient le meilleur de leurs forces pour fertiliser cette terre, l'occupant anglais jouait, au mieux de ses propres intérêts, tantôt les Arabes contre les Juifs, tantôt contre les Arabes, les quelques Juifs qui avaient pu immigrer au prix des plus grands efforts.

Après la guerre de 1940, avec les milliers d'hommes et de femmes traqués et sans foyer, le problème palestinien prit une acuité encore plus grande. Devant les conflits croissant, la Grande-bretagne annonça brusquement son intention de se retirer de Palestine... mais y resta. Car cette "menace" de se retirer n'était en réalité, pour des raisons stratégiques, qu'un biais permettant l'immixtion des "Nations Unies", c'est-à-dire de l'Amérique. Celle-ci se déclara favorable au découpage de l'Etat palestinien en deux : un morceau pour les Juifs, l'autre pour les Arabes. Mais cette décision, qui aggrava les conflits judéo-arabes, n'eut même pas le temps d'être appliquée, que l'on vit brusquement les Etats-Unis faire des déclarations en faveur de la Ligue arabe. Washington veut renforcer ces derniers de façon à constituer, avec la Grèce, la Turquie et l'Iran, un bloc pour contenir ce qu'il est convenu d'appeler l'expansion soviétique, écrivait le 15 avril, le journal capitaliste français Le Monde.

Il est clair que "les grandes puissances" ne sont pas intervenues en médiateurs dans le conflit palestinien ; ce sont elles les véritables instigateurs des troubles : soutenant tantôt l'un tantôt l'autre, suivant les exigences du moment de leur politique extérieure, abusant tout à tour les peuples juif et arabe de leurs promesses (qu'elles ne tiennent jamais), attisant les haines et entretenant un foyer permanent de luttes intestines. N'est-ce pas ainsi qu'à travers toutes les manœuvres, la "décision" de l'Angleterre de se retirer de Palestine a abouti aujourd'hui à un débarquement en force de troupes et de tanks.

C'est aussi de ce même point de vue impérialiste, qui n'a rien d'idéaliste, que s'explique l'attitude de "défense" des Juifs par les capitalistes français : si les Anglo-Américains soutiennent les seigneurs arabes dans leur expansion nationaliste, n'est-ce pas là un danger qui peut donner le branle à tout le monde musulman, à cette Afrique du Nord où "l'ordre" est si péniblement maintenu ?

Cependant, face à cette guerre de Palestine qui constitue l'un des foyers de la 3ème guerre mondiale, jamais aucun des journaux capitalistes n'a relaté, et pour cause, que les peuples – le véritable peuple ouvrier et paysan – les peuples juif et arabe, ont montré qu'ils pouvaient s'entendre. Le mouvement de pacification est sorti du sein de la classe ouvrière. Les syndicats ouvriers juifs et arabes conclurent des ententes et organisèrent la fraternisation dans des grèves communes. Ce sont les impérialistes, entretenant leurs agents dans les deux camps nationalistes, qui ont fait assassiner dans la seule année 1947 (comme nous l'avions relaté dans La Voix, n° 21) 13 leaders des syndicats arabes travaillant pour le rapprochement entre les deux peuples.

Les impérialistes, aidés en cela par les agents nationalistes des deux camps, font tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher l'union entre les ouvriers et les paysans juifs et arabes.
Mais "c'est l'essence du mouvement ouvrier lui-même, pour défendre ses intérêts, de défendre aussi la fraternité entre les peuples. En luttant contre les excitateurs de guerre qui entretiennent la division entre les peuples, le mouvement ouvrier lutte pour la paix". (La Voix, n° 21).

Aussi, vis-à-vis de la guerre de Palestine, les ouvriers de tous les pays n'ont qu'une position à prendre : appuyer le mouvement d'union et de fraternité des ouvriers juifs et arabes contre l'impérialisme. Ils lutteront ainsi contre les provocateurs de guerre.
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Re: 1967

Message par com_71 » 01 Août 2014, 23:26

voix des travailleurs n° 21, 1.10.1947 a écrit :LA LUTTE OUVRIERE ET L'UNION DES PEUPLES

Le problème palestinien est un des nombreux problèmes "insolubles" qui enveniment la situation internationale, au point que l'Angleterre, devant l'impossibilité de "concilier les thèses juive et arabe" (entre lesquelles, en réalité, elle n'a cessé d'entretenir la discorde), déclare vouloir "renoncer" à son mandat. Mais ce n'est là qu'une manoeuvre pour lui permettre de dégager ses responsabilités du chaos dans lequel elle a plongé le pays, comme elle l'a déjà fait pour l'Inde. Manoeuvre aussi pour justifier l'intervention de l'O.N.U., c'est-à-dire des Etats-Unis, dans cette partie du monde, en vue de la troisième guerre impérialiste mondiale contre l'U.R.S.S.

Quotidiennement, les journaux relatent les actes de terrorisme et les luttes sanglantes qui déchirent le pays. Mais tandis qu'ils insistent longuement sur les antagonismes irréductibles qui opposent nationalistes juifs et arabes, ce n'est qu'incidemment qu'on apprend, à propos de l'activité des nationalistes chauvins, qu'un chef syndicaliste arabe vient d'être abattu par ces derniers pour avoir travaillé au rapprochement entre ouvriers juifs et arabes (d'après Le Monde du 26-9). Il s'agit du treizième chef syndicaliste arabe assassiné, dans l'année, pour les mêmes raisons !

Rien qu'à l'importance de cette sanglante répression on peut mesurer l'ampleur du mouvement ouvrier et l'énergie qu'il déploie pour opposer à la guerre fratricide, entretenue par les exploiteurs, l'entente et la fraternité entre exploités. Et malgré cette répression, le mouvement ouvrier a déjà réussi à unir, dans d'importantes grèves communes, ouvriers juifs et arabes.

Le mouvement ouvrier arabe et juif sait que la seule opposition réelle à la guerre, la seule solution possible au problème palestinien, c'est l'union des ouvriers juifs et arabes contre l'impérialisme et contre tous leurs exploiteurs communs.

Le même exemple nous est donné aux Indes où Gandhi, jadis apôtre de la non-violence, prêche la "guerre sainte" contre le Pakistan, alors que le mouvement ouvrier, unissant dans la même lutte contre leurs exploiteurs, ouvriers hindous et musulmans, s'efforce d'apporter la paix entre les peuples.

C'est l'essence du mouvement ouvrier lui-même, pour défendre ses intérêts, de défendre aussi la fraternité entre les peuples. En luttant contre les excitateurs de guerre qui entretiennent la division entre les peuples, le mouvement ouvrier lutte pour la paix.
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Re: Israël...Palestine...1948...1967...

Message par com_71 » 03 Août 2014, 20:37

Je redonne ici le lien vers "Conception matérialiste de la Question Juive" de Abraham Léon. Sa conception du "peuple-classe" est commentée dans la riche introduction à l'ouvrage, due à Maxime Rodinson.

https://www.marxists.org/francais/leon/CMQJ00.htm
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Le CLT du 20 nov. 1967...

Message par com_71 » 04 Août 2014, 06:13

fait un rappel historique, et militant, de "la crise permanente du Moyen-Orient".
http://www.lutte-ouvriere.org/documents ... e-du-moyen

Des extraits de la conclusion :
"...La politique des dirigeants arabes est doublement fausse.

D’abord, parce que le but qu’ils prétendent se donner, la destruction de l’État d’Israël, même s’il était atteint, ne règlerait rien. Ensuite parce que par leur chauvinisme, ils n’ont fait que rendre la lutte anti-impérialiste dans cette partie du monde encore plus difficile.

Le peuple juif de Palestine - quelle que soit l’histoire de son implantation dans cette région - forme maintenant une nation. Que cette nation en opprime d’autres, d’une manière ou d’une autre, est certainement intolérable et toute lutte contre cette oppression est justifiée.

Mais la négation du droit de la nation israélienne à l’indépendance n’aboutirait, mise en application, qu’à créer dans cette région, une nouvelle oppression. Celle des Arabes par les Juifs serait remplacée par celle des Juifs par les Arabes et, peut-être, un million de réfugiés israéliens remplacerait le million de réfugiés palestiniens. Que gagneraient au change les peuples du Moyen-Orient ? L’antagonisme Juifs-Arabes n’en continuerait pas moins, toujours exploitable, comme il l’a été jusqu’ici, par l’impérialisme pour ses fins propres.

Et puis, pour l’instant, le seul résultat réel de cette politique, c’est d’avoir contribué à faire, derrière le gouvernement d’Israël, l’unanimité des Israéliens, à les persuader, alors qu’ils ne faisaient qu’exécuter les desseins des impérialistes, qu’ils combattaient pour le droit à l’existence de leur nation, sinon même pour leur survie personnelle ; les victoires israéliennes sont certes dues au super-armement livré par l’impérialisme - et notamment par l’impérialisme français - mais la valeur militaire de l’armée israélienne vient avant tout de la conviction qu’a actuellement chacun des Israéliens de lutter pour lui-même et pour sa nation...
De la sorte les nationalistes arabes se privent d’une des meilleures armes qu’ils pourraient avoir dans la lutte anti-impérialiste : la possibilité de s’adresser au peuple israélien, aux ouvriers et aux paysans juifs, de les dissocier de leurs dirigeants sionistes. Mais pour cela il faudrait qu’ils s’attachent à montrer où sont les véritables intérêts de ceux-ci et non à nier leurs droits nationaux.

Certes le peuple israélien tout entier - y compris la classe ouvrière - a suivi jusqu’ici aveuglément les dirigeants sionistes. Mais pas plus que les dirigeants israéliens n’ont le droit d’invoquer certaines attitudes racistes de leurs adversaires pour justifier leur politique, parce qu’ils n’ont jamais tenu compte des intérêts des peuples arabes, et n’ont jamais essayé de s’adresser à eux, pas plus les gouvernements arabes n’ont le droit d’invoquer l’attitude actuelle du peuple juif pour le rejeter en bloc, puisque eux non plus n’ont jamais tenté de le mettre de leur côté...

...la seule solution, du moins la seule solution qui ne soit pas une catastrophe pour tout ou partie des peuples de cette région, est celle des révolutionnaires socialistes.

Certes, leur but, une « Fédération socialiste du Moyen-Orient » paraît actuellement du pur domaine de l’utopie.

Ce serait pourtant la seule solution qui permettrait à la fois l’expulsion de l’impérialisme de cette région du globe, le libre développement de toutes les nations qui y vivent, et leur coexistence, sans oppression de l’une par l’autre.

Cette solution, nous l’avons vu, ce ne sont pas les diverses et faibles bourgeoisies arabes, et encore moins la bourgeoisie israélienne, qui pourraient la faire leur. Elles ont eu, et les unes et les autres, l’occasion, si elles l’avaient voulu, de développer une telle politique. Elles ne l’ont jamais fait.

Elle ne peut venir que des classes ouvrières arabe, et juive. Certes, aujourd’hui, ces classes ouvrières ne manifestent pas une existence autonome. Leur voix est étouffée, comme celle des classes ouvrières égyptienne, syrienne ou irakienne, ou ce qui est sans doute pire, elles sont gangrenées par le chauvinisme et le racisme de leur propre bourgeoisie, comme la classe ouvrière israélienne.
...Le Moyen-Orient, comme le monde entier, mais d’une manière encore plus évidente, n’a, lui aussi, que le choix entre socialisme ou barbarie."
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Re: Israël...Palestine...1948...1967...

Message par com_71 » 04 Août 2014, 06:34

Enfin, des extraits du cpte-rendu de LO d'une conférence internationale qui s'était tenue en nov. 1973 :
La guerre du moyen-orient

La discussion sur le Moyen-Orient mit nettement en lumière les divergences entre les organisations présentes à la conférence. Alors que LO, C.O. (Antilles), Spark (U. S. A.), U.A.T.CI (Afrique), IS (Grande-Bretagne), S.W.M. (Irlande) et Accion Comunista (Espagne) soutenaient les peuples arabes contre Israël, l’impérialisme américain et leurs propres dirigeants, Lotta Comunista (Italie), IS (USA), R.S.L. (USA) prônaient le défaitisme révolutionnaire dans les deux camps.

Les raisons invoquées pour défendre le défaitisme révolutionnaire étaient cependant quelque peu différentes.

Lotta Comunista, dans la tradition de la « gauche économiste » italienne, analyse le conflit d’une part comme « parfaitement bourgeois, entre États bourgeois de la région », d’autre part comme un conflit inter-impérialistes, avec d’un côté les USA et de l’autre, les pays européens et l’URSS Mais, même en admettant, comme ces camarades, que l’URSS soit un impérialisme (ce que nous ne pensons pas), on peut difficilement prétendre que les États arabes défendent les intérêts de l’URSS ou des pays européens, alors qu’Israël, lui, se fait bel et bien le gendarme de l’impérialisme américain. On ne peut donc, comme le fait Lotta Comunista, renvoyer dos-à-dos les deux camps.

La R.S.L. (USA), quant à elle, se refuse à soutenir le camp arabe car les dirigeants arabes ne mènent pas vraiment une lutte anti-impérialiste et recherchent au contraire un compromis avec celuici. D’après la R.S.L., le but de guerre des États arabes serait, en obtenant une victoire militaire, même partielle, de faire avaler aux masses arabes ta pilule de la reconnaissance d’Israël et donc l’impossibilité de réinstaller les Palestiniens dans leur propre État, ce qui est en partie vrai. Mais la R.S.L. ne reproche pas tant aux pays arabes de ne pas être anti-impérialistes (car seule la classe ouvrière peut être anti-impérialiste de façon conséquente, c’est-à-dire oeuvrer à la destruction de l’impérialisme), mais plutôt de ne pas être assez nationalistes, de ne pas poursuivre la guerre jusqu’au bout, jusqu’à la destruction de l’État d’Israël. Position qui rejoint d’ailleurs celle de nombre de sections du Secrétariat Unifié.

Enfin, IS (USA) argumente sur deux : plans d’une part aucun des deux camps ne soutient la lutte nationale des Palestiniens pour leur libération ; d’autre part, cette guerre est une guerre impérialiste avec d’un côté l’impérialisme américain et l’impérialisme israélien, et de l’autre des régimes réactionnaires qui font appel, eux-aussi, à l’impérialisme russe.

Le deuxième volet de la discussion vit l’ensemble des organisations présentes à la conférence, à l’exception de LO, Combat Ouvrier, Spark et l’U.T.A.CI, s’élever contre le droit des Juifs à avoir leur propre État, opposant à cela la nécessité d’un État binational en Palestine. Deux raisons essentielles furent invoquées à l’appui de cette thèse. Premièrement l’État d’Israël est un État impérialiste qui doit être détruit, deuxièmement le droit des Juifs et le droit des Palestiniens à avoir chacun leur État en Palestine est inconciliable, la seule solution est donc l’État binational.

LO s’affirma pour la destruction de l’État israélien, comme d’ailleurs pour celle de l’État français et de tous les États bourgeois, mais par la classe ouvrière !

Pour être un pas en avant, la destruction de l’État sioniste ne peut être le fait que des prolétariats juif et arabe et nous nous refusons à prêcher aux prolétaires arabes la croisade nationaliste contre Israël. La victoire militaire des États arabes ne ferait pas avancer d’un pas la libération des masses arabes. Et si, contre l’impérialisme américain, nous sommes dans le camp des pays arabes, y compris si la victoire de ce camp signifie la destruction de l’État d’Israël, nous ne pensons absolument pas que cette destruction serait en soi positive. Nous pensons, au contraire, que la classe ouvrière arabe doit avoir une stratégie vis-à-vis de la classe ouvrière israélienne pour la détacher du sionisme et la rallier à son combat, c’est-à-dire qu’elle doit lui garantir tous les droits nationaux, y compris celui d’avoir son propre État. Cela ne signifie pas qu’un État juif séparé serait souhaitable. Un État binational au sein duquel Juifs et Arabes vivraient ensemble, aurait des avantages considérables, et politiques et économiques, pour tous les habitants de la Palestine. Mais cet État ne peut se décréter par en haut. Il doit correspondre aux voeux des pays qui le construiront. Et, dans ces conditions, opposer l’État binational au droit des Juifs à avoir leur propre État, c’est finalement refuser les droits nationaux aux Juifs, c’est se faire l’avocat du nationalisme arabe.
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Re: Israël...Palestine...1948...1967...

Message par artza » 05 Août 2014, 07:49

Il est bien utile de relire ces textes dans les circonstances dramatiques actuelles.

Ces textes sont bien sûr datés et on peut en revoir ou en critiquer quelques formulations mais pour l'essentiel et souvent dans le détail ils montrent la voie à suivre, la seule qui ouvre une perspective pour l'avenir non seulement des palestiniens et des israéliens mais pour tous.

Ces textes furent pour certains écrits dans des circonstances tout aussi dramatiques, sans plus d'issues visibles que celles d'aujourd'hui.

Il est réconfortant et aussi désolant de voir que les petits cortèges de LO dans les dernières manifs furent les seuls au-delà de la dénonciation des crimes du gouvernement israélien et de son complice le gouvernement français à affirmer la nécessité de l'unité des travailleurs du monde entier et donc de ceux d'Israël-Palestine.

Ici en France l'avenir pour la jeunesse d'origine arabe ne se réduit pas à crier "Israël assassin...", "Palestine vaincra...", et pour la jeunesse d'origine juive où est l'avenir en criant "Israël vivra..." ?, et quant à ceux qui rigolent aux propos fétides d'un Dieudonné... !
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Re: Israël...Palestine...1948...1967...

Message par com_71 » 05 Août 2014, 14:47

lutte de classe 1er mai 1962 a écrit :Israël

Régulièrement une certaine presse de gauche s’extasie devant les réalisations de certains pays, qualifiées de voies particulières vers le socialisme, Le dernier en date de ces pays est Cuba, mais Israël a eu la vedette longtemps. L’incompréhension totale des problèmes des jeunes États et la carence de cette gauche la poussent à découvrir le socialisme n’importe où plutôt qu’à chercher, chez elle, dans quelle direction il pourrait bien se trouver.

Dans les pays nouvellement indépendants, les syndicats semblent jouer un rôle très différent de celui de défendre les intérêts ouvriers, c’est le cas de la Histadrout en Israël. Mais cet État est indépendant depuis plus de treize ans, et le phénomène histadroutique a évolué.

Il a toujours existé un faible filet de juifs religieux qui s’écoulait vers la Palestine. A la fin du XIXe siècle un noyau de jeunes idéalistes, crée le Bilou (initiales des mots hébreux Beit Yaacov lekhou venelekha : Maison de Jacob debout et en avant) et fonde le village de Guédera. Ils font partie de la première Aliah (montée). La deuxième Aliah s’effectue entre 1902 et 1914. Elle est composée principalement de jeunes travailleurs de Russie qui vont dans les champs du Baron de Rothschild et dans les domaines de la Commission Juive Agricole (ICA.) du Baron Hirsch.

Ces têtes blasonnées donnaient de l’argent beaucoup plus pour éloigner le problème juif des pays occidentaux où ils vivaient que par philanthropie. La troisième Aliah (1919-1925) est de loin la plus intéressante par l’influence exercée par Beer Borohov grâce à son livre « Classes et Nations » et celle également considérable du philosophe juif Aron David Gordon. Le premier veut montrer en s’appuyant sur le marxisme la nécessité de l’établissement d’un prolétariat agricole et industriel en Israël pour normaliser la structure économique du peuple juif, le second voit dans le travail manuel la source d’un renouveau spirituel : cette troisième Aliah subit l’empreinte de la révolution russe. La fondation du parti sioniste socialiste Poalé Sion (ouvrier sioniste) précède de peu celle de la Histadrout dont le but à l’époque, est l’organisation et la supervision des fermes collectives, des coopératives industrielles, des activités culturelles et défensives (Hagana) de la collectivité. A cette époque (1924), on assiste à la création du Fonds National Juif (KKL) chargé d’acheter des terres avec l’argent des juifs du monde entier, et au développement de la collectivisation agricole (kibbouts, mochav). L’industrie en est dans son ensemble au stade artisanal, La petite bourgeoisie polonaise, influencée par la social-démocratie, va fournir le contingent principal de la quatrième Aliah (1925-1928). En 1930, la section palestinienne du Poalé Sion est créée et prend le nom de MAPAI (mifleget poalé israeli - parti ouvrier juif). Il adhère à la Deuxième Internationale et en dépit d’une phraséologie socialisante assez vague, il est bientôt suivi par la majorité de la population. Il va conquérir tous les postes clés de l’Agence Juive et de la Histadrout. A cette époque on trouve en Palestine toutes les formes possibles de socialisme : utopique, religieux, scientifique. Jusqu’ici toutes les luttes politiques se sont déroulées dans le cadre de l’Agence Juive, donc sans danger pour le MAPAI qui en détient l’appareil. Les difficultés vont surgir au début de la Deuxième Guerre mondiale. La Fédération Sioniste Mondiale décida que durant la guerre rien ne sera fait qui puisse affaiblir l’Angleterre en lutte contre Hitler : cela signifiait que la revendication de l’indépendance de la Palestine était mise au vestiaire. L’Agence Juive enverra d’ailleurs une brigade juive pour combattre dans l’armée britannique au Moyen Orient et en Italie. Mais, bientôt, se regroupent hors de l’Agence Juive tous les éléments hostiles à la Grande-Bretagne et qui se réclament du leader sioniste Jabotinsky, mais qui vont se diviser en deux organisations :

- L’Irgoun Tzai (Organisation Nationaliste Militaire), ultra nationaliste entachée de symbolisme biblique et attachée aux principes religieux (les femmes ne sont pas admises). Elle considère la Grande-Bretagne comme l’ennemi immédiat (après l’Allemagne). Elle pratique un terrorisme aveugle contre Arabes et Anglais.

- et les Combattants de la Liberté (groupe Stern). Ils considèrent que l’ennemi N° 1 reste la Grande-Bretagne et que l’affaiblissement de celle-ci sera bénéfique à tous les peuples qu’elle opprime. Ils commettent de nombreux attentats contre les Anglais mais ils font toujours une distinction très nette entre le peuple et les féodaux arabes. Au début de la guerre leur chef I. Stern sera abattu par les Anglais et leur État-Major arrêté et torturé.

La guerre finie, l’Agence Juive se trouve très liée à la Grande-Bretagne, son aile gauche aux travaillistes de Bevin, son aile droite aux conservateurs et cela malgré le fait que les Britanniques coulent des bateaux de déportés. Devant cette inaction le Stern et l’Irgoun passent à l’attaque des Anglais. Le 1er est fort de 5 000 hommes, le 2er est fort de 5 000 hommes, le 2e de 15 000. Le Palmach (groupe de choc de la Hagana) menaçant de passer au Stern, Ben Gourion sera poussé à agir avec la Hagana (80 000 hommes), mais il essayera de se débarrasser de ces adversaires gênants en coulant un bateau de l’Irgoun (l’Altaléma) pour la provoquer et l’anéantir (la provocation échouera de peu), et en faisant arrêter les membres du Stern, coupables de « l’assassinat monstrueux » du comte Bernadotte de l’ONU. Il poussera le cynisme jusqu’à faire arrêter par la même occasion le maire Arabe d’Abou Goche, qui, avec l’aide du Stern, avait lutté contre les féodaux du grand Muphti de Jérusalem. A la fin de la guerre le Palmach est dissous et incorporé à l’armée régulière,

A la proclamation de l’indépendance, la Histadrout prend la situation en main. Elle veut prévoir de nouveaux emplois et surtout remédier au manque de capitaux. Elle fonde la première compagnie de transports aériens, le premier service d’approvisionnement d’eau. Elle s’occupe de tous les investissements non rentables ; électricité, prospections, recherches scientifiques. C’est cette importance de la Histadrout dans l’économie qui provoquera chez tant d’hommes de gauche l’incompréhension la plus complète de la nature de l’État israélien, considéré tantôt comme un compromis entre les classes, tantôt à mi-chemin entre une démocratie bourgeoise et une démocratie populaire (Abd el Kader : « le conflit judéo-arabe » ).

Une fois les frais d’installation amortis par la Histadrout et la preuve ayant été faite de la rentabilité des affaires, le capitalisme étranger va investir par le biais de l’État et des entreprises privées. L’aide américaine s’élèvera entre 1950 et 1958 à 325 millions de dollars. Peu à peu la Histadrout va céder des parts à l’État dans les entreprises qu’elle contrôle : Cie de navigation Zim, Cie d’électricité : la Palestine Electric Corporation et la Jerusalem Electric Corporation.

A côté du budget ordinaire de d’État prend place le budget de développement alimenté par les réparations allemandes (515 millions de dollars entre 1950 et 1959), les dons et les surplus américains, les dons de l’État d’Israël effectués par les ministères compétents à différents travaux (515 millions de dollars depuis 1951),

Le capitalisme de type colonial qu’avait connu la Palestine sous Mandat britannique a laissé peu à peu place, sous la bénédiction des gouvernements « socialistes », à des secteurs capitalistes modernes, dynamiques, qui ne pouvaient manquer de faire leur jonction avec les impérialistes et de développer leurs propres tendances impérialistes. Tel est le sens qu’il faut donner aux invitations de délégations syndicales d’Afrique et d’Asie et à l’envoi de missions économiques dans ces pays. Le secteur privé a pris, par suite, une extension considérable : en 1959, on comptait 27 banques ayant en dépôt 270 millions de dollars, dont la banque de la Poste spécialisée dans les opérations de clearing, d’épargne et de comptes postaux (dépôt 12 millions de dollars). Des lois furent votées pour favoriser l’entreprise privée et faciliter l’investissement de capitaux étrangers.

Malgré l’extension considérable du secteur privé, l’industrie histadroutique conserve une place importante dans l’économie : elle contrôle la Hevrat Hovdim qui s’occupe de 70 % de l’économie fermière, emploie 3 500 travailleurs, a un chiffre d’affaires de 115 millions de dollars - le Hamackir Hamarkazi coopérative de vente en gros (130 millions de dollars, le Solel Boneh, constructions et matériaux de constructions (20 000 ouvriers, 130 millions de dollars), le Koor, société industrielle (7 500 ouvriers, 17 millions de dollars, la Société Portuaire (3 200 ouvriers, 17 millions de dollars). Les bénéfices des usines de la Histadrout ne sont jamais distribués mais réinvestis.

On peut se faire une idée du dynamisme de l’économie israélienne en sachant que l’indice de développement agricole est passé de 100 en 1949 à 241 en 1959, l’indice industriel de 100 à 187,5. Pendant cette période le nombre d’ouvriers est passé de 73 000 à 162 000. La production industrielle a augmenté de 1958 à 1959 de 16 % et la productivité de 6 %.

Actuellement 25 % des ouvriers travaillent pour la Histadrout, 26 % pour, l’État, et 49 % dans le secteur privé ; 20 % de l’industrie appartient à l’État, 15 % à la Histadrout.

En tant que syndicat ouvrier, la Histadrout a obtenu pour les travailleurs un certain nombre « d’avantages » sociaux. En 1951 la semaine de 48 h, 12 jours minimum de congés payés, interdiction du travail en dessous de 14 ans ; interdiction du travail de nuit pour les femmes (et douze semaines de congés payés), 75 % du salaire en cas d’arrêt-maternité, 75 % du salaire en cas d’arrêt-accident (avec maximum de vingt-six semaines), 75 % du salaire en cas d’infirmité, assurance médiale gratuite (Koupah Krolim - 920 dispensaires, 15 hôpitaux ; 15 maisons de repos, 198 centres mère-enfant), 90 % des salariés sous conventions collectives. Elle coopère aux comités de productivité té avec le patronat, elle est à l’origine d’un système de primes pour les initiatives aidant à la production, et s’oppose aux augmentations de salaires sans augmentation de la production.

Cette évolution économique devait entraîner fatalement une évolution politique et sociale de la société israélienne. Jusqu’à l’année 1961, la vie politique israélienne était considérée comme un exemple de stabilité. L’affaire Lavon a fait perdre leurs illusions à beaucoup. Pinhas Lavon était, jusqu’en avril 1961, secrétaire de la Histadrout. Petit bourgeois d’origine, il l’était resté. Monsieur Lavon était de métier le bureaucrate N°1. Dans l’année 1954 où il fut ministre de la Défense il fut activiste, c’est-à-dire qu’il professait des opinions dures à l’égard des États arabes, il était peut-être secrètement expansionniste. Il devint par la suite secrétaire général de la Histadrout. Il passait ainsi de ministre à chef de syndicat. Ben Gourion était le chef de la Histadrout, il est aujourd’hui Président du Conseil des Ministres. L’un allait, d’une manière bien indirecte, bien déformée, reproduire la pression des aspirations des masses, le second était chef d’un gouvernement capitaliste composé de ministres « socialistes » ? Lavon fut destitué en 1954 de son ministère de la Défense et accusé d’avoir couvert un plan de sabotage de bâtiments américains en Égypte, ayant pour but de tendre les relations diplomatiques entre Nasser et les USA Au cours d’un procès de droit commun, fin 1960, il fut révélé que Lavon n’était nullement responsable et qu’il avait été jugé sur la foi de faux documents fabriqués par l’armée. On cria à « second Dreyfus ». Il projeta alors de se réhabiliter et, secrétaire de la Histadrout, il utilisa l’appareil de celle-ci pour lancer une campagne contre la bureaucratie étatique en général, pour l’indépendance et le maintien du caractère de classe de la Histadrout. Il n’y réussit pas, son parti, le MAPAI, lui demanda de démissionner de son dernier poste dirigeant. Il semble avoir présentement terminé sa carrière politique. Cet échec est évidemment personnel avant tout, mais il n’en marque pas moins une date capitale dans l’histoire du mouvement ouvrier israélien.

La bureaucratie histadroutique-lavoniste a permis la formation de l’État bourgeois. Le responsable N° 1 de l’offensive des forces anti-ouvrière c’est Lavon, c’est-à-dire l’appareil histadroutique. Il a jugulé la classe ouvrière, et maintenant que la bureaucratie ouvrière a frustré les travailleurs de leurs droits, qu’elle les a trompés sciemment, effrontément, qu’elle a remis l’État entre les mains de la bourgeoisie, maintenant que la bourgeoisie peut se passer de valets, elle prend l’offensive.

Tôt ou tard un conflit devait naître entre la bureaucratie syndicale qui, aussi traître soit-elle, ne peut avoir d’existence sociale que si le mouvement ouvrier est indépendant de l’État et l’appareil étatique, (dont les hommes sont très souvent issus de cadres syndicaux où ils ont reçu leur formation professionnelle et technique). La Histadrout, ce corps monstrueux, parce que de nos jours il n’a guère son semblable, ne pourrait exister dans un État capitaliste avancé. Elle est l’expression institutionnalisée d’un rapport de forces dépassé entre les couches et les classes sociales d’Israël.

Le mouvement ouvrier a servi de creuset à une accumulation capitaliste primitive. La Histadrout ne peut plus montrer aux masses que son glorieux passé et sa splendeur révolue. Le résultat est clair : pas de « socialisme » de rêve mais la réalité capitaliste la plus brutale qui permet l’existence de 25,3 % de gens en sous consommation, qui retire à la Histadrout ou à l’État les ex-entreprises pionnières (c’est-à-dire qui travaillaient à perte et sont désormais rentables). Le rêve d’un socialisme israélien à formes particulières fondé sur le kibbouts et le mochav (village collectiviste) qui ne connaîtrait pas les affres du capitalisme, cela mêlé d’une phraséologie marxisante n’était que la projection dans l’arène politique des secrets désirs d’égalitarisation de la propriété privée de la petite bourgeoisie. Une coopérative ouvrière israélienne n’est, comme bien d’autres, qu’une forme petite-bourgeoise de production au sein du mouvement ouvrier et qui obéit aux lois du marché capitaliste.

La bourgeoisie israélienne se sent désormais capable de voler de ses propres ailes et de ne plus agir par l’intermédiaire du parti ouvrier réformiste. Un gouvernement de partis ouvriers réformistes signifie que la bourgeoisie est faible et qu’elle doit masquer son pouvoir réel parce qu’elle le sait à la merci d’une offensive ouvrière. Dès que les classes dominantes peuvent se passer des réformistes et autres bureaucrates ouvriers, elles les rejettent. Tel est le sens de la formation d’un grand parti libéral en 1960, né de la fusion de petites fractions politiques insignifiantes de la bourgeoisie (sionistes généraux et progressistes) mais qui, avec 17 sièges obtenus aux élections d’Août 1960, devint le second parti d’Israël et est actuellement au gouvernement avec le MAPAI.

La période réactionnaire actuelle a grandement désarticulé la classe ouvrière israélienne, mais elle vit. Témoins en sont les comités d’action surgis dans nombre de branches de l’activité économique et qui, sur les lieux de travail, rassemblent l’ensemble des ouvriers contre la Histadrout et ses offices locaux et se fédèrent progressivement. Témoins aussi ces grèves sauvages qui éclatent un peu partout, désespérées car elles ont contre elles le front uni du patronat et du syndicat, mais qui font avancer la conscience d’un prolétariat tout neuf. Facilement chauvin, bien que venu des quatre coins du monde, ses mots d’ordre sont vagues. Mais l’exemple des ouvriers du bâtiment l’été dernier qui décidèrent de ne plus faire « QUE 7 H PAR JOUR » et de quitter le travail au bout de la 7e heure, rappelle les formes de lutte de la CGT de la belle époque,

La maturation du prolétariat israélien est en marche. Les formes et les étapes qu’elle franchira nous sont inconnues, mais formulons deux souhaits : a) que se forme là-bas un parti révolutionnaire, b) que les « socialistes » qui ont le courage d’écrire des inepties telles que : « Il est très difficile de juger Israël avec le sens critique dont disposent les socialistes européens trop imprégnés de culture bourgeoise » (Ady BRILLE dans Tribune du Socialisme - PSU du 27/I/62) ne se mêlent plus de politique.
Annexe

Les partis de gauche en Israël

A part le MAPAI qui détient plus de 40 % des sièges au parlement et plus de 50 % à la Histadrout et qui, de ce fait, contrôle tout depuis la coopérative jusqu’au plus grand club sportif, il existe deux autres formations se réclamant du socialisme

- LeMAPAM (mifléget poalé méouhédet - parti ouvrier unifié) né de la fusion en 1948 du Mouvement de Jeunesse Hachomer Hatzair et d’un groupe de gauche venu du MAPAI. Se réclamant du marxisme léninisme, il a une phraséologie très stalinienne. Se situant à gauche du MAPAI, il a fait partie des différents gouvernements socialistes. Parti électoral, il voulait assurer un profit décent au capital privé, ne s’opposait pas aux primes de rendement, luttait contre le mauvais capitalisme spéculatif, affirmait l’intérêt de la classe ouvrière à la rentabilité de l’économie, aspirait à plus de démocratie et à une meilleure compréhension des socialistes au sein de la Histadrout ; libéral envers les Arabes ; les pablistes y sont entrés ; neuf sièges au parlement (knesset), 14 % des voix à la Histadrout.

- L’Adhout Avoda (unité du travail) ancien groupe MAPAI qui a quitté le MAPAM en 1954 (aussi appelé poalé sion smol - ouvrier sioniste de gauche), le MAPAI étant le poalé sion yémin (droite) ; 17 % des voix à la Histadrout, 8 sièges à la Knesset (sur 120) il oscille sans cesse entre le MAPAI et le MAPAM ; s’est distingué par son activisme anti-arabe. Comme le MAPAI a des sections spéciales pour les Arabes (seul le MAPAM les reçoit en tant que membres au même titre que les juifs).

- Le Maki (mifléget Kommunisti israëli - parti communiste israélien). Sans influence parmi la population juive. En effet, comme tous les PC, était nationaliste et a été forcé de choisir entre le nationalisme juif et le nationalisme arabe : a choisi les Arabes d’après la tactique soviétique au Moyen-Orient. A fait quelques actions positives pour défendre les Arabes israéliens (5 sièges à. la Knesset, 2 % à la Histadrout).
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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