J'ouvre ce sujet dans l'espoir d'obtenir un éclairage ou deux sur ce qu'il s'est passé en France après l'insurrection de Budapest.
Je commence un peu à maîtriser ce que 1956 a ouvert comme développements en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Une tendance critique se crée au sein du PC britannique, vite exclue. Des intellectuels comme EP Thompson, Ralph Milliband lancent la "new left", tandis que chez les Américains, la jeunesse étudiante suivra l'appel de C. Wright Mills à organiser les travailleurs intellectuels, pensée comme nouvelle classe révolutionnaire. Le mouvement ouvrier américain, trop collaborateur avec l'Etat, soutient la guerre du Vietnam et perd une génération qui aurait pu le revigorer. En Angleterre, les universitaires ne se dirigent pas plus sur le terrain des luttes ouvrières, mais participent à des campagnes du type désarmement nucléaire, comme façon de se démarquer de la vieille gauche, arc-boutée sur les camps de la guerre froide. Mais s'ils critiquent l'URSS pour 1956, cette nouvelle gauche ne va pas toujours au bout de la critique de la montée du Stalinisme (je pense à un texte de EP Thompson dans lequel il reproche aux Trotskystes de parler de "trahison" plutôt que d'étudier les rapports de force de la bureaucratisation, c'est un peu l’hôpital qui se fout de la charité). Néanmoins, Trotskystes et nouvelle gauche se parlent, se mêlent un peu.
Il me semble qu'en comparaison, la "deuxième gauche" en France est un drôle d'animal, aux préoccupations vite électorales. Je ne comprends pas comment cette sensibilité qui répond aux mêmes aspirations que chez les anglophones (comment être de gauche sans être intégré à l'Etat ou Stalinien), a pu se trouver un allié en la personne de Mendès-France. Je ne comprends pas bien le développement entre Mitterrand et Rocard, comment ce dernier a pu dévoyer une sensibilité favorable à l'autogestion ouvrière pour un programme politique si capitulard, se plaçant in fine à la droite de Mitterrand. C'est assez fascinant cette deuxième gauche, on en a même eu une résurgence récente quand le fils spirituel de Rocard, Macron, disait que sa forme préférée d'entreprise était la coopérative.
Alors quelques questions en vrac, en plus de ce que j'ai déjà mentionné. Si des camarades se sentent de me dire ce qu'ils en pensent et savent, je l'apprécierais beaucoup.
Quand Voix Ouvrière est fondé cette même année, est-ce que c'est lié à ce contexte plus général de questionnement de l'URSS, ce qui a fini de motiver / rendre possible les aspirations des anciens du groupe Barta ? Est-ce que 1956 est comparable à 1968, est-ce que ce sont deux moments qui rendent plus facile d'être communiste sans être stalinien ?
Qu'est ce que c'était, ce milieu de la deuxième gauche, du PSU d'avant que Rocard le quitte en 1974 ? Il y avait beaucoup d'anciens Trotskystes, mais qu'est-ce qu'ils en gardaient ? Ai-je tort d'imaginer des vieux camarades dire que les militants du PSU jetaient le bébé avec l'eau du bain ?
Le PCI de Frank gagne ou perd avec 1956 ? J'ai l'impression que certains se barrent, comme Schwartz, et d'autres viennent (ex du PCF)... Ca ressemble à quoi le PCI à l'époque ? Ils mettent du temps à gagner quelques jeunes du PC dont Krivine, c'est quand même lié à Budapest la création des JCR ?