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le 4 nov. 1956, les chars russes déferlent sur Budapest

Message Publié : 03 Nov 2016, 22:35
par com_71
éditorial politique Voix Ouvrière du 11-11-56 a écrit :NOUS SOMMES TOUS DES ASSASSINS

L'insurrection hongroise a été broyée par les blindés de l'armée russe. Malgré la disproportion des forces, les combattants hongrois ont résisté et résistent encore. Malgré la famine et la répression, la grève est générale. II s'agissait d'une insurrection populaire sinon prolétarienne en dépit de ce que peut dire la presse stalinienne. Il est bien évident qu'une minorité de factieux n'aurait pu mener un tel combat et que pour tenir si longtemps il a fallu que toute la population se dresse face aux 200 000 hommes de troupes et aux 3000 blindés de la répression. C'est la première fois dans l'histoire que la bureaucratie russe se sert de l'armée rouge pour écraser une révolution, jusqu'ici elle n'avait fait que les laisser écraser par les armées des autres. Tous les travailleurs en France, y compris un grand nombre de militants du PCF, ont ressenti la même indignation devant ce crime. Crime plus grand encore qu'il n'apparaît à première vue car il dépasse les frontières de la Hongrie.

La répression en Hongrie a fait relever la tête à tous les fascistes européens. Les Russes n'ont pas combattu le fascisme en Hongrie mais ils l'ont renforcé en France. L'Humanité et le PCF en ont fait l'expérience ces jours derniers.
Quelles qu'aient été les revendications des travailleurs hongrois, c'était leur droit de les poser jusque et y compris un retour au capitalisme, qu'ils ne voulaient d'ailleurs pas.
Leur massacre n'a pas d'excuse et chacun le sait. L'écoeurement est d'autant plus grand que ceux qui élèvent le plus la voix pour protester sont ceux qui justement devraient se taire.
Les gouvernants français ne défendent une insurrection ouvrière que lorsqu'elle se produit dans les pays de l'Est, eux qui emploient la matraque dans la moindre grève et qui n'hésiteraient pas au cas où la dite insurrection ouvrière se produirait en occident à la noyer dans le sang. Des centaines de milliers de soldats, tout le matériel d'une armée moderne contre un petit pays de quelques millions d'habitants c'est la Hongrie, oui, mais c'est aussi l'Algérie. Et le cynisme des dirigeants français qui pleurent sur le sort des ouvriers hongrois alors qu'ils assassinent en Algérie et en Egypte n'a d'égal que celui des potentats du Kremlin qui font l'inverse. F.O. qui a des camarades ministres, a fort bien su prendre l'initiative d'un mouvement de grève pour protester contre la sauvage répression de l'insurrection hongroise. Elle n'a jamais su, pas plus que la CGT d'ailleurs, en faire autant pour l'Algérie et cependant les deux sont liés. C'est parce que les occidentaux massacrent en Afrique du Nord, au Kenya, à Chypre ou au Guatemala que les Russes ont pu commettre ce crime face à la classe ouvrière mondiale et, au fond, c'est en partie parce que nous travailleurs français nous tolérons par notre passivité la répression en Algérie que nos frères les travailleurs hongrois meurent sous les balles et les obus. De même l'intervention en Egypte n'aurait sans doute pas été possible sans les évènements de Hongrie. A l'heure actuelle chacun de ces évènements fait partie d'un tout. Les travailleurs hongrois ont mené une lutte sans espoir, à tel point que certains postes d'insurgés ont fait appel à l'intervention occidentale. Ce n'était que choisir un autre genre de mort. Les armées occidentales ne seraient certainement pas intervenues pour laisser les armes aux travailleurs et le pouvoir aux comités ouvriers. Cette intervention ne serait que le début d'une troisième guerre mondiale et d'une ère de barbarie sans nom. Aucun travailleur n'y a intérêt. Dans la cassure actuelle en deux blocs rivaux et opposés, c'est l'ignominie de l'un qui permet à l'autre de se rendre ignoble. Les masses de chacun des deux ne s'opposent pas à leurs propres dirigeants que parce que les autres ne font pas mieux et qu'ils ne sentent le choix qu'entre l'un ou l'autre. Et quoiqu'en disent les gouvernants français, les dirigeants sociaux-démocrates, les travailleurs français pouvaient plus aider les ouvriers hongrois en arrêtant la guerre d'Algérie et en empêchant l'expédition d'Egypte plutôt qu'en soutenant ceux qui mettaient le feu au siège du PCF.

Et ces derniers évènements nous montrent que le sort des travailleurs hongrois pourrait bien être le nôtre : les nervis qui s'attaquent aux journaux et aux permanences du PCF ont profité du désarroi créé par la répression russe pour s'attaquer aux organisations qui se réclament de la classe ouvrière ; leur indignation vertueuse contre les bourreaux du prolétariat hongrois ne cache en fait que le désir de réserver le même sort aux travailleurs français. Les dirigeants staliniens peuvent difficilement être dépassés en abjection mais c'est aux travailleurs de les juger et de les rejeter. Nous ne pouvons pas permettre aux éléments réactionnaires du pays de faire le ménage dans nos propres rangs. Les typographes de la presse l'ont fort bien compris en débrayant parce que certains d'entre eux avaient été blessés dans les locaux de l'Humanité. Au-delà du PCF, c'est l'organisation indépendante de la classe ouvrière qui est visée. II nous appartient de nous occuper de nos propres affaires et de ne laisser aux dirigeants staliniens ou sociaux-démocrates qui ont tous du sang sur les mains d'être maîtres de nos destinées. Sinon nous nous retrouverons demain dans le cas des travailleurs hongrois : massacrés par les uns ou par les autres. Nous ne pourrons alors nous en prendre qu'à nous-mêmes car « il ne faut jamais demander pour qui sonne le glas, il sonne toujours pour nous.

Re: le 4 nov. 1956, les chars russes déferlent sur Budapest

Message Publié : 03 Nov 2016, 22:44
par com_71
Voix Ouvrière Renault, 14 novembre 1956 a écrit :DIS-MOI QUI TU ASSASSINES...

L'intervention des troupes russes en Hongrie et le cynisme manifesté à cotte occasion par l'Humanité osant qualifier de "fascistes" les insurgés hongrois, ont provoqué une indignation unanime dans tout notre département. Le Révolution hongroise, une contre-révolution fasciste ? Tous les faits démontrent le contraire. Personne n'a osé contester, pas même le PCF, la participation massive des ouvriers et des paysans à l'insurrection. A Gyor, à Myckolz, le comité révolutionnaire est constitué avec des représentants des conseils d'usine. A la tête de ces comi­tés se trouvent des militants communistes (et non staliniens) sortant des geôles de Rakosi et déjà emprisonnés sous Horty.

Les intellectuels et les étudiants ont comme direction le cercle Poetofi, composé d'écrivains communistes déjà dans l'opposition sous Rakosi, de philosophes marxistes comme Georges Lukacs. Les armes des insurgés ? Ce sont les soldats hongrois qui les ont fournies aux ouvriers. Les soldats refusant de se battre contre le peuple.

Les revendications dus insurgés reflètent amplement la participation active des ouvriers : suppression des normes, augmentation des salaires, gestion ouvrière des entreprises par des conseils ouvriers. Pas un seul instant il n'a été question pour les insurgés de redonner les usines aux capitalistes et les terres aux propriétaires fonciers. Bela Lucacs représen­tant des petits propriétaires dans le gouvernement Nagy, élé­ment relativement le plus réactionnaire, n'a-t-il pas déclaré lui-même qu'en aucun cas les usines ne seraient rendues à leurs anciens propriétaires et les terres aux gros propriétaires terriens. La direction du PCF n'a trouvé qu'un piètre argument pour parler de la "contre-révolution" hongroise : le cardinal Mintzinsky aurait été pressenti pour former un nouveau gouvernement. Cette information mensongère trouve sa source... à Prague et n'a été confirmée par personne, ni par le nouveau gouvernement fantoche de Kadar, ni par les soviétiques. Quant à sa libération de prison, rappelons qu'en 1905 lors de la première révolution russe les révolutionnaires ont libéré tous les emprisonnés politiques même des réactionnaires comme Kerensky et Kor­nilov.

Les travailleurs français sont solidaires des insurgés hongrois et sont prêts à se servir de n'importe quelle occasion pour le démontrer. C'est pourquoi un certain nombre de travailleurs de notre département ont débrayé le 7 novembre bien qu'ils n'approuvent pas FO qui parle beaucoup de la révolution hongroise, mais se tait sur l'insurrection algérienne, cautionnant ainsi le gouvernement et sa politique.

C'est pourquoi aussi la plupart des travailleurs du dépar­tement se sont abstenu de manifester le 13 novembre à l'appel de la CGT, car ils ne voulaient pas sous prétexte de lutter contre le fascisme, laisser croire qu'ils approuvaient la répression en Hongrie.

La grande leçon que nous devons tirer de ces débrayages sous la houlette des uns ou des autres, c'est que nous devons nous organiser nous-mêmes, pour ne plus être obligés d'attendre le bon vouloir de tel ou tel appareil pour agir.