Le premier des articles cités contient des critiques circonstanciées. Des images élogieuses ne sont pas une réponse. Il n'est pas correct de fuir une discussion que l'on a soi-même initiée.
extraits de l'article de ldc a écrit :Le choix politique qu'ont fait les dirigeants du Militant en construisant leur organisation au sein d'un parti réformiste, est contestable. Et ce n'est pas le nôtre. Mais force est de constater que, dans le cadre de ce choix, ils ont réussi à construire une organisation qui semble avoir plus de poids sur les événements que bien des groupes trotskystes indépendants. Et même si l'on ne partage pas ce choix, le résultat atteint mérite qu'on examine de plus près la politique et l'expérience de ces militants.
S'adressant aux militants français, Trotsky expliquait d'ailleurs que « en elle-même, l'entrée dans un parti réformiste ne peut constituer une perspective à long terme. Ce n'est qu'une étape qui, dans certaines conditions, peut se limiter à une simple péripétie » . Et s'adressant quelque temps plus tard aux mêmes militants, tentés de faire certaines concessions aux dirigeants réformistes pour conserver leurs positions dans le Parti Socialiste, il ajoutait: « Est-il ou non nécessaire de parler ouvertement de la perspective d'un parti indépendant ? Comment pourrait-on l'éviter ? (...) Défendez avec le plus grand zèle votre position au sein de la SFIO, mais préparez-vous à mener un combat indépendant si cela nous est imposé - et tout indique que tel sera le cas. Comment pourrait-on éviter de dire tout cela ouvertement ? » .
A la tactique transitoire, conçue par Trotsky dans une période de remontée ouvrière, pour permettre à des militants coupés de la classe ouvrière de s'adresser à des ouvriers réformistes en train d'évoluer vers la gauche et de les gagner aux idées révolutionnaires, le groupe de Grant avait substitué une stratégie à long terme de construction du parti révolutionnaire au sein même d'un parti réformiste. De réponse à la situation spécifique du mouvement ouvrier britannique et à l'extrême faiblesse qu'y avait le mouvement trotskyste, cette stratégie a été érigée depuis en méthode universelle, valable en tous lieux et en tous temps.
un article du Bulletin of Marxist Studies publié en 1985 sous la signature d'un membre du groupe, George Edwards « jamais on n'a vu » , écrit Edwards « là où existaient des organisations ouvrières de masses, se construire de nouvelles organisations qui ne venaient pas au moins en partie des vieilles organisations de la classe ouvrière. Même en Russie, les Bolchéviks émergèrent du parti ouvrier social-démocrate russe » . Mis à part le fait que c'est une façon de réécrire l'histoire - les Bolchéviks n'émergèrent pas d'un parti social-démocrate ossifié depuis longtemps dans le réformisme, ils se créèrent pratiquement dès le début comme une fraction indépendante du Parti Social-Démocrate qui se formait lui-même - , il s'agit donc bien pour le Militant d'un axiome: le parti révolutionnaire ne peut se former que dans les partis réformistes.
Il est difficile de concevoir comment un parti réformiste, dont les moindres rouages sont pourris par des décennies de collaboration de classe, pourrait se transformer d'un coup de baguette magique en parti révolutionnaire.
Mais en supposant que cela soit possible, il y faudrait à coup sûr toute la puissance d'une montée révolutionnaire, en même temps qu'une direction qui sache et qui ait la volonté de s'appuyer sur la mobilisation des travailleurs, sur leur conscience, pour faire voler en éclat les mille liens qui attache le Parti Travailliste à l'État de la bourgeoisie.
Le Militant aura-t-il la capacité et la volonté politique de mener une telle politique jusqu'au bout ? Il est bien sûr impossible de préjuger de l'avenir. Mais au moins, les événements récents de Liverpool peuvent permettre de mesurer la volonté politique du Militant de mener la classe ouvrière au combat.
Au mois de juin 1985, le ministère de l'intérieur annonça des poursuites judiciaires contre les conseillers travaillistes de Liverpool pour avoir adopté un budget comportant un déficit de 80 millions de livres. Ce fut le signal : bientôt, la municipalité trouva portes closes dans tous les établissements financiers auxquels elle s'adressait pour trouver des liquidités.
Dans les premiers jours de septembre, la municipalité annonça qu'elle serait en situation de cessation de paiement au plus tard en décembre. Quelques jours plus tard, elle annonçait l'envoi de préavis de licenciements aux 32 000 travailleurs municipaux de la ville. Le Militant a depuis donné l'explication de cette tactique incompréhensible : lorsque la ville serait arrivée au bout de ses réserves, elle aurait dû licencier ces travailleurs faute de pouvoir les-payer ; comme elle l'aurait fait sans préavis, elle aurait dû légalement leur verser 23 millions de livres d'indemnités que les conseillers auraient dû payer de leur poche en tant que responsables des finances du conseil ; en envoyant les préavis, les conseillers se protégeaient contre ce risque. Mais, ajoute le Militant, « il n'était pas possible d'expliquer les raisons tactiques plutôt compliquées de l'envoi des préavis, que ce soit aux travailleurs municipaux ou à la masse de la population de Liverpool ( ... ) Compte tenu de ces raisons, nous pensons que c'était une erreur » ( MIR, numéro 31).
Cette manoeuvre que le Militant jugeait ne pas pouvoir expliquer aux travailleurs, et à laquelle il a finalement dû renoncer sous la pression des travailleurs, lui a en fin de compte coûté cher.
au point ou en était la situation, il n'y avait qu'une alternative : ou bien, en s'appuyant sur la mobilisation des ouvriers municipaux qui avaient voté la grève - ils étaient quand même plusieurs milliers - le Militant tentait de mener le combat jusqu'au bout de ce que les ouvriers eux-mêmes étaient prêts à faire; ou bien c'était la capitulation pure et simple, avec tout ce que cela comporte de démoralisant pour la classe ouvrière. Et c'est cette dernière solution qu'a choisie le Militant.
le Militant s'est servi de la classe ouvrière de Liverpool comme d'une masse de manoeuvre qu'il faisait descendre dans la rue à son gré, pour monter sa force, et s'en servir dans les négociations avec les émissaires du gouvernement. Exactement à la façon des dirigeants réformistes des syndicats qui sont capables de déclencher des grèves pour montrer leur force dans les négociations avec le patronat mais qui ne toléreraient jamais de laisser la moindre initiative aux travailleurs dans ce domaine.
Mais à la voie de l'affrontement, le Militant a préféré la voie des concessions, en mentant aux travailleurs, en les endormant, en leur présentant comme une victoire ce qui n'était qu'une carotte destinée à endormir leur combativité.