Coopération...

Marxisme et mouvement ouvrier.

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Message par com_71 » 10 Fév 2019, 12:47

Je relève, dans une lettre de Trotsky à Harold Issacs, le passage suivant. Loin d'être anecdotique, il est riche d'implications pour une orientation politique correcte :
La première concerne la polémique entre Maring [1] et Chen Duxiu. Vous êtes certainement trop favorable à Maring et injuste pour Chen Duxiu. Les arguments que Maring vous a donnés a posteriori n'ont aucune valeur historique. Il est tout à fait exclu que Maring ait pris une quelconque initiative personnelle sur cette question. Il était en mission officielle et basait son activité non sur son expérience antérieure à Java, mais sur le mandat de Zinoviev, Radek [2] et Boukharine, peut-être avec le consentement de Staline. Vous ne donnez pas là de date précise, mais tout l’épisode est de 1922 si je m’en souviens bien. Lénine était malade. J’étais tout à fait à l’écart du travail du Comintern et je vis Maring pour la première fois plus tard, après son retour de Chine.

Je considère comme tout à fait vraisemblable, sinon parfaitement certain, que Chen Duxiu et les autres dirigeants communistes en Chine étaient contre leur subordination au Guomindang. Un parti communiste jeune devait naturellement tendre plus vers l'intransigeance que vers l’opportunisme. Nous n’avons pas la moindre raison de ne pas faire confiance au rapport de Chen Duxiu. Que Maring n’avait pas de « mandat écrit » sonne de façon ridicule. Son identité en tant qu’émissaire de Moscou ne faisait pas de doute et il invoquait naturellement la discipline du Comintern. Je ne sais pas s’il faut donner cette version plus probable, mais certainement il ne faut pas favoriser Maring seulement parce qu’il est libre et que Chen Duxiu est en prison.

Vous invoquez le fait que, même si les dirigeants chinois s’opposaient à l’entrée, ils ne faisaient pas référence aux principes, mais à leur « croyance que le Guomindang était mort ». Cette affirmation est répétée deux fois et plus. Je trouve incorrect, dans cette affaire, d’opposer les principes aux faits. A l’époque, dans le passé, où les partis bourgeois étaient capables de diriger les masses laborieuses, le devoir d’un révolutionnaire était de les rallier. Marx et Engels, par exemple, ont rejoint le parti démocrate en 1848 (à juste titre ou non, c’est l’affaire d’une analyse concrète). « Le Guomindang n’est pas capable de diriger les masses révolutionnaires. Du point de vue révolutionnaire, c’est un parti défunt. C’est pourquoi nous sommes contre l’entrée » — un tel argument pouvait avoir une valeur totalement principielle.

Je peux aller plus loin : l’entrée en elle-même, en 1922, n’était pas un crime, peut-être même pas une erreur, surtout dans le Sud, si on admet que le Guomindang avait, à cette époque, nombre d’ouvriers et que le jeune parti communiste était faible et composé surtout entièrement d’intellectuels (c’est vrai pour 1922). Dans ce cas, l’entrée aurait été une initiative épisodique vers l’indépendance, analogue, dans une certaine mesure, à notre entrée dans le Socialist Party. La question est : quel était leur objectif en entrant et quelle fut leur politique ultérieure ?

Vous invoquez contre Chen Duxiu ses propres paroles écrites en 1922 : « La coopération avec le bourgeois révolutionnaire, c’est la voie nécessaire... » Cela fut-il écrit ainsi avant ou après l’ordre de Maring ? Et puis « coopération » ne signifie pas entrée. En 1927, nous préconisions aussi la coopération militaire avec le Guomindang. Non... vous êtes trop généreux avec Maring et trop sévère avec Chen Duxiu.


https://www.marxists.org/francais/trots ... isaacs.htm
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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