La fille de A. Joffe s'indigne en 1997

Marxisme et mouvement ouvrier.

La fille de A. Joffe s'indigne en 1997

Message par com_71 » 28 Mars 2019, 09:10

Nadezhda Adolfovna Joffe a été membre de l'Opposition de Gauche

Traduction automatique :

Nadezhda Adolfovna Joffe a écrit :Sur les romances de Trotsky, réelles et imaginaires.

Une imagination riche n’est pas la meilleure des aides pour la rédaction d’essais sur des personnalités historiques bien connues.

"Novoie russkoie slovo" est le journal préféré de notre famille. Nous l'achetons tous les jours et je le lis avec attention et intérêt.

Il m'est d'autant plus désagréable pour moi de lire dans le numéro du 21 février l'article de Marina Koldobskaia intitulé "Le symbole sexuel du cosmopolitanisme sans racines". Le sujet de cette histoire était Leon Trotsky et il est écrit dans les pires traditions de la presse dite jaune, d'une manière vulgaire détaillant de nombreuses rumeurs élémentaires sans fondement.

En réalité, pour moi, Trotsky n’est pas simplement un personnage politique. Je suis la fille d'Adolf Abramovich Joffe, l'un des premiers diplomates soviétiques et ami personnel de Trotsky. Je connaissais Lev Davydovich et toute sa famille depuis son plus jeune âge. De 1917 à 1928, jusqu'à l'exil de Trotsky, j'étais très proche de son fils aîné Lev Sedov (il a gardé le nom de famille de sa mère), qui avait mon âge. Je lui ai souvent rendu visite chez moi au Kremlin, j'ai rencontré sa mère et la femme de Trotsky, Natalia Ivanovna, qui m'ont traitée très chaleureusement.

L'auteur n'a-t-elle pas honte d'écrire sur Natalia Ivanovna avec un ton aussi ironique et désinvolte ? Natalia Ivanovna était une véritable intellectuelle avec un large cercle d'intérêts. Ses principales qualités étaient sa gentillesse sans fin, son acceptation sincère des gens. Cela me rend malade de lire qu'elle aurait été "déprimée" par les "mauvaises manières" et les "chemises sales" des socialistes russes. Il est également fort improbable que Lev Davydovich, alors qu’il vivait à Paris, ait eu besoin d'elle pour l’éduquer, l’emmener au musée et lui "glisser des livres", d’autant plus qu’il s’intéressait toujours à la littérature malgré la pression de son travail.

Quant à l'attitude de Trotsky envers les femmes, Isaac Deutscher, dans sa biographie, la décrit mieux: "Dans les rares occasions où il remarquait des femmes, il s'y intéressait". On doit supposer que, dans les rares occasions où il s’y intéressait, il a pu avoir diverses liaisons occasionnelles. Il est fort probable qu’une telle affaire ait eu lieu avec Larisa Reissner. Mais toute sorte de romance est, bien sûr, hors de question, Trotsky n’a tout simplement pas le temps pour des romances.

Je connaissais Larisa Mikhailovna personnellement. Sans aucun doute, c'était une femme intelligente issue d'une famille très cultivée. Malgré toute son excentricité, elle ne pouvait tout simplement perdre la tête pour se tenir sur le pont d’un navire de guerre "dans une robe de bal réquisitionnée". D'autant plus que dans le cercle de personnes où vivait la femme de Feodor Raskolnikov, les robes de bal n'étaient pas du tout portées. Quant aux "baignoires remplies de champagne", cela dépasse tout simplement le sens commun, à l'instar de nombreux autres passages de cet article.

Poursuivant sur le thème des romances de Trotsky, puisqu'il s’agit du sujet principal de l’article de M. Koldobskaia, force est de constater qu’il a effectivement eu une véritable histoire d’amour. À son arrivée au Mexique, à l'âge de 57 ans, Trotsky a rencontré la femme du célèbre artiste Diego Rivera, Frida Kahlo, âgée de 29 ans, qui avait joué un rôle énorme dans la venue de Trotsky au Mexique et dans la recherche de son logement. Selon des personnes qui connaissaient à la fois Rivera et sa femme, Frida était une très belle femme. Elle s'habillait bien et portait de longues robes pour cacher un léger défaut d'une jambe. Je ne sais pas où l'auteur de cet article a trouvé la source de son affirmation selon laquelle cette femme "a marché avec des béquilles, ses jambes, sa colonne vertébrale et ses organes sexuels ont été blessés dans un accident d'automobile". Et avec tout cela, Koldobskaia écrit que Frida avait de nombreux amants (?!) Et s’était donnée à eux tout en surmontant sa douleur. Quelle imagination riche !

La liaison avec Frida se termina assez vite. Natalia Ivanovna l'a découverte et a écrit à Lev Davydovich une lettre l'informant qu'elle ne souhaitait pas faire obstacle à son bonheur et lui a proposé de divorcer. Il semble qu'il se soit effrayé et ait écrit une réponse remplie de remords, demandé pardon et l'assuré qu'il aimait et continue d'aimer seulement Natalia. Natalia Ivanovna lui a pardonné. Je pense que Lev Davydovich a dit la vérité. Que Natalia Ivanovna, ou Nata, comme il l'appelait, était le seul amour de sa vie.

Quant à la première femme de Trotsky, Sokolovskaia, il n’y avait rien de romantique dans leur relation, du moins de son côté. Il y avait une grande amitié personnelle et le respect, la gratitude pour tout ce qu'elle a fait pour lui. Je la connaissais aussi fortuitement, même si ce n'était que pour une courte période. Nous étions dans la même caserne pour les prisonniers politiques du camp de Kolyma. Elle était une femme merveilleuse !

En conclusion, je dois répéter qu'il très pénible pour moi de voir sur les pages d’un journal respecté un tel gribouillage de mauvaise qualité.

Nadezhda Joffe


http://iskra-research.org/editor/NA_Joffe.html
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: La veuve de Joffe s'indigne en 1997

Message par Gayraud de Mazars » 28 Mars 2019, 17:04

Salut camarades,

Adolf Joffé était l'un des hommes les plus capables qui entouraient Lénine au temps de la révolution et avait consacré toute sa vie au mouvement communiste. Il prit une part active à la révolution de 1905 ; emprisonné d'abord, il fut ensuite déporté en Sibérie et soumis au régime du travail forcé. Après la révolution d'octobre, dans laquelle il joua un rôle de premier plan, Lénine le désigna pour deux des postes diplomatiques alors de la plus haute importance pour la Russie soviétique : Berlin - il avait présidé la délégation russe à Brest-Litovsk – puis Tokyo. Il se tua le 16 novembre 1927, d’un coup de revolver dans la tempe. On trouva auprès de son corps la lettre ci-dessous. Il était le père de la jeune Nadezhda Adolfovna Joffe en 1927...

Son enterrement sera l’occasion de la dernière grande manifestation de l’Opposition de Gauche en Russie.

Lettre d'adieu d'Adolf Joffé

Le 15 novembre 1927, A Léon Trotsky

Cher Léon Davidovitch,

Toute ma vie j'ai été d'avis qu'un homme politique devait comprendre lorsque le moment était venu de s'en aller ainsi qu'un acteur quitte la scène et qu'il vaut mieux pour lui s'en aller trop tôt que trop tard.

Pendant plus de trente ans j'ai admis l'idée que la vie humaine n'a de signification qu'aussi longtemps et dans la mesure où elle est au service de quelque chose d'infini. Pour nous, l'humanité est cet infini. Tout le reste est fini, et travailler pour ce reste n'a pas de sens. Même si l'humanité devait un jour connaître une signification placée au-dessus d'elle-même, celle-ci ne deviendrait claire que dans un avenir si éloigné que pour nous l'humanité serait néanmoins quelque chose de complètement infini. Si on croit, comme je le fais, au progrès, on peut admettre que lorsque l'heure viendra pour notre planète de disparaître, l'humanité aura longtemps avant trouvé le moyen d'émigrer et de s'installer sur des planètes plus jeunes. C'est dans cette conception que j'ai, jour après jour, placé le sens de la vie. Et quand je regarde aujourd'hui mon passé, les vingt-sept années que j'ai passées dans les rangs de notre parti, je crois pouvoir dire avec raison que, tout le long de ma vie consciente, je suis resté fidèle à cette philosophie. J'ai toujours vécu suivant le précepte : travaille et combat pour le bien de l'humanité. Aussi je crois pouvoir dire à bon droit que chaque jour de ma vie a eu son sens.

Mais il me semble maintenant que le temps est venu où ma vie perd son sens, et c'est pourquoi je me sens le devoir d'y mettre fin.

Depuis plusieurs années, les dirigeants actuels de notre parti, fidèles à leur orientation de ne donner aux membres de l'opposition aucun travail, ne m'ont permis aucune activité, ni en politique, ni dans le travail soviétique, qui corresponde à mes aptitudes. Depuis un an, comme vous le savez, le bureau politique m'a interdit, en tant qu'adhérent de l'opposition, tout travail politique. Ma santé n'a pas cessé d'empirer. Le 20 septembre, pour des raisons inconnues de moi, la commission médicale du comité central m'a fait examiner par des spécialistes. Ceux-ci m'ont déclaré catégoriquement que ma santé était bien pire que je ne le supposais, et que je ne devais pas passer un jour de plus à Moscou, ni rester une heure de plus sans traitement, mais que je devais immédiatement partir pour l'étranger, dans un sanatorium convenable.

A ma question directe ; "Quelle chance ai-je de guérir à l'étranger, et ne puis-je pas me faire traiter en Russie sans abandonner mon travail", les médecins et assistants, le médecin en activité du comité central, le camarade Abrossov, un autre médecin communiste et le directeur de l'hôpital du Kremlin m'ont répondu unanimement que les sanatoriums russes ne pouvaient absolument pas me soigner, et que je devais subir un traitement à l'Ouest. Ils ajoutèrent que si je suivais leurs conseils, je n'en serais pas moins sans aucun doute hors d'état de travailler pour une longue période.

Après quoi, la commission médicale du comité central, bien qu'elle eût décidé de m'examiner de sa propre initiative, n'entreprit aucune démarche, ni pour mon départ à l'étranger, ni pour mon traitement dans le pays. Au contraire, le pharmacien du Kremlin, qui, jusqu'ici, m'avait fourni les remèdes qui m'étaient prescrits, se vit interdire de le faire. J'étais ainsi privé des remèdes gratuits dont j'avais bénéficié jusque-là. Cela arriva, semble-t-il, au moment où le groupe qui se trouve au pouvoir commença à appliquer sa solution contre les camarades de l'opposition : frapper l'opposition au ventre.

Tant que j'étais assez bien pour travailler, tout cela m'importait peu ; mais comme j'allais de mal en pis, ma femme s'adressa à la commission médicale du comité central, et, personnellement, au docteur Semachko, qui a toujours affirmé publiquement qu'il ne fallait rien négliger pour " sauver la vieille garde " ; mais elle n'obtint pas de réponse, et tout ce qu'elle put faire fut d'obtenir un extrait de la décision de la commission. On y énumérait mes maladies chroniques, et on y affirmait que je devais pour un an environ me rendre dans un sanatorium comme celui du professeur Riedländer. " Il y a maintenant huit jours que j'ai dû m'aliter définitivement, car mes maux chroniques, dans de telles circonstances, se sont naturellement fortement aggravés, et surtout le pire d'entre eux, ma vieille polynévrite, qui est redevenue aiguë, me causant des souffrances presque intolérables, et m'empêchant même de marcher.

Depuis neuf jours je suis resté sans aucun traitement, et la question de mon voyage à l'étranger n'a pas été reprise. Aucun des médecins du comité central ne m'a visité. Le professeur Davidenko et le docteur Levine, qui ont été appelés à mon chevet, m'ont prescrit des bagatelles, qui manifestement ne peuvent guérir, et ont reconnu qu'on ne pouvait rien faire et qu'un voyage à l'étranger était urgent. Le docteur Levine a dit à ma femme que la question s'aggravait du fait que la commission pensait évidemment que ma femme voudrait m'accompagner, " ce qui rendrait l'affaire trop coûteuse ". Ma femme répondit que, en dépit de l'état lamentable dans lequel je me trouvais, elle n'insisterait pas pour m'accompagner, ni elle, ni personne. Le docteur Levine nous assura alors que, dans ces conditions, l'affaire pourrait être réglée. Il m'a répété aujourd'hui que les médecins ne pouvaient rien faire, que le seul remède qui restait était mon départ immédiat pour l'étranger. Puis, ce soir, le médecin du comité central, le camarade Potiomkrine, a notifié à ma femme la décision de la commission médicale du comité central de ne pas m'envoyer à l'étranger, mais de me soigner en Russie. La raison en était que les spécialistes prévoyaient un long traitement à l'étranger et estimaient un court séjour inutile, mais que le comité central ne pouvait donner plus de 1000 dollars pour mon traitement et estimait impossible de donner plus.

Lors de mon séjour à l'étranger il y a quelque temps, j'ai reçu une offre de 20 000 dollars pour l'édition de mes mémoires ; mais comme ceux-ci doivent passer par la censure du bureau politique, et comme je sais combien, dans notre pays, on falsifie l'histoire du parti et de la révolution, ,je ne veux pas prêter la main à une telle falsification. Tout le travail de censure du bureau politique aurait consisté à m'interdire une appréciation véridique des personnes et de leurs actes - tant des véritables dirigeants de la révolution que de ceux qui se targuent de l'avoir été. Je n'ai donc aujourd'hui aucune possibilité de me faire soigner sans obtenir de l'argent du comité central, et celui-ci, après mes vingt-sept ans de travail révolutionnaire, ne croit pas pouvoir estimer ma vie et ma santé à un prix supérieur à 1000 dollars. C'est pourquoi, comme je l'ai dit, il est temps de mettre fin à ma vie. Je sais que l'opinion générale du parti n'admet pas le suicide ; mais je crois néanmoins qu'aucun de ceux qui comprendront ma situation ne pourra me condamner. Si j'étais en bonne santé, je trouverais bien la force et l'énergie de combattre contre la situation existant dans le parti ; mais, dans mon état présent, je ne puis supporter un état de fait dans lequel le parti tolère en silence votre exclusion, même si je suis profondément persuadé que, tôt ou tard, se produira une crise qui obligera le parti à expulser ceux qui se sont rendus coupables d'une telle ignominie. En ce sens, ma mort est une protestation contre ceux qui ont conduit le parti si loin qu'il ne peut même pas réagir contre une telle honte.

S'il m'est permis de comparer une grande chose avec une petite, je dirai que l'événement historique de la plus haute importance que constituent votre exclusion et celle de Zinoviev, une exclusion qui doit inévitablement ouvrir une période thermidorienne dans notre révolution, et le fait que, après vingt-sept années d'activité dans des postes responsables, il ne me reste plus rien d'autre à faire qu'à me tirer une balle dans la tête, ces deux faits illustrent une seule et même chose : le régime actuel de notre parti. Et ces deux faits, le petit et le grand, contribuent tous les deux à pousser le parti sur le chemin de Thermidor.

Cher Léon Davidovitch, nous sommes unis par dix ans de travail en commun, et je le crois aussi par les liens de l'amitié ; et cela me donne le droit, au moment de la séparation, de vous dire ce qui me parait être chez vous une faiblesse.

Je n'ai jamais douté que vous étiez dans la voie juste, et, vous le savez, depuis plus de vingt ans, y compris dans la question de la " révolution permanente ", j'ai toujours été de votre côté. Mais il m'a toujours semblé qu'il vous manquait cette inflexibilité, cette intransigeance dont a fait preuve Lénine, cette capacité de rester seul en cas de besoin, et de poursuivre dans la même direction, parce qu'il était sûr d'une future majorité, d'une future reconnaissance de la justesse de ses vues. Vous avez toujours eu raison en politique depuis 1905, et Lénine lui aussi l'a reconnu ; je vous ai souvent raconté que je lui avais entendu dire moi-même : en 1905, c'était vous et non lui qui aviez raison. A l'heure de la mort, on ne ment pas et je vous le répète aujourd'hui.

Mais vous vous êtes souvent départi de la position juste en faveur d'une unification, d'un compromis dont vous surestimiez la valeur. C'était une erreur. Je le répète : en politique, vous avez toujours eu raison, et maintenant vous avez plus que jamais raison. Un jour, le parti le comprendra, et l'histoire sera forcée de le reconnaître.

Ne vous inquiétez donc pas si certains vous abandonnent, et surtout si la majorité ne vient pas à vous aussi vite que nous le souhaitons. Vous êtes dans le vrai, mais la certitude de la victoire ne petit résider que dans une intransigeance résolue, dans le refus de tout compromis, comme ce fut le secret des victoires de Vladimir Iliitch.

J'ai souvent voulu vous dire ce qui précède, mais je ne m'y suis décidé que dans le moment où je vous dis adieu. Je vous souhaite force et courage, comme vous en avez toujours montré, et une prompte victoire. Je vous embrasse. Adieu.

A. Joffé.

P.-S. - J'ai écrit cette lettre pendant la nuit du 15 au 16, et, aujourd'hui 16 novembre, Maria Mikhailovna est allée à la commission médicale pour insister pour qu'on m'envoie à l'étranger, même pour, un mois ou deux. On lui a répondu que, d’après l'avis des spécialistes, un séjour de courte durée à l'étranger était tout à fait inutile ; et on l'a informée que la commission avait décidé de me transférer immédiatement à l'hôpital du Kremlin. Ainsi ils me refusent même un court voyage à l'étranger pour améliorer ma santé, alors que tous les médecins sont d'accord pour estimer qu'une cure en Russie est inutile.

Adieu, cher Léon Davidovitch, soyez fort, il faut l'être, et il faut être persévérant aussi, et ne me gardez pas rancune.


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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