Du côté de chez moi, Le Sablon est une ancienne commune rattachée à Metz il y a à peu près un siècle, à la fin de l'Empire allemand. Du coup, on dit Metz-Sablon. C'est un ancien faubourg industriel, qui était considéré comme un "foyer rouge" dans l'entre-deux-guerres du fait de la présence de nombreux cheminots syndiqués (proximité de la gare centrale, d'une énorme gare de triage, et aujourd'hui du Technicentre Lorraine). Les Sablonnais ont de la chance : le seul monument aux morts du quartier est assez sobre, bien qu'il ait été inauguré par De Gaulle.
Constitué d'une colonne surmontée de ce qui semble être une réplique de statue féminine antique sans tête et sans bras (Metz est une cité d'origine romaine), il porte simplement la mention "Le Sablon à ses morts victimes des guerres".
Il faut dire qu'à chacune des deux périodes d'annexion, les habitants du quartier ont durement souffert des bombardements des "libérateurs", alors difficile de trop verser dans le sentiment patriotique... Surtout que quand ils se faisaient ratatiner par les bombes anglo-américaines, on ne leur demandait pas leur avis et on les inhumait en grande pompe sous le signe de la svastika, dans une tombe collective, qu'ils soient nazis ou pas, germanophones ou pas. Morts pour la France après être morts pour le Reich ? Oui mais lesquels ? Et les colons allemands dont les restes étaient mélangés à ceux de Mosellans anciennement français ?
Et du coup, je me dis que c'est très bien que ce monument n'évoque aucune patrie. C'est imprudent, d'abord : après la Première guerre, on se fatigue à édifier un truc gigantesque en pierre de Jaumont, un peu kitsch, avec une pietà qui pleure son fils mort, encadrée de deux statues de poilus casqués. Et puis hop, en 1940, l'occupant dynamite les deux poilus latéraux et transforme la pietà en Mutti nazie, sous la devise "Sie starben für das Reich"... C'est ce qui est arrivé au prinicipal monument aux morts de Metz, à l'entrée de la ville.
Alors cette statue amputée du Sablon m'est très sympathique. Ils devaient pas mal lui ressembler, les habitants qui se sont retrouvés éparpillés par petits bouts, "façon puzzle", lors des bombardements de la dernière guerre.