Le peuple uni ne sera jamais vaincu ?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Le peuple uni ne sera jamais vaincu ?

Message par com_71 » 25 Oct 2019, 09:10

Gayraud de Mazars a écrit :...Les Indiens ont scandé le traditionnel slogan latino-américain : « Le peuple uni ne sera jamais vaincu ! »


Latino-américain... et ô combien chargé d'illusions.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Plestin » 25 Oct 2019, 10:37

Le slogan usé de la gauche chilienne qui malgré Pinochet n'a toujours rien compris...
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Le peuple uni ne sera jamais vaincu ?

Message par Gayraud de Mazars » 26 Oct 2019, 07:08

Salut camarades,

Peut être que l'expérience du MIR vous sera plus convaincante quant à la question chilienne qui vaut aussi pour l'Amérique Latine et l'Equateur...

Chili, Amérique Latine soulève - toi ! Rappelle-toi du MIR !

Le Mouvement de la gauche révolutionnaire, MIR, est une organisation politique de gauche au Chili.

Elle est née avec la vocation d'être l'avant-garde marxiste-léniniste de la classe ouvrière et des couches opprimées du Chili et de rechercher l'émancipation nationale et sociale, comme le stipule la déclaration de principes approuvée lors du congrès fondateur du 15 août 1965 à Santiago du Chili.

Sur la base de ces principes et animés par une analyse politique sociale marxiste-léniniste, dans laquelle l'existence et la confrontation des classes sont claires, développe ses actions à la recherche de la défaite de la classe exploiteuse et de la réalisation d'une société sans classes. passant par une période socialiste.

Hymne du MIR
Avec images d'archive...

https://www.youtube.com/watch?v=_oMmi3n ... BOcRIRrBUo

Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Message par artza » 26 Oct 2019, 08:31

Merci G d M le lien.

C'est une autre époque. Emouvant mais aussi amer et irritant pour qui connait la suite. Une époque qui engendra la situation politique actuelle pour la classe ouvrière.

Le Chili connut l'exemple classique d'un Front populaire à l'oeuvre.
Alliance électorale et gouvernementale de partis bourgeois qualifiés pour l'occasion de gauche, progressistes, républicains, démocratiques... et des partis et des organisations ouvrières social-démocrates et suivant les particularités locales staliniennes, anarchistes (en Espagne), et parfois de regroupements souvent minoritaires remuants, très à gauche en paroles et très opportunistes en fait sans carte ni boussole au pied du mur.

Bien sur dans la mémoire et la conscience de nombreux travailleurs, militants, le souvenir des Fronts populaires (France, Espagne, Chili...) est vif et exalté.
Oublieux de la honteuse et trop souvent sanglante défaite.
Normal faute d'une critique pratique.
La seule critique pratique et victorieuse du Front populaire fut la révolution russe.
Au point dommageable qu'on oublia que Kerensky c'était le Font populaire!

Sur le Chili LO a publié quelques bonnes choses: un exposé du Cercle L. Trotsky et à chaud une brochure sous forme habile de questions réponses, qu'on peut peut-être retrouver.
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Le peuple uni ne sera jamais vaincu ?

Message par com_71 » 26 Oct 2019, 09:24

artza a écrit :Sur le Chili LO a publié quelques bonnes choses: un exposé du Cercle L. Trotsky et à chaud une brochure sous forme habile de questions réponses, qu'on peut peut-être retrouver.


La brochure : https://www.marxists.org/francais/4int/ ... sement.htm
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Le peuple uni ne sera jamais vaincu ?

Message par com_71 » 26 Oct 2019, 09:28

artza a écrit :... parfois de regroupements souvent minoritaires remuants, très à gauche en paroles et très opportunistes en fait sans carte ni boussole au pied du mur...


Pour la précision du propos je pense que l'on peut dire que ceci s'applique bien au MIR de l'époque et sa politique.
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Message par Gayraud de Mazars » 27 Oct 2019, 17:45

Salut camarades,

Peut être que le MIR chilien s'est trompé, pourtant il avait lui, des slogans percutants et profondément révolutionnaires !

"Trabajadores al poder !"
"Luchar crear, poder popular !"
"Pueblo, concienca, fusil ! "


Fraternellement,
GdM
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Message par com_71 » 27 Oct 2019, 19:41

Comme quoi des slogans...

extrait d'un article de "Lutte de Classe" :

La tragédie chilienne et la politique centriste du MIR

Le renversement d'Allende par un coup d'État militaire et l'écrasement du prolétariat chilien par la junte de Pinochet sont malheureusement, encore une fois, une vérification sanglante de l'affirmation de Trotsky selon laquelle les Fronts Populaires ouvrent la voie à une répression anti-ouvrière féroce.

Bien que la responsabilité de la défaite du prolétariat chilien incombe aux staliniens et aux sociaux-démocrates qui ont laissé l'état-major en place et en armes face au prolétariat désarmé, on peut aussi s'interroger sur la politique menée par le Mouvement de la Gauche Révolutionnaire (MIR) qui constituait l'extrême gauche de l'unité Populaire, bien que le MIR n'ait joué pratiquement aucun rôle dans le déroulement des événements.

De tradition castriste, le MIR, issu d'une scission des jeunesses socialistes, commença, à partir de 1968, un travail d'agitation parmi les sans-logis, les habitants des bidonvilles, les paysans indiens et les étudiants.

Avant les élections présidentielles de septembre 1970, le MIR était persuadé que le candidat de la gauche ne pouvait l'emporter et il continua à préconiser la lutte armée comme unique chemin vers le socialisme.

La victoire d'Allende le surprit donc totalement. Et, après de brèves hésitations, il effectua un tournant complet et se mit au service de l'Unité Populaire. Le soutien à Salvador Allende devint une constante de sa politique. L'essentiel de la tâche du MIR consista, à partir de ce moment, à faire pression sur l'Unité Populaire dans l'espoir de la pousser de plus en plus à gauche. Pour ne pas gêner Allende, ni rompre le dialogue avec lui, le MIR freina les occupations de terre par les paysans pauvres, occupations dont il avait été jusqu'alors le principal initiateur. Il mit en outre ses groupes paramilitaires à la disposition du président de la République, constitua sa garde personnelle et le secrétaire général du mouvement, Miguel Enriquez, devint même le conseiller personnel d'Allende.

Le MIR avait considéré l'élection d'Allende comme une grande victoire populaire qui facilitait la marche des travailleurs vers la révolution socialiste. Nelson Gutierrez, militant du MIR et président de la Fédération des Étudiants de Conception, s'en expliqua dans un discours prononcé le 30 mai 1971 en présence d'Allende :

« Le contrôle du gouvernement, l'utilisation d'une partie de l'appareil d'État et la neutralisation de l'autre, engendrent des conditions favorables à la mobilisation des masses et peuvent permettre de changer le rapport de forces en vue de l'affrontement définitif qui mettra aux prises les camps en présence ».

Le MIR comptait donc sur Allende et sur l'appareil d'État que ce dernier était censé contrôler pour engager la bataille contre la bourgeoisie. Son rôle consistera alors essentiellement à convaincre Allende de la nécessité de s'appuyer sur la mobilisation des masses populaires pour mener à bien sa tâche.

Loin d'être un pôle et une direction révolutionnaire pour les travailleurs chiliens, le MIR, jusqu'au bout, joua son rôle de « conseiller es socialisme et révolution » de la coalition gouvernementale. Loin de dénoncer devant les travailleurs la politique de trahison de leurs intérêts de classe par le Front Populaire chilien, le MIR se contentera d'être la couverture de gauche de ce Front.

Son attitude rappelle d'ailleurs de façon frappante celle qu'adopta en France Marceau Pivert et la « gauche révolutionnaire » du Parti Socialiste pendant le Front Populaire et les grèves de Juin 1936. Là aussi, loin d'aider les masses à ne pas se laisser tromper par le Front Populaire, Pivert qui fut un temps membre du cabinet de Blum, ne cessa d'exhorter ce dernier à s'appuyer résolument sur les masses et à préparer la révolution.

En Espagne, le POUM mena aussi une politique semblable qui, là aussi, permit aux staliniens, aux sociaux-démocrates, aux anarchistes et au gouvernement républicain bourgeois de démoraliser les travailleurs et de précipiter leur défaite.

Commentant cette politique Trotsky écrivait

« Les chefs du POUM exhortent plaintivement le gouvernement à entrer dans la voie de la révolution socialiste. Les chefs du POUM engagent respectueusement les chefs de la CNT à comprendre, enfin, l'enseignement marxiste sur l'État. Les chefs du POUM se considèrent comme des conseillers « révolutionnaires » auprès des chefs du Front Populaire. Il faut dévoiler devant les ouvriers syndicalistes et anarchistes la trahison de ces messieurs qui se donnent le nom d'anarchistes mais s'avèrent en réalité de simples libéraux. Il faut fustiger impitoyablement le stalinisme comme la pire agence de la bourgeoisie » . ( Problèmes de la révolution espagnole. La victoire est-elle possible ? )

Le MIR justifia sa politique par la nécessité de « l'unité des forces de gauche » face à la droite. Il écrivait ceci en septembre 1970 :

« La politique qui doit prévaloir sur tous les plans et sur tous les fronts, est celle qui répond à la nécessité de regrouper les forces et de frapper l'ennemi principal. Pour cette raison, l'union de toutes les forces destinées à affronter l'ennemi était et reste fondamentale : elle relègue au second plan les divergences des différentes forces de gauche ».

Cette union, le MIR la préconisait avec ceux-là mêmes qui, non seulement s'interdisaient de toucher à l'appareil d'État bourgeois, à l'armée, à la police, mais faisaient voter une loi interdisant aux travailleurs de porter les armes et appuyaient l'état-major dans sa lutte contre les soldats et les marins loyalistes. Dans ces conditions l'appel aux ouvriers à s'armer et à s'organiser en vue de (d'affrontement définitif » n'était qu'un verbiage stérile et trompeur.

De ce point de vue le MIR a apporté sa pierre à la défaite du prolétariat chilien.


https://mensuel.lutte-ouvriere.org/docu ... tiste-et-l
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Message par com_71 » 27 Oct 2019, 19:51

Un autre :


Poser la question de savoir si le gouvernement et le régime d'Allende étaient un gouvernement et un régime réformistes ou un gouvernement et un régime bourgeois peut paraître parfaitement oiseux. En tout cas pour des marxistes en 1973.

Depuis la Première Guerre mondiale au moins, depuis que la Seconde Internationale est passée avec armes et bagages dans le camp de la bourgeoisie et de l'impérialisme, l'histoire a fait abondamment la preuve que tous les réformistes qui parvenaient au pouvoir se conduisaient en hommes d'État bourgeois, en « loyaux gérants du capitalisme » comme se définit un jour Léon Blum lui-même. Depuis le gouvernement social-démocrate allemand de 1919-1920, en passant par ceux des Fronts Populaires dans les années 36-38 notamment en France, en Espagne et au Chili, jusqu'à ceux avec participation des partis staliniens après la Seconde Guerre mondiale, en particulier en France et en Italie, pour ne pas parler des divers gouvernements travaillistes en Grande-Bretagne ou de l'actuel gouvernement social-démocrate en Allemagne, tous, sans exception aucune, ont été des gouvernements bourgeois. La cause devrait donc être largement entendue et jugée... en tout cas par tous ceux qui se réclament du trotskysme.

Si l'on conserve cela présent à la mémoire, c'est-à-dire à condition de ne pas opposer réformiste à bourgeois, qualifier Allende ou l'Unité Populaire de réformiste n'a rien d'incorrect. Le Parti Socialiste et le Parti Communiste chilien sont effectivement des partis réformistes au sens où ce sont des partis, chacun avec ses caractéristiques propres, qui avaient une certaine base dans la classe ouvrière, et une phraséologie socialiste qui consistait à prétendre qu'ils visaient à construire le socialisme. Mais par leur programme, comme par toute leur politique, ils ne visaient en réalité à rien d'autre qu'à être une des solutions politiques possibles pour la bourgeoisie.

La confiance même dont ils jouissaient parmi les travailleurs n'en faisait pas les représentants de ceux-ci mais leur donnait simplement les bases nécessaires pour pouvoir tenir leur rôle au service de la bourgeoisie.

Malheureusement, il est toute une gauche, et qui a souvent des prétentions révolutionnaires, qui met tout autre chose sous ce terme de réformiste, en tout cas quand elle l'applique à Allende et à l'Unité Populaire chilienne. Elle parle de réformistes comme pouvaient en parler les sociaux-démocrates en 1900. Pour elle, le réformisme au pouvoir reste fondamentalement un courant du mouvement ouvrier et des réformistes au gouvernement - ministres ou président de la République - restent des représentants des travailleurs, qui pèchent simplement par manque de radicalisme (comme si soixante ans d'histoire n'avaient pas prouvé qu'au pouvoir ce réformisme n'est rien d'autre qu'une solution bourgeoise et anti-ouvrière). Et si à ces réformistes on peut reprocher des erreurs, ils sont et restent fondamentalement dans le camp du prolétariat.

Comme nous l'analysons dans un autre article de ce même numéro de Lutte de Classe c'était là l'analyse du MIR à propos de l'Unité Populaire et d'Allende. Et, bien entendu, une telle analyse - qu'elle ait été à l'origine de la politique du MIR, ou plus sûrement qu'elle soit venue par la suite pour justifier une politique fondamentalement opportuniste - se reflète dans la ligne politique de l'organisation qui la défend. Le gouvernement d'Allende n'était plus le représentant d'une classe ennemie chargée de mener une certaine politique au service de cette classe. C'était le représentant des ouvriers et des paysans chiliens dont il s'agissait au mieux de corriger les erreurs, et qu'il s'agissait de pousser en avant malgré lui.

La politique du MIR est résumée par Miguel Enriquez lors d'une table ronde des partis de gauche tenue les 24 et 26 novembre 1972 à Santiago lors de la « Deuxième Rencontre Nationale des Chrétiens pour le Socialisme » et rapportée par Les Temps Modernes No 323, de juin 1973 :

« Voilà le problème qui se pose depuis le 4 septembre et, avec un certain nombre d'éléments supplémentaires depuis 1971. Et pour cela que pensons-nous qu'il faut faire ou qu'il aurait fallu faire ? Certes, il fallait valoriser le gouvernement comme l'instrument puissant mis au service du renforcement des positions de la classe ouvrière. Personne ne doute de cela. Il est certain que le gouvernement de l'Unité Populaire a augmenté les libertés démocratiques, a ouvert la voie à la mobilisation des masses, à son organisation, qu'il a eu un effet multiplicateur sur les progrès accomplis par la classe ouvrière. Cela non plus ne fait aucun doute et il n'y a pas ici d'extrême gauche qui ne valorise pas le gouvernement. Elle le valorise et le valorisera plus que le réformisme. Cette ultra-gauche, que nous autres nous appelons la gauche révolutionnaire se proposait - et il y a d'ailleurs des secteurs au sein de l'U.P. qui défendent le même point de vue - de considérer ce gouvernement non comme un instrument bureaucratique ou, comme certains l'appellent, superstructurel, mais comme un instrument au service de la mobilisation du peuple et qui aurait comme objectif fondamental de permettre le renforcement des positions de la classe ouvrière, ce qui permettrait ainsi de porter des coups à l'ennemi, ce qui permettrait d'accumuler des forces » .

Et plus loin il ajoutait :

« Qu'avons-nous demandé aux mouvements de masses ? La défense de quelque chose de correct, à savoir la stabilité du gouvernement. Il n'y a pas de succès de la révolution s'il n'y a pas succès du gouvernement avec le Président Allende, avec le programme de l'Unité Populaire.

C'est avec le peuple qu'il fallait être et nous avons essayé de le démontrer. Nous ne disons pas que les courants réformistes ne cherchaient pas aussi à réaliser ces objectifs, mais là où nous nous différenciions sensiblement d'eux, c'était dans la manière de les réaliser. »

En fait les partis réformistes sont des partis ouvriers au sens qu'ils ont une base sociale ouvrière. Mais au sein de la classe ouvrière ils représentent une politique bourgeoise. Et lorsqu'ils sont au gouvernement justement parce que c'est cette politique qui est le moteur de leur action, ils sont encore moins ouvriers que d'habitude, si l'on peut dire. A ce moment-là, en effet, la base sociale ouvrière que d'ordinaire ils flattent plus ou moins en parole, a encore moins de poids sur eux et sur la détermination de leur conduite. Et le gouvernement Allende n'a évidemment pas fait exception.
La confusion entre les deux faces de ces partis réformistes n'est pas le propre du MIR...


https://mensuel.lutte-ouvriere.org/docu ... ifie-parle
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Re: Le peuple uni ne sera jamais vaincu ?

Message par Gayraud de Mazars » 29 Oct 2019, 07:34

Salut camarades,

Oui, il faut revenir sur la question chilienne et l'expérience Allende de 1970-1973... Article ancien mais encore pertinent à ce sujet... En tout cas le point de vu de La Riposte.

La révolution chilienne de 1970-73
19 septembre 2013, par Charline B. (PCF Paris 19e)

https://www.lariposte.org/2013/09/revol ... e-1970-73/

Image

I l y a 40 ans, le 11 septembre 1973, un coup d’Etat dirigé par le général Augusto Pinochet renversait le gouvernement de Salvador Allende, consacrant l’échec de la révolution chilienne et plongeant le pays dans une dictature brutale qui dura près de deux décennies et dont la classe ouvrière chilienne ne s’est pas complètement remise, aujourd’hui encore.

Comme pour toutes les révolutions ouvrières, nous devons en tirer les grandes leçons concernant toutes les questions fondamentales de notre mouvement. A l’époque, les communistes du monde entier débordaient d’optimisme. Leurs dirigeants parlaient de « la voie chilienne vers le socialisme », comme d’un processus exceptionnel, absolument original, que l’expérience et les leçons du passé ne pouvaient pas éclairer. Or, dès 1971, les erreurs de la direction du mouvement préparaient le terrain d’un coup d’Etat contre-révolutionnaire. Le 21 septembre 1971, le camarade Alan Woods écrivait un article intitulé : Chili : menace de catastrophe, dans lequel il anticipait les processus fondamentaux qui préparaient une défaite de la révolution.

Le mouvement ouvrier chilien

Dès le début du XXe siècle, le capitalisme dominait le Chili. Ses matières premières, l’étendue de ses terres cultivables et le développement de son industrie maritime en faisaient un pays riche. La bourgeoisie et les grands propriétaires terriens, unis par une multitude de liens économiques et familiaux, constituaient un seul bloc réactionnaire – lui-même soumis aux impérialistes. Aussi la bourgeoisie chilienne était-elle incapable d’accomplir les deux tâches fondamentales de la révolution « bourgeoise démocratique » : 1) la réforme agraire, le pays comptant des centaines de milliers de paysans sans terre et une poignée de grands propriétaires terriens ; 2) l’émancipation du pays de la domination impérialiste – britannique d’abord, puis nord-américaine. L’industrie du cuivre, colonne vertébrale de l’économie chilienne, était largement contrôlée par les impérialistes.

En conséquence, la classe capitaliste chilienne ne jouait – et ne pouvait jouer – aucun rôle progressiste. C’est à une autre classe, la classe ouvrière, que revenait la responsabilité de faire avancer la société. De fait, bien avant la révolution de 1970-73, les travailleurs chiliens ont joué un rôle de premier plan dans la vie économique et politique du pays, indépendamment de la bourgeoisie et contre la bourgeoisie, arrachant souvent des concessions par leurs luttes.

L’histoire du mouvement ouvrier chilien est riche et passionnante. Arrêtons-nous simplement, ici, sur la naissance des deux grands partis de la classe ouvrière chilienne. Créé en 1912, le Parti Ouvrier Socialiste chilien adhère en 1922 à la IIIe Internationale fondée en 1919 par Lénine et Trotsky. Il devient alors le Parti Communiste Chilien (PCCh). Mais dans la deuxième moitié des années 20, le PCCh est rapidement affecté par la dégénérescence stalinienne de l’Internationale Communiste. Il se bureaucratise et défend la ligne absurde de la « troisième période », dont la théorie du « social fascisme » caractérisait toutes les tendances du mouvement ouvrier – sauf les communistes – comme « fascistes »…

En 1933, en réaction à la dégénérescence du PCCh et sous l’impact d’une radicalisation des masses frappées par la crise de 1929, le Parti Socialiste (PS) est créé sur des bases programmatiques et théoriques très radicales. Mais dès 1938, dans le cadre de la politique stalinienne des « Fronts Populaires », le PS fait alliance avec le Parti Radical (un parti bourgeois). Au fil des concessions programmatiques et sous la pression de ses « alliés », le programme du PS est graduellement vidé de tout ce qui portait atteinte au capitalisme chilien.

La Démocratie Chrétienne

Les investissements étrangers au Chili eurent au moins une conséquence positive : en développant les forces productives, ils renforçaient la taille et le poids social de la classe ouvrière. Au début des années 60, celle-ci est devenue, de loin, la force dominante du pays : 70 % de la population active est salariée. Dans le même temps, la lutte des classes s’intensifiait.

En 1964, la droite traditionnelle chilienne est complètement discréditée, car elle s’est avérée incapable de moderniser le pays et de l’arracher à la domination impérialiste. Lors des élections de 1964, les capitalistes et les impérialistes se tournent alors vers la Démocratie Chrétienne, un parti bourgeois qui, cependant, use d’une démagogie « sociale ». Ce parti est l’ultime recours de la classe dirigeante face à la gauche. Son chef, Eduardo Frei, est soutenu par les Etats-Unis et toute la droite contre le candidat commun du PCCh et du PS, Salvador Allende.

Frei remporte les élections. Elu sur un discours très à gauche, il engage un début de réforme agraire extrêmement limitée et prend quelques mesures superficielles en faveur d’une « chilénisation » du cuivre : l’Etat prend davantage de parts dans cette industrie, mais sans pour autant nuire sérieusement aux intérêts nord-américains. Quant à la classe ouvrière, ses revendications restent insatisfaites. Les soulèvements ouvriers sont brutalement réprimés. La lutte des classes, cependant, continue de s’intensifier. Le gouvernement procapitaliste d’Eduardo Frei est rapidement discrédité. Cette situation débouche sur la victoire électorale de l’« Unité Populaire », en 1970, avec à sa tête Salvador Allende.
L’Unité Populaire

L’Unité Populaire (UP), coalition du PS, du PCCh et de quelques petits partis, dont le Parti Radical, remporte les élections du 4 septembre 1970, mais avec une faible avance qui ne permet pas à Allende d’avoir une majorité au Congrès. La droite, dont la Démocratie Chrétienne, est divisée, mais totalise plus de 58 % des voix.

La droite exige alors d’Allende qu’il souscrive à certaines conditions pour pouvoir former un gouvernement. Ce « pacte de garanties constitutionnelles » interdit notamment la formation de milices ouvrières, la nomination de membres des forces armées qui n’ont pas été formés dans les académies militaires et l’impossibilité d’effectuer tout changement dans le commandement de l’armée sans l’accord préalable du Congrès. Autrement dit, ce « pacte » prévoit que l’Etat – « un détachement d’hommes en armes en défense de la propriété » (Marx) – reste sous le contrôle de la bourgeoisie.

Allende est un martyr de notre cause. Mais le fait est qu’en acceptant ce « pacte » concocté par la droite chilienne, Allende et ses partenaires de l’UP ont commis une grave erreur. L’appareil d’Etat n’est pas au-dessus des classes, impartial ; c’est un instrument de domination aux mains de la classe dirigeante. La signature de ce pacte était une première manifestation du crétinisme parlementaire des dirigeants de l’UP, qui ont perdu un temps fou à « débattre » avec les députés de droite de la « légalité constitutionnelle » des mesures gouvernementales – pendant que les mêmes députés de droite préparaient, hors du Congrès, le renversement violent du gouvernement et l’écrasement de la révolution dans le sang. Telle était la soi-disant « voie chilienne vers le socialisme » – en réalité, une voie vers le désastre.

Ajoutons que les dirigeants du PCCh, fort de leur théorie des « deux étapes » (« démocratie » d’abord, puis socialisme un jour, plus tard…) étaient les partisans les plus fanatiques du « respect de la légalité constitutionnelle ». Le secrétaire général du PCCh, Luis Corvalán, vantait régulièrement « l’aile progressiste de la bourgeoisie » (en réalité inexistante) et les soi-disant « traditions démocratiques de l’armée chilienne », le tout dans le but de convaincre les masses révolutionnaires de l’impossibilité… d’un coup d’Etat.

Si la participation aux élections du mouvement ouvrier chilien permettait à la révolution chilienne de se couvrir de la légalité parlementaire bourgeoise, l’obstination de la direction du mouvement à respecter scrupuleusement cette légalité, lorsque cela revient à se lier les mains face à l’ennemi, était une erreur majeure.

Allende répètera malheureusement cette erreur à plusieurs reprises, s’embourbant dans des manœuvres parlementaires avec la Démocratie Chrétienne au lieu de prendre les mesures qui auraient permis de transférer le pouvoir aux ouvriers. En réalité, l’élection de septembre 1970 n’était qu’un pâle reflet du rapport réel entre les classes : près de 75 % de la population était salariée. Une partie des travailleurs avaient appuyé avec beaucoup d’enthousiasme le candidat Allende ; une autre partie, qui avait voté pour la Démocratie Chrétienne, vota pour l’Unité Populaire aux élections municipales de 1971 (51 % des voix pour l’UP). Des mesures plus radicales contre la bourgeoisie auraient sûrement permis de rallier encore plus largement la classe ouvrière.

Les réalisations du gouvernement de l’UP

La campagne électorale d’Allende annonçait 40 grandes mesures. Et de fait, le gouvernement met rapidement en œuvre des réformes profondes. Il commence par nationaliser la grande industrie textile. Puis, surtout après les élections municipales de 1971, les réformes s’accélèrent sous la pression des masses : nationalisation du cuivre (80 % des exportations du pays), des mines de charbon et de nitrates, mais aussi des télécommunications. Les loyers et des biens de première nécessité sont plafonnés ; les salaires sont augmentés de 40 à 60 %.

Après un temps d’hésitation, la réforme agraire avance à grands pas – à l’initiative, surtout, de comités de paysans qui se saisissent des terres, expropriant les latifundistes. Mais les dirigeants de l’UP se méfient des organisations paysannes, les accusant d’être manipulées par des groupes « gauchistes ». Le gouvernement freine la formation des « conseils paysans », qui auraient changé l’organisation de la production. Or, faire accepter cette nécessaire réorganisation par la voie légale, c’est-à-dire via le Congrès, était impossible. Malgré cela, le gouvernement parvient à mettre fin au système latifundiaire en 1972.

L’enthousiasme de la classe ouvrière et des paysans pauvres était énorme. Cela se manifestait notamment par la multiplication d’organes du pouvoir ouvrier dans les usines et dans les quartiers ouvriers : conseils d’administration d’entreprises, associations populaires, commandos communaux, groupes de contrôle de l’approvisionnement, etc. L’euphorie gagnait même la base militante du « centre », qui scissionna sur la question : « pour ou contre la révolution » ?

A ce moment-là, dans le courant de l’année 1971, toutes les conditions étaient réunies, dans la société chilienne, pour une transformation profonde de la société : les dirigeants socialistes et communistes formaient le gouvernement légitime du pays et avaient le soutien de la base des forces armées. Un référendum pour changer la Constitution aurait permis la transition « pacifique » chère à l’Unité Populaire. Mais par une confiance aveugle en la bonne volonté de l’ennemi de classe, les chefs de l’UP ont laissé les leviers de l’appareil d’Etat aux mains de la bourgeoisie.

C’est donc une situation de double pouvoir qui s’est développée dans le pays. D’un côté, l’appareil d’Etat restait sous le contrôle des capitalistes, qui sabotaient l’économie, organisaient la pénurie, protégeaient leurs intérêts de classe et réprimaient les « excès » des masses. Mais d’un autre côté, des organes de pouvoir populaire se développaient dans les usines, les quartiers, les campagnes : « cordons industriels », « comités de ravitaillement et de contrôle des prix » luttant contre la pénurie et le marché noir, etc.

La révolution socialiste nécessitait le développement et l’armement de ces organes démocratiques, leur coordination au niveau local et national – et le transfert effectif du pouvoir entre leurs mains. La direction de l’Unité Populaire – et en particulier les dirigeants du PCCh – s’y refusait, ce qui a permis à la contre-révolution de se mettre en marche.

La contre-révolution

Dès 1971, la réaction s’organise et se prépare à frapper. D’abord par le sabotage parlementaire : grâce à la majorité simple dont la droite dispose au Congrès, elle obtient la destitution de deux hauts fonctionnaires et sept ministres d’Allende, en trois mois à peine. Puis la bourgeoisie organise le sabotage de l’économie nationale : elle organise la pénurie et le marché noir, ainsi que des manifestations comme la « marche des casseroles vides ». Des campagnes dans la presse – qui est encore sous le contrôle des capitalistes – désignent Allende comme le responsable du chaos généralisé. Des groupes armés agissent dans la rue, organisant des attentats et semant la terreur. Dans les campagnes, des violences sévissent et des militants paysans sont assassinés. En octobre 1972, une grève des transporteurs financée par les Etats-Unis – qui organisent aussi un embargo contre le Chili – bloque le pays pendant trois semaines, menant le Chili au bord d’une guerre civile.

En mars 1973, les élections législatives renforcent encore l’Unité Populaire (43,4 %). Une partie de l’opposition crie à la fraude et mobilise dans la rue. Le MAPU, le MIR et une fraction du PS appellent alors à un approfondissement de la révolution et à la constitution d’une Assemblée Révolutionnaire pour remplacer le congrès. Lors d’un discours d’Allende au Stade national, la base militante de l’UP crie : « assez de conciliations, c’est l’heure de lutter ! » En vain.

La réaction organise et finance des grèves dans la mine d’El Teniente, ce qui aboutit à une manifestation de masse à la mi-juin 1973. Le 29 juin, une tentative de coup d’Etat est menée par le deuxième régiment blindé de l’armée, qui attaque le palais présidentiel de La Monéda. Cette tentative échoue grâce à la mobilisation des masses et faute d’un soutien suffisant – à ce stade – au sein de l’armée. Les travailleurs se mobilisent et manifestent devant le palais présidentiel pour réclamer des armes pour se défendre. Mais le gouvernement continue de s’y refuser. Le Président demande aux travailleurs de se remettre au travail. Cette réaction rassure et renforce la réaction.

En août, le patronat des transports organise une deuxième grève. La petite bourgeoisie commence à basculer vers la droite et des manifestations s’organisent sous la coupe de l’organisation fasciste « Patrie et Liberté ». Le 23 août, Allende nomme Pinochet à la tête de l’armée, sous la pression de la droite, et intègre deux militaires au gouvernement. Une grande manifestation est organisée le 4 septembre, date anniversaire de l’accession au pouvoir de l’Unité Populaire, qui réunit 800 000 personnes à Santiago. Encore une fois, les travailleurs demandent des armes au gouvernement.

Le 9 septembre, le Secrétaire Général du Parti Socialiste, Carlos Altamirano, appelle à l’affrontement et demande que l’on arme le peuple. Allende lui répond qu’il va organiser un référendum. Le rapport de force, encore sensiblement favorable à la révolution, aurait sans doute permis à l’Unité Populaire de faire adopter le référendum. C’est pour cela que la classe dominante frappe deux jours plus tard, le 11 septembre 1973, par un coup d’Etat d’une violence inédite en Amérique latine.

La dictature de Pinochet

Le général Augusto Pinochet prend le pouvoir, dissout le parlement et traque tous les militants de gauche : ils sont emprisonnés, torturés, assassinés. La violence de la répression est à la hauteur de la puissance du mouvement ouvrier chilien.
Le coup d’Etat débouche sur un régime de type bonapartiste. Il ressemble, à certains égards, à un régime fasciste : arrestations et assassinats massifs, camps de concentration… Mais en réalité, le régime de Pinochet n’a pas la base sociale du fascisme : il s’appuie essentiellement sur les forces répressives de l’appareil d’Etat. C’est pour cette raison qu’il est assez rapidement gagné par une instabilité chronique qui aboutira à son renversement, à la fin des années 80.

Le gouvernement de Pinochet subit de plein fouet la crise de 1974-76. L’impérialisme mondial (FMI, Banque Mondiale, etc.) vole alors à son secours et lui accorde des prêts importants. En échange, Pinochet doit appliquer dès 1975 un programme d’austérité qui fait du Chili le « laboratoire du néo-libéralisme », selon une expression consacrée, avec des conséquences dramatiques pour l’économie nationale – et surtout pour la classe ouvrière chilienne, qui subit la faim, la misère et le chômage. De nombreux cadres ouvriers ayant travaillé dans la clandestinité ont témoigné, depuis, de l’humiliation insoutenable du peuple chilien pendant cette période.

Leçons

La révolution chilienne a marqué l’histoire de l’Amérique latine et a eu un impact colossal sur l’ensemble du mouvement ouvrier international. Nous avons apporté quelques éléments qui prouvent que ce sont les erreurs des dirigeants socialistes et communistes qui ont mené à la catastrophe. C’est une leçon très importante, car elle rappelle le rôle crucial du « facteur subjectif » (le parti et sa direction) dans une révolution.

Le gouvernement de l’Unité Populaire aurait dû – et aurait pu – exproprier la totalité des grands groupes capitalistes, organiser la planification de l’économie et placer le pouvoir effectif – le pouvoir d’Etat – entre les mains des travailleurs et des paysans. Au lieu de cela, malgré la nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie, une « économie mixte » était mise en place, qui laissait à la réaction la possibilité de désorganiser l’économie chilienne.

Surtout, comme le rappelle le sous-titre de l’excellent documentaire de Patricio Guzman, "La Bataille du Chili", la révolution chilienne fut « la lutte d’un peuple sans armes ». Celles-ci sont restées sous le contrôle de la bourgeoisie. Sachons analyser cette défaite, ses causes profondes, pour préparer les victoires futures.


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Gayraud de Mazars
 
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