Bonjour,
Concernant la NEP, Staline y mettra fin le 6 janvier 1930, en nationalisant l'agriculture, au prix de la mort de plus de deux millions de personnes liées à la famine en 1932 et 1933 selon Emma Goldman. Quant à la NEP, son danger était surtout de mettre fin à la dictature bolchevik.
Au IIIe Congrès de l'I.C. en juin 1921 (
http://www.marxists.org/francais/lenin/wor...vil19210613.htm), Lénine justifie ainsi la NEP, donc l'économie de marché, et plus grave le capitalisme :
- le développement du capitalisme, contrôlé et réglé par l'Etat prolétarien (c'est à dire du capitalisme “ d’État ” pris dans ce sens) est avantageux et indispensable (bien entendu dans une certaine mesure seulement) dans un pays de petits paysans, ruiné et arriéré à l'extrême, puisque ce développement est susceptible de hâter l'essor immédiat de l'agriculture paysanne. Cela est d'autant plus valable pour les concessions : sans procéder à aucune dénationalisation, l’État ouvrier cède à bail telles mines, tels secteurs forestiers, tels puits de pétrole, etc., aux capitalistes étrangers qui lui fourniront un supplément d'outillage et de machines permettant d'accélérer le rétablissement de la grande industrie soviétique.
Pourquoi le marché est-il indispensable ?
Comme le dit Thomas Coutrot, "à moins de supposer l’émergence d’un « homme nouveau » altruiste, on voit mal, en l’absence de marchés et d’incitations monétaires, ce qui motiverait les producteurs à partager gratuitement l’information privative dont ils disposent, ni à utiliser efficacement les ressources de leur entreprise pour économiser le capital et satisfaire les consommateurs. " Sans marché, il s'ensuit une baisse de la productivité, les travailleurs-travailleuses n'étant pas rémunérés selon leur mérite, ils n'ont aucune raison de faire des produits de bonne qualité ou de ne pas faire les "passagers clandestins", c'est-à-dire de se reposer sur d'autres travailleurs-travailleuses de l'entreprise. Je le sais moi-même pour être sans cesse la victime de ces "passagers clandestins" qui se reposent sur le travail des autres lorsque je fais des projets en groupe à l'université. Ainsi, je fais le travail que les autres ne font pas, ce que je suis obligé de faire pour ne pas faire capoter les projets. Ainsi sur un groupe de 4 personnes, il y en a souvent une qui ne fait quasiment rien, qui fait juste acte de présence, ou bien deux qui travaillent à moitié. Economiquement, cela ne peut qu'échouer.
Pourquoi faut-il abolir le capitalisme alors ?
Jean Jaurès dans son Discours de Lille (1900) l'a bien expliqué :
"le système capitaliste, le système de la propriété privée des moyens de production, divise les hommes en deux catégories, divise les intérêts en deux vastes groupes, nécessairement et violemment opposés. Il y a, d'un côté, ceux qui détiennent les moyens de production et qui peuvent ainsi faire la loi aux autres, mais il y a de l'autre côté ceux qui, n'ayant, ne possédant que leur force travail et ne pouvant l'utiliser que par les moyens de production détenus précisément par la classe capitaliste, sont à la discrétion de cette classe capitaliste."
Et puis comme Karl Marx l'a expliqué en long, en large et en travers, la classe capitaliste s'approprie une grande partie du travail du prolétariat qu'elle ne mérite pas. Et Michel Bakounine a expliqué aussi que "les conséquences de cette concurrence bourgeoise sont désastreuses pour le prolétariat. Forcés de vendre leurs produits — ou bien les produits des ouvriers qu'ils exploitent — au plus bas prix possible, les fabricants doivent nécessairement payer leurs ouvriers le plus bas prix possible. Par conséquent, ils ne peuvent plus payer le talent, le génie de leurs ouvriers. Ils doivent chercher le travail qui se vend, qui est forcé de se vendre, au marché le plus bas. Les femmes et les enfants se contentant d'un moindre salaire, ils tâchent d'employer les enfants et les femmes de préférence aux hommes, et les travailleurs médiocres de préférence aux travailleurs habiles, à moins que ces derniers ne se contentent du salaire des travailleurs malhabiles, des enfants et des femmes. Il a été prouvé et reconnu par tous les économistes bourgeois que la mesure du salaire de l'ouvrier est toujours déterminée par le prix de son entretien journalier : ainsi, si un ouvrier pouvait se loger, se vêtir, se nourrir pour un franc par jour, son salaire tomberait bien vite à un franc. Et cela par la raison toute simple : c'est que les ouvriers, pressés par la faim, sont forcés de se faire concurrence entre eux, et le fabricant, impatient de s'enrichir au plus vite par l'exploitation de leur travail, et forcé d'un autre côté, par la concurrence bourgeoise, à vendre ses produits au plus bas prix possible, prendra naturellement les ouvriers qui, pour le moindre salaire, lui offriront le plus d'heures de travail."
Il est donc évident qu'on ne peut résoudre le conflit entre possédants et non-possédants, qu'en rendant aux non-possédants ce qu'il leur revient, c'est-à-dire la propriété des moyens de production, d'échange et de financement (négation de la négation). Mais si l'on maintien le salariat, inévitablement, ce conflit se maintiendra. On ne peut donc pas faire du prolétariat des capitalistes. Concernant la concurrence, elle est dans la réalité contournée aujourd'hui par la spécialisation des entreprises sur un segment de marché et par la diversification des produits. On n'observe donc pas cette spirale descendante des prix que décrit Michel Bakounine. On ne l'observe que durant les crises, crises qui sont en fait évitables à partir du moment où tout l'argent sera réinjecté dans l'économie dans des buts non spéculatifs. Ce qui mine actuellement l'économie, c'est bien la spéculation boursière qui fait que les valorisations boursières ne correspondent pas à la réalité car sur-évaluées ou sous-évaluées. Avec la planification, les travailleuses-travailleurs ont plus d'intérêt à réduire leur production constamment qu'à l'augmenter, et donc pour sortir de la crise de la planification, il n'y a pas d'autres moyens que la militarisation de l'économie, c'est-à-dire de mettre des militaires au sein des entreprises pour obliger les travailleurs-travailleuses à produire, c'est ce qui est arrivé sous Lénine et Trotsky. La planification ne mène donc qu'à la violence et au chaos économique.
Concernant votre question sur la douane : ce seront les citoyen-ne-s assemblées dans les conseils de quartier et de village qui fixeront les règles douanières, et ensuite à charge de l'Etat, sous contrôles des citoyen-ne-s qui pourront révoquer à tout moment n'importe quel fonctionnaire, d'éxécuter les règles. Cet Etat ne sera pas un Etat au sens marxiste du terme, puisque l'Etat sera partie intégrante du peuple et non pas un organisme oppresseur et dominateur, Etat et société civile ne feront qu'un. "Qui collecte les droits de doaune, [...], qui fixerait les tarifs, qui lutterait contre la fraude, surveillerait les frontières, les magasins... " ? Tout cela sera accompli par des fonctionnaires révocables à tout moment, et les droits de douane n'iront pas dans des caisses puisqu'ils seront modulés positivement ou négativement, ce qui fera que les produits taxés positivement financeront les taxes négatives des autres produits. Mais j'ai l'impression d'évacuer trop facilement la question car il faudra bien avoir une caisse servant à stocker l'argent temporairement. Toutefois, je peux vous renvoyer la question et elle est autrement plus gênante pour vous puisqu'elle remet en cause le marxisme politique : comment-donc l'Etat oppresseur que Marx définit peut-il donc dépérir ? Comment peut-on planifier l'économie tout en faisant disparaître l'Etat comme le dit Marx ?
Le marxisme n'est-il donc pas une totale utopie et non-scientifique lorsqu'il s'agit de passer à la pratique ? A quoi cela sert-il d'avoir la haine envers la bourgeoisie ? Un bourgeois n'est-il pas un être humain comme les autres ? Tous les êtres humains ne sont-ils donc pas frères et soeurs ? L'Humanité n'est-elle donc pas une seule et même famille ?
Fraternellement,
Maël Monnier