Assemblée Constituante

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par com_71 » 28 Nov 2002, 19:05

Un camarade avait demandé pourquoi LO ne reprend jamais le point du Programme de Transition (de Trotsky) concernant l'agitation pour l'élection d'une Assemblée Constituante. Je lui ai répondu en lui rappelant un article de la revue "Lutte de Classe" dont je reproduis ici quelques passages
(Lutte de Classe @ octobre 1975 a écrit :
LA QUESTION DE LA CONSTITUANTE [au Portugal]
Après cinquante ans de dictature, l’aspiration à la démocratie, aux libertés démocratiques, etc..., est profondément inscrite dans la conscience de la classe ouvrière. Au niveau de conscience atteint par le prolétariat portugais, pour la grande majorité de celui- ci, l’Assemblée Constituante représente encore la concrétisation politique de ces libertés démocratiques. C’est prendre ses désirs pour la réalité que de croire que la révolution portugaise a atteint un degré de maturation permettant d’envisager de sauter par- dessus une phase parlementaire. C’est tout à fait ridicule, alors même que la classe ouvrière ne s’est même pas encore donné des organismes qui pourraient devenir des organes de son pouvoir d’État futur. Quand bien même existeraient déjà des conseils ouvriers, la question de l’Assemblée Constituante ne serait pas encore réglée pour autant. Car même si l’écrasante majorité de la classe ouvrière se retrouvait représentée dans des organismes de type soviétique il n’en serait pas nécessairement ainsi pour la paysannerie. Or, on ne sait que trop bien que le rythme de l’évolution des choses a pis du retard dans les campagnes. Il ne faut pas que la classe ouvrière dédaigne les aspirations démocratiques des campagnes, aspirations qui, jusqu’à nouvel ordre, se concrétisent dans l’Assemblée Constituante.
Mais, encore une fois, nous n’en sommes même pas encore là. La classe ouvrière elle- même regarde, pour une large part, vers la Constituante. Lorsque le Parti Socialiste se pose en combattant pour les droits de l’Assemblée Constituante, face au M. F. A., face au P. C., il s’appuie sur des sentiments réels, y compris parmi les travailleurs. Aussi est- il parfaitement stupide de réclamer la dissolution de la Constituante, comme la font certains groupes maoïstes. Il n’est même pas juste, comme le fait la Ligue dans sa résolution déjà mentionnée des 30 et 31 août, de ne pas vouloir défendre l’Assemblée Constituante.
Il va sans dire que les révolutionnaires se battront contre toute tentative de coup de force de la réaction pour faire disparaître l’Assemblée Constituante. Il va sans dire que les révolutionnaires n’engagent pas la lutte contre cette institution, fut- elle comme le dit la Ligue, à juste titre, «une structure agonisante de l’État bourgeois délabré», tant que toute une partie des travailleurs, et la majorité de la paysannerie mettent leurs espoirs dans cette institution.
Il s’agit, là encore, de montrer concrètement, dans les faits, par l’expérience quotidienne, ce qu’est l’Assemblée Constituante.
Cela dit, L’O. C. I. sombre dans l’électoralisme le plus complet à propos de l’Assemblée Constituante. Elle y voit l’expression de la souveraineté populaire, reprend à son compte, jusque et y compris les formulations les plus surannées de l’électoralisme. Qui pis est, elle essaie de mettre Trotsky dans sa galère, en répétant que Trotsky n’a jamais opposé les mots d’ordre de la démocratie bourgeoise à ceux de la révolution prolétarienne.
Trotsky ne l’a jamais fait en effet. Mais si le prolétariat révolutionnaire doit reprendre à son compte les mots d’ordre de la démocratie bourgeoise, c’est entre autres pour couper l’herbe sous les pieds des organisations bourgeoises libérales, comme d’ailleurs sous les pieds des organisations réformistes, en montrant que la réalisation des mots d’ordre démocratiques exige précisément ce que tous ces gens ne veulent pas, l’organisation et l’action décidées des travailleurs.
Constituante ? Soit. Mais il s’agit de, montrer que la politique du Parti Socialiste, son flirt avec le P. P. D., avec la réaction, conduit à enterrer la Constituante, et non pas soutenir le P. S. en proclamant qu’on le fait parce que le P. S. est pour la Constituante !
Il s’agit de montrer aux ouvriers qui font confiance aux règles de la démocratie bourgeoise, comme aux paysans, que c’est seulement leur organisation, leur armement, qui peut conquérir ou sauvegarder même ces règles. «Ouvriers, paysans, si vous voulez des organisations représentatives, si vous voulez que vos votes soient respectés, organisez- vous, armez- vous», c’est seulement avec un tel langage que l’on peut amener la classe ouvrière du stade parlementaire au stade où elle sera préparée à se passer de parlement. C’est seulement avec un tel langage que l’on peut éviter que les paysans ne considèrent les ouvriers en ennemis qui s’opposent à leurs aspirations démocratiques, et éviter aussi que les paysans ne se retrouvent derrière des partis réactionnaires qui se présentent aujourd’hui volontiers comme des partisans de la Constituante.

Le même camarade m'a alors demandé:
"pourquoi uniquement au Portugal ?" Non, pas uniquement au Portugal. Une publication de l'OTR d'Haïti écrivait
(OTR @ 1991(référence à la situation de novembre 1987) a écrit :…La seule politique allant dans le sens des intérêts des classes pauvres aurait été de leur montrer qu’elles devaient prendre elles-mêmes en mains la garantie de ces élections et qu’elles en avaient la possibilité…
..La Constitution étant ce qu’elle est, c’est-à-dire, à notre avis, ne représentant guère les intérêts des masses pauvres mais, puisque vous l’avez votée, voulez-vous imposer votre interprétation de cette Constitution ? Alors, élisez vous-mêmes partout, dans les quartiers, dans les entreprises, des comités électoraux.
    Voulez-vous empêcher que, le jour des élections, votre expression soit faussée par des bourrages d’urnes, fait habituel dans ces occasions ? Organisez vous-mêmes les bureaux de vote, assurez leur surveillance, contrôlez vous-mêmes l’acheminement du matériel électoral. Pour ce faire, point n’est besoin de sortir des grandes écoles…
C'est la même politique, la classe ouvrière doit prendre elle-même, avec ses propres méthodes, la tête de la lutte pour la conquète et la défense des libertés démocratiques. A Haïti, certes, la Constitution était déjà promulgée. Mais le passage en référence du Programme de Transition ne se limite nullement à l'Assemblée "Constituante"
(Trotsky @ Programme de Transition a écrit :Il est impossible de rejeter purement et simplement le programme démocratique : il faut que les masses elles-mêmes dépassent ce programme dans la lutte. Le mot-d'ordre de l'ASSEMBLEE NATIONALE (ou Constituante) conserve toute sa valeur dans les pays comme la Chine ou l'Inde...

Et cette politique a été celle défendue par LO à propos de l'Algérie, de l'Iran, etc...
Sans agir pour le communiqué ou par le communiqué, LO, qui rappelons-le n'est pas une Internationale, prend des positions au niveau de ses possibilités. Pour définir une politique dans ses détails, et pour que cela ne soit pas un exercice vide de sens, il faut être sur le terrain, avoir des relais militants capables de jauger la situation et apprécier les opportunités. Cette conception de la défense du trotskysme n'est pas celle de la majorité des militants qui s'en réclament. C'est sans doute pourquoi ils ont l'impression, souvent justifiée, de ne pas comprendre les méthodes et les prises de position de l'UC. C'est le cas du camarade qui n'a pas su voir que LO ne méprisait nullement les libertés démocratiques en général et la "Constituante" en particulier.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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com_71
 
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