Bonjour,
(Caupo @ samedi 17 janvier 2004 à 13:25 a écrit :Avec son étape intermédiaire que, dixit Lénine, sous des formes différentes, ce sera la dictature du prolétariat.
Pourquoi donc une étape intermédiaire ? C'est justement sur ce point que les masses n'étaient pas d'accord avec Lénine, les masses voulaient mener la Révolution jusqu'à son terme comme l'a expliqué Ante Ciliga dans
Au Pays du Grand Mensonge.
(Caupo @ samedi 17 janvier 2004 à 13:25 a écrit :
En fait, ceux qui jetent la dictature du prolétariat passent en fait du coté de la dcitature de la bourgeoisie. Impossible de trouver rien au milieu de cette alternative, surtout quand le problème ce pose vraiement.
Trotsky l'a magnifiquement dit dans
Terrorisme et Communisme que j'ai commencé à lire : "Qui renonce à la dictature du prolétariat renonce à la révolution sociale et fait une croix sur le socialisme" (
chapitre 2). Mais ensuite, il faut savoir ce que l'on rattache à la notion de dictature du prolétariat.
Pour Kautsky (au début des années 1910, après il devint ce que Trotsky appela le "rénégat Kautsky"), la dictature du prolétariat, c'est "l'exercice exclusif du pouvoir politique par le prolétariat, seule forme sous laquelle il puisse exercer le pouvoir". Trotsky nous explique dans le même chapitre de
Terrorisme et Communisme qu'"il considérait alors l'exercice exclusif du pouvoir politique par le prolétariat, la dictature, et non la majorité socialiste dans un parlement démocratique, comme la seule forme du pouvoir prolétarien. Et il est évident que si l'on s'assigne pour tâche l'abolition de la propriété individuelle des moyens de production, il n'est pas d'autre moyen de la réaliser que la concentration de tous les pouvoirs de l'Etat entre les mains du prolétariat et l'instauration pendant la période de transition d'un régime d'exception, dans lequel la classe au pouvoir ne se laissera pas guider par l'observation de normes calculées pour un temps très long, mais par des considérations d'efficacité révolutionnaire."
Là, je ne suis pas d'accord. Le prolétariat, ou plutôt l'ensemble des opprimé-e-s, exercera certes sa dictature, mais cette dictature ne peut pas être étatique... D'ailleurs c'est une aberration que de parler d'une dictature étatique du prolétariat comme le fait Trotsky. L'Etat est un organisme de conciliation entre les classes. Or, comme l'explique si bien Trotsky, il ne s'agit pas de concilier le prolétariat avec la bourgeoisie, mais d'aller jusqu'à la défaite de la bourgeoisie. Donc la dictature du prolétariat ne peut pas revêtir une forme étatique par définition. Ensuite, on ne peut pas non plus employer des moyens incompatibles avec la fin révolutionnaire, d'où la nécessité de garantir la liberté de presse, de réunion et d'association pour tous les opprimé-e-s, quelque soit leur sensibilité politique, d'où la nécessité du refus de toute forme de violence, d'où la nécessité de fonctionner dès le départ en autogestion et selon le principe du fédéralisme, fédéralisme à établir de façon naturelle et non pas de façon coercitive de la périphérie vers le centre, du bas vers le haut. Les opprimé-e-s auront tous les pouvoirs parce qu'elles et ils refuseront de se soumettre à qui que ce soit, elles et ils ne devront se soumettre qu'à leur volonté personnelle. Si personne n'obéit plus à la bourgeoisie, elle ne pourra plus commander (à part elle-même, mais ce sera son problème).
(Caupo @ samedi 17 janvier 2004 à 13:25 a écrit :
Autre chose, les solutions idéales, ça n'existe pas. Il n'y a que dans la tête de ceux qui s'affolent des méfaits du capitalisme mais qui ne sont pas encore disposés à affronter la lutte avec tout ce qu'elle à de inhumaine et barbare, qui revent d'un passage sans difficulté à une société idéale.
Effectivement ce ne sera pas facile, surtout que la non-violence exige d'être suffisamment fort intellectuellement pour ne céder à qui que ce soit. Toutefois la non-violence est un moyen utilisable même par ceux qui sont les plus faibles physiquement, la non-violence gomme donc les différences physiques entre les femmes et les hommes, entre les vieux et les jeunes et entre les malades et les biens portants. Et comme tu l'as dis ensuite la marche que suivra la Révolution ne sortira pas toute prête d'un bureau d'étude, elle sera fonction de l'influence des divers courants révolutionnaires et de la conscience politique des masses, masses qui mèneront la Révolution comme on l'a vu en Russie : Lénine était derrière les masses et non devant comme l'a montré Ante Ciliga dans
Au Pays du Grand Mensonge, ce qui s'est illustré par l'appropriation collective des usines dans tout le pays par les ouvriers eux-mêmes (usine par usine) sans impulsion politique de la part de Lénine, Lénine ayant
ensuite reconnu la situation par la publication d'un décret de nationalisation des moyens de production.
(Caupo @ samedi 17 janvier 2004 à 13:58 a écrit :
Ce que la bureaucratie n'est pas un problème en soi...Je m'explique. Vu le dégré de développement des sociétés jusqu'à aujourd'hui je ne vois pas comment se passer d'une bureaucratie. Bien sur il faut mettre tout en oeuvre pour la réduire et avancer à son élimination comme nécessité de l'organisation de la production et de la société.
Si l'on ne peut pas se passer d'une bureaucratie, à quoi bon une Révolution Sociale ? La bureaucratie actuelle n'est que le fruit d'une société qui fonctionne de manière hiérarchique et du haut vers le bas. Il s'agit donc de renverser la société pour la remettre sur ses pieds et ne plus "marcher sur la tête". Les décisions devront être prises de manière locale par la démocratie directe et la coordination se faire par envoi de délégations au niveau supérieur (fédéralisme). Dans les entreprises, on pourra utiliser la rotation ou le partage des tâches. Donc oui, on peut se passer de bureaucratie.
(Caupo @ samedi 17 janvier 2004 à 13:58 a écrit :
Le problème a été particulièrement en Russie du fait des conditions concretes de la révolution à un moment donné qui a permis que les membres du parti bolshevik (pas tous tout de même) et les dirigeants syndicaux et les cadres de l'industrie et de l'Etat sont dévenus une couche social apart et qui exploitait les paysans et les ouvriers russes en s'appuyant sur les traditions de la révolution d'octobre.
Je ne suis pas d'accord encore une fois. On pouvait se passer d'une direction par les membres du PC, on pouvait se passer des dirigeants syndicaux, comme de tous les dirigeants d'ailleurs, on pouvait aussi mettre les cadres au niveau des autres (à mon avis, des ouvriers peuvent très bien concevoir une machine ensemble et autogérer leurs projets... d'ailleurs mon grand-père qui ne possédait pas de formation mis à part celle de l'école élémentaire construisait et inventait des machines tout seul).
(Caupo @ samedi 17 janvier 2004 à 13:58 a écrit :
Pour éviter ce problème, eh ben, il faut tout d'abord le connaître en profondeur; deux ce ne sont pas des mesures administratives, cohercitives (donc bureaucratiques...) qui puissent l'empecher, mais la dynamique de la révolution.
Donc à l'opposé de Lénine qui mit en place une autre bureaucratie pour lutter contre la bureaucratie en place, au lieu d'en appeller aux masses, avant la fin de sa vie...
(Caupo @ samedi 17 janvier 2004 à 13:58 a écrit :
Le bureaucratisation de l'Etat soviétique répond à une société de pénurie, provoquée par des profondes et terribles crises; la guerre du 14, la guerre civile, l'encerclement de la république soviétique par les puissances impérialistes, mais surtout et avant tout je me permettrait de le dire, par la défaite des révolutions Allemandes.
Sauf que si l'on raisonne comme cela, c'est donner raison à Kerensky et donner tort aux marins de Cronstadt qui ont refusé de se plier au Gouvernement Provisoire au début de la Révolution en avril 1917. Kerensky utilisait les mêmes genres d'arguments.
(NazimH @ lundi 19 janvier 2004 à 16:40 a écrit :
les travailleurs au pouvoir devront maintenir des inégalités de salaires importantes pour s'assurer le travail des meilleurs spécialistes. ils devront assumer l'inégalité dans la répartition. cela veut dire qu'ils développeront des organes d'état chargés de cela et dont les membres seront peut-être priviligiés eux-mêmes. en tout cas c'est un risque...
Je ne suis pas d'accord non plus. Si on n'assure pas de travail aux meilleurs spécialistes, que feront-ils ? Ils se retrouveront à mendier dans les rues, c'est tout. Comme les marins de Cronstadt en 1921, je revendique donc l'égalité des revenus (la ration de nourriture à l'époque) "de ceux qui travaillent avec l’exception de ceux employés dans les affaires nuisibles à la santé" ou bien dans des métiers dangereux. Et ensuite, même si on devait le faire (maintenir les inégalités de revenus), il n'y a ensuite aucune raison de créer des organismes d'Etat pour gérer les échelles de revenus, le prolétariat peut le faire lui-même par la démocratie directe et de manière décentralisée.
(NazimH @ lundi 19 janvier 2004 à 16:40 a écrit :
je ne crois pas qu'il soit possible de prévoir des mesures techniques garantissant contre une dégéneressence du pouvoir. il vaut mieux voir ce qu'ont tenté à leur époque les militants de l'opposition trotskiste.
Pour éviter une dégénerescence du pouvoir, le plus simple est de refuser toute direction et tout don de pouvoir à qui que ce soit ou à quelle organisation que ce soit. Le pouvoir doit rester à tout instant entre les mains du prolétariat, qui doit prendre toutes les décisions. On peut déléguer des
missions mais non pas des pouvoirs.
(NazimH @ lundi 19 janvier 2004 à 16:40 a écrit :
Cela dit, la réalité du bolchevisme vivant (1917-1923), au pouvoir, c'est la combinaison entre d'un côté une direction ultra-centralisée et la plus grande initiative laissée aux conseils ouvriers, de paysans, de quartiers etc...
(pour ceux qui en doutent il ne s'agit pas de discuter théoriquement mais de connaître comment cela se faisait ; tu as une relation du début dans "l'an I de la révolution russe" de Victor Serge par exemple).
Et cela expliquerait-il pourquoi en toute logique les bolchéviks (ou plutôt la direction des bolchéviks car même les bolchéviks ont lutté contre leur direction, donc contre Trotsky et Raskolnikov) ont voulu imposer à la Flotte Baltique la hiérarchisation en leur sein en 1920 (après la guerre civile, de surcroît) ?
(boispikeur @ mercredi 21 janvier 2004 à 22:16 a écrit :
1/ Le proletariat, ce n'est pas seulement les ouvriers, ce sont tous ceux qui ont besoin de travailler pour vivre (en gros): tu peux sans doute te compter dans ces personnes; désolé (enfin, désolé...) si ça te fais du mal d'être un prolo;
Plus précisément, est prolétaire celui qui n'a pas d'autre choix que de vendre sa force de travail. Car même le baron Seillière travaille : il faut qu'il prépare ses discours, qu'il dirige le MEDEF, etc.
(boispikeur @ mercredi 21 janvier 2004 à 22:16 a écrit :
2/ les ouvriers ne sont pas que ceux qui travaillent dans les usines (opinion personnelle, pas certain que ce soit partagé par tout le monde ici...)
Effectivement, puisqu'il y a aussi des ouvriers dans le bâtiment (ouvrier-maçon, ouvrier-plombier, ouvrier-couvreur, etc.), dans l'agriculture (pas uniquement pour les moissons ou les vendanges), etc.
(boispikeur @ mercredi 21 janvier 2004 à 22:16 a écrit :
3/ Je n'ai pas les derniers chiffres (qui ne doivent pas être très durs à trouver), mais selon l'INSEE, en 99, les ouvriers représentaient encore 27.31% de la population active. Non, les ouvriers n'ont pas disparu!
Effectivement, et environ une famille sur deux en France est ouvrière...
(p'tit chose @ jeudi 22 janvier 2004 à 09:33 a écrit :
pour eux c'est pas la peine de risquer de tout perdre dans une drole d'aventure revolutionnaire vu qu'ils ont quand même un niveau de vie largement superieur au reste du monde , je veux dire aux pays du tires monde qui ne sont pas europeens (afrique, amerique du sud, inde...)
Sauf que c'est adopter la politique de l'autruche et faire preuve d'égoïsme. En outre, je ne pense pas que les pays du Tiers-Monde vont continuer à se faire marcher sur les pieds longtemps par les pays occidentaux, cela n'a que trop durer. Et de toute façon, même autrement, inévitablement le niveau de vie des pays du Nord va baisser à cause du dumping social, fiscal et environnemental et de la casse sociale menée par la bourgeoisie. Donc il n'y a aucun argument pour le statu quo et pour laisser la bourgeoisie exercer sa dictature. Et il n'y aura pas besoin d'attendre si longtemps que cela pour voir le niveau de vie baisser fortement (avec le gouvernement CRS, la pente est forte, il suffit de regarder les courbes de croissance de distribution de repas par les Restos du Coeur : +10% cette année il me semble, ce qui est énorme).
(p'tit chose @ jeudi 22 janvier 2004 à 11:40 a écrit :
Ton problème c'est que les prolétaires d'aujourd'hui ne sont plus des prolétaires et qu'il n'y a pour eux aucune raison de se révolter.
Ah ! Bon ? Moi cela me révolte de voir des gens qui n'ont pas de logements (plus les 3 millions de mal logés), qui ne sont pas soignés correctement voire pas du tout. Cela me révolte de savoir que seuls les filles et fils de riches peuvent accéder aux grandes écoles et que les filles et fils de pauvres doivent trimer pour payer leurs études et qu'elles et ils sont dans l'impossibilité d'aller en école d'ingénieurs (on ne peut pas travailler à mi-temps et étudier à plein-temps ou presque en même temps, c'est impossible).
Cela me révolte de voir les gens jetés comme des Kleenex des entreprises lorsque l'on en a plus besoin ou pour faire toujours plus de bénefs sans même se préocupper de leur donner une autre formation (trois semaines de formation bidon, c'est zéro). Cela me révolte que l'on crée une catégorie de sous-prolétariat, les RMAstes, des gens qui seront au travail obligatoire et payés trois ronds. Cela me révolte que l'on fasse crever les habitant-e-s du Tiers Monde par notre pillage. Cela me révolte qu'un quart de la population active n'ait pas de travail (oui 25 %, soit 5 millions de personnes, les chiffres officiels étant habilement manipulés). Cela me révolte que l'on ferme des bureaux de poste, des gares SNCF, des points d'accueil EDF alors que des millions de personnes n'ont pas de travail et que l'on a besoin de ces services publics. Cela me révolte que l'on fasse travailler les gens une journée supplémentaire pour la santé alors que dans le même temps, on a réduit le budget de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris par exemple qui manquait cruellement de moyens. Tout cela est révoltant. Des raisons de se révolter, il y en a plein. A mon humble avis personnel, ce qui manque plutôt parmi le prolétariat, c'est la perspective d'une autre société, l'horizon d'un monde sans oppression, sans domination ni exploitation, horizon qui fut bouché par les dictatures du marxisme-léninisme et de ses dérivés sur le prolétariat.
(zejarda @ jeudi 22 janvier 2004 à 15:57 a écrit : (p'tit chose @ jeudi 22 janvier 2004 à 15:38 a écrit :
Surtout, je ne crois pas que quiconque soit révolutionnaire sans le vouloir, du simple fait "de sa position particulière"... Tu me riras peut-être au nez en me répondant que la volonté et le désir de se révolter se provoquent et se manipulent...
je ne pense pas que le role des révolutionnaire est de provoquer ou de manipuler. Ce sont des idées fausses que l'on véhicule sur les révolutionnaire. Et c'est assez méprisant pour les travailleurs, car cela supose qu'ils ne sont apte a juger par eux-même de l'etat de la société. C'est un peu le même discourt sur les syndicalistes qui font des grèves pour n'importe quelle raison.
Tout à fait d'accord... Au moins je ne suis pas divisé avec vous sur tous les points...
Fraternellement,
Maël Monnier