a écrit :Russie
La fin d'une ère...
Le rétablissement de la propriété privée en Russie, qui s'est conclu, au terme d'une décennie de transition, par l'adoption d'une loi autorisant la privatisation des terres agricoles, ouvre une nouvelle période. Avec la disparition des derniers vestiges matériels de la révolution russe, le mouvement trotskyste est appelé à se redéfinir.
Le 26 juin dernier, en Russie, les députés de la Douma (assemblée nationale) votent la loi autorisant la privatisation des terres agricoles. Ce vote, commente alors Le Monde, marque la "fin d'une ère", "tournant définitivement la page du collectivisme instauré par la révolution de 1917".
Avec la restauration de la propriété privée du sol et l'intégration de la Russie en tant que membre permanent du G8, comme son admission prochaine au sein de l'OMC, s'achève une contre-révolution sociale qui avait commencé dès les années 1920. La dernière phase en avait débuté il y a une quinzaine d'années, à travers la crise politique ouverte par la succession de Brejnev.
La dernière phase de la contre-révolution
Les transformations opérées par Gorbatchev, les évolutions entraînées ensuite par la surenchère nationaliste et réactionnaire entre Gorbatchev et Eltsine, s'inscrivaient dans le contexte de l'offensive engagée par les trusts et leurs Etats à la suite de la récession de 1980-1981, pour éliminer les obstacles à leur pénétration dans les sphères de l'économie mondiale qui leur échappaient.
Avec la victoire de Eltsine, puis l'éclatement de l'URSS en 1991, il était évident que ces événements pouvaient conduire à la restauration du capitalisme et de la propriété privée. Mais on ne pouvait hypothéquer alors le fait qu'une possible résistance des travailleurs soviétiques puisse non seulement stopper cette évolution, mais même déboucher sur une crise révolutionnaire. Tel était du moins le raisonnement militant qui avait poussé Trotsky, cinquante ans auparavant, à ne pas remettre en cause le caractère "ouvrier" de l'URSS, alors même que les masses ouvrières et paysannes avaient perdu le pouvoir politique, subissaient le joug d'une véritable terreur et que la contre-révolution bureaucratique avait ramené le vieux fatras des privilèges bourgeois. Tout en étant orientée de façon prioritaire en fonction des besoins de la bureaucratie, l'économie soviétique ne reposait encore ni sur la propriété privée, ni sur le marché et sa concurrence. Même après la guerre, tandis qu'elle était devenue un des éléments déterminants du maintien de l'ordre impérialiste à l'échelle mondiale, la bureaucratie ne put ni n'osa réintroduire la propriété privée.
En 1991, derrière Eltsine, c'était un parti affichant ouvertement sa détermination à restaurer le capitalisme qui parvenait au pouvoir. La dégradation des conditions de vie entraînée par la désétatisation de l'économie entraîna des résistances mais ces mobilisations ne furent ni assez étendues, ni assez profondes pour pouvoir déboucher sur un mouvement convergent et conscient de ses intérêts propres. Il y manquait surtout une perspective politique. L'objectif du seul maintien de l'ordre existant, qui se confondait avec la dictature de la bureaucratie et la pénurie, ne pouvait en constituer une capable de mobiliser les énergies.
Une fois le pouvoir de Eltsine conforté par sa réélection en 1996, le mouvement de privatisation, engagé sous la houlette du FMI et de la Banque mondiale, qui avait marqué le pas jusqu'alors, s'accéléra. La quasi-totalité des richesses du pays fut accaparée par une poignée de magnats capitalistes mafieux, les oligarques.
Avec la privatisation des terres agricoles, s'achève une décennie de transition au terme de laquelle la Russie est pleinement intégrée à l'économie de marché mondial.
Le combat de Trotsky pour la "défense de l'URSS" n'avait rien qui puisse s'assimiler à une défense du statu quo, ne serait-ce que sous la forme du moindre mal. Trotsky était au contraire convaincu que le maintien au pouvoir de la bureaucratie conduirait, à plus ou moins long terme, à une restauration du capitalisme... par la bureaucratie elle-même. C'était une des hypothèses - qui s'est finalement réalisée - qu'il envisageait à la fin des années 1930, même si ce n'était pas celle qui lui semblait la plus probable - compte tenu de la violence de la lutte de classes à l'échelle internationale - ni celle sur laquelle pouvait se fonder une perspective militante.
Le raisonnement de Trotsky était simple et à la base de tout raisonnement militant: la classe ouvrière ne pouvait pas gagner de positions nouvelles en abdiquant celles qu'elle avait déjà conquises. L'existence en URSS, suite à l'expropriation des capitalistes par la révolution, d'une économie étatisée et planifiée, constituait un point d'appui pour une transformation socialiste si la classe ouvrière reprenait le pouvoir. Les conséquences catastrophiques, en Russie même et partout dans le monde, de sa disparition, le démontrent à rebours.
De ce point de vue, le mouvement trotskiste n'a pas réussi à inverser le cours des choses, cela ne veut pas dire qu'il n'ait pas accompli un travail fécond. Il n'a pas épuisé son rôle. Une période historique est révolue, les positions qu'avaient pu y conquérir les masses opprimées ont été systématiquement reprises par l'impérialisme. La violence de la réaction bourgeoise aux lendemains de la vague révolutionnaire de 1917-1920, et la pression qu'elle exerça au sein même du mouvement ouvrier, eut comme conséquence la marginalisation des révolutionnaires, réduisit de fait le mouvement trotskyste à une minorité en opposition au stalinisme, hégémonique dans la classe ouvrière.
Cependant, dans cette période de réaction politique, il a joué un rôle inestimable en assurant la sauvegarde du marxisme révolutionnaire. Sans doute les idées du socialisme et du communisme ont-elles été discréditées, après les reniements de la social-démocratie, par le stalinisme et les mensonges du "socialisme réel", mais ces idées restent vivantes, ne serait-ce que sous la forme d'aspirations, chez nombre de militants et de travailleurs qui y demeurent fidèles tout en regrettant leur "échec" ou leur trahison. Aujourd'hui, une des tâches essentielles du mouvement trotskyste est d'aider à rétablir la continuité des combats de la classe ouvrière.
La dégénérescence de l'URSS ne remet en cause ni l'étatisation ni la planification, elle s'explique avant tout par l'inégalité des forces, du fait en particulier de l'insuffisante maturation des conditions sociales nécessaires à la prise en main de l'économie par les producteurs eux-mêmes. Il en va tout autrement aujourd'hui.
Alors que la jeunesse découvre la brutalité de l'exploitation capitaliste et la gravité de ses conséquences, le mouvement trotskyste a devant lui la tâche de renouer le fil des générations, de rassembler tout ce qui reste vivant de la conscience ouvrière, socialiste et communiste, en fournissant aux deux générations les éléments nécessaires à une compréhension commune de la crise du mouvement ouvrier et de son issue.
Galia Trépère.
a écrit :pour notre courant, rappelons que les conceptions "campistes" (ie estimer que la lutte de classe se place dans la perspective d'un affrontement entre les usa et l'urss et que cette derniere a dont un role "progressiste" a été tres vite combatue et pabo a quité nos rangs en 1964 si je ne m'abuse)
(stef @ samedi 8 février 2003 à 20:40 a écrit :a écrit :pour notre courant, rappelons que les conceptions "campistes" (ie estimer que la lutte de classe se place dans la perspective d'un affrontement entre les usa et l'urss et que cette derniere a dont un role "progressiste" a été tres vite combatue et pabo a quité nos rangs en 1964 si je ne m'abuse)
Gros malin, va. Et le pire c'est que tu dois y croire (un peu)
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