La révolution d'Octobre et les femmes

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Pascal » 24 Sep 2004, 12:04

La discussion sur les viols collectifs a dévié vers une autre discussion concernant les femmes en Union Soviétique. A ce propos, et suite à un témoignage que j'ai publié, Byrrh a souligné l'importance de l'héritage de la Révolution d'Octobre. Et effectivement, la Révolution d'Octobre, dès 1917, a apporté aux femmes de Russie des droits comme le droit de vote (en France, 1944) ou le droit à l'avortement (en France, 1974 !).

Afin de ne pas polluer la discussion sur les viols collectifs, j'ouvre une nouvelle discussion.

Pour voir jusqu'où est allé la libération des femmes après la révolution d'octobre, voici quelques extraits du code soviétique du mariage adopté en 1919, texte qui, à mon avis, est encore révolutionnaire aujourd'hui, si on le compare aux lois françaises :

a écrit :
133. — Le fondement de la famille est la filiation effective ; aucune différence n'est établie entre parenté naturelle et parenté légitime.
    §1. — Les enfants dont les parents ne sont pas mariés ont les mêmes droits que les enfants nés de personnes mariées régulièrement.

140. — Trois mois au moins avant la naissance de l'enfant, la femme enceinte non mariée fait à la Section de l'Enregistrement des Actes de l'État civil une déclaration indiquant l'époque de la conception, le nom et le domicile du père de l'enfant.
    §1. — Pareille déclaration peut être faite aussi par une femme mariée, si l'enfant conçu n'a pas pour père son mari.

143. — Si les rapports de la mère avec l'homme visé par elle dans la déclaration prévue à l'article 140 démontrent qu'il est bien le père de l'enfant, le tribunal rend un arrêt dans ce sens et ordonne en même temps qu'il participera à toutes les dépenses causées par la grossesse, l'accouchement, la naissance et l'entretien de l'enfant.

144.— Si au cours de l'examen de l'affaire, le tribunal constate que, lors de la conception, l'homme mis en cause était en rapports intimes avec la mère, mais qu'il n'était pas le seul, le tribunal les appelle tous comme défendeurs et les astreint à participer aux dépenses prévues à l'article 143.

104. — si l'un des époux change de domicile, l'autre n'est pas astreint à le suivre.



Le texte complet peut être lu (avec une comparaison des lois françaises de la même époque) à l'adresse suivante :
http://bibliolib.net/bolcheviks.htm

Bien sûr, le stalinisme reviendra sur ces conquêtes, interdira l'avortement en 1936 (mais le droit sera rétabli sous Kroutchev, en 1956 si mes souvenirs sont bons) et la ligne officielle reprendra les discours réactionnaires sur "les valeurs éternelles de la famille".

Mais en lisant ce code, datant de 1919, on voit à quel point la Révolution d'Octobre a été une avancée considérable pour les femmes !
Pascal
 
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Message par pelon » 24 Sep 2004, 13:55

c'est un rappel intéressant.
pelon
 
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Message par magdalene » 24 Sep 2004, 17:39

il est difficile de trouver des textes feministes des annees 15-20 de kollontai (en francais) sur internet (peut etre est ce du a la recente reedition a la decouverte ?), or il y a de petits formats qui sont bien a faire partager. quelqu un a t il plus de chance que moi ou bien en aurait quelques uns numerises ?
magdalene
 
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Message par zarta » 29 Sep 2004, 15:52

Je pense que la position de la femme dans les pays de l'Est n'est pas qu'une question de loi, mais également une question de mentalité, d'héritage culturel etc. Je dis ça en comparaison de ce que je peux lire sur le forum à propos des Russes avec ce que je connais des Tchèques.
Ce n'est pas une loi, par exemple, qui empêche une homme de "dévisager" une femme en mini-jupe transparente... c'est plutôt tout un ensemble de fait, que ce soit de l'ordre de la mentalité acquise par héritage culturel ou d'une pression de la société par sa moralité officielle.

Chez les Slaves de l'antiquité, il y a de nombreux mythes sur les amazones et toutes sortes de choses qui font penser à des femmes indépendantes, combattantes ..., et donc non esclaves de l'homme (Francis Conte, Les Slaves, Albin Michel, 1996, ouvrage avec quelques erreurs mais très complet).

Pour le coup de cet héritage culturel ancestral auquel se référaient volontiers les communistes (du moins chez les Tchèques), il était peut-être plus facile, ou cela venait plus à l'esprit, de voter des lois féministes.
D'ailleurs, chez les Tchèques le droit de vote des femmes date de 1918 et vient d'un gouvernement bourgeois. L'égalité des femmes n'a rien de communistes chez eux. C'est tout simplement normal, lié aussi à un certain esprit nationaliste (sans racisme à l'époque) : les Autrichiens nous ont écrasé pendant des siècles, nous voulons être indépendants et libres parce que nous voulons être des individus égaux de droits face à l'oppresseur. Les Autrichiens ont supprimé cette égalité de droits à tous les Tchèques, femmes comprises. Ayant l'indépendance de notre pays, nous avons l'égalité et la liberté ; les femmes y ont donc droit aussi.
Le droit de vote et l'égalité des femmes peut aussi s'expliquer chez les Tchèques en 1918 par l'influence importante des protestants dans le gouvernement. Ces chrétiens passent facilement du sacerdoce universel (depuis le 16e siècle, chez les réformés ou calvinistes) au suffrage universel (Roger Mehl, Le protestantisme français, 1945-1980, Labor et Fides, 1982), donc au droit de vote pour tous. Or, une influence protestante importante se vérifie également en France, dans la troisième république qui n'a pas pour autant octroyé le droit de vote aux femmes. POurtant, c'est bien les Français qui ont entendu parler pour la première fois au monde du sacerdoce universelle. Et ce sont les mêmes Français qui donneront le droit de vote aux femmes en 1944 seulement tandis que le droit d'être pasteur sera enregistré chez les réformés qu'en ... 1954 (date à vérifier) ; il existe chez les Tchèque depuis 1918 aussi.
Le même texte de base s'interprète donc différemment chez les Tchèques et chez les Français, alors que leur gouvernement respectif sont tous deux bourgeois. Il y a donc bien une différence de mentalité chez les Slaves et chez les "latins".
En outre, durant mes études sur les Tchèques, je n'ai jamais entendu parlé d'une femme ministre (peut-être y en avait-il dans un ministère sans aucune importance quand même), si ce n'est au ministère de la Culture, en ... 1968.
Le droit de vote n'a donc pas donné aux femmes une place tellement importante, ce qui n'étonne personne quand il s'agit d'un gouvernement bourgeois, mais ce fut aussi le cas du gouvernement stalinien.
C'est vrai aussi que les stal ont amélioré la condition des femmes avec le droit à l'avortement, la création des crèches leur permettant d'aller travailler etc. Mais, il ne faut pas oublier que l'avortement a fini par être la seule solution pour une femme qui ne voulait pas d'enfants parce qu'il n'y avait qu'une seule sorte de pillule et qu'il suffisait donc que celle-ci ne convienne pas pour qu'elle n'ai aucun moyen de contraception, si ce n'est le stérilet - qui ne convient pas à tout le monde non plus.
Quant au droit au travail, il est vite devenu une obligation pour toutes (enfants en bas âge ou pas...) et dans des conditions peu "féminines", c'est à dire ne prenant pas en considération ni la force physique d'une femme particulière, ni le fait qu'ayant, par exemple, des enfants en bas âge, elle est susceptible de se lever la nuit et d'être particulièrement fatiguée etc.
zarta
 
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Message par Nadia » 30 Sep 2004, 10:19

Je n'ai pas une approche "ethnique" de la question... :huh: et laisse une part toute relative aux mythes ancestraux.

(Zarta a écrit :C'est vrai aussi que les stal ont amélioré la condition des femmes avec le droit à l'avortement
J'avais cru comprendre l'inverse, que la révolution a donné beaucoup de droits, mais que Staline dans les années 30 les a pour une bonne part sabrés : interdiction de l'avortement et du divorce. Pour compenser la perte démographique due aux purges, mais aussi parce qu'il n'est plus question de choisir et de changer d'avis.


Sinon, Zarta, ne te fais pas d'illusion, les gars là-bas comme ici dévisagent tout autant les nanas en mini-jupe, la différence est de savoir s'ils vont la siffler ou non.
Nadia
 
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Message par Serp i Molot » 30 Sep 2004, 11:23

La femme est doublement victime du système capitaliste : victime au travail et victime au foyer.Mais ce n'est pas parce que le sexe masculin opprime depuis des millénaires le sexe féminin qu'il nous faut concentrer nos forces contre le sexe masculin, comme l'on fait certaines féministes bourgeoises, telles que les suffragettes en Angleterre ou Simone de Beauvoir en France. Evitons le piège du féminisme bourgeois, qui dresse les femmes contre les hommes. Au contraire, il faut que les ouvrières luttent à coté des ouvriers pour mettre fin à l'exploitation de la classe ouvrière toute entière? L'ennemi, c'est le capitalisme et pas l'homme.

L'ouvrier souffre aussi de l'exploitation plus grande des ouvrières, car le capitalisme se sert de cette concurrence pour baisser le salaire des hommes. Comme le disait Clara Zetkin "Les capitalistes spéculent sur les deux facteurs suivants : l'ouvrière doit être payée aussi peu que possible et la concurrence de la main d'oeuvre féminine doit être utilisée pour abaisser autant que possible la paie des ouvriers".

En tant que les plus opprimés des opprimés en régime capitaliste, les femmes ont participé activement aux révolutions communistes de l'histoire. Lénine a ainsi dit à Clara Zetkin "L'attitude des femmes prolétariennes pendant la révolution fut superbe. Sans elles, il est probable que nous n'aurions pas vaincu."

Une fois la révolution accomplie, il faut que les femmes continuent à lutter pour gagner non seulement leur égalité législative, théorique, mais aussi l'égalité réelle, pratique. L'URSS a fait ce qu'aucun état bourgeois n'avait jamais fait : comme le disait Lénine en 1919 "L'URSS a fait avancer la situation des femmes plus en deux ans qu'une République bourgeoise en 130 ans."(il faisait référence à la France depuis la révolution française)

Mais Lénine était conscient que l'égalité législative ne signifie pas automatiquement l'égalité dans la vie. L'idéologie machiste, les habitudes sexistes peuvent rester malgré des changements dans la législation. Il dit ainsi en 1919 "Il ne suffit pas de changer la législation, ce n'est qu'un deblaiement pour la construction, mais pas encore la construction elle-même." Voici pourquoi il encourage les femmes à créer des restaurants collectifs, des crèches, des jardins d'enfants et d'autres initiatives capables de libérer la femme des travaux du ménage.

Dans les années 30, Staline constatera le succés de cette politique : il constatera l'existence d'un vaste réseau de maternités, de crèches et de jardins d'enfants, la femme soviétique bénéficie de congés de grossesse avec maintien de salaire et les femmes commencent à assumer la direction d'institutions collectives (en 1933, il y a 6 000 femmes présidentes de kolkhozes). Mais il a fallu quand même plusieurs années de communisme pour en arriver là.

Des anticommunistes pourraient répondre qu'à l'ouest aussi, la situation des femmes a beaucoup évolué pendant le 20ème siècle. Mais, est-ce que cela serait arrivé si l'URSS n'avait pas montré le chemin ? C'est comme pour les congés payés, la sécurité sociale et ainsi de suite : est-ce qu'on aurait gagné ce qu'on a gagné ici en France si l'URSS n'avait pas existé ? Je ne pense pas. La preuve : depuis la défaite (provisoire) de l'URSS, on perd peu à peu les concessions octroyées suite aux longues luttes, la retraite et l'éducation gratuite de bonne qualité par exemple.
Serp i Molot
 
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Message par Pascal » 30 Sep 2004, 11:34

(Serp i Molot @ jeudi 30 septembre 2004 à 12:23 a écrit :Dans les années 30, Staline constatera le succés de cette politique : il constatera l'existence d'un vaste réseau de maternités, de crèches et de jardins d'enfants, la femme soviétique bénéficie de congés de grossesse avec maintien de salaire et les femmes commencent à assumer la direction d'institutions collectives (...)

Non ! En matière du droit des femmes comme sur toutes les autres avancées apportées par la Révolution d'Octobre, la période de Staline est une période de recul. Ainsi, en 1936, l'avortement est à nouveau interdit en URSS ! D'une façon générale, le stalinisme constitue un retour au vieil ordre moral, avec par exemple l'interdiction de l'homosexualité dans l'URSS des années 30 (alors que les bolchéviks l'avaient justement dépénalisée en 1917).
Pascal
 
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Message par Serp i Molot » 30 Sep 2004, 11:46

Désolé, j'avais oublié que Staline était méchant et qu'il n'avait que des défauts.
Serp i Molot
 
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Message par alex » 30 Sep 2004, 12:16

(nadia @ a écrit :

QUOTE (Zarta)
C'est vrai aussi que les stal ont amélioré la condition des femmes avec le droit à l'avortement

J'avais cru comprendre l'inverse, que la révolution a donné beaucoup de droits, mais que Staline dans les années 30 les a pour une bonne part sabrés : interdiction de l'avortement et du divorce.


Il y a eu une révolution en Tchécoslovaquie ?
alex
 
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