("Le Monde" a écrit :Chez Citroën Aulnay, le discours radical de LO trouve une écoute nouvelle
LE MONDE | 30.04.09 | 13h47
Devant l'immense grille de l'usine Citroën à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, les pneus incendiés lors de la descente des "copains" de l'équipementier sous-traitant Lear, en grève contre les licenciements, et le débrayage contre le travail du samedi, ont été éteints. Les "Citron" sont rentrés dans les ateliers mais, depuis quelques semaines, l'ambiance sociale a changé. Et les militants de Lutte ouvrière (LO) ne cachent pas que leur discours commence à prendre.
Voilà près de vingt-cinq ans que l'organisation trotskiste a décidé de s'implanter dans ce bastion ouvrier de la région parisienne. Une poignée d'activistes se sont établis en 1984 dans les ateliers, au ferrage, à la peinture ou au montage. Et, lentement, ils ont construit leur recrutement jusqu'à diriger aujourd'hui la section CGT et compter une vingtaine d'adhérents.
"LE NPA NE PREND PAS ICI"
Ils sont désormais les seuls politiques. Le PCF a disparu depuis que son dernier militant est parti à la retraite et le NPA n'est pas parvenu à recruter dans l'entreprise. Deux fois par semaine, les militants de LO s'affichent en distribuant leur "bulletin d'entreprise" qui raconte en détail les tracasseries et vexations infligées par les "chefs" ou les petites victoires des ouvriers. "C'est LO qui a repris le relais des communistes à l'usine. Besancenot est bien venu une fois, mais le NPA prend pas ici", témoigne Kamel Kana, élu SUD au comité d'entreprise.
Depuis le succès de la journée de manifestations interprofessionelles du 19 mars, l'atmosphère des ateliers est devenue plus revendicative et les microconflits se multiplient. "On discute moins foot et gamins, plus de la prochaine grève. Beaucoup nous demandent pourquoi il faut attendre le 1er mai pour se faire entendre", remarque Agathe Martin, magasinière. Avec la crise sociale et les menaces sur l'emploi dans le secteur automobile, le discours très lutte de classe de l'organisation trotskiste semble marquer des points. "Jusqu'alors on était compris par le seul milieu militant syndical et radical. Mais aujourd'hui, quand on dit que ce n'est pas à nous de payer la crise, ça passe, même dans une frange qui se mobilise peu d'habitude", renchérit Jean-Pierre Mercier, cariste et délégué central du groupe PSA. "On n'est plus décalé quand on explique aux gars qu'on a besoin d'une société construite sur les besoins des gens et pas sur les profits des patrons", assure encore Philippe Julien, délégué CGT.
Ayant ramé depuis de longues années dans une usine réputée pour son management dur, ces militants ont l'impression de récolter enfin le fruit d'un travail de fourmis. Pas facile de "tenir" des mois en intérim, sans retard ni arrêt maladie, en cachant son appartenance politique et refoulant toute rebuffade.
Le succès se mesure ici à de petits détails : les histoires toujours plus nombreuses que les collègues leur demandent de publier, le nombre de journaux vendus ou de vignettes placées pour la fête annuelle de LO, la participation croissante aux réunions à côté de l'usine... Autant de signes tangibles d'une radicalisation ressentie. Mais aussi d'une réelle reconnaissance. "On a besoin d'eux", souligne M. Kana. "Les gars ont compris qu'on s'intéresse vraiment à leur sort. Ici, ceux qui veulent juste faire un coup en venant à la porte de l'usine se plantent", insiste Philippe Julien. Le rendez-vous du 1er mai restera cependant syndical dans le cortège "CGT Aulnay".
Sylvia Zappi
Article paru dans l'édition du 02.05.09