Les bavures policières en augmentation constante

Message par faupatronim » 21 Fév 2003, 17:41

Les bavures policières en augmentation constante depuis cinq ans

Qu'on les appelle "bavures policières" ou, plus officiellement, "violences illégitimes" exercées par les forces de l'ordre, leur nombre est en hausse constante depuis cinq ans. En témoignent les chiffres des dossiers traités par l'inspection générale de la police nationale (IGPN) et, plus révélateurs encore, ceux de l'inspection générale des services (IGS) qui font état de 432 plaintes traitées en 2002 contre 216 en 1997, soit une augmentation de 100 % ! Les associations expliquent ce phénomène par l'omniprésence du discours sécuritaire. Les policiers mettent en avant le durcissement de la délinquance, facteur de risque de dérapages. Les infractions pour outrage ou rébellion sont de plus en plus utilisées, selon les associations, pour couper court à toute poursuite pour violences illégitimes.


Le langage commun a retenu l'expression "bavures policières". L'administration préfère parler de "violences illégitimes". Quelle que soit l'appellation, le phénomène est certifié par les associations et confirmé par les chiffres : les dérapages policiers sont en hausse constante.

L'indicateur le plus fiable est le nombre de dossiers traités par la police des polices, c'est-à-dire l'inspection générale des services (IGS) pour Paris et la petite couronne, et l'inspection générale de la police nationale (IGPN), qui couvre l'ensemble de la France et qui ne peut être saisie directement par les particuliers, contrairement à l'IGS. Sur les dernières années, les chiffres sont frappants : ils indiquent une hausse régulière de 1997 à aujourd'hui.

En 2002, l'IGPN a enregistré 592 plaintes pour violences policières illégitimes, contre 566 en 2001 et 548 en 2000, soit une hausse de 8 % en trois ans. Cette évolution est encore plus flagrante lorsqu'on se penche sur les résultats de l'IGS, qui traite une grande majorité de ces plaintes : 360 dossiers en 2000, 385 en 2001, 432 l'an passé. Soit une hausse de 12 % en trois ans dans la région parisienne. En 1997, l'IGS n'en avait traité que 216. En cinq ans, ce chiffre a donc été multiplié par deux !

Expliquer cette hausse n'est pas aisé. Le regain d'activité de la police des polices ne doit pas être négligé. Il faut aussi tenir compte de l'affirmation, depuis près de quinze ans, du statut de victime ; les particuliers ont de moins en moins de scrupules à porter plainte ou à dénoncer les abus qu'ils ont subis. Ainsi, à l'IGS, près d'une affaire sur deux est signalée par la victime, un chiffre en augmentation constante.

"COMME DES HÉROS"

Un "effet Sarkozy" est-il venu amplifier cette hausse, antérieure à son arrivée au ministère de l'intérieur ? Dès ses premières interventions devant les policiers, le ministre de l'intérieur a souligné qu'ils se devaient de respecter "les valeurs républicaines", sous peine d'être sanctionnés. Le 17 janvier, pour l'exemple, il a décidé de suspendre deux policiers parisiens soupçonnés d'avoir passé à tabac Omar Baha, un Français âgé de 38 ans. Puis il a pris une mesure similaire, quelques jours plus tard, à l'encontre de trois agents de la Police aux frontières (PAF), après le décès d'un Ethiopien lors de son expulsion. Mais simultanément M. Sarkozy n'a eu de cesse de mettre en exergue le nombre de policiers blessés en service (6 593 en 2002, soit 1 300 de moins que l'année précédente), comme si la violence répondait fatalement à la violence. "Contrairement à Pasqua en 1986 et 1993, Sarkozy n'a pas donné carte blanche aux policiers, explique le sociologue Dominique Monjardet. Mais en même temps il leur a mis une pression, concernant les résultats, qui peut s'avérer dangereuse. Remettre au premier plan une police uniquement répressive, c'est se préparer à des lendemains difficiles et à des émeutes urbaines. "

Au MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) Paris, qui enregistre une recrudescence des cas de bavures depuis quelques mois, on souligne les dégâts du "discours sécuritaire omniprésent". "Les policiers ont été très valorisés ces derniers temps, ils sont présentés comme des héros dans d'innombrables reportages et se sentent les mains libres", affirme sa présidente, Emmanuelle Le Chevallier. Néanmoins, le nombre de sanctions disciplinaires contre des policiers est stable depuis trois ans, autour de 2 100 cas. Parmi elles, en 2002, 32 sanctions ont été prononcées contre des policiers coupables de violences en service, dont une révocation et six exclusions temporaires d'un mois à deux ans, assorties d'une rétrogradation. Vingt-trois policiers avaient été sanctionnés en 2001 et 27 l'année précédente.

Les quartiers dits sensibles sont des zones de frottement et d'hostilité entre les forces de l'ordre et les jeunes, dans lesquelles les abus policiers ont le plus de chances de se produire. A Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), un Comité pour le droit, la justice et les libertés a été créé par un groupe d'habitants suite à des violences policières à l'encontre de certains d'entre eux, en octobre 2001. Dans son premier rapport annuel, le Comité dénonce la multiplication des propos racistes, les abus de pouvoir et les violences commises par les policiers dans le département. L'"effet Sarkozy", les membres du Comité ne le perçoivent pas : "On ne constate pas de changement, soupire sa porte-parole, Françoise Davisse. C'est toujours les contrôles d'identité abusifs, le harcèlement des gamins, l'accueil au commissariat en fonction de la couleur de peau. On est dans une situation d'affrontement permanent."

Les explications sont fort différentes du côté des syndicats de policiers. Tout en reconnaissant l'existence de quelques éléments incontrôlés dans l'institution, ils mettent surtout en avant la difficulté de la mission des forces de l'ordre, auxquelles on demande de compenser les faiblesses des autres acteurs sociaux. Pour Bruno Beschizza, secrétaire général du syndicat Synergie-officiers, "les risques de dérapage ont augmenté tout simplement parce que, avec Sarkozy, les policiers vont dans les endroits qu'ils avaient désertés. Par ailleurs, il y a plus de bavures parce qu'il y a plus de violences en face et que la délinquance s'est durcie. "

"SANS CASSER DES ¼UFS"

Le constat est identique du côté de SGP-FO, dont le porte-parole, Nicolas Couteau, se félicite d'un "certain retour à l'ordre. Dans les années 1980, lorsque les policiers intervenaient dans les quartiers chauds, ils se disaient : pas de provocation, sinon on s'en va. Aujourd'hui, on nous dit qu'on doit s'imposer et que force doit rester à la loi. Quand on veut occuper le terrain, on rencontre forcément des résistances."

Malek Boutih, président de SOS-Racisme, s'interroge pour sa part sur la "culture profonde" de la police, qui n'aurait pas changé, malgré "l'évolution sociologique des policiers, qui sont de plus en plus jeunes et mieux éduqués, et l'instauration de la police de proximité". Selon Malek Boutih, "la logique policière reste qu'on ne peut pas faire d'omelette sans casser des ½ufs, et que par conséquent les bavures sont inévitables".

Piotr Smolar
faupatronim
 
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