Les "Marines" à Bagdad en janvier 2003?

Message par Louis » 21 Fév 2003, 21:15

par Michel Collon*

"Nous devons gagner la Première Guerre mondiale du XXIe siècle",
a déclaré l'ex-premier ministre israélien Barak
"Le premier chapitre de la guerre, l’Afghanistan, s’achève, vient de déclarer l’ex-premier ministre israélien Barak. L’étape suivante, c’est l’Irak, et ensuite l’Iran.»(1) Pourquoi? «Nous devons gagner la Première Guerre mondiale du XXIe siècle. Ce ne sera pas une simple guerre. Ce sera un marathon.»

«Nous» désigne bien sûr le patron de Barak, les États-Unis, dont il dévoile avec franchise les objectifs dans les «chapitres» qui nous attendent. Au même moment, Bob Graham, président de la commission Services secrets du sénat US, réclame une intervention pour «éliminer les camps terroristes» au Liban et en Syrie(2). Enthousiaste pour la nouvelle croisade, le ministre australien des Affaires étrangères, réutilise la classique comparaison «Irak = nazis» (déjà employée par exemple en 1956 lorsque l’Occident attaquait l’Égypte progressiste de Nasser)(3).

[...] Le chapitre 2 de cette «guerre mondiale» vise bel et bien à mettre l’Irak à genoux pour trois raisons:

1. Contrôler tout le pétrole du monde.
2. Isoler puis briser les Palestiniens.
3. «Avertir» tout pays s’opposant à la mondialisation des multinationales.

Le pétrole nécessaire

Le pétrole? D’autant plus nécessaire que l’Agence Internationale de l’Énergie annonce une hausse de la consommation en 2003(4). À condition que la «reprise» soit confirmée, bien sûr.

En tout cas, pour étrangler l’Irak et faire main basse sur ses réserves pétrolières convoitées, Washington continue ses diverses formes d’agression: [...] encore des bombardements US sans aucune base légale ont touché des civils, pendant que le maintien du veto US continue à bloquer l’importation de biens de nécessité vitale: 1.074 contrats concernant la nourriture, l’électricité, la production d’aliments, l’eau et les équipements sanitaires, etc...(5)

Au 1er semestre 2002, les exportations de pétrole irakien pour acquérir des produits humanitaires ont dégringolé de 2,2 à 1,2 million de barils par jour. Washington et Londres cherchent aussi à réduire le nombre de petites firmes commerçant avec l’Irak en imposant que le prix du brut irakien soit connu seulement... après sa livraison!(6)

Imposer partout dans le monde des «dirigeants capables» sortis de leurs valises

À travers et en même temps que l’Irak, les Palestiniens aussi sont visés. Condoleeza Rice, proche de Bush, vient de le répéter: «Aussi bien l’Irak de Saddam que les Palestiniens d’Arafat ont besoin de nouveaux leaders»(7), ajoutant avec arrogance: «Les Palestiniens ont besoin d’une direction capable de diriger des réformes comme en Serbie et en Afghanistan».


En Serbie, le gouvernement made in FMI a quadruplé le prix de l’électricité, la rendant impayable pour des milliers de Belgradois qui ne pourront se chauffer l’hiver prochain. En Afghanistan, quand le n°2 du gouvernement est assassiné, les médias nous signalent en deux lignes, et après coup seulement, «qu’il était de notoriété publique qu’il avait bâti sa fortune sur la culture et le trafic d’opium»(8). Mais George Bush exige le droit d’imposer dans le monde entier de tels «dirigeants capables», sortis de ses valises. Avis aux Palestiniens!

Mais aussi à pas mal d’autres peuples qui en ont marre de la mondialisation. «Comme les choses se déroulent, ça va être bientôt les États-Unis contre le reste du monde», relate Clyde Prestowitz, qui fut négociateur du président Reagan et qui dirige à présent l’Economic Strategy Institute(9). «Voilà ce que m’a dit un haut dirigeant de Malaisie et c’était juste une parmi cent expressions que j’ai entendues lors d’un récent périple à travers 14 pays d’Asie, Europe et Amérique latine.»

Les États-Unis, explique-t-il, ont acquis partout dans le monde une image d’arrogance et d’hypocrisie, en raison de leur soutien à Israël – qui peut faire tout ce qui est interdit aux autres – et des politiques commerciales US: imposant aux autres l’ouverture des frontières mais favorisant leurs propres multinationales sidérurgiques ou agricoles par le protectionnisme. [...]


«Grande Coalition Bush bis»

Victimes aussi de la mondialisation, de nombreux pays arabes et musulmans rejettent ces politiques US, et aussi l’agression qui se prépare. «Les Arabes de Jordanie se détournent bien plus des États-Unis qu’en 1990», affirme Abou Odeh, conseiller de l’ancien roi(10). À Amman, McDo et Burger King ont dû licencier du personnel. La consommation de Coca Cola a baissé.

Le secrétaire de la Ligue Arabe, Amr Moussa, a refusé toute coalition militaire contre l’Irak(11). Le président iranien Katami (pourtant étiqueté «réformiste», donc plus ouvert aux USA) a qualifié le président Bush de «va-t-en-guerre»(12). Même le pro-US président égyptien Moubarak a dû se déclarer «opposé aux frappes sur l’Irak» et à toute tentative d’éliminer Hussein ou Arafat, «le Moyen-Orient ne pouvant supporter le poids de nouvelles crises»(13). Tandis que l’Arabie Saoudite annonçait qu’elle organisera une foire commerciale à Bagdad(14). Et que le Qatar et la Jordanie, refusaient – publiquement, en tout cas – de servir de bases militaires aux troupes US.

Et en coulisses? Ces deux pays sont particulièrement sous pressions pour prêter leur territoire. Washington vient de doubler son «aide» militaire à la Jordanie.
Et le Guardian britannique cite des «témoins oculaires affirmant que les préparatifs (US) sont en cours à la base militaire de Muafaq Salti»(15).

Pourquoi Washington recherche-t-elle toutes ces bases? Parce qu’elle craint une résistance acharnée en Irak même, et particulièrement une guérilla urbaine à Bagdad. L’occupation du pays coûterait plus de vies de soldats US que celle de l’Afghanistan, prédisent certains analystes militaires(16). Tarek Aziz, vice-premier irakien confirme: «Nous n’avons pas peur. Nous sommes prêts à protéger notre pays, notre indépendance, notre dignité. Quiconque dans le monde arabe s’oppose aux Américains deviendra plus fort aux yeux de son peuple. Une attaque US sur Bagdad n’affaiblirait pas mais renforcerait Saddam.»(17)

Cette résistance irakienne et arabe inquiète les alliés européens de Bush. «Lesquels ne s’engageront pas dans une guerre, a déclaré le ministre italien des Affaires étrangères, sauf si on leur prouvait clairement et sans équivoque que l’Irak produit des armes de destruction massive»(18). Ce «sauf si» laisse évidemment la porte ouverte à de futurs revirements. N’empêche que Bush a dû reculer quelque peu: «Je suis un homme patient. Nous utiliserons tous les moyens à notre disposition.»(19)

«Tous les moyens» veut dire que la CIA a reçu instruction d’essayer d’assassiner le chef d’État irakien (elle s’y connaît) ou de fomenter un coup d’État comme au Vénézuela. Mais, toujours selon le New York Times, «la plupart des responsables militaires et politiques estiment qu’un coup d’État ne réussirait sans doute pas et qu’une bataille terrestre avec des forces locale ne suffirait pas.»

La guerre, donc. Dans quelques mois, car le climat ne permet pas une guerre terrestre en été. Et surtout parce que, pour venir à bout de la résistance irakienne, les USA doivent amasser d’importantes troupes, ce qui prendra quelques mois. Ils voudraient un encerclement complet permettant, selon une récente «fuite du New York Times», d’attaquer à partir de sept pays: Turquie, Jordanie, Émirats, Bahrein, Omar, Koweït et Qatar, outre les habituels porte-avions et bases plus lointaines. Tous ces pays, sous pression de leur opinion publique respective, sont réticents. Aussi le forcing va-t-il se renforcer en coulisses pour les obliger à entrer dans la «Grande Coalition Bush bis». Horizon: la guerre en janvier 2003.

La Première Guerre mondiale du XXIe siècle, annonce l’ex-premier israélien. Nous voilà avertis: l’Iran suivra. Et les Palestiniens. Et tous les autres. Seule une grande mobilisation anti-guerre, unissant tout particulièrement les peuples arabes et européens, permettra de renforcer la pression sur les régimes arabes, d’arrêter les plans militaristes et de développer la lutte pour une société qui mette fin aux guerres.
Louis
 
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