Scandale financier sans précédent

Message par ianovka » 25 Fév 2003, 15:52

Ahold avoue un scandale financier sans précédent en Europe

Le groupe néerlandais de distribution, au troisième rang mondial du secteur, reconnaît avoir gonflé ses profits. La manipulation des comptes porterait sur 500 millions d'euros. Le PDG, Cees Van der Hoeven, ainsi que le directeur financier ont remis leur démission.
Le séisme boursier est à la hauteur du scandale ! En une seule journée, lundi 24 février, Ahold, le numéro trois mondial de la distribution a perdu 63,03 % de sa valeur boursière – soit 5,7 milliards d'euros – après avoir reconnu publiquement des malversations comptables, notamment dans sa filiale américaine US Food Service rachetée en mars 2000. Le "gonflement" des résultats avoisinerait les 500 millions de dollars (près de 466 millions d'euros) sur les exercices 2001 et 2002. Le distributeur a également précisé que les résultats des trois premiers trimestres de 2002 devraient être réestimés et que son bénéfice net annuel serait "beaucoup plus bas que prévu". Près d'un an après les affaires américaines à répétition (Enron, WorldCom, Tyco...), l'Europe, qui se sentait épargnée, fait elle aussi l'expérience d'un cas d'irrégularité financière.

Au vu des chiffres annoncés, Cees Van der Heoven, PDG du groupe depuis près de dix ans, a remis sa démission, qui a été suivie par celle de son directeur financier. Ironie du sort, la valeur de l'action – 3,59 euros en fin de séance, lundi – est désormais deux fois plus faible que lorsque le PDG a pris les rênes de la société en 1993. Entre ces deux dates, le titre a connu des sommets, atteignant plus de 37 euros en juillet 2001 avant de diviser par dix sa valeur.

L'annonce de cette nouvelle a entraîné des réactions en chaîne. Les principaux actionnaires financiers de l'entreprise, Fortis, ING et Aegon, ont suivi leur protégé dans sa chute, perdant entre 5 et 7 % sur la séance de lundi. Les agences de notation ont également révisé leurs jugements à la baisse : Standard & Poor's (S & P) a déclassé la dette à long terme de l'entreprise, qui se retrouve désormais dans la catégorie des obligations "pourries" (junk bonds), rejoignant des multinationales européennes comme Vivendi, ABB, Thyssen Krupp ou encore Alcatel. S & P tout comme Moody's ont placé la note du groupe sous surveillance "avec implication négative".

Selon les informations divulguées par le néerlandais, les irrégularités comptables sont multiples. Elles ont tout d'abord pris la forme d'un gonflement des revenus opérationnels de l'américain U.S. Food Service, une manipulation qui aurait été réalisée dans le cadre d'opérations promotionnelles. La filiale, qui représente plus du cinquième des ventes du groupe (17,41 milliards de dollars), est spécialisée dans la fourniture de nourriture à des restaurants, des cafétérias ou des écoles. L'entreprise a précisé que certains responsables marketing aux Etats-Unis avaient été mis à pied dans l'attente des résultats d'enquêtes.

Mais d'autres irrégularités sont également supposées, notamment dans la prise en compte comptable des résultats d'entreprises communes comme ICA Ahold, Jeronimo Martins Retail et Disco Ahold International Holdings. Des points qui devraient pousser le distributeur néerlandais à revoir ses comptes pour l'année 2000. Enfin, Ahold a indiqué qu'une enquête menée par des auditeurs externes sur sa filiale argentine Disco avait fait apparaître "certaines transactions contestables". Dans l'attente d'informations plus précises, le distributeur a décidé de repousser l'annonce de ses résultats annuels, prévue le 5 mars, à une date ultérieure non précisée. L'entreprise a également ajouté que son cabinet d'audit, Deloitte Touche Tohmatsu, suspendait son audit pour les comptes 2002.

Même si les marchés financiers ont été choqués par la brutalité de l'annonce, celle-ci n'est pas vraiment une surprise. "L'année dernière, en mars 2002, des rumeurs courraient déjà sur des irrégularités comptables, précise Andrew Fowler, analyste chez Merrill Linch. Nous avions passé plus de six heures avec les dirigeants, qui annonçaient vouloir laver plus blanc que blanc. Mais quelques semaines après ce rendez-vous, le groupe dévoilait que la mise aux normes comptables américaines des comptes réduisait drastiquement le résultat -120 millions d'euros selon les normes américaines, contre 1,1 milliard d'euros au Pays-Bas-. Nous n'avions pas été mis au courant". La direction avait eu alors bien du mal à expliquer cette différence. "C'est vraiment à ce moment-là que le marché a perdu confiance dans l'entreprise", estime l'analyste. Une situation qui s'est aggravée par la suite, puisque le groupe a lancé deux avertissements sur ses bénéfices en annonçant, notamment des pertes importantes en Argentine.

Au-delà même des irrégularités comptables révélées, c'est la stratégie d'expansion du groupe qui est depuis plusieurs mois critiquée par les observateurs financiers. Sur les dix dernières années, la multinationale s'est lancée dans une course effrénée à la taille mondiale. Son chiffre d'affaires, qui était de 11,87 milliards de dollars en 1992 avant l'arrivée de M. Van der Heoven, a été multiplié par plus de 5 depuis. Ahold est certes présent dans 27 pays avec plus de 9 000 magasins, mais pour connaître cette croissance exponentielle, l'entreprise a dépensé plus de 18,8 milliards de dollars. Des dépenses financées en grande partie par une dette qui "avoisine les 13 milliards d'euros", précise Andrew Fowler. "La pression n'est pas trop forte à court terme, mais en 2005, le groupe devra rembourser plus de 2,5 milliards d'euros sur l'année. Il faut donc impérativement qu'il se sépare d'actifs".

En novembre, pour diminuer son endettement et rassurer les marchés financiers, l'entreprise avait rendu public un plan d'action sur trois ans."Depuis, l'entreprise cherche à vendre ses actifs non stratégiques, notamment en Amérique latine ou en Asie, sans grand succès", précise l'analyste. Lundi, Ahold a annoncé l'obtention d'un prêt de 3,1 milliards d'euros pour renforcer ses liquidités, ce qui n'a pas empêché la dégradation des agences de notation.

La conjoncture actuelle n'est pas porteuse. Le groupe souffre d'une croissance ralentie de ses ventes aux Etats-Unis, son premier marché. Certains analystes prédisent déjà qu'il lui faudra céder des actifs stratégiques, plus facilement monnayables, comme Stop & Shop, Giant food ou Albert Heijn, son enseigne historique.

Laure Belot


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Un PDG distingué par ses pairs


Décidément, il ne fait jamais bon être désigné "manager de l'année". A peine installé sur le piédestal de "distributeur de l'année" par ses pairs à New York en janvier 2002, Cees Van der Hoeven a dû en redescendre, en présentant sa démission, lundi 24 février, suite à l'aveu de graves irrégularités dans ses comptes.

Son ascension avait été il est vrai tout aussi fulgurante. Ancien dirigeant de la Royal Dutch Shell, il avait rejoint la société de la famille Heijn pour en devenir le directeur financier en 1985. Il reprend les rênes de l'entreprise en 1993 et propose aux actionnaires de donner une dimension mondiale au groupe. Le marché américain devient bientôt sa principale cible, et la cotation à la Bourse de New York un symbole. A 55 ans, il régnait sur un empire de 9 000 magasins constitué au fil d'acquisitions coûteuses, ce qui est maintenant analysé comme une véritable fuite en avant financière. Patron le mieux payé du secteur, il était également membre du conseil d'administration du français LVMH.



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Une diversification dans les services


Activités : Selon les comptes publiés pour l'année 2002, le chiffre d'affaires d'Ahold a atteint 72,7 milliards d'euros. La distribution alimentaire représente presque 80 % de son chiffre d'affaires, contre 20 % environ pour les services alimentaires (aux collectivités, écoles, etc.). Une diversification qui s'est accélérée à partir de l'année 2000.

Croissance : Le groupe connaît un rythme de développement soutenu, plus de 56 % de hausse en 2000 (52,5 milliards d'euros de ventes), 27 % en 2001, 9,2 % en 2002. En 2001, Ahold a ouvert 575 nouveaux magasins, dont 366 en Europe et 142 aux Etats-Unis.

Actionnariat : le groupe possède pour principaux actionnaires les banques néerlandaises Fortis (7,9 %) et ING (7,4 %), les assureurs néerlandais Achméa (7,2 %) et Aegon (6,1 %), ainsi que le premier assureur britannique, CGNU (5,1 %).
"Le capital est une force internationale. Il faut, pour la vaincre, l'union internationale, la fraternité internationale des ouvriers." Lénine
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ianovka
 
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Message par Screw » 25 Fév 2003, 16:58

Pourtant Le Monde avait affirmé lors du scandale Enron qu'une telle chose était hautement improbable en Europe à cause des règles comptables.
Effectivement.
Screw
 
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