Des Verts et du PC au PS, le consensus n'est troublé que par Laguiller
La gauche se résigne à soutenir Chirac une deuxième fois
C'est une plaisanterie qui court parmi les députés socialistes : «Deux fois par an, je vote Chirac.» Après avoir soutenu le président contre Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle, la gauche parlementaire s'apprête à approuver la conduite de la diplomatie française, lors du débat sur l'Irak qui se tient aujourd'hui. «Cela commence à faire beaucoup», soupire l'élu communiste Patrick Braouezec, qui reconnaît cependant que «la gauche n'a pas d'angle de tir sur la question de l'Irak». Redevenue audible à l'occasion de la fronde contre la réforme des modes de scrutin, l'opposition voit à nouveau la menace de guerre américaine au Proche-Orient éclipser tout le reste.
Depuis des semaines déjà, on ne compte plus les compliments adressés au président par les figures de la gauche, de Laurent Fabius à Alain Bocquet, en passant par Jean-Pierre Chevènement, Jack Lang ou Julien Dray qui, hier sur Europe 1, s'est déclaré «fier de ce que la France est en train de faire». Seules fausses notes dans ce concert approbateur, les doutes de Bernard Kouchner et, dans un autre registre, la dénonciation par Arlette Laguiller d'un «impérialisme français (qui), sur le fond, reconnaît à l'impérialisme américain le droit de mettre l'Irak au pas».
François Hollande se veut, lui, sans états d'âme : «Si nous pouvons faire prévaloir une solution de paix par notre rassemblement, tant mieux», explique-t-il. Partant de là, l'opposition ne peut se distancier de l'exécutif qu'en émettant des bémols ou en prenant date pour l'avenir. Aujourd'hui, le premier secrétaire du PS et le président du groupe communiste, Alain Bocquet, devraient donc insister pour que la France aille «jusqu'au bout», en utilisant si nécessaire son droit de veto au Conseil de sécurité.
Pour les Verts, Noël Mamère demandera que «la France refuse quelque participation que ce soit - en troupes ou en matériel - à la guerre», «regrettant» au passage que le gouvernement n'ait pas organisé un vote au Parlement dès aujourd'hui sur cette question. Ces derniers jours, Elisabeth Guigou et Jean-Marc Ayrault s'étaient éloignés de la critique adressée par Jacques Chirac aux pays de l'Est candidats à l'Union européenne pour leur soutien aux Etats-Unis, la qualifiant de «faute politique» ou de «maladresse». Des bémols vite emportés par l'actualité internationale.
Régis Passerieux, responsable des questions internationales au PS, ne s'en émeut pas : «Certains peuvent se dire que manifester deux fois de suite son soutien à Chirac, c'est un peu lourd à digérer, mais la situation est trop grave pour faire des calculs», dit-il, convaincu que les socialistes «auront d'autres occasions de s'opposer à Chirac, à sa politique économique inexistante et à sa politique sociale régressive». Seront-ils pour autant audibles ? «Nos marges de manoeuvre sont réduites, s'inquiète un député parisien. Chirac va atteindre une dimension gaullienne et Raffarin expliquera par la situation internationale tous les cailloux qui traînent dans sa chaussure, comme la faible croissance.»
«Les gens ne seront pas dupes», veut croire Braouezec, conscient cependant que «la gauche a du mal à être audible».
Elsa Freyssenet