a écrit :A la fête de Lutte ouvrière, la porte-parole historique a confirmé hier sa candidature pour 2007. La sixième et dernière.Lutte finale pour ArlettePar Matthieu ECOIFFIER
lundi 05 juin 2006
cette fois, c'est vraiment la dernière. Sur le grand podium de la fête de Lutte ouvrière (LO), Arlette Laguiller vient de prononcer son discours «du dimanche, à portée nationale», explique Henriette, son attachée de presse. Le dernier comme camarade-candidate. Quelques instants plus tard, sous le chapiteau dressé au bout de «l'allée des femmes» dans le parc du château de Presles (Val d'Oise), la porte-parole historique de LO indique que 2007 sera bien sa «dernière candidature» à la présidentielle.
Jambon. Pour l'heure, à la tribune, Arlette Laguiller, en bleu de travail relooké et pull rose, savoure. A la fin de son discours, plusieurs milliers de «militants et amis» entonnent l'Internationale le poing levé. A 12 euros l'entrée, 2 euros le sandwich au jambon du Morvan, 60 centimes la demi-bouteille d'eau, les trois jours de fête de LO, ses 8 000 militants et son 1,5 million d'électeurs en 2002 attire cette année «beaucoup plus de monde que l'an dernier», assure Jean-Pierre, 38 ans, ouvrier chez Citroën à Aulnay et chargé des entrées. Entre 20 000 et 30 000 militants et sympathisants auront foulé le parc du château, situé à 30 kilomètres au nord de Paris. Et écouté Arlette.
Il n'y a qu'elle pour «faire entendre la voix des travailleuses et des travailleurs», disent-ils. Qu'elle pour exiger «l'interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits». Qu'elle pour dénoncer «les conseils d'administration, les Bouygues, Lagardère, Dassault ou Arnault, qui détiennent le vrai pouvoir dans cette société». Pour rappeler que, lors du Front populaire, «c'est la grève générale, les occupations d'usine qui ont fait reculer le patronat. Si le gouvernement socialiste de l'époque, soutenu déjà par le PC, a fait des concessions aux travailleurs, comme les congés payés et les augmentations de salaires, ce n'est pas par générosité mais pour sauver la mise aux possédants». Bref, il n'y a qu'Arlette pour dire que si la droite est «haineuse, antiouvriériste», PS et PC sont complices du «grand capital». Fidèle à sa stratégie, l'égérie de LO renvoie tout le monde dos à dos : «Si la gauche est élue en 2007, elle ne fera guère mieux» que le gouvernement. Le salut est dans la lutte, dans la rue. A preuve, la victoire contre le CPE.
«Bouillie». L'élection présidentielle ne sert à rien d'autre qu'à «populariser» ces idées. Pourquoi alors se priver d'une telle tribune, ou même la partager via une candidature noniste de la gauche de la gauche ? Cela ne donnera que de «la bouillie pour chat servie sur un plateau au PS pour le second tour», dénonce la candidate trotskiste. A la proposition du porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), l'autre famille trotskiste, d'organiser «une bouffe à quatre» avec Marie-George Buffet et José Bové, elle préfère «un déjeuner à deux. Si Olivier Besancenot veut me voir, il a mon portable», ironise-t-elle.
Resté debout pendant tout le discours, Hassen, 59 ans, est ému. «Je voterais Arlette pour la sixième fois», confie cet ex-militant, ancien ouvrier devenu taxi, «un prolétaire de la haute». «En 1974, elle avait obtenu 2,3 % des voix et Le Pen 0,74 %.» Le Pen au second tour le 21 avril 2002 ? «Ce n'est pas de la faute d'Arlette si PS et PC ont perdu 3 millions de voix après cinq ans au gouvernement», explique-t-il. Il regrette simplement «le manque de combativité ouvrière. Il n'y a pas eu de radicalisation des luttes. Pourtant, ils ont augmenté les cadences dans les usines depuis quarante ans». Hassen est venu avec ses deux filles, dont Sonia, 18 ans. «Je lui ai dit : tu votes pour qui tu veux, mais pas pour Sarko», raconte-t-il. «Je suis dans le flou, car je ne me sens pas représentée. Je pense que je voterai blanc», répond la jeune femme. Tout le monde à Presles ne se levait donc pas pour Arlette. Pas de quoi décourager la recordwoman des présidentielles. «Une campagne électorale, c'est plus facile que mener une grève. D'autant que maintenant, je suis à la retraite», sourit-elle. Pour après 2007, elle a déjà prévu ses remplaçantes. La fête de ce week-end a aussi été l'occasion de présenter une brochette de porte-parole régionales, la plupart trentenaires et femmes. «Vous êtes toutes brunes à cheveux courts. C'est la coupe obligatoire ?» s'étonne une journaliste. «Pas du tout», répond l'une d'elles qui a pourtant adopté la même ligne que son modèle : «Il va y avoir toute une pression pour le vote utile. Ce jeu-là, on ne le jouera pas.»
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