N° 769 - L'éditorial du 16 novembre
Un contenu de classe
Six jours se sont écoulés depuis qu’ont été connus les résultats des élections dites de « mid-term » aux Etats-Unis. C’est peu dire que ces élections ont provoqué un bouleversement profond. Outre le renvoi immédiat de Donald Rumsfeld, secrétaire à la Défense, l’administration Bush a entrepris de reconsidérer son dispositif international.
Certes, elle ne renonce ni à la guerre en Irak ni à soutenir l’Etat d’Israël. Mais confrontée au rejet de sa politique, elle cherche d’autres moyens de la mettre en œuvre. Par exemple en cherchant à y associer étroitement les gouvernements d’Europe ou en tentant de nouer un accord avec les gouvernements d’Iran et de Syrie, et, aux Etats-Unis mêmes, en cherchant à forger une « grande coalition » avec les démocrates (lire page 12).
Il faut souligner ici le contenu de classe du mouvement électoral qui a abouti à ce résultat. 73 % des électeurs hispaniques, 89 % des Noirs et 56 % des femmes ont voté contre Bush et sa politique. Traditionnellement basse dans une élection présidentielle, la participation a atteint cette fois le niveau record de 70 %, particulièrement en augmentation chez les jeunes électeurs.
La presse américaine et internationale souligne la double racine de ce rejet : la guerre en Irak et la politique de destruction antisociale aux Etats-Unis mêmes.
« La question de la sécurité sociale, l’attitude du gouvernement lors de Katrina (…), et, plus que tout, la guerre en Irak » ont constitué les principaux motifs de vote, selon le New York Times (8 novembre 2006).
A propos de l’élection de Sherrod Brown, nouveau sénateur démocrate de l’Ohio, le journal capitaliste britannique Financial Times (11 novembre) évoque les « 200 000 emplois manufacturiers perdus dans cet Etat depuis l’arrivée au pouvoir de Bush ». Le nouveau sénateur, écrit le Financial Times, « a gagné cette élection principalement sur cette seule question ».
Pour le journal espagnol El Pais (10 novembre), ces élections ont non seulement constitué « un référendum contre la guerre en Irak », mais elles ont vu s’exprimer également « d’autres préoccupations (…) : l’économie, l’horreur de Katrina et ses conséquences, et un Washington corrompu ». Et El Pais d’évoquer « la colère » des travailleurs quand, « dans les grands centres industriels de Pennsylvanie et de l’Ohio (…), les emplois industriels ont pratiquement disparu » et quand « les familles ne peuvent se permettre (…) d’envoyer leurs enfants à l’Université quand elles vivent dans un pays sans plan de santé national ».
Oui, c’est la classe ouvrière des Etats-Unis, avec la jeunesse, avec les couches les plus opprimées, qui se dresse une nouvelle fois, comme elle l’a fait naguère lors de la guerre du Vietnam, pour dire haut et fort : il faut en finir avec cette politique destructrice, en Irak comme chez nous !
Nul ne s’y trompe.
Signalant que, dans six Etats, des référendums ont décidé ce 7 novembre d’indexer le salaire minimum sur la hausse du coût de la vie, le quotidien financier Wall Street Journal (14 novembre) met en garde : « Nous espérons que M. Bush refusera toute indexation de ce genre.»
Ce surgissement de la classe ouvrière américaine et des couches opprimées et exploitées met à l’ordre du jour la nécessité d’un authentique parti ouvrier indépendant aux Etats-Unis, d’un Labor Party intégrant comme une composante spécifique une représentation politique noire indépendante.
Mais, d’ores et déjà, ce qui s’est exprimé le 7 novembre et depuis, c’est le mouvement d’une classe ouvrière qui n’accepte pas, pas plus aux Etats-Unis qu’ailleurs, d’être détruite.
C’est un mouvement qui rejoint les développements en cours au Mexique ou ce qui se passe depuis plusieurs mois en Bolivie, ou encore le vote chassant Aznar du pouvoir en Espagne en 2004.
C’est un mouvement qui rejoint en France le vote non au référendum de 2005. Ce qui chez nous pose l’urgente nécessité de la rupture avec l’Union européenne. L’urgente nécessité aussi d’un candidat qui portera dans la prochaine élection cette exigence vitale pour toute la population.
L’urgente nécessité, enfin, de construire un authentique parti ouvrier indépendant, avec le Parti des travailleurs qui prépare son XVe Congrès.
Daniel Gluckstein