par Front Unique » 21 Sep 2006, 20:28
Informations Ouvrières N° 761 - L'éditorial du 21 septembre
Sur la voie de la rupture
Est-il déplacé de verser à la discussion ouverte par la Lettre aux maires de France (lire pages 8 et 9) une réflexion sur les événements de ces derniers jours au Mexique ?
Je ne connais pas personnellement Lopez Obrador, bien que, comme coordinateur de l’Entente internationale des travailleurs et des peuples, j’aie rencontré plusieurs des responsables de la convention nationale à laquelle il a appelé, et qui s’est tenue ce 16 septembre. Ce que je connais du programme sur lequel il s’est présenté à l’élection présidentielle du Mexique, le 2 juillet dernier, m’amène à considérer que, sur certains points, nos points de vue ne sont sans doute pas éloignés, tandis que, sur d’autres, ils le sont davantage.
L’essentiel, à mes yeux, n’est cependant pas là. L’essentiel est ce à quoi j’ai assisté ce 16 septembre à Mexico (lire pages 12 et 13).
Voilà un homme à qui, par la fraude, les puissants de ce monde — l’administration Bush en tête, appuyée par ses partenaires du monde entier — prétendent confisquer sa victoire à l’élection présidentielle. D’autres avant lui — au Mexique, aux Etats-Unis et ailleurs — ont, face à une telle situation, capitulé sans résister.
Lui, pas.
Depuis le 2 juillet, Obardor n’a eu de cesse d’en appeler à la mobilisation du peuple, principalement des ouvriers, des paysans et des couches les plus opprimées de la nation mexicaine, pour se dresser contre la fraude. Jusqu’à ce 16 septembre, où un million de délégués, réunis sur le Zocalo (la place centrale de Mexico) dans une convention nationale démocratique, réalisée à l’initiative d’Obrador, ont voté le rejet de Felipe Calderon, président imposé par la fraude électorale, et proclamé l’élection d’Obrador comme président de la République.
En outre, la convention a adopté un appel à un processus constituant souverain pour « abolir les institutions d’un régime corrompu » et empêcher les privatisations.
Il s’agit en particulier de défendre l’éducation publique, de bloquer, en ce qui concerne l’agriculture, l’application du traité de libre-échange d’Amérique du Nord imposé par les Etats-Unis. Et cela, Obrador l’a fait en référence aux conquêtes de la révolution mexicaine de 1917, des nationalisations du gouvernement de Lazaro Cardenas en 1937-1940. Il en a fait un appel à l’unité et à la souveraineté de la nation mexicaine.
Je verse à la discussion l’interview donnée à Informations ouvrières et publiée dans ce numéro sur ces événements.
Posons-nous la question : s’agit-il, oui ou non, d’un pas sur la voie de la rupture avec la politique qui opprime et qui écrase la nation mexicaine depuis si longtemps ?
Ont-ils raison, ces centaines de milliers venus de toutes les régions du Mexique, venus des couches les plus populaires, qui se dressent pour dire : « Nous n’accepterons pas la fraude ! Obrador président » ?
Etait-il juste, pour notre part, d’être présents ce 16 septembre dans le cadre de la délégation de l’Entente internationale des travailleurs et des peuples sur la place du Zocalo ?
Est-il juste aujourd’hui d’engager la campagne de solidarité (encore une fois, sans prendre en charge l’ensemble de la politique d’Obrador) avec celui que le peuple mexicain a élu comme président et que les puissants de ce monde voudraient empêcher d’accomplir son mandat ?
Et pour nous, en France ?
N’est-il pas juste de dire, avec les 211 premiers maires signataires de la Lettre aux maires de France : « Qu’il s’agisse de l’élection présidentielle ou des élections législatives, tout candidat qui s’engagerait à faire ne serait-ce qu’un pas dans cette direction, un pas réel et concret remettant en cause le carcan de l’Union européenne et s’engageant dans la voie de la restauration de la démocratie, à commencer par la démocratie communale et les services publics, mériterait notre soutien » ?
Daniel Gluckstein