Informations Ouvrières N° 766 - L'éditorial du 26 octobre
Défense de la solidarité
L’information publiée la semaine dernière par notre hebdomadaire sur la véritable chasse aux malades refusant de recourir aux médicaments génériques a suscité une grande et légitime indignation parmi nos lecteurs.
Nous y montrions que ces mesures iniques — qui, en particulier, signifieraient pour de nombreux malades âgés qu’ils ne puissent plus se soigner — dérivaient de directives européennes bien précises.
Cette semaine, le quotidien La Tribune (23 octobre) donne en exemple « la prime à la non-consultation aux Pays-Bas ». On y apprend que, depuis 2004, les assurés sociaux qui, durant une année, ne se sont fait délivrer aucune ordonnance et n’ont pas été hospitalisés se voient rembourser 255 euros ! Ceux qui ont dépensé moins de 255 euros ont touché la différence. Cette mesure a été présentée par le ministre de la Santé comme « un encouragement à ne pas aller chez le docteur pour chaque petit pépin » !
Question : comment, sans aller chez le docteur, savoir si un « pépin » est petit ou gros ? A cela, le ministre (faut-il l’appeler ministre ? faut-il l’appeler canaille ?) ne répond pas. Il est vrai que son problème ne semble pas être la santé de ses concitoyens. Son problème, c’est d’économiser : 2 milliards d’euros dépensés en moins cette année pour les dépenses de santé aux Pays-Bas ! On applaudit devant un tel exploit ! Les Bourses flambent aux Pays-Bas comme dans toute l’Europe… mais la santé coûte moins cher.
Mais au fait, pourquoi faut-il économiser ? Réponse de La Tribune, qui titre : « Union à 25, les mesures d’économies fleurissent dans tous les pays, l’Europe s’attaque aux coûts de la santé. »
Nous y revoilà. Le pacte de stabilité impose que les dépenses publiques ne progressent pas plus que de 3 % du PIB. Et le traité de Maastricht inclut les dépenses de santé dans les dépenses publiques.
Bruxelles commande… et tant pis si « pépins », petits ou gros, ne sont plus soignés !
Mais pourquoi se limiter aux dépenses de santé ? Pourquoi ne pas verser une petite somme à chaque famille pour l’instruction et fermer les écoles publiques ? Et l’on pourrait continuer à l’envi.
A juste titre, la fédération des syndicats néerlandais s’insurge contre le fait « que les jeunes en bonne santé soient remboursés alors que les plus âgés et les malades chroniques doivent payer » (La Tribune).
C’est en effet le principe de solidarité qui est ici mis en cause. La solidarité entre malades et bien portants, la solidarité entre les générations, la solidarité qui est à la base du progrès et d’une vie meilleure pour l’immense majorité, celle des salariés, des jeunes, des retraités.
Seuls les possédants peuvent se dispenser de solidarité.
L’avenir de l’humanité appartient à la défense et à la reconquête de tous les régimes de protection fondés sur la solidarité entre salariés.
Si pour cela le carcan de Maastricht doit être abrogé, si pour cela il n’est d’autre moyen que la rupture avec l’Union européenne, est-il possible d’hésiter ?
Cette question cruciale, tout le monde se la pose. Faut-il, comme nous nous en sommes expliqués la semaine dernière, qu’un « candidat des maires » et présenté par eux formule, dans le cadre de la prochaine élection présidentielle, cette exigence qui conditionne tout : rupture avec Maastricht ?
Daniel Gluckstein