fil "interventions de La Riposte"

Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par com_71 » 02 Mars 2020, 15:07

La Riposte a écrit : l’ancrage syndical et la culture du service public dans les entreprises électriques et gazières. Cet ancrage est l’héritage du programme du Conseil National de la Résistance avec sa loi de nationalisation de l’électricité et du gaz du 8 avril 1946 portée par Marcel Paul, résistant communiste et syndicaliste CGT.


Quand on pense que certains osent rappeler que Marcel Paul fut membre de gouvernements bourgeois (successivement de Charles de Gaulle, Félix Gouin et Georges Bidault - futur rallié à l'OAS-)...

lutte de classes, en 1946 a écrit :...C'est la peur d'avoir à rentrer en conflit avec l'Etat protecteur des patrons qui fait repousser l'échelle mobile par les dirigeants syndicaux, car ils sont liés avec cet Etat par les responsabilités qu'ils y ont prises (Croizat, ministre du Travail ; Marcel Paul, ministre de la Production Industrielle, etc...).

On l'a d'ailleurs bien vu lors de la revendication des 25%. Lorsque les dirigeants ont vu que leur intransigeance risquait de compromettre la bonne entente entre les ministres "ouvriers" et bourgeois, ils ont tout simplement abandonné les 25% qu'ils affirmaient au début être un minimum audessous duquel on ne pouvait pas aller et ont invité les sections syndicales à revendiquer ce qu'elles pouvaient auprès de leurs patrons individuels. Le résultat a été que les augmentations ont varié de 15% à 35%, ce qui n'a pas empêché nos bonzes d'affirmer avoir obtenu une "victoire sans précédent".


https://www.marxists.org/francais/barta ... 121446.htm
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 13 Mars 2020, 16:04

Salut camarades,

Avec la crise du Covid 19 la perspective du 31 mars comme journée d'action, semble compromise !

Contre-réforme des retraites, où en est-on, où va-t-on ?
13 mars 2020 sur le site de La Riposte, par R.S CGT

https://www.lariposte.org/2020/03/contr ... u-va-t-on/

Le piétinement actuel que connaît la lutte que nous menons contre la régression de notre système de retraites est symptomatique d’une culture de la lutte en perte de vitesse dans nos syndicats malgré des bastions encore solides. C’est aussi le revers d’une direction syndicale qui veut dépolitiser le syndicalisme, claire sur les objectifs de la lutte, mais démunie en termes d’alternatives au système capitaliste. Notre atout reste malgré tout l’existence de bases syndicales combatives et résolues, et un Gouvernement aux abois, même plus sûr du soutien du patronat dans son ensemble.

Une mobilisation au milieu du gué

Le mouvement entamé le 5 décembre est inédit, de par sa durée et de par les formes qu’il prend !

Il y a d’abord eu une grève dure et remarquable dans le secteur des transports, cette grève importante fut une petite surprise car, notamment chez les cheminots, la défaite de 2018 était récente et beaucoup s’interrogeaient sur la capacité des cheminots à se relancer dans une grève dure. Pourtant ce fut le cas, avec une intersyndicale large (UNSA et CFDT y ont participé activement malgré leurs directions nationales respectives) et avec des taux de grévistes importants même chez des catégories souvent considérées comme difficiles à mettre en mouvement comme dans l’encadrement. Cette grève a réussi à passer les fêtes de fin d’année, ce qui est en soit extraordinaire ! Malheureusement la grève reconductible n’a pas pris dans d’autres secteurs, du moins pas assez. La CGT n’a pas réussi à faire entrer dans le mouvement de manière massive et reconductible le privé, la participation lors des journées nationales fut importante mais bien peu de secteurs ont été en capacité de « généraliser » la grève, et ceux qui s’y lançaient avait la sensation (injustifiée !) qu’ils n’avaient que peu d’impact et se décourageaient. Cela étant dit, il est notable que la population soutienne encore très majoritairement la mobilisation et les grèves, et qu’elle rejette toujours aussi massivement la contre-réforme !

Le Gouvernement a utilisé le 49.3, et cela a eu pour effet de relancer le rejet des mesures. Et les mobilisations spontanées suite à ce recours démontrent que la combativité des militants reste intacte !

Néanmoins il faut analyser les difficultés qui se font jour. Parce que ce mouvement est inédit et que rien n’est encore joué, il faut en pointer les carences et les points positifs.

Une culture de la lutte en perte de vitesse

Tout d’abord les points faibles. Si l’on ne peut pas reprocher à la Confédération d’avoir était claire dès le début sur le fait qu’il fallait « généraliser » la grève, force est de constater que peu de syndicats ont été en capacité de mettre cette préconisation en œuvre. Cela est un point important, car on ne peut pas reprocher à la direction de la CGT d’avoir freiné la grève, bien au contraire, mais le fait est que la capacité à mener cette grève par les militants est plus faible qu’avant. Seuls les syndicats bien organisés avec une culture de la lutte partagée dans le temps ont réussi, c’est le cas de la fédération des cheminots, de quelques syndicats de territoriaux et de Mines-Energie. Pour les autres, l’organisation d’une simple Assemblée Générale est une épreuve qui leur semble insurmontable ! Beaucoup de syndicats « invitent » leurs collègues à la grève en relayant simplement les mots d’ordre nationaux. Il devient de plus en plus rare de voir de réel piquet de grève, sauf exceptionnellement pour des luttes interne à l’entreprise. Cette incapacité à organiser le débat des salariés pour poser la question de la grève mais surtout de sa reconduction est un réel problème pour notre classe. Pourtant nombre de camarades de la CGT sont volontaires et combattifs, mais ils oublient bien trop souvent que l’important n’est pas simplement leurs investissement mais plutôt notre capacité à faire entrer dans la lutte les collègues ! Mener une grève n’est pas chose aisée, celles et ceux qui prétendent le contraire n’ont jamais eu à en mener !

Pour prendre là où la grève a marché, il faut se rendre compte du travail effectué par les syndicats de cheminots ! Le 5 Décembre, mais surtout la suite, a été préparé longtemps à l’avance, même avant d’avoir une date de départ ! La tradition cheminote fait que le syndicat fait en sorte d’insuffler la colère, l’entretenir et l’orienter vers un objectif en mettant toujours la nécessité de la grève comme moyen ultime d’action. Le fait que les cheminots ont aussi une forte « culture » du service public (il n’y a qu’à voir leurs réactions quand un accident survient, en service ou non ils font tout pour sécuriser et rassurer, même si elles et eux-mêmes sont blessé.e.s) et le travail collectif est important. De plus, en amont du 5 décembre il y a eu ces mouvements dans les technicentres et chez les roulant.e.s avec l’utilisation du droit de retrait qui a renforcé la conviction des salarié.e.s que sans elle et eux rien ne se fait et engrangé encore plus de colère face à leur direction et l’Etat.

En clair, pour que la reconduction d’une grève soit possible, il faut un travail en amont important et une capacité à organiser la grève, notamment par des assemblées générales quotidiennes où chaque salarié.e peut s’exprimer et décider de la reconduction.

Malheureusement ce travail n’a pas été fait partout, et souvent par un manque d’expérience et par des habitudes syndicales trop centrées sur les réunions avec la direction en oubliant trop souvent le lien avec les salarié.e.s. C’est certainement le plus gros problème de l’organisation de la grève générale, le manque d’organisation des syndicats, leur manque de connaissance et de pratique de la lutte interprofessionnelle, l’enfermement dans un « dialogue social » voulant cacher la réalité de la lutte des classes. Mais il y a aussi l’évolution du salariat, la notion de « collectif de travail » et de « culture d’entreprise », par la précarisation, l’atomisation des lieux de production (la mise ne place de structures de production plus petites), tout ça est un frein à l’organisation de la grève, mais un frein qui n’est pas insurmontable loin s’en faut !

Un manque de perspectives politiques

L’autre « frein » à la généralisation de la grève est le manque de perspectives politiques. C’est le plus gros frein à la mobilisation. Intuitivement les travailleur.se.s comprennent que la simple lutte pour éviter la contre-réforme demande de gros sacrifices. Et actuellement elles et ils sont partagé.e.s entre 2 tendances qui ne sont pas celles qui permettront de gagner. Tout d’abord la tendance nait du mouvement des Gilets Jaunes, (nous ne reviendrons pas sur le mouvement des Gilets Jaunes, juste pour dire que ce mouvement est aussi un signe du manque de perspectives politiques !), cette tendance pense qu’il faut bloquer l’économie (c’est déjà un point important) mais par des actions « coup de poing » répétitives et menées souvent avec un groupe. Si l’idée de la grève a progressé chez les Gilets Jaunes, force est de constater qu’elles et ils sont souvent dans l’idée de « blocage », plus que de grève générale ! Ceci est un réel problème, car, si les Gilets Jaunes ont démontré leur combativité, leur abnégation et leur volonté, il n’en reste pas moins qu’elles et ils n’arrivent pas à entraîner avec eux leurs collègues. Leur position est un peu gauchiste car elles et ils misent sur l’action rapide et parfois violente sans vraiment construire au plus large.

L’autre tendance est celle du « parlementarisme », c’est-à-dire que les travailleur.se.s se disent « pourquoi faire grève, on va utiliser notre bulletin de vote ! ». Cette tendance a perdu beaucoup, notamment suite au quinquennat de Hollande, mais elle est encore présente et parfois même parmi des militant.e.s sincères !

Ce qu’il manque cruellement à notre classe, c’est un parti révolutionnaire, avec des perspectives révolutionnaires affirmées et un programme. Le PCF jouait ce rôle avant, mais force est de constater qu’il ne le joue plus, par abandon plus ou moins clair de son caractère révolutionnaire, par des stratégies souvent incompréhensibles (qui laissent penser que les élections seraient l’alpha et l’oméga de tout changement) et une organisation vieillissante qui est encore très présente sur le terrain mais tout de même moins importante qu’il ne le faudrait. Quant à la CGT, elle a abandonné toute « idée » politique depuis un certain temps, considérant que son rôle se bornait à porter des revendications concrètes et immédiates sans faire référence à la nécessité de renverser le capitalisme par une révolution. Ce manque de perspectives est relevé par de nombreux syndicalistes et Gilets Jaunes, laissant augurer d’une réflexion qui se mène et se mènera pour avoir ses perspectives.

Une combativité intacte de la base face à un Gouvernement aux abois

Pour autant, tous ces points négatifs qui font que la mobilisation n’a pas été encore au niveau ne peuvent donner l’issue de la lutte actuelle.

En effet, d’autres points sont, eux, positifs et donnent à voir une possibilité de victoire.

Le premier point c’est la combativité intacte des bases militantes syndicales et d’une partie des salarié.e.s. Ainsi, même si la grève reconductible est arrêtée dans les transports, nombre de travailleur.se.s n’ont pas baissé les bras ni renoncé à la lutte. La motivation, même émoussée par trois mois de lutte, reste bien présente, et rien que cela en soit constitue un point d’appui énorme pour la lutte.

L’autre point positif de notre point de vue est l’attitude du Gouvernement et la réalité de son « pouvoir ». L’utilisation du 49.3 est loin d’être un signe de force, c’est plutôt l’inverse !

Le Gouvernement, conscient que la population reste très majoritairement hostile à sa contre-réforme, a voulu « boucler » le processus parlementaire le plus rapidement possible, en espérant mettre un point final à la lutte. S’il est si pressé, c’est qu’il constate que les mobilisations sont toujours là et que l’impact sur ses amis grands patrons est important et qu’il pourrait s’accroître (pour preuve les cris d’orfraie lors des grèves dans les ports, les usines à l’arrêt pour cause de coupures d’électricité etc.), d’autant plus que la population ne s’est pas retournée contre les grévistes malgré les coups de boutoir des médias. Le Gouvernement veut mettre fin le plus rapidement possible à la lutte, car il a subi déjà une année de Gilets Jaunes, son discrédit est total, les municipales sont déjà considérées comme perdues, alors il lui faut préparer l’avenir pour « regagner » en popularité. Actuellement, seule une petite caste soutient le Gouvernement, même le MEDEF émet des critiques ! Le pouvoir ne tient que par la police et le manque criant d’un parti révolutionnaire.

Quelles perspectives ?

A l’heure où nous écrivons ces lignes, la crise sanitaire du coronavirus et le déclenchement d’une probable crise financière et donc économique auront des conséquences sur le déroulement de la lutte.

L’intersyndicale tient bon, et a prévu la date du 31 mars comme nouvelle journée d’action. La Fédération des Cheminots réunis en Congrès n’exclut pas de repartir en reconductible, d’autre secteurs se lancent ou se relancent (Radio-France, la culture, l’enseignement supérieur etc.). Rien n’est totalement joué, donc !

Avançons vers cette date, essayons de construire cette perspective politique en pointant la nécessité de se débarrasser du capitalisme !


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par com_71 » 13 Mars 2020, 16:49

Quelles perspectives ?

A l’heure où nous écrivons ces lignes, la crise sanitaire du coronavirus et le déclenchement d’une probable crise financière et donc économique auront des conséquences sur le déroulement de la lutte.

L’intersyndicale tient bon, et a prévu la date du 31 mars comme nouvelle journée d’action. La Fédération des Cheminots réunis en Congrès n’exclut pas de repartir en reconductible, d’autre secteurs se lancent ou se relancent (Radio-France, la culture, l’enseignement supérieur etc.). Rien n’est totalement joué, donc !

Avançons vers cette date, essayons de construire cette perspective politique en pointant la nécessité de se débarrasser du capitalisme !


Bravo pour les perspectives totalement à côté de la plaque ! C'est "la Riposte" des "gréviculteurs" ?
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par com_71 » 15 Mars 2020, 10:56

Bravo pour les perspectives totalement à côté de la plaque ! C'est "la Riposte" des "gréviculteurs" ?


Cf. plutôt le post d'Artza par ailleurs :
L'épidémie actuelle aura-t-elle une conséquence sur la participation au scrutin et sur son résultat ?

Il me semble que le président si mal élu, si détesté, etc... a marqué un sérieux point.

L'opinion a viré c'est visible à tous les coins de rue. Plus personne ne me tend la main, plus personne ne me tend sa joue.

Va-t-on connaître l'union sacrée ?
En tout cas pour l'instant, la (contre)-réforme des retraites...les gilets jaunes, c'est aussi loin que la déglingue du code du travail.

Il ne s'agit pas de contester ni de refuser des mesures de prévention évidentes mais à partir et avec ces mesures de défendre les intérêts des salariés, avoir une politique prolétarienne et faire avancer la conscience de classe.
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 18 Mars 2020, 09:29

Salut camarades,

Le 18 mars est la date anniversaire du début de la Commune de Paris de 1871... Ecoutons cette conférence du camarade Greg Oxley directeur du journal de La Riposte !

Le 18 mars 1871, alors que Paris était assiégé depuis plusieurs mois par les armées de Bismarck, le gouvernement français a tenté de désarmer la Garde Nationale. Le peuple s’est soulevé contre cette trahison et le gouvernement s’est enfui à Versailles. Ainsi, les travailleurs parisiens se sont trouvés maîtres de la capitale. Pendant dix semaines, les « communards » ont tenté, dans des circonstances extrêmement difficiles, de réorganiser la société sur des bases entièrement nouvelles. Ils se sont efforcés de débarrasser la société de l’exploitation et de l’oppression.

Pris de court par les événements, avançant à tâtons, affamés et faisant face aux conséquences dramatiques de l’encerclement de la ville, les communards n’ont pas eu le temps d’accomplir ces grands objectifs. Lors de la « semaine sanglante » du 21 au 28 mai, l’armée française aux ordres d’Adolphe Thiers a attaqué Paris, massacrant sauvagement près de 50 000 hommes, femmes et enfants.

Marx et Engels ont suivi attentivement le déroulement de ces événements, qui ont fourni la base de la théorie marxiste de l’Etat. Aujourd’hui, l’histoire et les leçons de la Commune de 1871 méritent d’être étudiées par tous ceux qui aspirent à un monde meilleur.

https://vimeo.com/26200944

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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 21 Mars 2020, 08:35

Salut camarades,

Le coronavirus « covid-19 » peut-il déclencher une crise économique mondiale ?
Le samedi 21 mars 2020, sur le site de La Riposte
Par Gauthier Hordel, PCF Rouen

https://www.lariposte.org/2020/03/le-co ... -mondiale/

Image

La pandémie du coronavirus “covid-19” révèle les contradictions d’une économie mondiale simultanément interconnectée et concurrentielle. Si les mesures prises par certaines grandes puissances dénotent d’un affranchissement des règles austéritaires habituelles et de la sacro-sainte propriété privée, les retombées économiques et sociales seront à la charge de la classe ouvrière. A nous de créer les conditions pour nous affranchir à terme de ce système.

Nous assistons actuellement à une chute vertigineuse des bourses mondiales sous l’impact de la propagation à travers le monde du virus covid-19. Plus exactement, les mesures d’endiguement du virus que l’on observe particulièrement en Chine et désormais une bonne partie de l’Europe à l’heure où sont écrites ces lignes ont un impact sur l’activité économique. Les usines tournent au ralenti, si elles ne sont pas à l’arrêt, le secteur du tourisme baisse drastiquement ayant un effet domino sur tous les secteurs qui en dépendent comme le transport aérien. Les mesures de confinement provoquent une baisse de la demande particulièrement visible sur la consommation de pétrole. Le marché capitaliste montre des signes jour après jour d’une extrême instabilité. Mais pour analyser la situation actuelle, il faut revenir à la période précédente pour comprendre le contexte économique dans lequel cette crise est en train d’apparaître.

Un contexte économique pré-coronavirus instable

La crise financière de 2007-2008 a eu pour conséquence une nette dégradation de la situation globale. En réalité, nous en subissons encore les séquelles par la mise en place de mesures austéritaires dont l’objectif était de ralentir l’endettement des États. Ce sont ces derniers qui à l’époque ont permis de sauvegarder le système en finançant les pertes massives des banques et de les sauver de la faillite. Cette crise a démontré de façon très nette la surcapacité productive du système de production capitaliste qui, pour rééquilibrer l’offre à la demande, a diminué sa capacité de production. Les conséquences directes ont été l’augmentation du chômage dans les années qui ont précédé cette crise. Pour le bon fonctionnement du système et assurer les profits capitalistes, les marchandises doivent trouver preneur. Autrement dit, la consommation est le moteur du profit capitaliste. Or les mesures austéritaires mises en place ont eu pour impact de miner la demande par la diminution du pouvoir d’achat relatif à la quantité de marchandises mises sur le marché. Cependant, le remède est aussi le facteur de la maladie qui a entraîné une contraction de l’activité économique.

Pour soutenir la demande afin d’éviter d’avoir un taux d’utilisation des capacités de production trop faible, autrement dit relancer l’économie après le Krach de 2007-2008, les banques centrales ont eu recours au « Quantitative Easing », c’est-à-dire l’injection de capitaux fictifs dans l’économie afin d’accroître la masse monétaire pour favoriser la consommation et la baisse des taux d’intérêt afin de favoriser le crédit. Ce dernier point est caractéristique d’une économie à bout de souffle qui manque cruellement d’investissement afin de produire les richesses si chères à la « sainte » croissance du PIB et sans laquelle l’économie capitaliste s’effondrerait. En effet, le but de la baisse des taux d’intérêt est de relancer à la fois l’investissement, c’est-à-dire trouver des débouchés pour les capitaux, maintenir une certaine stabilité des « marchés » et augmenter artificiellement la demande. Les capitalistes ont besoin de trouver des débouchés pour leurs marchandises.

Malgré toutes ces mesures, l’économie tourne au ralenti. Déjà avant l’arrivée de la crise du coronavirus, le FMI[i] et l’OCDE[ii] n’excluaient pas la possibilité d’un nouveau krach. Par exemple depuis 2018, les principales économies de la zone euros ont des taux de croissance en baisse avec un niveau d’endettement qui augmente de façon inquiétante. La croissance de l’Allemagne première puissance économique de l’UE ne dépassait pas 0,5 % en 2019. La France a vu son endettement passer à 122 % du PIB en 2019. Quant à l’Italie, le grand malade de l’UE était en 2019 dans une situation périlleuse avec une croissance de 0,2 % et un niveau d’endettement de près de 150 %. Au niveau mondial, la capitalisation mondiale a beaucoup plus augmenté que le PIB, ce qui inquiète les économistes car ils sont les symptômes d’une crise à venir.

Au niveau mondial, la capitalisation mondiale a beaucoup plus augmenté que le PIB, ce qui inquiète les économistes car ils sont les symptômes d’une crise à venir.

On observe cette contraction de l’économie partout à travers le monde. Par exemple la Chine, soi-disant le miracle économique, a eu en 2019 le taux de croissance le plus bas depuis 28 ans, s’établissant autour de 6 %. Or, lorsque l’économie mondiale subit une telle contraction, il est inévitable qu’une guerre économique fasse rage entre les puissances mondiales. Des mesures protectionnistes sont prises par certains. Les États-Unis en tête de proue ont commencé par imposer des taxes douanières sur des produits d’importation chinois. Cela a commencé par l’acier et l’aluminium et dernièrement avec l’interdiction au géant des télécoms chinois Huawei de pouvoir avoir la possibilité d’obtenir le marché du développement de la 5G aux États-Unis. Lorsqu’un pays applique des mesures protectionnistes pour favoriser son économie nationale, les pays visés répondent par des mesures de rétorsion. Dernièrement nous avons assisté à cette guerre également entre la France et les États-Unis à partir de la taxe GAFA que la France voulait imposer aux multinationales américaines du numérique. Là également Trump a opposé à cette taxe des mesures de rétorsion. Des exemples comme ceux-là, nous pourrions en exposer davantage mais cela illustre le fait que nous assistons à de véritables rivalités économiques entre les grandes puissances.

Le coronavirus et le ralentissement de l’économie chinoise

Les lundi 9 et jeudi 12 mars ont été marqués par un double krach boursier. Les économies mondiales ont vacillé. Les cours du pétrole ont chuté lundi 9 mars, ce qui a impacté tous les secteurs qui y sont liés, entreprises de service pétrolier et banques finançant le secteur. Jeudi 12 mars a marqué la chute la plus terrible de l’histoire du CAC40. La Chine, le pays d’où s’est propagé le COVID-19 a dû prendre des mesures drastiques pour tenter de freiner l’épidémie. L’économie chinoise s’est mise partiellement en arrêt du fait des mesures d’endiguement et de confinement. Par conséquent la demande intérieure a chuté, tant sur la consommation des ménages et que des entreprises en matières premières. La production industrielle a baissé de 13 % tandis que la consommation des ménages a baissé de 20 %.

La Chine est le premier pays importateur de pétrole, or sa consommation a chuté passant de 15 % de la demande mondiale à 3 %. Le pétrole s’est donc retrouvé en surabondance sur le marché, l’offre est devenue supérieure à la demande. Les pays de L’OPEP[iii] et la Russie n’ont pas trouvé d’accord sur la régulation de la production, la Russie refusant de réduire sa production car en guerre économique avec les États-Unis avec son gaz de schiste. En représailles, l’Arabie Saoudite avait menacé d’inonder le marché, ce qui aurait provoqué une baisse considérable du prix du baril en portant atteinte à la « compétitivité » de la production russe. Cet événement a produit une panique sur les marchés.

Le capitalisme mondialisé a créé une division internationale du travail. La Chine deuxième puissance économique mondiale représente dans cette organisation l’usine du monde. C’est la raison pour laquelle le brusque ralentissement économique de ce pays a un impact sur le reste du monde.

Le capitalisme mondialisé a créé une division internationale du travail. La Chine deuxième puissance économique mondiale représente dans cette organisation l’usine du monde. C’est la raison pour laquelle le brusque ralentissement économique de ce pays a un impact sur le reste du monde. La Chine produit 20 % des marchandises intermédiaires, c’est-à-dire utilisées pour en produire d’autres. Cela veut dire que 1/5 de la totalité des marchandises produites dans le monde dépendent de la Chine. Pour ce faire, elle importe énormément de matières premières comme le pétrole et les minerais mais elle est aussi gourmande en matière première agricole. Déjà un certain nombre de pays connaissent de grandes difficultés du fait qu’une part importante de leurs économies dépend des exportations vers la Chine et se retrouvent en surcapacité productive. C’est le cas par exemple du Brésil dont les exportations de soja dépendent de la consommation de la Chine. Or la situation actuelle a porté atteinte à l’économie brésilienne et il est difficile à l’heure actuelle de mesurer les dégâts même s’ils sont clairement palpables.

La propagation du virus au reste du monde et les conséquences économiques

Les ruptures de la « supply chain[iv] » déstabilisent les économies mondiales qui intègrent dans leur production des produits fabriqués en Chine. Cet élément fut le premier effet du ralentissement chinois. Mais la forte propagation du virus dans le reste du monde et notamment en Europe a levé un vent de panique sur les places boursières qui ont dégringolé ce jeudi 12 mars. Les capitalistes dont la seule motivation est le profit à court terme ont agi en conséquence et se sont mis à revendre leurs actifs. Ce qu’ils craignaient le plus est un arrêt brutal de l’activité, à l’heure actuelle 40 % du PIB Italien est immobilisé. Les mesures de confinement neutralisent à la fois la production mais aussi la consommation. Ce manque de débouchés effraie les capitalistes qui ne peuvent en tirer profit.

L’Italie, l’Espagne et la France qui sont pour le moment les pays les plus affectés par la contagion ont pris des mesures sévères de confinement. Tous les secteurs d’activité sont fortement impactés, en premier lieu le secteur du tourisme, qui représente en France 7,3 % du PIB. Par exemple, les Chinois dépensent 280 milliards de dollars via le tourisme international. Les restrictions de déplacement des Chinois ont des conséquences graves sur ce secteur d’activité. Les entreprises connexes à ce secteur comme l’aérien subissent de lourdes pertes, par exemple, Air France a annoncé la suppression de 1500 postes. Les PME sont les premières entreprises qui subissent mortellement la baisse de l’activité économique et les décisions de fermetures des commerces. La situation est complexe car les annonces des gouvernements visent à endiguer la propagation du virus mais aussi à tenter de rassurer « les marchés » où les capitalistes attendent des mesures fortes pour soutenir l’économie.

Quelles perspectives ?

L’économie mondiale présentait déjà les symptômes d’une crise à venir et le coronavirus ne vient qu’ajouter de l’instabilité à une situation générale qui tanguait déjà sérieusement. Toutes les mesures de confinement sont déclencheuses de récession. Les prédictions les plus optimistes de l’OCDE pour 2020 tablent sur une baisse de la croissance mondiale de 0,5 % soit de 2,5 % au lieu de 3 % si la pandémie du COVID-19 est jugulée d’ici le printemps. La prédiction la plus pessimiste table sur une baisse de 1,5 % si le virus se propage sur l’année. Il faut prendre ces chiffres avec précaution, car le marché capitaliste est extrêmement volatile comme nous avons pu le constater précédemment et repose sur la confiance en la capacité des marchandises à trouver un débouché. Dans le cadre d’une situation de surproduction, les prix s’effondrent et la panique s’installe accentuant les effets du krach. Selon le FMI, les deux tiers du problème viendraient d’un effet psychologique des investisseurs mais aussi des ménages qui se mettent à épargner plutôt qu’à consommer.

L’économie mondiale présentait déjà les symptômes d’une crise à venir et le coronavirus ne vient qu’ajouter de l’instabilité à une situation générale qui tanguait déjà sérieusement.

Certains économistes émettent l’hypothèse que la croissance va suivre une courbe en V. Ce qui n’aura pas été consommé le sera lorsque la situation reviendra à la normale et relancera l’activité. Mais les entreprises mettent d’ores et déjà la pression sur le Gouvernement afin de financer les pertes liées aux mesures de confinement (chômage partiel, report des cotisations…). L’État vient au secours des capitalistes qui utilisent le chantage des pertes d’emploi. Le ralentissement économique met des entreprises en difficulté quant à leur trésorerie qui ne pourront honorer le paiement de leurs dettes auprès des banques. Le gouvernement tente de répondre à ce problème via l’octroi de crédits par la BPI[v]. La situation illustre le fait que « les profits sont privatisés et les pertes nationalisées ». Au total c’est près de 350 milliards d’euros qui seront mis sur la table pour sauvegarder l’économie. Macron a annoncé qu’il agirait « quoi qu’il en coûte », sans préciser à qui sera présentée l’addition ni à qui va profiter sa mansuétude.

Au niveau de la zone euro, la BCE[vi] a annoncé des mesures comme l’injection de capitaux pour racheter les dettes d’États et des entreprises à hauteur de 750 milliards d’euros. Néanmoins, elle a renoncé pour le moment à modifier ses taux directeurs[vii], une mesure très attendue par les capitalistes pour retrouver la confiance.

Cependant, nous comprenons que toutes ces mesures prises par les États auront de profondes conséquences sur l’endettement public. Il est presque certain que l’Italie entrera en récession et il est fort à parier que de nombreux pays de l’UE suivront le même chemin dont certainement la France, avec une récession évaluée à −1 %. C’est la raison pour laquelle l’UE[viii] va assouplir ses règles sur le déficit budgétaire plafonné à 3 % aujourd’hui. L’austérité fait déjà rage, imposant une détérioration des conditions de vie pour la vaste majorité de la population. Comme dit précédemment, il faudra payer la note de toutes les mesures qui seront prises. Cela aura nécessairement des conséquences sur les finances publiques sous forme de coupes budgétaires. Compte tenu du fait que les gouvernements au pouvoir représentent le pouvoir économique des capitalistes, ce seront les travailleurs qui seront mis à contribution. Le système capitaliste est en crise perpétuelle depuis les années 70. Quel sera le degré de gravité de la crise ? Il est difficile de le déterminer, tant nous voyons la bourse subir des soubresauts imprévisibles. Nous observons par exemple une reprise économique en Chine. Mais ce coronavirus n’est pas le facteur déterminant de la crise économique en incubation, il n’en est que le coup de froid mettant à genoux un organisme déjà fragile.

Mais ce coronavirus n’est pas le facteur déterminant de la crise économique en incubation, il n’en est que le coup de froid mettant à genoux un organisme déjà fragile.

La situation de guerre économique décrite plus haut sera aggravée par la récession qui va frapper. La baisse de la croissance généralisée engendrera une contraction de l’économie plus importante et accentuera la guerre économique entre les grandes puissances. L’apparente solidarité toute relative face la menace du virus va s’évaporer dès que la question de la concurrence économique sera le premier point à l’ordre du jour. Mais il est certain que les problèmes que nous avons connus vont s’aggraver et la récession frappera en premier les travailleurs, chômeurs, retraités et étudiants. Macron et Philippe en appellent à l’unité nationale pour faire face à la crise. Cette unité n’est que pure illusion tant nous vivons dans une société divisée en classes aux intérêts antagoniques. Au sortir de la crise sanitaire cette division prendra une forme encore plus aiguë qu’avant.

Le système capitaliste est incapable de résoudre les problèmes auxquels fait face l’humanité à l’heure actuelle, il est inadapté aux besoins réels, tant en situation normale qu’en situation d’urgence. Face à la crise sanitaire, il y ajoute une crise économique, puisque seul le profit importe. C’est l’absurdité d’un système basé sur la propriété des moyens de production et d’échange qui induit la compétition alors que la situation impose la coopération. Paradoxalement, nous assistons à une certaine prise de contrôle de l’État sur l’économie, agissant sur tel ou tel secteur économique, afin d’orienter sa lutte contre la propagation de la pandémie. « L’État » devient indispensable pour tenter de résoudre le problème et sauvegarder le système. Le but est de faire une économie, pendant cette période, au service des nécessités réelles. Les nationalisations tant décriées par les ennemis du communisme, sont devenus un recours pour « sauver » des entreprises au bord de la faillite tel que la compagnie aérienne italienne Alitalia. Bruno Lemaire a annoncé également de probables nationalisations pour « sauver » des entreprises. Tout ceci entre en profonde contradiction avec la doctrine défendue jusqu’à maintenant. Mais il ne faut pas se leurrer, ces potentielles nationalisations n’auront pour but que de soutenir les capitalistes dans la faillite de leur économie et leur livrer des entreprises sorties d’affaire par la suite. Cela démontre que le modèle capitaliste tel qu’il était vanté est une profonde impasse. C’est pour nous l’occasion de mettre en avant qu’il faut rompre avec ce système en mettant en commun les ressources de la société pour répondre aux besoins réels et pour relever les défis qui nous font face. Cela doit passer par la nationalisation des leviers économiques majeures sous le contrôle démocratique des travailleurs.

Notes

[i]Fonds monétaire international

[ii]Organisation pour la coopération et le développement économiques

[iii]Organisation des pays exportateurs de pétrole

[iv]La supply chain se réfère à la gestion de chaîne logistique, la chaîne d’approvisionnement en quelque sorte

[v]Banque publique d’investissement

[vi]Banque centrale européenne

[vii]Les taux directeurs sont les taux d’intérêt au jour le jour fixés par la banque centrale , et qui permettent à celle-ci de réguler l’activité économique.

[viii]Union européenne

Sources: OCDE, les Échos, France Inter « on arrête pas l’économie »


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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 23 Mars 2020, 15:59

Salut camarades,

Y a-t-il un passager dans l’avion ?
Le lundi 23 mars 2020, sur le site de La Riposte
Par Chloé S., PCF Rouen

https://www.lariposte.org/2020/03/y-a-t ... ns-lavion/

Nous avons assisté au début de la crise du coronavirus Covid-19 au spectacle ubuesque de compagnies aériennes faisant voler leurs avions à vide sous peine de perdre leurs créneaux de vols, ou “slots“. Cette pratique aberrante du point de vue écologique dénote du danger de voir l’environnement et avec lui l’humanité entière victime collatérale de la guerre entre les grands groupes capitalistes. La question de la prise en main de ces mastodontes par la classe ouvrière unie au-delà des frontières se pose avec d’autant plus d’acuité.

Une crise profonde du secteur aérien

La crise sanitaire mondiale engendrée par la propagation du virus Covid-19 sur plus de 110 pays et la crise économique qu’elle provoque aujourd’hui, nous donne l’occasion une fois de plus d’expérimenter et de constater l’incapacité du système économique capitaliste à faire face à des situations inédites, et qui en temps normal exploite et détériore les conditions de vie de la majorité des travailleurs du monde entier. Dans cette crise, ce n’est pas le secteur bancaire qui est cette fois – du moins pour le moment – le plus fortement touché mais celui directement concerné par la propagation du virus entre les pays via le tourisme et le monde des affaires, le transport aérien. Alors que dans l’Union Européenne, ce dernier battait encore en 2018, des records en nombre de passagers transportés allant jusqu’à 1,1 milliard, le secteur connaît en ce début d’année 2020 une véritable chute libre.

Dans cette crise, ce n’est pas le secteur bancaire qui est cette fois (…) le plus fortement touché mais celui directement concerné par la propagation du virus entre les pays via le tourisme et le monde des affaires, le transport aérien.

Les compagnies aériennes ont vu fondre les réservations entraînant une véritable paralysie du trafic aérien face à la décision de milliers de personnes et d’entreprises de renoncer à leurs voyages ou ceux de leurs personnels à travers le monde et à celle de certains États de suspendre les vols vers les pays les plus fortement touchés par le virus. Le nombre de passagers aurait baissé de 24% sur les vols en provenance et au départ de l’Europe de l’Ouest. Avant la fermeture des frontières de l’Espace Schengen, des dizaines de compagnies aériennes ont suspendu ou réduit leurs dessertes vers la Chine, berceau de l’épidémie, puis de l’Italie, et les réservations de billets sont en chute libre, partout dans le monde. Plus de 185 000 vols ont été annulés. La crise sanitaire a ainsi provoqué une forte baisse de la demande mondiale en transport aérien. L’Association Internationale du Transport Aérien (IATA), un cartel déguisé qui regroupe 290 compagnies aériennes soit 82%1 du trafic aérien mondial, table sur des pertes de chiffre d’affaires comprises entre 63 milliards de dollars, si la propagation du virus est contenue et 113 milliards de dollars si le Covid-19 continue à se répandre. Des chiffres qui ne concernent que le transport de passagers et non le fret. Aussi, les trois marchés qui regroupent l’essentiel du trafic en 2019 : l’Europe (26,7%), l’Asie/Pacifique (34,4%) et l’Amérique du Nord (22,5%) et qui a eux trois représentent 84% du trafic passagers mondial, traversent en ce moment une crise sans précédent depuis la dernière crise économique et financière de 2008-2009.

Les premiers symptômes de cette crise se sont traduits par des pratiques totalement absurdes, où les compagnies aériennes ont fait le choix par crainte de perdre leur créneaux aériens, de faire voler des avions à vide ou quasiment à vide, gaspillant des milliers de litres de kérosène et produisant des tonnes de CO2 pour rien. Cette pratique proprement scandaleuse du point de vue de l’environnement a été rendue nécessaire afin de répondre aux lois implacables de la concurrence dictées par la législation européenne concernant l’attribution des créneaux de décollage et d’atterrissage appelés les « slots ». Des règles elles-mêmes dictées à la Commission Européenne, mise en place pour défendre les seuls intérêts des grandes associations monopolistes capitalistes, par des cartels comme la IATA. En effet, pour conserver ces créneaux d’une année sur l’autre, dans un contexte d’hyper-concurrence, les compagnies aériennes doivent effectuer au moins 80% des vols prévu sur ces horaires, au risque de perdre leurs précieux « slots » au profit de compagnies plus dynamiques. Deux fois par an, les créneaux sont remis sur le marché selon la règle du « use it or lose it » («utilise-le ou perds-le»). Une intervention rapide de la Commission a été alors sollicitée par les politiques afin de réagir le plus vite possible pour mettre un terme au scandale en annonçant la mise en place d’un assouplissement bien évidemment « temporaire » de ces règles.

Le résultat d’une politique de privatisations massives du secteur

Les conséquences économiques sont aujourd’hui majeures dans ce secteur en forte croissance, dont le volume en trafic aérien mondial double tous les 15 ans depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale et qui a été au fil du temps presque entièrement privatisé pour permettre aux actionnaires, propriétaires des grandes entreprises monopolistes, de concentrer toujours plus les profits entre leurs mains. Sa gestion était historiquement placée sous le monopole public de l’État. Mais sous la pression des capitalistes et le discours mettant en avant l’idée selon laquelle la puissance publique serait incapable de favoriser le développement de la compétitivité, et qu’elle « accapare » des ressources qui seraient mieux employées ailleurs par le marché, les gouvernements ont transféré petit à petit, les aéroports à des sociétés de droit privé (comme c’est en cours actuellement avec ADP). Ce nouveau mode de gestion faible en emplois privilégie la rentabilité des capitaux, le versement de dividendes, et organise une concurrence ou des rapports commerciaux «coupe-gorge» entre compagnies, entre compagnies et aéroports, entre salariés. Une des manifestations de cette privatisation a été l’apparition, puis la montée en puissance, des compagnies dites « low-cost », avec un nouveau modèle économique assis sur une baisse des coûts d’exploitation et des pratiques sociales et salariales régressives.

Si ce processus de privatisation est rendu absolument nécessaire pour les capitalistes afin d’engranger le maximum de profits lorsque la croissance est au beau fixe, en temps de crise, même passagère, ces derniers incapables d’assumer leurs responsabilités et les conséquences de leur système, appellent les États et indirectement les populations, à voler à leur secours. Face aux pertes subies dans cette crise, les compagnies se tournent ainsi vers la puissance publique, espérant être renflouées, comme les banques lors de la crise financière de 2008. Le transport aérien américain a ainsi demandé des aides d’urgence pouvant aller jusqu’à 50 milliards de dollars au gouvernement fédéral, lequel préparerait un plan de relance massif de 850 milliards de dollars. Les compagnies britanniques auraient demandé à leur gouvernement plus de 9 milliards de dollars d’aides. De son côté, le gouvernement italien est prêt à nationaliser la compagnie aérienne Alitalia. Selon certains médias, Rome a prévu une enveloppe globale de 600 millions d’euros pour l’ensemble du secteur aérien national, dans lequel Alitalia s’arroge la part du lion. En France, le Premier ministre Edouard Philippe a affirmé que l’Etat était prêt «à prendre ses responsabilités», concernant Air France, en grandes difficultés. Les profits sont privatisés et les pertes nationalisées. Les capitalistes récoltent ainsi le beurre et l’argent du beurre au détriment des conditions de travail et d’existence des travailleurs.

Si ce processus de privatisation est rendu absolument nécessaire pour les capitalistes afin d’engranger le maximum de profits lorsque la croissance est au beau fixe, en temps de crise, même passagère, ces derniers incapables d’assumer leurs responsabilités et les conséquences de leur système, appellent les États et indirectement les populations, à voler à leur secours.

Dans cette situation, où plus de 75 % des compagnies aériennes disposent de moins de 3 mois de liquidités pour couvrir leurs seuls frais fixes, les compagnies les plus fragiles ne survivront pas au virus de la faillite. La Britannique Flybe en a été la première victime, actuellement placée en redressement judiciaire et pour d’autres compagnies qui allaient déjà mal avant le début de cette crise sanitaire comme Norwegian, Air India, Malaysia Airlines, Thai ou Ethiad, le coronavirus Covid-19 pourrait leur être fatal. Ainsi cette crise comme les précédentes opère une sélection des entreprises les plus viables. Les lois de la concurrence et les effets de la crise jettent les petites compagnies vers la faillite ou vers leur rachat par les grosses compagnies, ce qui accentue le développement des monopoles et la concentration du capital. Mais dans ce tableau plutôt sombre, la IATA relève toutefois que le secteur ne devrait pas souffrir trop longtemps de ce trou d’air. D’après elle, la courbe de croissance du secteur pourrait prendre la forme d’un « V » : une forte baisse suivie d’une hausse importante du nombre de vols. Cette crise pourrait entraîner, sur le long terme, une hausse des tarifs car les compagnies vont tenter de rattraper leurs pertes et les premiers touchés par les conséquences de ces décisions qui sont prises « quoi qu’il en coûte » seront bien entendu, comme nous l’avons déjà expérimenté par le passé, les travailleurs.

La nécessaire prise en main par la classe ouvrière

Cette nouvelle expérience nous fait prendre conscience de la nécessité, qui devient de plus en plus impérieuse, de nationaliser les grands leviers de l’économie sous le seul contrôle démocratique des travailleurs. Ceux qui créent pourtant la richesse économique et sociale mais qui ne récupèrent que les miettes et à qui il est toujours demandé plus de sacrifices pour défendre les intérêts de ceux qui les exploitent et auxquels ils se soumettent avec plus ou moins de lucidité suivant la conscience de classe qui les anime. Il est temps que les travailleurs reprennent le contrôle de leurs vies et de l’avenir des générations futures. Le système capitaliste l’a montré depuis qu’il existe, il a toujours survécu aux crises et à permis de concentrer toujours plus les richesses produites par la majorité de la population entre les mains d’une minorité, de cette classe capitaliste qui n’abandonnera ses privilèges que lors d’une révolution. Indissociable de cette gestion démocratique, le mot d’ordre devrait être, afin d’instaurer une vraie société moderne plus démocratique et plus adaptée aux crises sanitaires ou environnementales, l’abolition de la propriété privée des grands leviers de l’économie (transports, banque, industrie…) et d’une adaptation démocratiquement décidée de la production et des transports à la sauvegarde de notre environnement.

Sources :

Coronavirus : lourdes pertes attendues pour le secteur aérien, François Lapierre, Journal de l’économie, 23 février 2020.

Coronavirus: le transport aérien fortement impacté, Rfi, 15 février 2020.

Coronavirus : le transport aérien affronte l’une des plus graves crises de son histoire (si ce n’est la plus grave), Fabrice Gliszczynsky, La Tribune, 5 mars 2020.

Le virus pourrait coûter au transport aérien jusqu’à 113 milliards de dollars en 2020 (Iata), France 24, AFP, 5 mars 2020.

Le secteur aérien réclame des “mesures d’atténuation” pour mieux faire face au coronavirus, Simon Chodorge, L’Usine Nouvelle, 6 mars 2020.

Coronavirus : Air France “en situation d’urgence économique”, Frédéric Sergeur, Capital, 7 mars 2020.

Coronavirus : quand des avions volent à vide pour conserver leurs créneaux au Royaume-Uni, Frédéric Sergeur, Capital, 8 mars 2020.

Chroniques du ciel. Covid-19 : le secteur aérien en crise, Frédéric Béniada, France info, 8 mars 2020.

Corona virus . Pourquoi les avions volent vide, Morgan Kervella et Samuel Nohra, Ouest France, 9 mars 2020.

En pleine crise du coronavirus, les compagnies aériennes volent à vide pour ne pas « perdre leur place », B. K. et T. V, Nouvel obs, 09 mars 2020.

L’UE veut mettre fin aux avions qui volent à vide à cause du coronavirus, l’Obs avec AFP, nouvel obs, 10 mars 2020.

Coronavirus: le transport aérien dans la tourmente, Dominique Baillard, Rfi, 11 mars 2020.

Coronavirus: les compagnies aériennes appellent au secours, Le Figaro avec AFP, 17 mars 2020.

Coronavirus : les compagnies aériennes du monde entier appellent au secours, SudOuest.fr avec AFP, 18 mars 2020.

Les compagnies aériennes mondiales vont-elles au crash ?, Frédéric De Poligny, LaQuotidienne.fr, 18 mars 2020.

Transport aérien de passagers dans l’UE, Nombre record de plus d’1,1 milliard de passagers aériens transportés en 2018, Communiqué de presse Eurostat 186/2019, 6 décembre 2019.

Le transport aérien en France, en Europe et dans le monde, Etude Progexia, janvier 2016.

Communiqué IATA n°22 du 8 mai 2019.


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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 24 Mars 2020, 03:59

Salut camarades,

Les accords Sykes-Picot, 100 ans après. De Tanvir Gondal (Lal Khan), 2016.
23 mars 2020 sur le site de La Riposte

Article rédigé en 2016 par Tanvir Gondal (Lal Khan), paru dans l’Asian Marxist Review, Pakistan, et traduit par Reda Benchouchane, La Riposte, France.

Tanvir Gondal est décédé le 21 février 2020.

https://www.lariposte.org/2020/03/les-a ... -khan2016/

Image

Cela fait juste 100 ans que les accords Sykes-Picot ont été signés. Ce traité secret formalisé entre la France et la Grande-Bretagne, signé en 1916, a découpé le Moyen-Orient en dessinant des lignes droites sur la carte de manière totalement arbitraire. Les accords Sykes-Picot ont été négociés en mars 1916 et ont été signés dans le secret le 19 mai 1916. Le texte ignorait les aspirations politiques des Arabes et a partagé le Moyen-Orient entre la Grande-Bretagne et la France, définissant jusqu’à aujourd’hui la politique du Moyen-Orient et formant un des facteurs principaux aux conflits sans fin qui secouent la région. Le ministre russe des Affaires étrangères de l’époque, Sergei Sazonov, a approuvé les accords tant que son pays gardait la main sur Istanbul, les territoires avoisinant le détroit du Bosphore et quatre provinces à proximité des frontières russes en Anatolie orientale.

La montée de l’État Islamique en Irak et en Syrie a de nouveau mis le passé colonial de la Syrie sur le devant de la scène. Plus que jamais, la violence sectaire caractérise de façon croissante un des pays de la région qui illustre le mieux sa riche et longue histoire de diversité religieuse et culturelle. Le Moyen-Orient a été fréquemment secoué de conflits meurtriers dans son histoire. Mais avec l’État Islamique occupant un territoire en Irak et en Syrie à travers le Croissant Fertile, la guerre civile en Syrie, la paralysie au Liban, un tournant autoritaire soudain en Turquie et la possibilité d’une nouvelle Intifada en Palestine contre la brutalité de l’occupation et la répression de l’État d’Israël, les débats sont vifs sur l’héritage de cet accord séculaire.

La révolution bolchévique de 1917

Les deux mandarins français et britannique ont signé cet accord à huis clos. Si la révolution russe de 1917 n’avait eu lieu, cet accord serait resté confidentiel et les deux puissances coloniales auraient gardé leur secret. La révolution bolchévique de 1917 a mis au jour cette triste histoire qui rappelle à quel point les puissances impérialistes utilisaient une diplomatie d’alcôve et de tromperie et à quelle vitesse des accords passés sous le manteau peuvent être révélés au grand jour. Avec la chute du tsar Nicolas II en février 1917 et le renversement du gouvernement provisoire de Kerensky qui a suivi quelques mois après, la classe ouvrière russe a pris le pouvoir sous le leadership des bolchéviques et provoquait l’événement le plus important de l’histoire humaine, la révolution russe de novembre 1917. Le même mois, la déclaration Balfour était rédigée. Les bolchéviques, sous le leadership de Vladimir Lénine et de Léon Trotski, sont tombés par hasard sur les accords Sykes-Picot qui prenait la poussière parmi les volumineuses archives du Kremlin. Lénine qualifia ces accords de « traité de brigands coloniaux ».

La dénonciation et la publication de la conspiration impérialiste par le gouvernement bolchévique ont prouvé que la politique étrangère des bolchéviques était basée sur les intérêts des classes opprimées sur la base du principe marxiste d’union des travailleurs de tous les pays. Leur politique étrangère était basée sur la solidarité de classe plutôt que sur leur intérêt national étriqué. Leur politique consistait à réaliser l’unité des luttes des travailleurs à travers les frontières faites par les hommes plutôt que sur la base du nationalisme des États-nations où les intérêts égoïstes des classes dominantes déterminent les amitiés et les inimitiés entre les pays.

Le 23 novembre, 556 jours après la signature des accords, Trotski, alors président du soviet de Petrograd durant la révolution russe et en sa qualité de Commissaire du Peuple pour les Affaires étrangères, a publié le traité dans les journaux de la Pravda et l’Isvestia. Cette révélation par le gouvernement révolutionnaire bolchévique secouera les impérialistes, voyant leurs tricheries vis-à-vis des « alliés arabes » exposées au grand jour. Les correspondants étrangers basés à Moscou s’empareront de la nouvelle et relaieront la révélation à leurs rédactions respectives avides de rebondissements. En Grande-Bretagne, le Manchester Guardian sera le premier journal à révéler l’information sur les accords Sykes-Picot au monde anglophone les 26 et 28 novembre 1917.

La divulgation des accords Sykes-Picot jusque-là tenus secrets provoquera un grand embarras dans les chancelleries britannique et française. La politique de partage arbitraire du Moyen-Orient par les deux puissances impérialistes a été mise à nu et la duplicité de l’état britannique a été dénoncée au grand jour, lui qui s’était engagé sur des promesses incompatibles envers d’un côté Hussain et les Arabes et de l’autre les sionistes. Le gouvernement ottoman se servira de ces révélations pour dénigrer l’émir rebelle de la Mecque, Sharif Hussain et son fils Fayçal, tous deux à la tête de l’Armée arabe. Lors d’un discours donné à Beyrouth le 4 décembre 1917, quelques jours seulement avant la chute de Jérusalem, le général ottoman Kemal Pasha, dirigeant des Jeunes Turcs, révèle les conditions des accords Sykes-Picot laissant l’audience médusée. Il qualifie Sharif Hussain et ses fils de laquais des Britanniques, et fait porter l’entière responsabilité de « l’arrivée de l’ennemi aux portes de Jérusalem » aux manigances des leaders de la « révolte arabe » contre l’Empire ottoman et principalement en Syrie.

L’Empire ottoman

Avant l’explosion de la Première Guerre mondiale, l’Empire ottoman déclinant (1516-1924) s’étirait des faubourgs de Vienne jusqu’aux rivages marocains. Considéré comme « l’homme malade de l’Europe », cet empire avait perdu au siècle précédent nombre de ses territoires au profit des puissances coloniales montantes européennes. La France avait pris le contrôle de l’Algérie en 1830 et de la Tunisie en 1881 ; l’Italie avait mis la main sur la Libye en 1911, tandis que la Grande Bretagne s’était emparée d’Aden en 1839, d’Oman en 1861, des Émirats Arabes Unis en 1820 et du Koweït en 1899. L’Égypte était entre les mains de Mohamed Ali, un puissant chef ottoman, jusqu’à ce que le pays tombe dans l’escarcelle britannique en 1882. De même manière, le Soudan était tombé sous contrôle britannique en 1899. En plus, les Ottomans avaient perdu de larges bandes de territoires en Europe au profit de la Russie et de l’Empire Austro-Hongrois, aussi bien qu’au profit des nationalistes dans les Balkans. La Roumanie, la Serbie, la Bulgarie, la Grèce, l’Albanie et le Monténégro étaient désormais officiellement indépendants. La Bosnie-Herzégovine était déjà une conquête de l’Empire Austro-Hongrois et la Grande-Bretagne tenait Chypre.

Comme les Ottomans s’engageaient dans la Grande Guerre, les gouvernements français et britannique étaient convaincus que les parties arabes de l’Empire ottoman n’étaient pas prêtes à l’autodétermination. Il n’était pas question pour les deux puissances coloniales de savoir si oui ou non ces régions devaient être sous supervision coloniale, puisque cette conclusion était déjà tirée. L’enjeu se situait surtout au niveau du partage du gâteau entre la France et la Grande-Bretagne. Les accords Sykes-Picot étaient négociés par Mark Sykes, un aristocrate et soldat britannique, et par François Georges-Picot du côté français, un diplomate de carrière qui avait été affecté auparavant à Beyrouth et au Caire. Les deux puissances coloniales avaient des intérêts dans la région, qu’elles souhaitaient protéger et étendre.

Du côté français, le capital financier avait investi à grande échelle à Beyrouth et au Mont-Liban, aux côtés d’un florilège d’institutions religieuses et culturelles francophones. Les compagnies ferroviaires françaises avaient aussi de substantiels intérêts dans les villes syriennes de l’intérieur, aussi bien en Cilicie, région du sud de l’Anatolie – faisant partie actuellement de la Turquie. À une époque où les empires étaient encore fondés sur une force de frappe navale, le ministère français des Affaires étrangères convoitait la bande côtière de la Méditerranée Orientale pour la proximité de la région avec les possessions françaises nord-africaines en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Le gouvernement britannique, pour sa part, était déterminé à disposer de ses propres accès maritimes, aussi bien à la mer Méditerranée via le port de Haïfa en Palestine, qu’au Golfe Persique via le port de Bassora en Irak. Le potentiel de gisements pétroliers récemment découverts a aussi dicté les décisions britanniques en Mésopotamie – représentant grossièrement l’Irak aujourd’hui.

Les termes et conditions des accords Sykes-Picot

Les accords Sykes-Picot serviront à diviser le butin. La Grande-Bretagne s’appropriera un contrôle complet de la zone « mésopotamienne » commençant au nord de Bagdad et s’étendant à travers Bassora en descendant tout le long de la côte est de la Péninsule Arabique. La France s’assurera d’un contrôle complet sur une zone s’étendant tout le long de la côte méditerranéenne depuis Haïfa jusqu’au sud de la Turquie et l’arrière-pays correspondant à une partie de l’Anatolie. La Grande-Bretagne et la France pouvaient faire ce qu’elles voulaient : mettre ces zones sous administration directe via une administration coloniale ou indirecte en installant des dirigeants locaux servant leurs intérêts. De plus, les deux puissances s’accorderont sur leurs zones d’influence respectives, où elles constitueraient des états arabes indépendants, ou une confédération d’états sous leur supervision. Finalement, une zone comprenant grosso modo les territoires actuels d’Israël et de Cisjordanie sera déclarée zone internationale contrôlée conjointement par les deux puissances et la Russie. La Péninsule Arabique, à l’exception de la côte est revendiquée par la Grande-Bretagne, restera sous contrôle arabe. Le texte des accords et de la correspondance franco-britannique en relation montrent clairement que la principale inquiétude des deux états signataires était de se protéger mutuellement contre leurs appétits respectifs. Ainsi, nous pouvons y lire beaucoup de discussions sur les accès aux ports et les tarifs douaniers, mais rien sur les intérêts des populations locales.

Les accords Sykes-Picot ont montré le rôle pernicieux et veule des puissances impérialistes dont les intérêts ont toujours concerné les terres et les ressources, mais jamais les peuples qui y habitaient et y travaillaient. Dans les documents des accords se trouvait une carte traversée de traits rectilignes dessinés avec un crayon à papier. Cette carte contribuera largement à la balkanisation et à la division des peuples arabes, séparés sur des bases religieuses, ethniques, tribales et sectaires.

La réaction des populations locales

En négociant ces accords, les deux pays ignoraient les droits des Arabes dont ils spoliaient les terres ainsi que leurs réactions probables. Convaincus que les Arabes n’étaient pas prêts à se gouverner eux-mêmes, les puissances coloniales semblaient croire que ces populations leur resteraient loyales. Au contraire, l’approche arbitraire des puissances européennes suscitera des réactions nationalistes à travers la région, où des courants de nationalisme arabe se manifestaient depuis quelque temps déjà. Avec l’affaiblissement de l’emprise ottomane sur ces territoires, les nationalistes gagnaient en importance au Caire, à Damas, à Bagdad, et dans beaucoup d’autres grandes villes arabes. Avec l’affaiblissement de l’emprise ottomane sur ces territoires, les nationalistes gagnaient en popularité au Caire, à Damas, Bagdad et d’autres grandes villes arabes. Les Britanniques avaient eux-mêmes contribué à éveiller le nationalisme arabe en l’instrumentalisant contre les Ottomans. Ils avaient fait miroiter devant le Chérif de la Mecque la vision d’un état arabe indépendant et placé sous son pouvoir. Par-dessus tout, les Britanniques ne voulaient pas s’aliéner les populations musulmanes à travers leur empire. Ils voulaient surtout ménager les contingents d’Indiens musulmans au sein de leur armée, assez importants numériquement, alors qu’ils se confrontaient à l’armée ottomane dans les fronts de la Première Guerre mondiale. Les Britanniques recevaient des rapports secrets de leurs services de renseignement sur l’agitation extrême qui parcourait leurs contingents parmi les soldats musulmans indiens à propos de l’effondrement de l’Empire ottoman. Le concept de « Califat » faisait partie du paysage idéologique de ces soldats et il était sérieusement possible que ces derniers se révoltent contre leurs maîtres coloniaux.

Finalement, la publication de la déclaration Balfour par les Britanniques en 1917, véritable aveu de leur soutien à l’établissement d’un état juif en Palestine, encouragera le mouvement sioniste. Inévitablement, cela ne pourra que raviver les flammes du nationalisme arabe. En addition à tout cela, et après la défaite des Ottomans, les nationalistes turcs combattront avec rage sous le commandement de Mustafa Kemal Atatürk contre le démantèlement du noyau turc de l’Empire ottoman et formeront un nouvel état turc fort qui ne fera pas partie des accords Sykes-Picot. En d’autres termes, les acteurs locaux n’avaient pas l’intention de rester passifs en laissant la Grande-Bretagne et la France élaborer comme bon leur semblait un Orient post-ottoman.

Le Chérif de la Mecque

À l’explosion de la Première Guerre mondiale en 1914, l’Empire ottoman faiblissant s’était joint à l’Allemagne et à l’Empire Austro-Hongrois dans une alliance militaire contre la Grande-Bretagne, la France et la Russie tsariste. C’est à ce moment-là que les régimes politiques et les cartes de la région commencèrent à se transformer. Le souverain ottoman déclara la guerre comme un Djihad et a appela tous les musulmans à travers son empire et au-delà pour défendre l’Islam et le Calife. Les Britanniques ne voulaient pas uniquement protéger leurs routes maritimes vers l’Inde, mais aussi garder l’Inde sous leur domination. L’Inde était indubitablement le joyau de leur empire et les Britanniques étaient inquiets de l’agitation qui régnait parmi les soldats musulmans dans leur armée indienne. Les Britanniques ne voulaient pas non plus que les Arabes se rangent derrière l’appel ottoman au djihad contre les Alliés dans la guerre. Cela explique la promesse hypocrite de l’impérialisme britannique à l’Émir de la Mecque, le Chérif Hussein, que l’État arabe s’étendrait de Damas au Yémen, englobant Bagdad et incluant la Mecque et Médine, les villes saintes de l’Islam aux côtés de Jérusalem. Les Arabes, incluant les Palestiniens, jouissaient de la promesse d’une indépendance imminente.

Les accords Sykes-Picot furent conclus dans le secret en partie parce qu’ils représentaient de la part du gouvernement britannique une trahison de ses propres promesses faites au Chérif de la Mecque. Durant la guerre, les Britanniques ont cherchèrent le support du Chérif en soutenant la création d’un état arabe semi-indépendant, et ce dans le but de susciter une rébellion arabe contre les Ottomans. Dans ce qui est connu sous le nom de « Correspondance Mac Mahon – Hussein », les Britanniques posèrent leurs conditions : d’une part, ils voulaient maintenir des droits sur les villes de Bagdad et Bassora, d’autre part ils voulaient se réserver des parties de la Syrie actuelle qui se revendiquaient comme partiellement arabes uniquement. La correspondance entre Mac Mahon et le Chérif Hussein contient dix lettres écrites entre le 14 juillet 1915 et le 30 mars 1916. Dans ces lettres, le Chérif Hussein déclarait qu’il se ralliait aux Britanniques et mènerait la révolte vis-à-vis de l’Empire ottoman contre la promesse britannique de soutenir l’indépendance arabe.

Les leaders nationalistes arabes interprétèrent l’article 22 de la Convention de la Société des Nations comme devant être appliqué aux provinces arabes sous domination ottomane. Les Arabes s’entendirent répéter qu’ils étaient respectés dans le cadre d’une « mission sacrée de civilisation » et que leurs communités seraient reconnues en tant que « nations indépendantes ». On fit croire aux Palestiniens qu’eux aussi étaient inclus dans les accords et les traités quoiqu’il s’avérera que ces traités ne valaient même pas le papier dans lequel ils étaient écrits. Les Arabes se révolteront comme promis contre les Ottomans, mais après la guerre. Les Britanniques assureront que la correspondance ne faisait pas office de traité quoiqu’ait pu dire le Chérif Hussein et sa famille. Dans tous les cas, les promesses faites aux Arabes entreront en conflit direct avec les accords Sykes-Picot.

La déclaration Balfour

En parallèle de leurs négociations avec le Chérif de la Mecque, les Britanniques assumèrent la responsabilité d’établir un « foyer national pour le peuple juif » en Palestine. Il s’agissait d’une promesse de plus qui était incompatible avec les accords Sykes-Picot. Cette déclaration était contenue dans une lettre écrite le 2 novembre 1917 par le ministre des affaires étrangères de l’époque, Arthur Balfour, au baron Walter Rothschild, un ami proche du leader du mouvement sioniste Chaïm Weizmann. Cette déclaration stipulait que le gouvernement britannique regardait « favorablement » l’établissement en Palestine d’un « foyer national pour le peuple juif, et que [la Grande-Bretagne]emploiera tous ses efforts pour faciliter l’accomplissement de cet objectif. »

Les tensions s’accumuleront en Palestine dès 1920 lorsque l’immigration juive s’accélérera, encouragée par la déclaration Balfour. Entre 1919 et 1921, plus de 18500 immigrés juifs s’installeront en Palestine. Des émeutes éclateront à Jérusalem dans la première semaine d’avril 1920, provoquant la mort de cinq Juifs et de quatre Arabes et plus de deux cents blessés. Des violences pires suivront en 1921, lorsque les tribus arabes se seront mêlées à une rixe opposant des communistes juifs et des sionistes dans le port de Jaffa durant le défilé du Premier Mai. Durant ces confrontations, quarante-sept Juifs et quarante-huit Arabes furent tués. Les contradictions créées par la Déclaration Balfour explosaient déjà. En effet, dans sa déclaration d’intention, le rédacteur souhaitait la création d’un foyer national pour les Juifs qui n’affecterait pas les droits et les intérêts de la population indigène non juive.

Une fois que Balfour a envoyé sa lettre à Rothschild, l’idée d’un foyer national juif en Palestine devint très plausible. Théoriquement, la Palestine était dévolue aux sionistes. Cet acte équivalait à sceller le destin de la population palestinienne à une occupation perpétuelle, à la dépossession de ses terres, à la guerre et au chaos. Les Palestiniens dépossédés souffrent encore aujourd’hui de ce crime historique de la politique impérialiste du diviser pour mieux régner. L’année même de la déclaration Balfour, le « mandat » britannique sur la Palestine était formalisé par la Société des Nations dans un article spécifique de ses statuts.

1920 : la conférence de San Remo

La conférence de San Remo fut tenue à la Villa Devachan de cette ville d’Italie. Y participèrent Lloyd George, Millerand, Nitti (Premiers ministres respectifs britannique, français et italien) et Keisiro Matsui, représentant le Japon.

À la suite de l’effondrement de l’Empire ottoman et de prise de la Syrie, de la Palestine et de l’Irak, la Grande-Bretagne abandonnera l’idée de partitionnement de l’Empire ottoman, comme initialement proposé dans les accords Sykes-Picot. La puissance impérialiste se trouvait temporairement en position de force relativement à ses autres partenaires coloniaux européens. Ses diplomates essaieront alors de se retirer à pas feutrés de leurs engagements passés, mais seront forcés de devoir partager les butins de la Grande Guerre à la conférence de San Remo sur la base d’un système de mandats. À bien des égards, cette démarche définira la destinée des provinces arabes occupées pour le siècle à venir.

Les États-nations du Moyen-Orient tels que nous les connaissons aujourd’hui furent dessinés en 1920 à la conférence de San Remo et leurs frontières seront finalisées de manière parcellaire durant la décennie suivante. Les impérialismes britannique et français se partagèrent les régions arabes, selon leurs intérêts stratégiques et financiers. Les répercussions terribles en termes de conflits incessants, de bains de sang confessionnels, et des horreurs du terrorisme qui aujourd’hui affectent les masses de ces régions sont dues à ce partage artificiel et cruel. Ce dépeçage d’une civilisation entière fut mené sans aucun remords.

Les revendications territoriales fluctuantes reflètent les changements survenus durant les quatre années qui suivirent les accords Sykes-Picot. Ainsi en est-il du succès des troupes nationalistes turques revendiquant la majeure partie de la Cilicie. À leur tête, le général Mustapha Kemal dirigea les négociations pour assurer aux armées de ce qui restait de l’Empire ottoman un accord de paix négocié. Ce général sera baptisé plus tard Atatürk, ou « père des Turques », et deviendra le président de la nouvelle république turque.

En Palestine et en Irak, les Britanniques poursuivaient une série d’objectifs différents, mais une de leurs principales motivations était le contrôle de la route maritime la plus courte vers l’Inde en passant par la mer Méditerranée et le Golfe Persique. D’un autre côté, leur intérêt stratégique visait à empêcher la construction de chemins de fer de l’autre côté de la frontière égyptienne dans le territoire actuel d’Israël / territoires palestiniens, chemins de fer qui auraient pu servir à l’acheminement des troupes ottomanes en cas de confrontation militaire.

Après l’armistice, le président américain Woodrow Wilson avait aussi promis aux Arabes ainsi qu’à d’autres nations assujetties par l’Empire ottoman une « sécurité de vie indubitable et une opportunité de développement autonome absolument inaliénable ». Cependant, après que les impérialistes eurent trahi et scellé le sort des peuples arabes lors de la Conférence de Paix de Paris, l’Égypte connut une explosion sociale à partir du 9 mars 1919. Les manifestations se répandirent rapidement dans tout le pays, sous les mêmes slogans de demande d’indépendance. Les manifestants attaquèrent chaque expression du pouvoir colonial britannique dans les villes et les campagnes. Les chemins de fer et les lignes de télégraphe furent sabotés, les administrations locales incendiées, et les grands centres administratifs confrontés à des manifestations immenses. Les Britanniques déployèrent alors les troupes pour restaurer l’ordre, mais les soldats ne sachant contrôler les foules sans appuyer sur la gâchette, le bilan en vies humaines commença à grimper.

Les Égyptiens accusèrent les soldates britanniques d’atrocités telles que l’usage d’armes à feu contre les manifestantes, la mise à feu de villages entiers et même des viols. À la fin du mois de mars, 800 civils égyptiens étaient tombés sous les balles et plus de 1600 blessés. Mais vu qu’une direction révolutionnaire faisait défaut et que, rusés comme ils étaient, les impérialistes britanniques ont dissipé le soulèvement par la politique de la carotte et du bâton, le Premier ministre britannique David Lloyd Georges déclara que l’Égypte était une « question impériale et non internationale ». Le Président Wilson, malgré ses promesses antérieures, reconnut l’Égypte comme étant un « protectorat » britannique. Lloyd Georges avait besoin de l’accord des Français pour protéger les intérêts britanniques en Mésopotamie et en Palestine. Et depuis le tout début de la Grande Guerre, la France avait désigné la Syrie comme le prix de son consentement.

Démembrement du Levant

La Première Guerre mondiale s’est conclue le 11 novembre 1918. À son issue, la répartition des restes de l’Empire ottoman était complète. Dans les territoires récemment acquis, le nouveau pouvoir colonial s’appuyait sur des potentats locaux fantoches rapidement mis en place, selon une stratégie conçue à l’avance. Les mandats français et britannique s’étendaient sur des entités arabes divisées, qui étaient alors converties en nouveaux « états coloniaux » et dont la création n’était pas le résultat de révolutions nationales.

Alors que les Britanniques essayaient de l’emporter sur l’armée ottomane au Levant, les forces arabes menées par Chérif Al Fayçal, le troisième et le plus populaire des fils de Chérif Hussein, avaient pénétré la ville de Damas le 1eroctobre 1918. Généralement, la perception qu’avaient les Arabes de la Syrie à cette époque historique n’était pas celle de l’état syrien de l’époque moderne, mais l’ensemble de la région qui comprend aujourd’hui Israël, les territoires palestiniens, la Syrie, la Jordanie et la majeure partie du Liban et de l’Irak. Les Britanniques installèrent Fayçal comme dirigeant de la Syrie, en reconnaissance de la contribution des révoltes arabes dans la défaite de l’Empire ottoman et des promesses antérieures faites au père de Fayçal. Dès le début, l’ensemble de la Syrie connaissait une révolution. Fayçal voulait une Syrie réellement indépendante qui aurait inclus la Palestine et la Transjordanie, similairement à ce que voulaient les nationalistes syriens qui étaient largement représentés dans le parlement élu en 1919.

En 1920, la France se conforma aux accords de la Conférence de Paris en s’emparant de l’administration de Damas et du territoire y attenant jusqu’au nord, alors que Fayçal et les nationalistes venaient juste de déclarer l’indépendance du “Royaume de Syrie”. Les Français réagirent en envoyant des troupes lourdement armées défaire les forces acquises à Fayçal, et forcer ce dernier à abdiquer pour mettre fin à ce « royaume » qui n’aura duré que quelques mois. Cette défaite cuisante des nationalistes arabes marqua le début du mandat français sur ce qui deviendra plus tard la Syrie (incluant alors le Liban), mandat qui durera plus d’un quart de siècle et se révélera plus mouvementé que prévu.

La partition de la région entre intérêts français et britanniques selon les termes des accords Sykes-Picot constituait une amputation majeure du Levant tel qu’il était à l’époque. La ligne de division passait par le sud de Djebel Druze et le Hawran, laissant tout le territoire au sud de cette ligne aux Britanniques qui y établirent la principauté de Transjordanie. Ainsi, une vaste bande de territoire qui formait auparavant une partie intégrale de la « Syrie » ottomane était détachée du reste par les deux puissances coloniales prédatrices.

Dans le but de renforcer leur contrôle sur la région alors que la dissidence nationaliste menaçait de se transformer en révolte, les Français démembreront la Syrie en créant le Grand Liban pour leurs affidés, les Chrétiens Maronites. Les Français annexeront aussi l’état colonial du Liban, Beyrouth et Tripoli au nord, quelques districts de Tyr et Sidon dans le sud et Baalbek, Bekaa, Rashiya et Hasbaya à l’est. Ces quatre districts faisaient partie intégrale de la Syrie précédant les Maysaloun, ces nationalistes arabes ayant soutenu Fayçal. En septembre 1920, les Français créeront un autre nouvel état dans le nord, celui d’Alep, ainsi qu’un autre état, l’ « État des Alaouites ». Plusieurs mois après, le Djebel Druze était détaché de l’état auquel il avait été adjoint. La liste des créations politiques deviendra complète une fois ajouté le Sandjak d’Alexandrette (qui deviendra plus tard une partie de la Turquie en 1939). La région restante de Syrie après la perte de ses territoires du sud, du nord et de l’ouest ne pouvait plus prétendre au nom d’ « État syrien », et sera rebaptisée sous le nom d’ « État de Damas ».

La division de la Syrie en une multitude de micro-États a contribué à déstabiliser ce pays. La population sunnite s’est généralement opposée à la décentralisation, alors que les autres états voulaient plus d’autonomie que les Français ne voulaient bien en laisser. À ce stade, la Syrie explosa dans des révoltes anti-françaises rassemblant des groupes divers de populations. En réponse à la pression d’une lutte nationale croissante, les Français fusionneront les états d’Alep et de Damas en 1932 sous l’appellation d’ « État de Syrie » qui sera plus tard connu sous le nom de « République de Syrie ». Plus tard, la puissance coloniale y annexera les états de Djebel Druze et l’ « État des Alaouites ». Il faudra à la France deux années supplémentaires et une bonne dose de brutalité pour pacifier le pays, mais elle n’aura pas réussi à l’unifier. Durant la Seconde Guerre mondiale, la France de Vichy perdra le contrôle de la Syrie au profit d’une nouvelle occupation britannique, avec le soutien de la France Libre, créant encore un autre soulèvement nationaliste local. La « Syrie » moderne deviendra formellement indépendante en 1943, même si les troupes françaises y resteront trois années supplémentaires. Sans surprise, étant donné cette histoire, la Syrie demeurera extrêmement instable une fois le mandat terminé.

Irak

Les élites politiques irakiennes virent se dérouler les événements en Égypte et en Syrie avec une inquiétude croissante pour leur propre avenir. Elles s’étaient senties rassurées au début lorsqu’en novembre 1918 les Britanniques et les Français avaient publié une déclaration promettant leur soutien à « l’établissement de gouvernements nationaux et d’administrations » dans les territoires arabes via l’application d’un processus d’autodétermination. Mais les Irakiens se montrèrent de plus en plus méfiants lorsqu’ils ne virent aucun progrès tangible vers la promesse d’un gouvernement autonome alors que les mois défilaient. Les craintes irakiennes seront confirmées en avril 1920 lorsque les grandes puissances réunies à San Remo s’entendirent pour donner littéralement leur pays à la Grande-Bretagne sous la forme d’un « mandat ». À la fin du mois de juin 1920, le pays se souleva contre la domination britannique. Disciplinés et organisés, les insurgés menacèrent les Britanniques à Bassora, Bagdad et Mossoul. Le centre névralgique de la rébellion se trouvait quant à lui dans les mêmes villes de pèlerinage chiite du Moyen-Euphrate qui s’étaient soulevées contre les Ottomans durant la Première Guerre mondiale.

Alors que la mobilisation se répandait, les Britanniques furent forcés d’affecter des troupes additionnelles en Mésopotamie pour supprimer cette résistance déterminée des Irakiens. Les renforts de troupes venant d’Inde s’empressèrent d’appuyer les 60 000 hommes qui auraient dû alors être démobilisés de la campagne mésopotamienne, ce qui élèvera le nombre total de soldats à 100 000 en octobre. En utilisant les bombardements aériens et l’artillerie lourde, les Britanniques reconquirent la région du Moyen-Euphrate, et cette politique de la terre brûlée détruisit la résistance. « Dans les jours récents, il y a eu un bain de sang et la destruction de villes très peuplées, ainsi que la profanation de lieux de culte qui font pleurer l’humanité », écrivait un journaliste de Najaf en octobre 1920. Une fois le soulèvement écrasé dans le sang à la fin du mois d’octobre, les Britanniques déclarèrent la perte de 2 200 hommes de leurs propres troupes et estimèrent le nombre de morts et de blessés irakiens à 8 450.

Les Chérifs ayant mené une révolte arabe contre les Ottomans suivirent les événements en Syrie, en Palestine et en Irak avec un sentiment croissant de trahison. Après avoir aspiré à être le roi des Arabes, le Chérif Hussein était dorénavant confiné au Hedjaz, l’arrière-pays de la Péninsule Arabique, sans même être assuré de la pérennité du peu qu’il avait obtenu. Il finit par perdre aussi le Hedjaz, avec ses villes saintes de la Mecque et de Médine, au profit d’Abdel Aziz Bin Saoud, chef d’une tribu bédouine provenant du Najd, qui était aussi soutenu par les Britanniques. Avec l’appui des fanatiques wahhabites, la famille Al Saoud fonda l’Arabie « Saoudite ». Les Chérifs qui ont cru à la promesse d’un grand royaume arabe dirigé depuis Damas se sont vus attribuer des états parcellaires. L’un d’eux, Fayçal II, dirigea l’Irak, mais il sera tué lors de la révolution que connaîtra le pays en 1958. Une autre branche survit jusqu’à ce jour en Jordanie, un état hâtivement constitué par les Britanniques qui le séparèrent de la Palestine dont il faisait partie.

La Maison des Saoud

Dans la même veine que les accords Sykes-Picot, un autre traité impérialiste fut conclu de manière secrète en décembre 1915. Il s’agissait de l’accord d’amitié entre les Britanniques et la famille Saoud. Ce traité fit de la maison des Saoud un poste avancé de l’Empire britannique. Les Britanniques jouissaient de privilèges commerciaux et contrôlaient la politique étrangère du royaume. Une garantie de protection militaire et de fourniture d’armes par la Grande-Bretagne mit fin à la mainmise temporaire des Ottomans sur la Péninsule Arabique. Entre 1917 et 1926, Abdul Aziz Bin Abdul Rahmane alias Ibn Saoud prit le contrôle de qui s’appelait alors le Najd et le Hedjaz. Il était à la tête de hordes armées wahhabites et bénéficiait de l’appui militaire des Britanniques. Comme le roi Cherif Hussein refusa d’accepter les conditions des Britanniques à la sortie de la guerre, il n’y avait pas de possibilité d’alliance avec le Hedjaz nouvellement conquis par Ibn Saoud.

Le 6 octobre 1924, le roi Hussein abdiqua en faveur de son fils aîné, Ali, et partit en exil. Le règne du roi Ali tournera court fin 1925 lorsque les Saoud achèveront la conquête du Hedjaz. Comme les Ottomans avant eux, les Hachémites tinrent leur dernière citadelle à Médine, finissant par abandonner la ville sainte en décembre 1925

Le 8 juin 1926, Abdoul Aziz Bin Ibn Saoud fut proclamé roi d’Arabie suite à des manœuvres ourdies par des agents britanniques. Le roi Abdoul Aziz était empêtré dans des discussions avec Percy Cox, le représentant britannique, pour la détermination des frontières de la nouvelle entité. Les archives publiques britanniques décrivent un Ibn Saoud hautain, du moins au début de ces négociations. Mais lorsque Cox souligna que sa décision était de créer des frontières entre le Koweït et l’Arabie Saoudite, Ibn Saoud se décomposa et remarqua pathétiquement que « Sir Percy l’avait installé à sa place et l’avait fait surgir de nulle part… et qu’il abandonnerait la moitié sinon son entièreté si Sir Percy le demandait ». Cox sortit une carte et un crayon et traça une ligne à la frontière de l’Arabie. Ibn Saoud fut récompensé pour sa loyauté envers la couronne britannique comme tant d’autres hommes de paille par son anoblissement qu’il reçut de son mentor Percy Cox. Le 23 septembre 1932, le « Royaume d’Arabie Saoudite » remplaça les noms historiques de Najd et Hidjaz. À compter de ce jour, cette monarchie réactionnaire se maintiendra au pouvoir principalement grâce au support de l’impérialisme étasunien. Par ailleurs, c’est ce même régime saoudien qui promouvra la secte fondamentaliste particulièrement retorse du wahhabisme qui par ses actes terroristes assoira l’hégémonie religieuse du royaume sur la région.

La trahison des Britanniques envers leurs alliés et soutiens arabes remontait à des décennies. Les Arabes leur avaient servi de pions dans leur grand jeu contre des puissances coloniales concurrentes, à seule fin de les trahir par la suite, tout en se présentant à eux comme des amis aux mains remplies de cadeaux. Le cas de la Palestine est l’exemple le plus flagrant de cette hypocrisie. La trahison commença avec la première vague de migration sioniste en Palestine en 1882, durant laquelle les pays européens facilitèrent l’établissement de beaucoup de colonies, petites et grandes, ainsi que l’asservissement des peuples de la région par les nouveaux arrivants.

Les Kurdes

Les Kurdes formaient alors une population de plus de 30 millions de personnes. À l’origine, ils constituent le peuple indigène des plaines mésopotamiennes et des hauts plateaux chevauchant ce qui est aujourd’hui le sud-est de la Turquie, le nord-est de la Syrie, le nord de l’Irak, le nord-ouest de l’Iran et le sud-ouest de l’Arménie. Une proportion de 20% environ de la population turque était selon les chiffres de l’époque composée de Kurdes. Pour ce qui est de la Syrie, sa part de population kurde était de 12% tandis que l’Irak quant en comptait 17%.

Les Kurdes sont le quatrième groupe ethnique au Moyen-Orient en nombre, mais ce peuple n’a jamais obtenu d’État-nation permanent à cause de la roublardise des puissances coloniales, uniquement intéressées par la protection de leurs propres intérêts. Ces intérêts touchaient d’abord l’exploitation des premiers gisements d’hydrocarbures nouvellement découverts dans le territoire habité par les Kurdes. Le peuple kurde se bat jusqu’à aujourd’hui pour la création d’un État-nation – généralement appelé « Kurdistan » – depuis la signature des accords Sykes-Picot. De nos jours, il forme une communauté nationale et culturelle distincte dispersée dans toute la région.

À l’issue de la Première Guerre mondiale et la défaite de l’Empire ottoman, les alliés occidentaux victorieux prévirent la création d’un état kurde dans le traité de Sèvres de 1920. Ils mirent de côté un petit territoire adjacent à l’Arménie pour anticiper la possibilité de la création d’un petit état à destination de cette importante minorité. Un référendum était supposé se tenir dans cette région pour savoir si sa population voulait faire partie de ce qui restait de l’état ottoman ou si elle voulait devenir un état kurde indépendant. Les Kurdes vivant dans la Syrie ou l’Irak modernes, alors sous contrôle direct de la Grande-Bretagne et de la France, n’eurent pas leur mot à dire puisque les deux puissances coloniales n’étaient pas prêtes à abandonner les territoires qu’elles occupaient.

L’année même où le traité de Sèvres était signé, les Jeunes Turcs, dirigés par Mustafa Kemal Pacha et auréolés de leur victoire de Gallipoli, refusèrent d’accepter les termes de cet accord. Ils mirent en place un gouvernement rival à Ankara. Ils déclarèrent que les Alliés ne pouvaient pas saucissonner la péninsule anatolienne sans en passer par une guerre contre eux. Les Alliés se figurèrent que Kemal – que la postérité surnommera Atatürk – était en train de bluffer et envoyèrent leurs troupes. La Grèce en particulier mobilisa un grand nombre de soldats à cette fin. Les Turcs combattirent les Grecs et les Alliés pour deux années supplémentaires. Finalement, ils mirent en déroute les Grecs, démantelant ainsi les zones d’influences proposées par le traité de Sèvres. L’Arménie fut absorbée tout entière à la chute du gouvernement ottoman et le référendum pour ou contre la constitution du Kurdistan fut annulé. Les résultats de cette guerre furent formalisés dans le traité de Lausanne datant de 1923, qui imposa les nouvelles frontières.

La France et la Grande-Bretagne ne furent jamais intéressées par l’idée de laisser le Kurdistan se constituer à partir de terres qu’elles contrôlaient déjà. Les Kurdes se rebellèrent même contre les Britanniques durant le mandat dont ces derniers jouissaient dans le nord de l’Irak, mais furent sévèrement réprimés.

Les régimes arabes et la Palestine

Les forces du Général Allenby prirent possession de Jérusalem. Il marcha vers la Porte de Damas comme s’il était en pèlerinage. Tellement de facilité s’explique par le fait que tous les états arabes créés après la Grande Guerre sont la création des colonialismes britannique et français. Ces deux colonialismes sont responsables de la balkanisation de la région. En d’autres termes, ces élites locales n’étaient pas venues au pouvoir suite à une lutte radicale mettant fin au colonialisme, mais bien en se subordonnant au pouvoir colonial et en se compromettant avec lui. Depuis lors, ces états arabes furent incapables de couper le cordon ombilical vis-à-vis des anciennes puissances coloniales et du nouvel impérialisme provenant des États-Unis d’Amérique. Cependant, l’opposition à la colonisation sioniste a toujours existé au sein des populations. Cette opposition se cristallisa immédiatement après la promulgation de la Déclaration Balfour qui légitima le projet de création d’un « foyer national » juif dans les territoires bibliques mythologiques de Judée et Samarie faisant partie de la Palestine de l’époque.

Avec la montée de l’influence sioniste en Palestine, la lutte du nationalisme palestinien s’intensifiera aussi, et plus notablement dans les années 30. L’opposition la plus saillante fut celle du Cheikh Azzédine Al Qassam. Ce dernier était un imam syrien et un meneur dans les luttes locales contre les mandats français et britannique au Levant. Il mena son propre groupe de rebelles contre les forces coloniales françaises dans le Nord syrien entre 1919 et 1920. Mais après avoir été battu, il migrera vers la Palestine et mènera une résistance armée contre les Britanniques et les sionistes.

Il sera finalement tué et cela constituera le déclencheur d’un soulèvement général. Les troubles culminèrent dans les fameux six mois de grève générale de 1936. Après ces événements, les volontaires arabes des pays avoisinants commenceront à rejoindre la lutte des Palestiniens, désespérément à court des nécessités basiques de la guérilla, spécialement en termes d’armes.

Mais tandis que ces volontaires venaient grossir les rangs de la résistance palestinienne, les régimes arabes restaient à la remorque des impérialistes britanniques (et par conséquent, aux intérêts du mouvement sioniste) en aidant à paralyser les luttes du peuple palestinien et des peuples arabes dont chacun était à la tête. Pour le compte de la Grande-Bretagne, les régimes égyptien, irakien, saoudien et transjordanien firent de leur mieux pour convaincre les nationalistes palestiniens à annuler la grève générale. Un des relais principaux de cette pression diplomatique était Hadj Amine Al Houssaïni, le leader traditionaliste palestinien qui faisait partie d’une des plus grandes familles de propriétaires terriens du pays. Al Houssaïni considérait que l’émancipation de la Palestine pouvait être obtenue à travers un accord avec la Grande-Bretagne tout en restant dans le cadre politique, intellectuel et idéologique des régimes arabes.

Le Premier ministre britannique Winston Churchill, avec sa fourberie colonialiste coutumière, manœuvra auprès des Égyptiens pour faire créer la Ligue des États arabes en 1944. Ce faisant, il institutionnalisa les frontières régionales divisant les peuples arabes entre eux et exclut toute idée d’unification ultérieure sous un même drapeau. La Ligue fut conçue et mise en place comme une alliance politique entre des pays qui, malgré leurs affinités culturelles et historiques, étaient strictement séparés en « états-nations ». En rejoignant cette organisation, les régimes arabes renoncèrent de fait à l’objectif final de réunifier cette région balkanisée.

La proclamation de l’État juif en 1948 fit l’effet d’une douche froide pour les régimes arabes, touchés dans leur prestige. Pour sauver la face, certains firent mine de déclarer la guerre à Israël, mais leur engagement militaire était en réalité une pure mascarade. La description qui en est faite par les sionistes de « masses armées » provenant des états arabes envahissant la patrie juive qui venait de naître est largement mythifiée. Les deux armées arabes principales en Palestine provenaient respectivement de Transjordanie et d’Égypte. L’armée égyptienne était commandée par des officiers britanniques, menés par le Brigadier Sir John Bagot Glubb et le résultat de la guerre sur cette partie du front était en grande partie fixé à l’avance suite à des négociations secrètes entre l’émir jordanien Abdallah et les chefs sionistes, dont Moshe Dayan, Golda Meir et d’autres. Cette armée était mal entraînée et pauvrement équipée. En effet, la manière scandaleuse avec laquelle elle combattit durant cette guerre discrédita le régime dont elle dépendait et fut la cause directe de sa chute en 1952. Ces deux « armées » arabes, loin de collaborer l’une avec l’autre, se délectaient réciproquement de leurs défaites respectives. Le rôle de la Syrie était très limité. Les forces irakiennes, quant à elles, avaient commencé par pénétrer sur deux secteurs du front dans le territoire palestinien avant d’en être rapidement retirées.

Durant la période post-1948, ces régimes arabes empêcheront les forces militantes palestiniennes de participer activement à la lutte contre l’état israélien sioniste et celles-ci seront réduites au simple rôle de spectatrices de cette calamité. Plus grave encore, ces régimes arabes réactionnaires poursuivront une politique d’hégémonie culturelle sur l’identité palestinienne et essaieront même de l’effacer. Les gouvernements arabes s’engagèrent rapidement dans les négociations d’armistice avec Israël. En apparence, ils le faisaient pour le compte des intérêts palestiniens, mais en réalité ils se contentèrent de se partager les restes de la Palestine, en accord avec un arrangement non écrit conclu avec la Grande-Bretagne après 1937. Ainsi, la Transjordanie absorba la rive gauche du Jourdain et se rebaptisa en toute logique « Jordanie ». L’Égypte s’appropria le Sinaï ainsi que la Bande de Gaza et la Syrie garda une petite poche de terre autour d’Al Hamah. Durant les deux années suivantes, le soi-disant Gouvernement Général de Palestine, situé à Gaza, sera éliminé et la Bande de Gaza se retrouvera sous administration militaire égyptienne, alors qu’il aurait été possible de faire de Gaza l’embryon d’un futur état palestinien. À aucun moment durant cette occupation et jusqu’à la guerre de 1967, l’Égypte ne lèvera le petit doigt pour le développement économique ou politique de Gaza, laissant ce bout de territoire exigu à l’état de plaie empoisonnée, comme le fait Israël actuellement.

Les accords Sykes-Picot : un siècle plus tard

Des décennies après la formation de l’État d’Israël et un siècle après les accords Sykes-Picot, le peuple palestinien est toujours asservi et malheureux sur ses propres terres. Une répression féroce lui est infligée par un état sioniste toujours aussi brutal et avec le soutien des États-Unis et des impérialismes européens. Ses propres élites lui ont fait défaut. Les maux dont il souffre ont empiré depuis cette date historique de la déclaration Balfour et il n’y a pas d’issue en vue à l’intérieur du système socio-économique actuel. L’expérience du siècle précédent a montré que ce n’est que sur la base d’une unité de classe que le joug de l’état sioniste et de ses soutiens occidentaux peut être définitivement brisé.

Jusqu’à présent, le conflit israélo-arabe a fait du Moyen-Orient une zone perpétuelle de conflits armés, et en cela il constitue l’héritage le plus prégnant des partages de territoires clôturant la Grande Guerre. Quatre guerres majeures éclatèrent entre Israël et ses voisins arabes, en 1948, 1956, 1967 et 1973. Ces guerres marquèrent le Moyen-Orient avec nombre de problèmes encore aujourd’hui sans solution malgré les traités de paix entre Israël et l’Égypte en 1979 et entre Israël et la Jordanie en 1994. Les réfugiés palestiniens restent dispersés entre le Liban, la Syrie et la Jordanie. Israël occupe toujours les Plateaux du Golan anciennement syriens, ainsi que les Fermes de Chebaa, revendiquées par le Liban. Par ailleurs, l’état sioniste tient à garder le contrôle des territoires palestiniens de Gaza et de Cisjordanie. Il est vrai qu’Israël et chacun de ses voisins arabes partagent la responsabilité première de leurs actions, mais il n’en reste pas moins que leur conflit trouve sa racine dans les contradictions de la déclaration Balfour. La légitimité des frontières traversant le Moyen-Orient fut remise en cause dès leur conception. Un siècle après, ces frontières restent controversées, et volatiles.

Les états créés par l’impérialisme via les accords Sykes-Picot sont en train de s’effondrer et les sociétés connaissent des déchirements provoquant un bain de sang parmi les gens ordinaires. L’Irak, le Yémen et la Lybie se sont écroulés et suivent un processus catastrophique et sanglant de décomposition. L’état syrien oppresseur est menacé par les agents fondamentalistes de toutes tendances sectaires confondues, soutenus par les monarchies arabes. Parmi ces groupes, nous trouvons des mafias impérialistes et des milices voulant appliquer la charia et qui sont des monstres de fanatisme et de cruauté. Les massacres de masse et le chaos généralisé ont dévasté ce qui fut autrefois une société syrienne relativement prospère et égalitaire. En dernier ressort, ces crimes sont imputables aux accords Sykes-Picot et à d’autres politiques impérialistes similaires. Les hommes de paille locaux qui servent les intérêts des impérialistes sont outrageusement riches, étalent leurs fortunes de façon obscène et tyrannisent leurs opposants avec la brutalité que nous leur connaissons.

L’esprit des accords Sykes-Picot, dominé par les intérêts et les ambitions sans pitié des deux principales puissances coloniales concurrentes, a prévalu durant ce processus et à travers les décennies qui ont suivi. Les conséquences ont été visibles durant la crise de Suez et bien au-delà. En tant que concept de partage colonial caché aux yeux de l’opinion, les accords Sykes-Picot sont devenus pour la région concernée le marqueur de ce que sont capables des puissances étrangères pour imposer leur volonté, dessiner des frontières et installer au pouvoir des élites locales vassalisées, divisant les «autochtones » pour mieux régner.

Le terme même de “Sykes-Picot” est devenu par la suite une expression générique désignant la duplicité impérialiste. Un historien arabe, George Antonius, qualifiant ces accords de « document choquant », en fait le produit « d’un mélange de cupidité et de méfiance menant à la stupidité ». Cet accord est, en réalité, la réalisation vouée à l’échec d’une des trois promesses séparées et irréconciliables que fit la Grande-Bretagne en période de guerre respectivement aux Français, aux Arabes et aux Juifs. Les contradictions qui ont en résulté causent depuis lors le chaos et la série de crises que continuent à vivre les victimes de la politique d’Israël.

Malgré le scandale que la révélation du texte suscita, les Britanniques et les Français ne se découragèrent pas et signèrent un autre accord secret en 1956, soit cinq années après la mort de Georges Picot. Cet accord, dont Israël faisait aussi partie des signataires, mit en mouvement un complot pour mettre fin au contrôle du Canal de Suez par le président égyptien Gamal Abdel Nasser. Les Britanniques, les Français et les Israéliens avaient l’avantage sur le plan militaire, mais furent forcés de se retirer sous la pression des Américains et des Soviétiques. Le protocole secret sera révélé par la suite, et le Premier ministre britannique Antony Eden forcé de démissionner.

Comme conséquence de la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle période de révoltes de masse s’ouvrit dans la majeure partie du monde colonial. Dans le Moyen-Orient, il y eut de nombreux soulèvements et des coups d’état révolutionnaires dans de multiples pays semi-capitalistes, semi-féodaux et sous la coupe de l’hégémonie impérialiste. Les impérialistes étasuniens qui assumèrent alors le rôle de gendarme mondial se servirent déjà du fondamentalisme islamique comme force contre-révolutionnaire pour contrecarrer et subvertir ces régimes progressistes. Des années 50 jusqu’aux années 80, le fondamentalisme islamique fut utilisé dans des pays allant de l’Égypte jusqu’en Indonésie, en passant par la Syrie et le Pakistan. Au Pakistan, le gouvernement de Zulfikar Ali Bhutto fut renversé par l’ultra réactionnaire Zia Ul Haq, avec la complicité de l’impérialisme étasunien. Le règne de Zia durera onze ans et sous sa férule islamiste les masses vivront un cauchemar. La société s’en trouvera mutilée de manière irréversible. À peine Bhutto passé par la potence, la dictature féroce de Zia déchaînera une tyrannie sanglante sur la classe ouvrière et la jeunesse au nom de l’islamisation. Les dirigeants politiques et sécuritaires des États-Unis se rendront complices de ces exactions.

La contre-révolution pour destituer le gouvernement de gauche en Afghanistan fut déclenchée en 1978 sous la supervision de la CIA, du MI6 et du Pentagone. Les états du Golfe fournirent de gigantesques sommes d’argent, tandis que les services secrets pakistanais du despote Zia, le Inter-Services Intelligence (ISI), se mettaient en contact sur le terrain avec les réseaux terroristes islamistes coordonnés par Oussama Ben Laden et d’autres. Dans les années 80, l’administration Reagan fournit deux milliards de dollars aux moudjahidines afghans, et que compléta l’Arabie Saoudite avec 2 milliards de dollars supplémentaires. Selon le Washington Post, l’USAID [NDLT : l’agence étasunienne de coopération internationale] « investissait des millions de dollars pour fournir les écoliers avec des manuels remplis d’images violentes et des enseignements militants à caractère islamiste. Des textes théologiques justifiant le djihad violent étaient combinés avec des dessins de pistolets, de balles, de soldats et de mines. Les manuels promettaient même le paradis aux enfants qui crèveraient les yeux de l’ennemi soviétique et lui couperaient les jambes ».

Aujourd’hui, le Royaume-Uni et les États-Unis essaient, avec quelques pays alliés, de contenir Daesh en Irak et en Syrie. Dans le même temps, ils essaient désespérément de faire chuter le régime du président syrien Bachar Al Assad. Il s’agit d’un processus compliqué, impliquant un mélange de diplomatie publique et secrète, tout autant que des opérations militaires connues du grand public ou exécutées de manière plus confidentielle. Toutefois, ces efforts furent mis à mal par l’intervention de la Russie, qui soutient avec détermination le régime d’Assad en attaquant les groupes rebelles alliés aux États-Unis et au Royaume-Uni. Des commentateurs intellectuellement paresseux se complaisent à expliquer les guerres survenant dans la région via le prisme trompeur des « haines ancestrales », à savoir des différends ethniques et religieux qui remonteraient à des siècles. Or comme le montre l’effet perturbateur de l’intervention russe dans les efforts anglo-américains, ce conflit géopolitique des plus tenaces localement tient plus du partage impérialiste qui a été fait de la région un siècle plus tôt.

Le mouvement des “Printemps arabes” de 2011 traversa sans peine les frontières artificiellement dessinées et se répandit dans toute la région. Cette séquence est la preuve indubitable que dans l’ensemble de la région n’existe pas de solution possible sur des bases nationales. Par-dessus tout, cette série de soulèvements survenus des rives de la Méditerranée jusqu’aux rivages du Golfe Persique fut une occasion exceptionnelle de constater l’unité de classe dans la région. L’exemple le plus pertinent qui s’est distingué durant cette époque fut cet épisode de manifestations de masse des jeunesses arabes et israéliennes et des travailleurs dans différentes villes et pays dont les sociétés s’étaient mobilisées pour la même cause d’émancipation socio-économique.

Cependant, une telle résurgence de la jeunesse et des travailleurs demandera de manière urgente une politique de lutte de classes. Cette politique devra être munie d’une perspective de mobilisations de masse et d’insurrections révolutionnaires. Il faut en effet mettre à bas ces états réactionnaires pourris et le système capitaliste qu’ils ont été créés pour protéger, au coût de souffrances terribles pour la classe ouvrière.

Un mouvement révolutionnaire victorieux est pour le salariat et les gens ordinaires de la région la seule porte de sortie possible de ce marasme ambiant que représentent les deux faces d’une même médaille, à savoir l’impérialisme et le fondamentalisme religieux. Une victoire révolutionnaire dans n’importe quelle partie cruciale de la région devrait donner libre cours à une tempête révolutionnaire à travers la région. Sa victoire finale devrait aller de l’avant et engendrer la création d’une fédération socialiste du Moyen-Orient.

Tanvir Gondal, Lahore, Pakistan, 2016.


Fraternellement,
GdM
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Gayraud de Mazars
 
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 24 Mars 2020, 19:09

Salut camarades,

Parce qu'il ne faut pas oublier que malgré le COVID19, des travailleurs luttent contre la casse sociale savamment orchestrée par les capitalistes...

Grand-Couronne (Seine-Maritime) : non à la fermeture de la papèterie Chapelle Darblay !
24 mars 2020, sur le site de La Riposte
Par Julien CANEL, PCF Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime)

https://www.lariposte.org/2020/03/grand ... e-darblay/

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La lutte des salariés de la Chapelle Darblay est exemplaire à plusieurs titres. Cette papèterie sise à Grand-Couronnes est implantée dans la région depuis des décennies. Le savoir-faire qui s’y est accumulé ainsi que la technologie de pointe qui y est utilisée sont trop précieux pour être ainsi dilapidés pour satisfaire les appétits d’une direction aux méthodes cyniques. La reprise par l’État sans indemnisation des gros actionnaires reste à ce jour la seule solution viable.

Un fleuron industriel historique et à la pointe du progrès

Début septembre 2019, on apprenait la mise en vente par le géant du papier finlandais UPM de la Chapelle Darblay, papeterie de Grand Couronne. Cette usine historique dans le paysage industriel de la région rouennaise, avec 90 ans d’existence, qui compte 218 salariés actuellement (après de nombreux plans de licenciements, dont le dernier en 2015 suite à l’arrêt de la machine 3) et qui fait des bénéfices à hauteur de 17 millions d’euros par an, est pourtant menacé de fermeture faute de repreneur.

Lors d’une journée portes ouvertes de l’usine qui est la seule à fabriquer du papier recyclé en France, nous avons pu constater qu’elle était dotée d’un appareil de production de pointe, et d’un grand savoir faire des salariés qui y travaillent.

La Chapelle Darblay est spécialisée dans la fabrication de papier journal (24 0000 tonnes/an), à partir de papier recyclé (350000 tonnes/an de vieux papiers), pour fournir les imprimeries de la région qui représente 20 % de la production mais aussi pour l’exportation en Europe et dans le reste du monde, respectivement 30 % et 50 % .

Actuellement il ne reste que la machine 6 qui tourne pour la fabrication du papier.

Une direction à la manœuvre aux pratiques cyniques

Sa fermeture serait une aubaine pour pouvoir augmenter les prix du papier en créant une raréfaction de la production de papier dans le monde. Car UPM n’a pas que cette fermeture d’entreprise dans le viseur.

La direction d’UPM bloque toute tentative pour trouver un repreneur. D’ailleurs, la CGT ( sous couvert du syndicat du livre et du papier FILPAC CGT) a récemment écrit au préfet pour dénoncer cette attitude…

Nous sommes dans la même configuration que lors de la fermeture de la raffinerie de Pétroplus, anciennement limitrophe de la papeterie qui était viable économiquement et dont les produits étaient écoulés sur le marché français.

En France, il y a un besoin de produits manufacturés ou transformés pour l’utilisation collective, mais les capitalistes qui possèdent les moyens de production, préfèrent délocaliser pour profiter de normes environnementales moins contraignantes ou inexistantes ; et dans le cas de la papeterie il y a en plus l’enjeu de faire augmenter les prix du marché du papier en diminuant la production de ce dernier.

Chaque fois que l’on ferme une unité de production utile aux besoins des habitants en France, pour la délocaliser, et pour des raisons de profits maximums, la consommation française devient forcément dépendante des importations et contribue à la dégradation de l’empreinte carbone du produit manufacturé. C’est le résultat de la division du travail dans le monde avec des pays producteurs aux coûts de main d’œuvre et aux normes environnementales réduites.

Et au moment de la crise sanitaire mondiale liée à l’épidémie de Covid-19 , nous commençons à voir les conséquences de cette division qui provoque une rupture dans l’approvisionnement en marchandises intermédiaires (c’est-à-dire utilisées pour en fabriquer d’autres). En effet, celle-ci sont fabriquées en moyenne pour chaque marchandise produite dans le monde à 20 % par la Chine.

Qu’en sera-t-il du papier demain ?

En cas de fermeture, il y aura un impact social important dans la région de Rouen , puisqu’en plus des 218 salariés qui perdraient leur emploi, ce sont 200 entreprises extérieures qui interviennent sur le site qui seront impactées.

De plus, les collectivités territoriales auront des problèmes pour écouler les stocks de papiers issus du recyclage dont l’usine absorbe l’équivalent du geste de tri de 20 millions d’habitants, et cela aura un coût supplémentaire qui sera supporté par la population puisqu’il faudra les brûler ou les enfouir.

Une seule solution : la nationalisation !

Les salariés ont des propositions pour augmenter la valorisation écologique de ce site industriel en y créant une filière d’excellence en matière de recyclage, un éco pôle. Sachant que l’usine possède déjà sa station d’épuration qui peut subvenir aux besoins de l’ensemble de l’agglomération rouennaise comptant 500 000 habitants ainsi qu’une chaudière biomasse qui pourrait chauffer l’équivalent d’une ville de 20 000 habitants.

La fermeture de la Chapelle Darblay serait donc un désastre pour l’avenir sur le plan économique, social et environnemental.

Nous faisons face à des défis environnementaux. Les propositions des salariés de la Chapelle répondent à ces défis quand « dans le même temps » le Gouvernement qui prétend en faire une question fondamentale laisse les capitalistes détruire cette initiative. C’est la preuve que le capitalisme est incapable de répondre aux besoins réels et aux grandes problématiques que l’humanité rencontre.

Il ne reste que quelques semaines avant la date programmée de sa fermeture. Étant donné la crise économique mondiale accentuée par la crise sanitaire, il n’y pas d’autre choix que de nationaliser la Chapelle, sous le contrôle démocratique des travailleurs. Ces derniers ont démontré qu’ils ont fait preuve de clairvoyance et sont en mesure de gérer l’outil productif plus que quiconque.


Fraternellement,
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Gayraud de Mazars
 
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 24 Mars 2020, 19:26

Salut camarades,

Crise du Covid-19 : le capitalisme mis à nu
Le mardi 24 mars 2020 sur le site de La Riposte
Par Greg Oxley, PCF Paris 10e arrdt

https://www.lariposte.org/2020/03/crise ... -mis-a-nu/

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Effet des politiques d’austérité dont souffre l’hôpital public depuis des décennies, la crise du Covid-19 porte en elle les germes d’une possible révolte contre le système capitaliste.

La pandémie du coronavirus Covid-19 menace de tuer plusieurs millions de personnes à l’échelle mondiale. Les répercussions sociales, économiques et politiques de cette pandémie seront extrêmement graves. Même aux États-Unis – première puissance mondiale – la contraction de l’économie est d’ores et déjà très nette. Selon le secrétaire de la Trésorerie [Ministre des Finances] des États-Unis, le taux de chômage pourrait s’élever à 20% si le virus n’est pas rapidement vaincu, alors que l’année 2019 avait vu ce taux arriver au plancher historiquement bas de 3,5%. Le Royaume-Uni, sous les effets conjugués de la crise sanitaire et de sa sortie de l’Union Européenne, sera plongé dans une récession économique aux répercussions sociales incalculables. L’Italie était déjà en récession, et l’Allemagne en frôlait une, avant la crise sanitaire. Si une récession mondiale devait s’installer – et ceci nous paraît être la perspective la plus probable, désormais – aucun continent, aucun pays, n’y échappera, indépendamment de sa situation économique à la veille de la pandémie. La crise dans chaque partie du monde se fera sentir dans les autres.

L’Europe est devenue l’épicentre de la pandémie. En France, alors que le nombre de personnes contaminées – et recensées comme telles – double tous les deux ou trois jours, l’ampleur véritable de la diffusion du virus est nécessairement plus importante encore. Les mesures de confinement décidées par le Gouvernement – prises tardivement et en incohérence flagrante avec le maintien du premier tour des élections municipales – visent à ralentir sa progression. Le volet économique et social des annonces prévoit plusieurs mesures pour soulager les pertes attendues des revenus des capitalistes et du « petit » patronat, mais pour les travailleurs, pour les chômeurs, pour les mal-logés et sans domicile, pour les millions de personnes qui sont pauvres ou à peine au-dessus du seuil de pauvreté, Macron et son gouvernement ne proposent pratiquement rien.

Habile menteur, Macron a assuré que personne ne sera laissé sans ressources. Ce n’était pas vrai avant la pandémie, ce ne sera certainement pas vrai ni pendant, ni après. Ce qui se passe actuellement aura un impact brutal sur les conditions de vie de l’immense majorité de la population, composée typiquement des gens « qui ne sont rien », selon la terminologie propre de ce président des riches. Lorsque les valeurs boursières sont minées, les capitalistes transfèrent leurs investissements vers des placements plus sûrs. Le profit avant tout, et peu importe les conséquences qui frappent ceux qui vivent de leur travail. Les emplois des travailleurs en CDD ou sans contrat, les intérimaires, les salariés d’entreprises de sous-traitance, les « auto-entrepreneurs », seront rapidement et massivement supprimés. Un grand nombre d’emplois en CDI seront également détruits. Quelles « aides » sont proposées par Macron pour les très nombreuses victimes de cette purge ? Aucune, jusqu’à présent.

Le coronavirus Covid-19 est un fléau, certes. Mais la force de son impact dans le domaine de la santé publique et dans le domaine social et économique est fonction de l’ordre social et du comportement des gouvernements sous lesquels nous vivons. La politique de Macron ne se distingue pas notoirement de celle de ses prédécesseurs, y compris ceux de la « gauche ». Il poursuit les mêmes objectifs réactionnaires. Tous ces gouvernements se sont efforcés d’imposer la régression sociale et de démanteler les conquêtes sociales du mouvement ouvrier. La généralisation de l’emploi précaire, augmentant la vulnérabilité des travailleurs concernés, a été une priorité dans les revendications du patronat et donc dans la politique des gouvernements. Depuis des décennies maintenant, on cherche à remplacer des emplois stables par des emplois « flexibles », précisément pour permettre aux employeurs de s’en débarrasser facilement et, si nécessaire, en masse, comme ils le font actuellement.

Il y a eu également des attaques incessantes contre les services publics et ceux qui y travaillent. Depuis longtemps, les hôpitaux publics et les personnels soignants ont été en ligne de mire des gouvernements, celui de Macron compris. Selon la Direction des Études et des Statistiques du Ministère de la Santé, sur les 3036 établissements de soins recensés, 17 500 lits, dont 13 631 dans les établissements publics, ont été fermés entre 2013 et 2019. Ces suppressions ont été au cœur des conflits dans le secteur de la santé depuis des années. Pendant la grève dans les services d’urgences de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Christophe Prudhomme, délégué CGT, a dénoncé la suppression de 100 000 lits hospitaliers en 20 ans, reflet d’un manque global de moyens, responsable d’un nombre élevé quoique difficile à estimer de décès qui auraient pu être évités. Il arrive aussi que des lits existants doivent être « fermés », faute de personnel. Au niveau national, cela concernait plusieurs milliers de lits.

Ainsi, bien avant la crise du coronavirus Covid-19, le personnel soignant était déjà parfois obligé, par la force des circonstances, à « faire des choix » – des choix de vie ou de mort, en substance – face à la pénurie de moyens matériels et d’effectifs. Il était déjà impossible de prendre tous les patients en charge correctement au prix d’une pression managériale sur le personnel à les rendre eux-mêmes malades. Le cas relativement bien médiatisé de la patiente décédée à l’hôpital Lariboisière de Paris, en décembre 2018, après avoir attendu des soins pendant douze heures sur un brancard, est à mettre à côté d’autres drames du même ordre qui ne sont pas portés à la connaissance du public. On connaît aussi les conditions d’accueil souvent scandaleuses dans les EHPAD. Tous les plaidoyers, les protestations, les pétitions, les revendications émanant du milieu hospitalier, toutes les alertes sonnées par les syndicats, ont été ignorés, méprisés. Or, aujourd’hui, ce sont ces mêmes hôpitaux, ravagés par des années d’austérité, qui sont censés faire face à la pandémie du coronavirus Covid-19 ! Osez donc nous parler désormais de budgets de santé « exorbitants » et de lits « excédentaires », vous qui, par votre servilité aux intérêts capitalistes, par votre indifférence aux besoins de la population, avez tout fait pour casser l’hôpital public !

À l’échelle mondiale et en Europe, le déferlement du coronavirus Covid-19 s’épuisera un jour. Mais à quel prix pour la santé publique ? En France, la crise sanitaire et sociale actuelle survient au lendemain d’une longue période d’agitation sociale. Le mouvement des Gilets Jaunes et les grèves massives contre la réforme des retraites témoignent de l’exaspération populaire croissante face à la régression sociale. La succession des mouvements de grève et manifestations sous le mandat de Macron a été d’une ampleur inconnue en France depuis 1968. Le coronavirus Covid-19 exacerbe et rend plus évident la nature de classe de la société. Les uns sont « confinés » dans des villas luxueuses, d’autres dans quelques mètres carrés, trop souvent insalubres. D’où l’insistance hypocrite de Macron sur « l’union nationale ». Lui et les autres stratèges du capitalisme doivent être très inquiets. Et s’ils ne le sont pas, ils devraient l’être. Le climat social change. Les idées se radicalisent. Après le passage de la vague du coronavirus Covid-19, ou peut-être même avant, viendra le temps des bilans. La résistance à l’austérité sera renforcée. La remise en cause des « élites » – c’est-à-dire de la classe dirigeante – gagnera du terrain, et nous mettra sur le chemin de la grande transformation révolutionnaire de la société française sans laquelle il ne sera pas possible d’abolir les inégalités flagrantes, l’injustice et l’exploitation que nous inflige le capitalisme.


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