fil "interventions de La Riposte"

Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Byrrh » 03 Mars 2021, 23:24

ianovka a écrit :
Partir avec un candidat communiste permettrait de mieux maîtriser la teneur de la campagne, faire clairement comprendre notre politique révolutionnaire, de se démarquer clairement de la gauche réformiste, d’exploiter la campagne pour de l’agitation révolutionnaire.


Sérieusement ? :roll:

:lol: :lol: :lol:
Byrrh
 
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 04 Mars 2021, 06:44

Salut camarades,

La deuxième partie de notre série sur la révolution allemande.

La révolution allemande, 1917-1919. – 2. L’épreuve de la guerre
3 mars 2021, par La Riposte

https://www.lariposte.org/2021/03/la-re ... la-guerre/

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« Pour notre peuple et pour son avenir beaucoup, pour ne pas dire tout, serait en jeu dans le cas d’une victoire du despotisme russe. Notre tâche est de repousser ce danger, de sauvegarder la civilisation et l’indépendance de notre propre pays… Nous n’abandonnons pas la patrie en ce moment de danger. » Par cette déclaration, la direction du Parti Social-Démocrate et son groupe parlementaire affirment leur soutien à la guerre impérialiste, déclenchée le 4 août 1914. Le jour même, Hugo Haase, co-président du parti, annonce au Reichstag que son parti votera les crédits de guerre. Hugo Haase, personnellement, comme 13 des 92 députés du parti, n’est pas favorable à cette décision. Mais par discipline collective, tous, y compris Karl Liebknecht, votent dans le même sens. Dix jours auparavant, le parti avait organisé des centaines de rassemblements en opposition à la guerre, dont 27 à Berlin. Dans le texte du parti publié à l’occasion, on lit : « Le prolétariat conscient soulève une protestation enflammée contre les machinations des fauteurs de guerre. Pas une seule goutte du sang des soldats allemands ne doit être sacrifiée à la soif du pouvoir de la clique dirigeante autrichienne et aux profiteurs impérialistes. »

Dans la rue, des foules hystériques, saisies de ferveur patriotique, traquent « espions » et « internationalistes ». À l’annonce de la guerre, les organisations syndicales ont déclaré une trêve sociale. Il n’était pas question d’organiser des grèves qui pourraient compromettre la conduite de la guerre. Face à la vague patriotique, les militants baissaient la tête. Pour beaucoup, ils n’avaient guère de choix. Les arguments justifiant la volte-face des chefs pesaient de leurs poids. Si le groupe parlementaire avait refusé les crédits de guerre, il risquait la dissolution du parti et des syndicats, l’interdiction des journaux, la loi martiale à l’encontre de tous les chefs et des députés. Que resterait-il, dans ce cas, de la social-démocratie ? Pendant de longs mois, les quelques voix oppositionnelles dans le parti – celles de Rosa Luxemburg, de Karl Liebknecht, de Clara Zetkin, de Franz Mehring et une poignée d’autres – ne trouvent aucun écho. Lorsque Rosa Luxemburg envoie 300 télégrammes aux responsables sociaux-démocrates réputés être en opposition à la guerre, leur demandant de préciser leur attitude envers les crédits de guerre et les invitant à Berlin pour une réunion d’urgence, seule Clara Zetkin lui répond favorablement.

La première annonce publique d’une opposition à la guerre au sein du Parti Social-Démocrate prend la forme d’un petit paragraphe publié dans un journal suisse, en septembre. Il affirme seulement que cette opposition existe, mais ne peut pas s’exprimer publiquement en raison de la loi martiale. Au début de la guerre, Karl Liebknecht avait accepté de respecter la discipline collective du groupe parlementaire, mais pensait pouvoir défendre ses idées dans le parti. Il se rend rapidement compte de son erreur. La direction s’efforce d’étouffer toute opposition interne. Les éditeurs des journaux sociaux-démocrates publiant des opinions antimilitaristes ou même qui reconnaissent l’existence de telles opinions dans le parti sont immédiatement relevés de leurs fonctions.

Le 2 décembre 1914, Karl Liebknecht vote contre les crédits de guerre. Il prononce un discours aussi courageux que virulent contre le carnage impérialiste soutenu par les chefs du parti : « Cette guerre, qu’aucun des peuples intéressés n’a voulue, n’a pas éclaté en vue du bien-être du peuple allemand ou de tout autre peuple. Il s’agit d’une guerre impérialiste, d’une guerre pour la domination capitaliste du marché mondial et pour la domination politique de pays importants où pourrait s’installer le capital industriel et bancaire. Au point de vue de la surenchère des armements, c’est une guerre préventive provoquée solidairement par le parti de guerre allemand et autrichien dans l’obscurité du demi-absolutisme et de la diplomatie secrète. C’est aussi une entreprise de type bonapartiste tendant à démoraliser, à détruire le mouvement ouvrier grandissant. C’est ce qu’ont démontré, avec une clarté sans cesse accrue et malgré une cynique mise en scène destinée à égarer les esprits, les événements des derniers mois. Le mot d’ordre allemand « contre le tsarisme » tout comme le mot d’ordre anglais et français « contre le militarisme », a servi de moyen pour mettre en mouvement les instincts les plus nobles, les traditions et les espérances révolutionnaires du peuple au profit de la haine contre les peuples. Complice du tsarisme, l’Allemagne, jusqu’à présent pays modèle de la réaction politique, n’a aucune qualité pour jouer le rôle de libératrice des peuples. La libération du peuple russe comme du peuple allemand doit être l’œuvre de ces peuples eux-mêmes. Cette guerre n’est pas une guerre défensive pour l’Allemagne. Son caractère historique et la succession des événements nous interdisent de nous fier à un gouvernement capitaliste quand il déclare que c’est pour la défense de la Patrie qu’il demande les crédits.

Une paix rapide et qui n’humilie personne, une paix sans conquêtes, voilà ce qu’il faut exiger. Tous les efforts dirigés dans ce sens doivent être bien accueillis. Seule, l’affirmation continue et simultanée de cette volonté, dans tous les pays belligérants, pourra arrêter le sanglant massacre avant l’épuisement complet de tous les peuples intéressés. Seule, une paix basée sur la solidarité internationale de la classe ouvrière et sur la liberté de tous les peuples peut être une paix durable. C’est dans ce sens que les prolétariats de tous les pays doivent fournir, même au cours de cette guerre, un effort socialiste pour la paix.

Je consens aux crédits en tant qu’ils sont demandés pour les travaux capables de soulager la misère existante, bien que je les trouve notoirement insuffisants. J’approuve également tout ce qui est fait en faveur du sort si rude de nos frères sur les champs de bataille, en faveur des blessés et des malades pour lesquels j’éprouve la plus ardente compassion. Dans ce domaine encore, rien de ce que l’on pourra demander ne sera de trop à mes yeux.

Mais ma protestation va à la guerre, à ceux qui en sont responsables, à ceux qui la dirigent ; elle va à la politique capitaliste qui lui donna naissance ; elle est dirigée contre les fins capitalistes qu’elle poursuit, contre les plans d’annexion, contre la violation de la neutralité de la Belgique et du Luxembourg, contre la dictature militaire, contre l’oubli complet des devoirs sociaux et politiques dont se rendent coupables, aujourd’hui encore, le gouvernement et les classes dominantes. Et c’est pourquoi je repousse les crédits militaires demandés. »

Au moment où Karl Liebknecht prononce ce discours magnifique, son impact paraît infime. Mais le déroulement de la guerre et ses conséquences sociales allaient bientôt provoquer une modification profonde dans la conscience des masses. Déjà, au printemps 1915, Rosa Luxemburg pouvait écrire, à partir de sa cellule de prison : « La scène a changé fondamentalement. La marche de six semaines sur Paris a pris les proportions d’un drame mondial ; l’immense boucherie est devenue une affaire quotidienne, épuisante et monotone, sans que la solution, dans quelque sens que ce soit, ait progressé d’un pouce. La politique bourgeoise est coincée, prise à son propre piège : on ne peut plus se débarrasser des esprits que l’on a évoqués.

Finie l’ivresse. Fini le vacarme patriotique dans les rues, la chasse aux automobiles en or ; les faux télégrammes successifs ; on ne parle plus de fontaines contaminées par des bacilles du choléra, d’étudiants russes qui jettent des bombes sur tous les ponts de chemin de fer de Berlin, de Français survolant Nuremberg ; finis les débordements d’une foule qui flairait partout l’espion ; finie la cohue tumultueuse dans les cafés où l’on était assourdi de musique et de chants patriotiques par vagues entières ; la population de toute une ville changée en populace, prête à dénoncer n’importe qui, à molester les femmes, à crier : hourra ! et à atteindre au paroxysme du délire en lançant elle-même des rumeurs folles ; un climat de crime rituel, une atmosphère de pogrom, où le seul représentant de la dignité humaine était l’agent de police au coin de la rue.

Le spectacle est terminé. Les savants allemands, ces « lémures vacillants », sont depuis longtemps, au coup de sifflet, rentrés dans leur trou. L’allégresse bruyante des jeunes filles courant le long des convois ne fait plus d’escorte aux trains de réservistes et ces derniers ne saluent plus la foule en se penchant depuis les fenêtres de leur wagon, un sourire joyeux aux lèvres ; silencieux, leur carton sous le bras, ils trottinent dans les rues où une foule aux visages chagrinés vaque à ses occupations quotidiennes. » [Brochure de Junius, avril 1916 ].

La bataille de Verdun (février 1916 – décembre 1916) a pour but de saigner l’armée française à blanc. Mais elle saigne aussi l’armée allemande, avec 337 000 soldats morts, disparus ou blessés contre 362 000 du côté français. La bataille de la Somme (juillet 1916 – novembre 1916) est encore plus sanglante. L’offensive Broussilov oblige l’Allemagne à s’engager sur deux fronts. Mourant en masse pour un résultat militaire nul, l’enfer des soldats au front va de pair avec une dégradation insupportable des conditions de vie à l’intérieur du pays. Von Schlieffen, commandant en chef des armées allemandes, avait imaginé une guerre de quelques semaines. Son successeur, von Moltke, ne la voyait pas durer plus de deux ans. Les calculs du gouvernement concernant le coût économique de la guerre tablaient sur un conflit de neuf mois. Mais l’enlisement des armées dans une guerre de longue durée aura des conséquences économiques et sociales insupportables. La mobilisation des paysans désorganise la production agricole. Il n’y a pas assez de nourriture. Le rationnement hebdomadaire n’autorise que 1,8 kilo de pain, 225 grammes de viande et 85 grammes de beurre pour un travailleur. En 1916, la consommation d’œufs n’est plus que 20 % de son niveau d’avant-guerre. Durant l’hiver de 1916-17 – l’« hiver des navets » – on fabrique du « pain » et même du « café » avec ce légume ingrat.

Aux problèmes de malnutrition, d’épidémies et d’autres conséquences de la misère de masse, s’ajoute l’imposition de la loi martiale dans les entreprises et l’érosion palpable des quelques libertés démocratiques que le mouvement ouvrier a pu arracher dans la période d’avant-guerre. L’enrôlement militaire de plusieurs millions de travailleurs entraîne une modification radicale dans la composition de la population ouvrière. En 1916, la force de travail industrielle est composée de 4,7 millions d’hommes et de 4,3 millions de femmes. Dans le bassin de la Ruhr, près d’un quart des travailleurs sont des prisonniers de guerre, transformés en esclaves industriels.

La dégradation des conditions de vie et la transformation de la composition sociale de la population ouvrière créent une situation potentiellement explosive. D’une part, les organisations des travailleurs sont considérablement affaiblies. Environ 75 % des sociaux-démocrates de sexe masculin sont envoyés au front. Les organisations syndicales perdent la moitié de leurs effectifs et leur cohésion organisationnelle est sérieusement compromise. Mais en même temps, les travailleurs qualifiés perdent les conditions de travail relativement bonnes qu’ils avaient connues avant la guerre. Le rationnement les appauvrit. Ils vivent la discipline industrielle de plus en plus rigoureuse et contrôlée comme une humiliation. La réorganisation de la division de travail démolit l’utilité et la valeur de leurs qualifications. Les différences de traitement et de conditions de vie entre les travailleurs qualifiés et non qualifiés s’amenuisent. Tous sont tirés vers le bas. Tous doivent lutter pour survivre et ceci tend à miner les bases matérielles de la mentalité « modérée » et réformiste qui caractérisait cette couche autrefois « privilégiée » de la classe ouvrière. Ainsi, alors que les ravages de la guerre affaiblissaient les anciennes organisations des travailleurs, la régression des couches supérieures et la surexploitation des couches inférieures de la classe ouvrière ont, sous l’impact de la débâcle militaire, contribué à la radicalisation révolutionnaire du mouvement ouvrier allemand à partir de 1917.


Fraternellement,
GdM
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 07 Mars 2021, 19:25

Salut camarades,

La troisième partie de notre série sur la révolution allemande...

La révolution allemande, 1917-1919. – 3. Premiers remous de la révolte
7 mars 2021, par La Riposte

https://www.lariposte.org/2021/03/la-re ... a-revolte/

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Après la vague patriotique initiale, qui semblait tout emporter sur son passage, un changement s’opère dans l’humeur de la population. Déjà, en 1915, on voit apparaître des manifestations pour la paix dans les rues de Berlin. D’autres manifestations – ou plutôt des émeutes – « non politiques » éclataient devant des boulangeries ou des épiceries vides. En 1914, au lendemain de la déclaration de guerre, des groupes de patriotes hystériques cherchaient à dénicher des espions. Douze mois plus tard, des groupes de femmes cherchent à dénicher du pain et d’autres nécessités de base. Dans le Parti Social-Démocrate, des voix se lèvent pour exiger que les députés du parti votent contre les crédits de guerre. Le 1er mai 1916, le groupe Internationale animé par Luxemburg et Liebknecht organise une manifestation de plusieurs milliers de travailleurs et de jeunes à Berlin. Liebknecht est arrêté au moment même où il commence son discours. Le jour de son procès, 55 000 ouvriers font grève en solidarité avec le prévenu. Dans le Reichstag, Liebknecht n’est plus tout seul dans son opposition à la guerre. En décembre, 20 députés sociaux-démocrates votent contre les crédits.

Entre-temps, les objectifs de guerre de l’impérialisme allemand devenaient de plus en plus clairs, de sorte que l’argument de la « défense nationale », qui servait de justification au ralliement des dirigeants sociaux-démocrates, ne tenait plus. L’état-major assurait les grands industriels allemands que la Belgique et le nord-est de la France seraient annexés et que l’Autriche-Hongrie ainsi que la Pologne seraient sous l’hégémonie de l’Allemagne. Quant à la lutte contre le despotisme russe, elle allait bientôt perdre toute crédibilité après le renversement révolutionnaire du régime tsariste en mars 1917. L’opposition à la guerre grandissait. Le 16 avril, entre 200 000 et 300 000 métallurgistes répartis sur 300 usines font grève contre la réduction importante des rations de pain. Le matin même, la rédaction de Vorwärts, entre les mains de la droite du Parti Social-Démocrate, n’est pas allée jusqu’à condamner formellement la grève, mais elle avait écrit : « L’espoir fou de voir des événements comme ceux de la Russie risque de coûter la vie à des centaines de milliers d’hommes sur les champs de bataille. » Le jour même, un rassemblement de 10 000 travailleurs à Leipzig réclame la hausse des rations, mais ajoute une série de revendications politiques, dont la fin des hostilités sans annexions, la fin de la censure, de l’état d’urgence et de la réquisition des travailleurs, la libération des prisonniers politiques et le suffrage universel.

uest, la baisse des rations incite des marins à se révolter. Des « comités alimentation » sont créés. Quelques grèves de la faim et débrayages éclatent. Plusieurs marins sont arrêtés, provoquant des protestations brèves, mais de plus grande ampleur. Le général Groener publie un communiqué dans lequel il exhorte les travailleurs à relire un discours récent de Hindenburg, où, dit-il, ils reconnaîtraient leurs pires ennemis, qui « ne sont pas là-bas à Arras, sur l’Aisne, ni en Champagne. Ils ne sont pas non plus à Londres. Nos pires ennemis sont parmi nous, [ils sont] ceux qui poussent à la grève. Quiconque fait grève pendant que nos soldats sont face à l’ennemi est un chien. » Le 27 avril, Vorwärts a publié un texte allant dans le même sens que le général : « Il faut éviter des grèves. La paix à brève échéance dépend de la capacité de résistance de l’Allemagne. » Après une nouvelle vague d’arrestations parmi les marins, deux des meneurs sont fusillés et d’autres sont condamnés aux travaux forcés. Clairement, il faudra bien plus que des comités protestataires pour surmonter la puissance des autorités militaires. La grève des métallurgistes prend fin, pendant que des grèves massives éclatent à Vienne et à Budapest. La classe ouvrière de l’Europe centrale relève la tête. Cependant, les méthodes de lutte, les revendications politiques et les formes d’organisation qui ont pu avoir une certaine efficacité en temps de paix n’en ont plus en temps de guerre. Les revendications ne sont pas qu’économiques. Les problèmes économiques sont inextricablement liés à ceux de la guerre. Mais les grévistes n’ont aucun moyen pratique de mettre un terme à la guerre. Pour vaincre les grévistes, le gouvernement renforce les restrictions répressives de l’état d’urgence et augmente les effectifs de la police. Il y a aussi des faiblesses au niveau de la direction de la grève. Au nom de la « plus grande unité possible », le comité d’action intègre trois représentants de la droite du SPD favorables à la guerre, dont Friedrich Ebert. Ces représentants s’efforcent de limiter l’ampleur et l’efficacité du mouvement. Plus tard, Ebert se vantera de son rôle « salutaire » : « J’ai rejoint la direction de la grève avec l’intention d’y mettre fin le plus rapidement possible pour ne pas nuire à la patrie. Si nous n’avions pas rejoint le comité, l’ordre établi n’existerait plus aujourd’hui. »

La révolution russe avait renversé le Tsar en mars 1917. En novembre, les organes de lutte des travailleurs, des soldats et des paysans qui ont pris forme pendant cette première phase de la révolution, les soviets, prennent le pouvoir sous la direction des bolcheviks. Pour la première fois dans l’histoire, si nous laissons de côté l’épisode éphémère de la Commune de Paris en 1871, la classe ouvrière a pris le pouvoir. Pendant de longues années avant la révolution, Lénine, Trotsky et les autres dirigeants de la révolution ont milité sous le signe de l’internationalisme révolutionnaire. Mais désormais, l’internationalisme devenait véritablement une question de vie ou de mort pour la République soviétique. Le nouveau régime devait lutter pour empêcher une contre-révolution interne et aussi contre la menace mortelle qu’exerçait l’impérialisme étranger. D’emblée, les bolcheviks ont proposé une « paix immédiate, sans annexions et sans réparations » entre les pays belligérants. Cependant, cet appel n’est pas seulement lancé en direction des gouvernements impérialistes. Il s’adresse surtout aux travailleurs et aux soldats de l’Europe, pour les inciter à imposer cette revendication par des moyens révolutionnaires. Les bolcheviks publient aussitôt un journal en langue allemande, Die Fackel, tiré à 500 000 exemplaires, pour diffusion dans les tranchées, et lorsque, en décembre 1917, Léon Trotsky et Karl Radek arrivent à Brest-Litovsk pour les négociations avec l’état-major allemand, Radek, au nez et à la barbe des chefs militaires et des diplomates de l’Allemagne impériale, diffuse un tract révolutionnaire auprès les soldats allemands. Toujours en prison à l’époque, Liebknecht écrit : « Grâce aux délégués russes, Brest-Litovsk a été transformé en une tribune révolutionnaire ! »

L’émergence de mouvements de masse contre la guerre en Autriche-Hongrie, la révolution en Russie et l’entrée en action des travailleurs en Allemagne ont eu un impact sur le Parti Social-Démocrate, dans lequel des développements importants avaient eu lieu depuis le début de l’année. Pour une bonne partie des « fonctionnaires » du parti, s’opposer frontalement à la guerre n’était pas une option. Ceci entraînerait une vague de répression qui, craignaient-ils, aboutirait à la confiscation de sa presse, de ses locaux et de ses fonds, à sa destruction totale, en somme. À la différence de l’aile droite du parti, ces éléments n’étaient pas favorables à la guerre, mais s’opposaient également à toute opposition « excessive » ou révolutionnaire. Ils voulaient que la guerre s’arrête par le biais d’une solution diplomatique, sans l’intervention active et militante des masses, sans mettre en danger l’ordre capitaliste. Cette position « centriste » occupait donc une position intermédiaire entre la droite pro-impérialiste du parti et la gauche révolutionnaire autour de Luxemburg et Liebknecht. Contre toute « sédition », l’action des centristes n’allait pas plus loin que la formation d’un groupe parlementaire distinct. Ils ne voulaient pas rompre avec le SPD. Cependant, pour les chefs favorables à la guerre, même cette opposition modérée était insupportable. Au début de 1917, les partisans de l’opposition sont exclus en bloc du SPD. Leur journal, Vorwärts, est confisqué par les autorités militaires et remis aux dirigeants du parti. C’est ainsi que se crée, en avril 1917, le Parti Social-Démocrate Indépendant (USDP). Le nouveau parti est loin d’être homogène. Parmi ses dirigeants on retrouvait aussi bien Karl Kautsky – le « pape du marxisme » – que le théoricien du gradualisme réformiste Édouard Bernstein. Le principal dirigeant était Hugo Haase. Le nouveau parti disposait de moyens relativement importants. Dès le départ, l’USDP a des dizaines de permanents, des locaux dans de nombreuses villes, des députés au parlement et plusieurs journaux quotidiens. Avant la fin de l’année, ses effectifs vont grimper jusqu’à 120 000 adhérents – contre 150 000 pour le SDP. Il compte dans ses rangs de nombreux dirigeants de première ligne des grèves du mois d’avril, ainsi qu’un réseau de sympathisants chez les marins et dans l’armée.

Sur la gauche du nouveau parti se trouvent les partisans de Luxemburg et de Liebknecht. Ces derniers jouissent d’une certaine notoriété. Liebknecht est connu pour avoir été le premier député à s’opposer publiquement à la guerre. Mais tous les deux sont en prison, en raison de leur activité révolutionnaire. Ils n’ont pratiquement aucun contact avec l’extérieur. Les autres chefs du groupe Spartacus (anciennement Internationale) ne sont entourés que de petits cercles de militants plus ou moins isolés. Dès qu’un travailleur s’associe ouvertement à leurs idées, il risque d’être envoyé au front. Pierre Broué, dans son livre remarquable La Révolution allemande, 1917-1923, donne une idée des effectifs de la gauche révolutionnaire à l’époque. Il nous apprend par exemple qu’à Bremen, elle avait bien un groupe de militants, mais n’en avait plus aucun dans les chantiers navals ni dans les usines de la ville. Dans tout le sud de Berlin, elle n’avait que sept militants. De surcroît, ses faibles effectifs ne sont pas d’accord entre eux sur de nombreuses questions importantes. Jusqu’au printemps 1917, Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Leo Jogiches, Franz Mehring et Clara Zetkin considèrent qu’il était absolument indispensable, pour un regroupement révolutionnaire, indépendamment de sa taille, de faire partie intégrante d’un mouvement plus large afin de garder un contact avec les masses. Sans cela, pensent-ils, les spartakistes ne seraient qu’une secte isolée et stérile. Leur idée est que lorsque les masses entreront en action à grande échelle, elles seront incapables, du moins dans un premier temps, de distinguer les différents courants opposés à la guerre et que pour les convaincre d’un programme authentiquement révolutionnaire, il faudra lutter à leurs côtés, au sein d’une organisation de masse commune.

Maintenant que l’exclusion des centristes a donné lieu à la création de l’USPD, la question se pose de l’attitude de la gauche révolutionnaire envers cette nouvelle formation. Leo Jogiches défend la nécessité de travailler dans l’USPD. Il écrit qu’il fallait se battre pour gagner « les masses encore confuses et vacillantes qui suivent [l’opposition centriste]. Et nous ne pouvons faire cela que si nous menons notre combat au sein du parti, au lieu de constituer une organisation complètement séparée à l’extérieur. » Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht soutiennent cette orientation. Mais leur point de vue n’est pas partagé par tous. Le groupe de Bremen autour de Paul Frölich et Johann Knief, par exemple, pense qu’il faut rompre avec l’USDP afin de permettre aux masses de mieux distinguer révolutionnaires et réformistes. Cette prise de position a l’aval également de Karl Radek. Enfin, il y a une autre tendance chez les spartakistes, s’appuyant notamment sur les syndicalistes métallurgistes de Berlin : les « délégués syndicaux révolutionnaires ». Ce dernier mouvement ne veut pas couper les ponts avec l’USPD. L’impact de la révolution d’Octobre pousse de nombreux spartakistes à réévaluer leur position. Ainsi, le 3 juin 1918, Franz Mehring envoie une lettre ouverte aux dirigeants russes dans laquelle il déclare sa solidarité totale avec la politique du gouvernement soviétique et critique l’opportunisme de l’USPD. Il écrit : « Nous nous sommes trompés sur un point : nous avons rejoint l’USPD lors de sa formation, dans l’espoir de le pousser en avant. Nous avons dû y renoncer. C’était impossible. »

Au total, la gauche révolutionnaire devait avoir environ 4 000 adhérents en 1918. Mais comme en témoignent les attitudes divergentes à l’égard de l’USPD, ils n’étaient pas tous d’accord entre eux et n’avaient pas non plus une structure organisationnelle leur permettant de trancher les divergences, pas plus que pour mettre en place et contrôler une direction éprouvée et représentative de l’ensemble des militants. Le cours des événements allait maintenant s’accélérer. Avec l’approche de la défaite définitive sur le front militaire, l’éclatement de la révolution allait se produire avant que les révolutionnaires ne parviennent à se mettre en ordre de marche.


Fraternellement,
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 10 Mars 2021, 19:02

Salut camarades,

Il y a 150 ans, la Commune de Paris.

Le 18 mars 1871, alors que Paris était assiégé depuis plusieurs mois par les armées de Bismarck, le gouvernement français tente de désarmer la Garde Nationale. Le peuple se soulève contre cette trahison et le gouvernement s’enfuit à Versailles.

Ainsi, les travailleurs parisiens se trouvent maîtres de la capitale. Pendant dix semaines, dans des circonstances extrêmement difficiles, les «communards» s’efforce de réorganiser la société sur des bases nouvelles. Pris de court par les événements, avançant à tâtons, sans précédents historiques et subissant les graves conséquences de l’encerclement de la ville, ils s’efforcent de débarrasser la société de l’exploitation et de l’oppression.

Tragiquement, la Commune de Paris n’a pas eu le temps nécessaire pour venir à bout de cette tâche historique. Lors de la «semaine sanglante» du 21 au 28 mai, l’armée française aux ordres d’Adolphe Thiers a sauvagement massacré près des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. L’expérience de la Commune a fortement marqué la conscience sociale des peuples, bien au-delà des frontières de la France. Elle a grandement contribué à façonner les idées politiques de Karl Marx et Friedrich Engels. Aujourd’hui encore, les événements de 1870-71 méritent d’être étudiés et pris en compte dans notre lutte pour un monde meilleur.

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Fraternellement,
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 14 Mars 2021, 06:26

Salut camarades,

La Commune de Paris, 1871.
13 mars 2021, sur le site de La Riposte
Par Greg Oxley. PCF/La Riposte

https://www.lariposte.org/2021/03/la-co ... is-1871-2/

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La Commune de 1871 fut l’un des plus grands épisodes de l’histoire de la classe ouvrière française. Au cours d’un mouvement révolutionnaire d’une portée jusqu’alors inconnue, les structures étatiques à Paris ont été mises à l’écart et remplacées par les organes de gouvernement des travailleurs. Pendant dix semaines, entre le soulèvement du 18 mars et la défaite sanglante de la dernière semaine de mai, les travailleurs et travailleuses étaient au pouvoir. Dans des circonstances extrêmement difficiles, ils se sont efforcés de mettre un terme à l’exploitation, à l’oppression, et de réorganiser la société sur des bases entièrement nouvelles. Les leçons de ces événements sont d’une importance fondamentale pour le mouvement ouvrier contemporain et pour tous ceux qui, en France ou ailleurs, aspirent à changer la société.

Vingt ans avant la Commune, le coup d’État militaire du 2 décembre 1851 avait amené Napoléon III au pouvoir, après l’échec du soulèvement de juin 1848. Au début, le nouveau régime bonapartiste semblait inébranlable. Les travailleurs ont été battus et leurs organisations mises hors la loi. Pourtant, vers la fin des années 1860, l’épuisement de la croissance économique, les répercussions des guerres (en Italie, en Crimée, au Mexique) et la résurgence du mouvement ouvrier ont sérieusement affaibli le régime impérial. Il était devenu clair que seule une nouvelle guerre – et une victoire rapide – pourrait retarder son effondrement. En juillet 1870, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse, alors dirigée par Bismarck. L’Empereur prétendait que la guerre apporterait à la France des gains territoriaux, affaiblirait ses rivaux et mettrait fin à la crise de la finance et de l’industrie.

Il arrive souvent que la guerre mène à la révolution. Ce n’est pas accidentel. La guerre arrache subitement les peuples à la routine de leur existence quotidienne et les jette violemment dans l’arène des grandes actions historiques. La vaste majorité de la population examine beaucoup plus attentivement qu’en période de paix le comportement des chefs d’État, des généraux et des politiciens. C’est particulièrement vrai en cas de défaite. Or, la tentative d’invasion de l’Allemagne par Napoléon III s’est soldée par un échec rapide et déshonorant. Le 2 septembre, près de Sedan, l’Empereur a été arrêté par l’armée de Bismarck, en même temps que 75 000 soldats. À Paris, des manifestations massives remplissaient les boulevards de la capitale, réclamant le renversement de l’Empire et la proclamation d’une république démocratique.

L’opposition républicaine « modérée » était terrifiée par ce mouvement, mais fut néanmoins forcée, le 4 septembre, de proclamer la république. Un « Gouvernement de Défense nationale » fut installé, dans lequel le personnage clé était le général Trochu. Jules Favre, un représentant typique du républicanisme capitaliste, et qui faisait également partie du gouvernement, déclarait pompeusement que « pas un pouce de terrain et pas une pierre de nos forteresses » ne seraient cédés aux Prussiens. Les troupes allemandes encerclèrent rapidement Paris et placèrent la ville en état de siège. Dans un premier temps, la classe ouvrière parisienne accorda son soutien au nouveau gouvernement, au nom de « l’unité » contre l’ennemi étranger. Mais le cours ultérieur des événements brisa rapidement cette unité et fit apparaître au grand jour les intérêts de classe contradictoires qu’elle recouvrait.

Malgré ses déclarations publiques, le Gouvernement de Défense nationale ne croyait pas qu’il était possible, ni même désirable, de défendre Paris. En dehors de l’armée régulière, une milice forte de 200 000 hommes, la Garde nationale, se déclara prête à défendre la ville. Mais ces travailleurs armés à l’intérieur de Paris constituaient une menace bien plus grande pour les intérêts des capitalistes français que l’armée étrangère aux portes de la cité. Le gouvernement décida qu’il était préférable de capituler dès que possible devant Bismarck. Cependant, étant donné l’esprit combatif des travailleurs parisiens organisés dans la Garde nationale, il était impossible pour le gouvernement de déclarer ses intentions publiquement. Trochu comptait sur les effets économiques et sociaux du siège pour refroidir la résistance des travailleurs parisiens. Il devait gagner du temps. Tout en se déclarant favorable à la défense de Paris, le gouvernement engagea des négociations secrètes avec Bismarck.

Le temps passant, la méfiance et l’hostilité des travailleurs envers le gouvernement augmentaient. Des rumeurs persistantes se répandirent au sujet des négociations avec Bismarck. Le 8 octobre, la chute de Metz provoqua une nouvelle manifestation de masse. Le 31 octobre, plusieurs contingents de la Garde nationale, conduits par Flourens, le courageux commandant du bataillon de Belleville, attaquèrent et occupèrent temporairement l’Hôtel de Ville. À ce stade, cependant, la majorité des travailleurs n’était pas encore prête à agir de manière décisive contre le gouvernement. Isolée, l’insurrection s’est rapidement essoufflée. Blanqui s’est enfui et Flourens a été emprisonné.

Dans Paris, la famine et la pauvreté provoquées par le siège avaient des conséquences désastreuses, et l’urgence de briser ce siège se faisait sentir toujours plus vivement. Après l’échec de la sortie en direction du village de Buzenval, le 19 janvier 1871, Trochu, complètement discrédité, n’eut d’autre choix que de démissionner. Il fut remplacé par Vinoy, qui déclara immédiatement que les Parisiens ne devaient se faire « aucune illusion » sur la possibilité de vaincre les Prussiens. Il était devenu clair que le gouvernement comptait capituler. Les clubs politiques et les comités de vigilance appelèrent les gardes nationaux à s’armer et à marcher sur l’Hôtel de Ville. D’autres détachements se rendirent aux prisons pour chercher et libérer Flourens. Sous la pression croissante de la population, la classe moyenne démocrate de l’Alliance républicaine réclama un « gouvernement populaire » pour organiser une résistance effective contre les Prussiens. Mais lorsque les gardes nationaux arrivèrent devant l’Hôtel de Ville, le 22 janvier, un dénommé Chaudry, représentant le gouvernement, a violemment crié sa colère contre les délégués de l’Alliance. Il n’en fallait pas plus pour convaincre les républicains de se disperser immédiatement. Les gardes bretons chargés de défendre le gouvernement ont ouvert le feu sur les gardes nationaux et sur les manifestants qui tentaient de s’opposer à la trahison des républicains. Les gardes nationaux ont tiré quelques salves à leur tour, mais ont dû finalement se replier.

À la suite de ce premier conflit armé avec le gouvernement, le mouvement populaire s’est temporairement affaibli. Le républicanisme petit-bourgeois, représenté par l’Alliance républicaine, s’était montré complètement incapable de faire face à la résistance de la classe dominante. Il ne pouvait plus, par conséquent, prétendre à un quelconque rôle dirigeant. L’accalmie apparente a renforcé la confiance du Gouvernement de Défense nationale. Le 27 janvier 1871, il procéda à la capitulation qu’il avait secrètement préparée depuis le début du siège.

Dans la France rurale, l’immense majorité de la paysannerie était en faveur de la paix. Aux élections de l’Assemblée nationale, en février, les votes de la paysannerie donnèrent une majorité écrasante aux candidats monarchistes et conservateurs. La nouvelle Assemblée a nommé Adolphe Thiers – un réactionnaire endurci – à la tête du gouvernement. Un conflit entre Paris et l’Assemblée « rurale » était désormais inévitable. Le danger contre-révolutionnaire, en relevant la tête, a donné une nouvelle et puissante impulsion à la révolution parisienne. Les soldats prussiens devaient bientôt entrer dans la capitale. L’accalmie du mouvement fit place à une nouvelle et bien plus puissante vague de protestation. Des manifestations armées de la Garde nationale se multipliaient, massivement soutenues par les travailleurs et par les couches les plus pauvres et affamées de la population parisienne. Les travailleurs en armes dénoncèrent Thiers et les monarchistes comme des traîtres et en appelèrent à la « guerre à outrance » pour la défense de la république. Les journées du 31 octobre et du 22 janvier avaient été une anticipation de cette nouvelle flambée révolutionnaire. Mais cette fois-ci, les éléments les plus révolutionnaires n’étaient plus isolés. L’ensemble de la classe ouvrière parisienne était en pleine révolte.

L’Assemblée nationale réactionnaire provoquait constamment les Parisiens, les décrivant comme des égorgeurs et des criminels. Le siège avait mis de nombreux travailleurs au chômage, et les indemnités versées aux gardes nationaux étaient tout ce qui les séparait de la famine. Le gouvernement a supprimé les indemnités payées à chaque garde qui ne pouvait prouver qu’il était incapable de travailler. Il décréta également que les arriérés de loyer et toutes les créances devaient être réglés dans les 48 heures. Ceci menaçait tous les petits entrepreneurs de banqueroute immédiate. Paris a été privé de son statut de capitale de France en faveur de Versailles. Ces mesures, et bien d’autres encore, frappèrent de plein fouet les sections les plus pauvres de la société, mais aboutirent aussi à une radicalisation des classes moyennes parisiennes, dont le seul espoir de salut résidait désormais dans le renversement révolutionnaire de Thiers et de l’Assemblée nationale.

La capitulation du gouvernement et la menace d’une restauration monarchiste menèrent à une transformation de la Garde nationale. Un « Comité central de la Fédération de la Garde nationale » fut élu, représentant 215 bataillons, équipés de quelque 2000 canons et des centaines de milliers de fusils. De nouveaux statuts furent adoptés, stipulant « le droit absolu des Gardes nationaux d’élire leurs dirigeants et de les révoquer aussitôt qu’ils perdraient la confiance de leurs électeurs ». Dans leur essence, le Comité central et les structures correspondantes au niveau des bataillons préfiguraient les soviets de travailleurs et de soldats qui firent leur apparition, en Russie, au cours des révolutions de 1905 et de 1917.

La nouvelle direction de la Garde nationale eut rapidement l’occasion de tester son autorité. Alors que l’armée prussienne s’apprêtait à entrer dans Paris, des dizaines de milliers de Parisiens armés se rassemblèrent avec l’intention d’attaquer les envahisseurs. Le Comité central intervint pour empêcher un combat inéquitable pour lequel il n’était pas encore préparé. En imposant sa volonté sur cette question, le Comité central démontrait que son autorité était reconnue par la majorité de la Garde nationale et des Parisiens. Clément Thomas, le commandant nommé par le gouvernement, dut démissionner. Les forces prussiennes occupèrent une partie de la ville pendant deux jours, puis s’en retirèrent.

Aux « ruraux » de l’Assemblée, Thiers avait promis de restaurer la monarchie. Mais sa tâche immédiate était de mettre un terme à la situation de « double pouvoir » qui existait à Paris. Les canons sous le contrôle de la Garde nationale – et en particulier ceux des hauteurs de Montmartre, surplombant la cité – symbolisaient la menace contre « l’ordre » capitaliste. Le 18 mars, à 3 heures du matin, 20 000 soldats et gendarmes furent envoyés, sous le commandement du général Lecomte, pour prendre possession de ces canons. Cela se fit sans trop de difficultés. Cependant, les commandants de l’expédition n’avaient pas pensé aux attelages nécessaires pour déplacer les canons. À 7 heures, les attelages n’étaient toujours pas arrivés. Dans son Histoire de la Commune, Lepelletier décrit ce qui se passa par la suite : « Bientôt, le tocsin se mit à sonner et l’on entendait, dans la chaussée Clignancourt, les tambours battre la générale. Rapidement, ce fut comme un changement de décor dans un théâtre : toutes les rues menant à la Butte s’emplirent d’une foule frémissante. Les femmes formaient la majorité ; il y avait aussi des enfants. Des gardes nationaux isolés sortaient en armes et se dirigeaient vers le Château-Rouge. »

Les troupes se trouvaient encerclées par une foule sans cesse croissante. Les habitants du quartier, les gardes nationaux et les hommes de Lecomte étaient pressés les uns contre les autres dans ce rassemblement compact. Certains soldats fraternisaient ouvertement avec les gardes. Dans une tentative désespérée de réaffirmer son autorité, Lecomte ordonna à ses hommes de tirer sur la foule. Personne ne tira. Les soldats et les gardes nationaux poussèrent alors des acclamations et s’étreignirent mutuellement. En dehors d’un bref échange de feu du côté de Pigalle, l’armée n’offrait aucune résistance aux gardes. Lecomte et Clément Thomas furent arrêtés. Des soldats en colère les exécutèrent peu après. Clément Thomas était connu pour avoir donné l’ordre de tirer sur les travailleurs pendant la révolution de 1848.

Thiers n’avait pas prévu la défection des troupes. Pris de panique, il s’enfuit de Paris et ordonna à l’armée et aux administrations d’évacuer complètement la ville et les forts environnants. Thiers voulait sauver de l’armée ce qu’il pouvait l’être en l’éloignant de la « contagion » révolutionnaire. Les restes de ses forces – certaines ouvertement insubordonnées, chantant et scandant des slogans révolutionnaires – se retirèrent dans le désordre vers Versailles.

Avec l’effondrement du vieil appareil d’État, la Garde nationale prit tous les points stratégiques de la cité sans rencontrer de résistance significative. Le Comité central n’avait joué aucun rôle dans ces événements. Et pourtant, le soir du 18 mars, il découvrit que, malgré lui, il était devenu le gouvernement de facto d’un nouveau régime révolutionnaire basé sur le pouvoir armé de la Garde nationale. Dans son livre La Commune de 1871, Talès écrit : « Le 18 mars 1871 n’a pas d’équivalent dans notre histoire révolutionnaire. C’est une étrange journée où l’on voit une foule, en général passive, provoquer l’écroulement, local sans doute, mais total, des institutions bourgeoises. »

La première tâche que la majorité des membres du Comité central se fixèrent fut de se débarrasser du pouvoir qui était entre leurs mains. Après tout, disaient-ils, nous n’avons pas de « mandat légal » pour gouverner ! Après de longues discussions, le Comité central accepta avec réticence de rester à l’Hôtel de Ville pour les « quelques jours » pendant lesquels des élections municipales (communales) pourraient être organisées. Sous le cri de « Vive la Commune ! », les membres du Comité central furent soulagés de savoir qu’ils n’auraient à exercer le pouvoir que pour quelque temps ! Le problème immédiat auquel ils faisaient face était Thiers et l’armée en route pour Versailles. Eudes et Duval proposèrent de faire immédiatement marcher la Garde nationale sur Versailles, de façon à briser ce qui restait de force à la disposition de Thiers. Leurs appels tombèrent dans des oreilles de sourds. La majorité du Comité central pensait qu’il était préférable de ne pas apparaître comme les agresseurs. Le Comité central était composé, dans sa majorité, d’hommes très modérés, dont ni le tempérament ni les idées ne correspondaient à la grande tâche historique qui se présentait à eux.

Le Comité central commença de longues négociations avec les anciens Maires et divers « conciliateurs » concernant la date et les modalités des élections. Ceci absorba toute son attention, jusqu’à ce que les élections soient finalement fixées au 26 mars. Thiers utilisa ce temps précieux à son avantage. Une campagne de mensonges et de propagande vicieuse contre Paris fut menée en province. Avec l’aide de Bismarck, l’armée regroupée à Versailles a été massivement renforcée en effectifs et en armes, dans le but de lancer une attaque contre Paris.

À la veille des élections, le Comité central de la Garde nationale a publié une déclaration remarquable qui résume l’esprit d’abnégation et de probité qui caractérisait le nouveau régime : « Notre mission est terminée. Nous allons céder la place dans notre Hôtel de Ville à vos nouveaux élus, à vos mandataires réguliers. » Le Comité central n’avait qu’une seule consigne à donner aux électeurs : « Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre propre vie, souffrant des mêmes maux. Défiez-vous des ambitieux et des parvenus […] Défiez-vous des parleurs, incapables de passer à l’action […] »

La Commune nouvellement élue remplaça le commandement de la Garde nationale comme gouvernement officiel du Paris révolutionnaire. Elle était principalement composée d’individus associés d’une manière ou d’une autre avec le mouvement révolutionnaire. La majorité pourrait être décrite comme « républicaine de gauche », trempée dans une nostalgie idéalisée du régime jacobin du temps de la Révolution française. Sur ses 90 membres, 25 étaient des travailleurs, 13 des membres du Comité central de la Garde nationale, et une quinzaine d’autres des membres de l’Association Internationale des Travailleurs. Les Blanquistes – des hommes énergiques inspirés par la commune révolutionnaire de 1792 et toujours prêts à se lancer dans des actions spectaculaires, mais dont le programme politique était difficile à cerner – et les Internationalistes représentaient ensemble près d’un quart des élus de la Commune. Blanqui lui-même se trouvait dans une prison de province. Les quelques élus de droite démissionnèrent de leurs postes sur des prétextes divers. D’autres furent arrêtés lors de la découverte de leurs noms sur des fichiers de police les identifiant comme des espions agissant pour le compte du régime impérial.

Sous la Commune, tous les privilèges des hauts fonctionnaires de l’État furent abolis. On décréta notamment qu’ils ne devaient pas percevoir davantage, pour leur service, que le salaire d’un ouvrier qualifié. La Commune était le seul gouvernement honnête que la France n’ait jamais connu. Moreau, l’un des membres du Comité central, déclara que lorsque l’on occupe un poste dirigeant dans la société, « il est immoral de s’allouer un traitement quelconque. Nous avons jusqu’ici vécu avec nos trente sous. Ils nous suffiront encore. » Les loyers furent gelés, les fabriques abandonnées placées sous le contrôle des travailleurs. Des mesures furent prises pour limiter le travail de nuit et pour garantir la subsistance des pauvres et des malades. La Commune caractérisa ces mesures comme « mettant un terme à la concurrence anarchique et ruineuse entre les travailleurs au profit des capitalistes », et comme favorisant « la propagation des idéaux socialistes ». La Garde nationale fut ouverte à tous les hommes aptes au service militaire, et organisée, comme nous l’avons vu, sur des principes strictement démocratiques. Les armées permanentes « séparées du peuple » furent déclarées illégales. L’Église fut séparée de l’État et la religion déclarée « affaire privée ». Les logements et les bâtiments publics furent réquisitionnés pour les sans-logis, l’éducation publique ouverte à tous, de même que les théâtres et les lieux de culture et d’apprentissage. Les travailleurs étrangers étaient considérés comme des frères et des sœurs, comme des alliés dans la lutte pour la réalisation d’une « république universelle » des travailleurs de tous les pays. Des réunions avaient lieu nuit et jour, où des milliers d’hommes et de femmes ordinaires discutaient de la façon dont devaient être organisés les différents aspects de la vie sociale dans l’intérêt du « bien commun ».

Les caractéristiques de la société nouvelle qui prenait graduellement forme sous l’égide de la Garde nationale et de la Commune étaient indubitablement socialistes. Le manque de précédents historiques, l’absence d’une direction claire et organisée, d’un programme défini, combinés avec la dislocation économique d’une cité assiégée, signifiaient nécessairement que les travailleurs avançaient « à tâtons », en s’efforçant de trouver des solutions aux problèmes concrets que posait l’organisation de la société dont, pour la première fois de l’histoire, ils étaient les maîtres.

Beaucoup d’encre a coulé pour mettre en relief l’incohérence et les demi-mesures des travailleurs parisiens, ou encore le temps et l’énergie qu’ils ont perdus durant leurs dix semaines de pouvoir derrière les murs d’une cité assiégée. Il est vrai que les communards ont commis de nombreuses erreurs. Marx et Engels ont à juste titre critiqué le fait de ne pas avoir pris le contrôle de la Banque de France, qui continuait à verser des millions de francs à Thiers, lequel utilisait cet argent pour armer et réorganiser les forces qu’il comptait bientôt envoyer contre Paris. Cependant, fondamentalement, toutes les initiatives les plus importantes prises par les travailleurs parisiens tendaient vers la complète émancipation sociale et économique de la classe ouvrière. La tragédie de la Commune consistait dans son manque de temps. Le processus qui l’acheminait vers le socialisme fut brutalement interrompu par le retour de l’armée de Versailles et le terrible bain de sang qui mit fin à la Commune.

La menace des versaillais fut clairement sous-estimée par la Commune, qui non seulement ne tenta pas de les attaquer – du moins jusqu’à la première semaine d’avril – mais ne s’est même pas sérieusement préparée à se défendre. À partir du 27 mars, des échanges de feu occasionnels eurent lieu entre les positions avancées de l’armée de Versailles et les remparts de Paris. Le 2 avril, un détachement communard se dirigeant vers Courbevoie fut attaqué et repoussé vers Paris. Les prisonniers aux mains des forces de Thiers furent sommairement exécutés. Le jour suivant, sous la pression de la Garde nationale, la Commune lança finalement une attaque en trois mouvements simultanés contre Versailles. Cependant, en dépit de l’enthousiasme des bataillons communards, le manque de préparation militaire et politique sérieuse condamnait cette sortie tardive à l’échec. De toute évidence, les dirigeants de la Commune croyaient que, comme le 18 mars, l’armée de Versailles passerait dans le camp de la Commune à la simple vue de la Garde nationale. Il n’en fut rien.

Cette défaite ne provoqua pas seulement un nombre considérable de morts et de blessés – parmi lesquels Flourens et Duval, exécutés immédiatement après leur arrestation par l’armée de Versailles – mais aussi une vague de défaitisme qui déferla sur Paris. L’optimisme résolu des premières semaines fit place au pressentiment d’une défaite inéluctable et imminente, ce qui accentua les divisions et les rivalités à tous les niveaux de la structure – déjà désordonnée – du commandement militaire.

Finalement, l’armée de Versailles entra dans Paris le 21 mai 1871. À l’Hôtel de Ville, la Commune était dépourvue, au moment décisif, d’une stratégie militaire sérieuse, et cessa tout simplement d’exister, abdiquant toutes ses responsabilités au profit d’un « Comité de Salut Public » totalement inefficace. Les Gardes nationaux furent postés au combat « dans leurs quartiers ». En l’absence d’un commandement centralisé, cette décision empêcha toute concentration sérieuse de forces communardes capables de résister à la poussée des troupes versaillaises. Les communards combattirent avec un immense courage, mais furent graduellement repoussés vers l’est de la cité – et finalement vaincus le 28 mai. Les derniers communards qui résistaient furent fusillés dans le 20e arrondissement, devant le « Mur des Fédérés », que l’on peut encore voir dans le secteur nord-est du cimetière du Père-Lachaise. Au cours de la « semaine sanglante », les forces de Thiers massacrèrent peut-être 30 000 hommes, femmes et enfants, et firent probablement 20 000 victimes de plus dans les semaines suivantes. Les escadrons de la mort travaillaient sans relâche pendant le mois de juin, tuant toute personne suspectée d’avoir d’une façon ou d’une autre soutenu la Commune.

Marx et Engels suivirent la Commune attentivement et tirèrent de nombreuses leçons de cette première tentative de construire une société socialiste. Leurs conclusions se trouvent dans les écrits de Marx publiés sous le titre La Guerre civile en France, avec une introduction particulièrement remarquable d’Engels. Marx expliquait que l’une des principales leçons à tirer de l’expérience de la Commune consiste dans le fait que les travailleurs « ne peuvent pas, comme l’ont fait les classes dominantes et leurs diverses fractions rivales, aux époques successives de leur triomphe, se contenter de prendre l’appareil d’État existant et de faire fonctionner cet instrument pour son propre compte. La première condition pour conserver le pouvoir politique, c’est de transformer l’appareil existant et de détruire cet instrument de domination de classe ». Marx décrit l’État capitaliste comme étant un « immense appareil gouvernemental, qui enserre comme un boa constrictor le véritable corps social dans les mailles d’une armée permanente, d’une bureaucratie hiérarchisée, d’une police, d’un clergé docile et d’une magistrature servile ». Cet « instrument politique de son asservissement », dit Marx au sujet du salariat, « ne peut servir d’instrument politique de son émancipation. »

Marx et Engels ont soutenu sans réserve la lutte révolutionnaire des travailleurs parisiens. Mais ils étaient conscients du piège qui allait se refermer autour de l’insurrection, en raison de la faiblesse du mouvement révolutionnaire dans les villes de province et du conservatisme réactionnaire de la paysannerie. En septembre 1870, Marx avait écrit que, compte tenu des circonstances défavorables, toute tentative de prendre le pouvoir serait « une folie désespérée ». Cependant, avec la fuite du gouvernement et l’effondrement de l’armée, le cours même des événements plaça le pouvoir entre les mains des travailleurs. À partir de ce moment, ils s’efforcèrent, dans des circonstances extrêmement difficiles, d’organiser une société sur des bases nouvelles. Les travailleurs parisiens se battirent pour faire naître ce qu’ils appelaient une « république sociale universelle », débarrassée de l’exploitation, des divisions de classe, du militarisme réactionnaire et des antagonismes nationaux.

Dans un message adressé aux travailleurs français, en 1892, pour marquer l’anniversaire de la prise du pouvoir par la Garde nationale, Friedrich Engels écrivait : « Il y a 21 ans aujourd’hui que le peuple de Paris arborait le drapeau rouge, en défi à la fois au drapeau tricolore français qui flottait à Versailles et au drapeau tricolore allemand qui flottait sur les forts occupés par les Prussiens. […] Ce qui fait la grandeur historique de la Commune, c’est son caractère éminemment international. C’est ce défi hardiment jeté à tout sentiment de chauvinisme bourgeois. La classe ouvrière de tous les pays ne s’y est pas trompée. Que les bourgeois célèbrent leur 14 juillet ou leur 22 septembre. La fête de la classe ouvrière, partout et toujours, sera le 18 mars ! »

Aujourd’hui, en France et dans tous les pays industrialisés du monde, le salariat occupe dans la société une place bien plus prépondérante qu’au XIXe siècle. Les conditions économiques pour la réalisation du socialisme sont actuellement incomparablement plus favorables qu’elles ne l’étaient en 1871. Souvenons-nous donc de la Commune. Apprenons de ses accomplissements comme de ses erreurs. Mais surtout, poursuivons notre lutte pour mettre fin au capitalisme et pour faire advenir la société socialiste, libre et démocratique, pour laquelle les communards se battirent et moururent.


Fraternellement,
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 15 Mars 2021, 12:10

Salut camarades,

Réforme de l’assurance chômage: coup de massue pour les plus précaires
14 mars 2021, publié sur le site de La Riposte
Par Gauthier HORDEL, PCF Rouen

https://www.lariposte.org/2021/03/28720/

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Longtemps repoussée par le gouvernement, la réforme de l’assurance-chômage a été présentée mardi 2 mars 2021 par la ministre du Travail, Élisabeth Borne. Le but premier et avoué de cette réforme est de réaliser des économies sur le dos des demandeurs d’emploi ! Cette réforme est une suite de mesures plus régressives les unes que les autres, qui va changer considérablement le mode de calcul pour la perception de l’allocation.

Nous notons par exemple :

– Les plus hautes rémunérations verront une baisse de 30 % de leur allocation à partir du 7e mois. Ce qui va pénaliser les seniors entre 50 et 57 ans (âge à partir duquel la pénalité ne s’appliquera plus).

– L’allocation ne sera plus calculée sur les 12 derniers mois reconstitués, mais à partir de la moyenne du revenu mensuel sur les 24 derniers mois. Cela inclut également les jours non travaillés, mais avec un plancher qui limite à 13 jours non travaillés dans le mois. Les travailleurs ayant des emplois discontinus seront durement frappés.

– Un durcissement des conditions d’accès, le gouvernement prévoyait qu’il faudrait désormais travailler 6 mois sur 28 au lieu de 4 mois sur 24. Cette mesure serait conditionnée selon des critères particuliers de baisse du chômage. En tout état de cause si elle s’appliquait, elle pourrait pénaliser les plus précaires notamment les femmes qui sont les plus touchées par une activité réduite.

L’Unedic lui-même, organisme qui supervise le calcul, estime que 38 % des demandeurs d’emploi seront impactés par la baisse de l’allocation chômage. Ces 4 exemples annoncent la couleur : « vous êtes pauvres et bien nous vous rendrons la vie encore plus difficile ». Derrière cette réforme rode l’idée qu’il faut d’une part lutter contre la fraude à l’assurance chômage et d’autre part que cette régression sociale va inciter, les travailleurs sans emploi à retrouver une activité. En réalité le chômage est la conséquence directe du système capitaliste. Reporter la faute du chômage sur les dos travailleurs « non motivés » est tout simplement fallacieux. Il ne suffit pas de « traverser la route pour trouver un emploi » comme le fanfaronnait Macron.

Vouloir réaliser des économies en précarisant les plus précaires est scandaleux ! Le plan de relance de l’économie lancé par le gouvernement Macron Castex pèse 100 milliards d’euros. L’État se substitue au patronat pour verser les salaires des travailleurs des entreprises subissant l’impact économique de la crise sanitaire par le biais du chômage partiel. En réalité, c’est une aide au capitalisme français et non aux salariés. La preuve en est que la réforme de l’assurance chômage vise à établir une économie de 1 milliard d’euros par an soit 1 % du plan de relance. C’est la démonstration que ce gouvernement n’a que faire des plus précaires.

À titre de comparaison, la fraude fiscale de l’impôt sur les sociétés est (sous)estimée à plus de 20 milliards d’euros par la Cour des comptes, soit plus de 100 fois supérieure à la fraude (sur)estimée à pôle emploi. De plus cela ne prend pas en compte l’optimisation fiscale des entreprises, c’est-à-dire un moyen complexe, mais légal d’échapper à l’impôt, grâce des placements en paradis fiscaux et des montages financiers. Les plus grandes entreprises qui dégagent des profits gigantesques sont expertes en la matière.

La situation sociale et économique qui fait suite à la crise sanitaire va accentuer le nombre de demandeurs d’emploi ! Le système capitaliste est non seulement incapable de répondre à l’urgence de la situation, mais est lui-même responsable de la précarisation, du chômage… Les grandes entreprises agissent en toute impunité, générant des profits extorqués sur le dos des travailleurs qui ont la chance d’avoir un emploi.

Les chômeurs ne sont pas responsables de la montée du chômage ! Les capitalistes n’ont pour objectif de produire que pour le profit conduisant à l’augmentation de la productivité et aux délocalisations. Là réside les sources du chômage. Il ne suffit pas de lutter contre les conséquences du capitalisme, nous avons besoin de remplacer ce système moribond et obsolète par un système où les richesses produites devraient être le bien commun. Le socialisme répond à cet impératif. La socialisation des moyens de production et d’échange sous le contrôle démocratique des travailleurs permettrait de l’extirper des mains des capitalistes. De cette manière la production de biens répondrait un objectif fondamentalement différent à savoir élever l’humanité et satisfaire les besoins essentiels et non l’appétit insatiable des capitalistes. C’est de cette manière que nous pourrons partager la richesse, le travail et lutter contre le chômage !


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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 19 Mars 2021, 16:03

Salut camarades,

Régionales, départementales : L’opportunisme comme seule stratégie du PCF
19 mars 2021, sur le site de La Riposte
Par un militant PCF, région Nouvelle-Aquitaine.

https://www.lariposte.org/2021/03/regio ... ie-du-pcf/

Le dernier congrès du Parti Communiste Français promettait un renouveau dans le parti qui permettait d’en finir avec son effacement sous prétexte de « rassemblement ». Bien avant le lancement de France Insoumise, le PCF soutient Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle de 2012. Il l’a soutenu de nouveau en 2017. Cette stratégie de renoncement a contribué à l’effacement du PCF, même si elle n’en est pas la seule cause. Ainsi, l’équipe dirigeante issue du dernier congrès a promis que le PCF aurait désormais ses propres candidats à toutes les élections. Or, les élections de cette année démontrent que cet engagement n’est pas tenu.

Les communistes sont actuellement en négociation pour préparer les élections départementales et régionales. En Île-de-France, les dirigeants communistes au niveau régional ont décidé de se rassembler avec France Insoumise. Un an auparavant, pour les municipales à Paris, les communistes étaient en alliance avec le PS contre France Insoumise, tandis qu’à Ivry-sur-Seine, en proche banlieue, le Parti Socialiste s’alliait avec France Insoumise pour essayer d’enlever la mairie au PCF ! Comme quoi l’opportunisme l’emporte sur des questions de programme. Actuellement et toujours en Île-de-France, certains départements verront des listes communes PCF-FI, certains verront des listes PCF-PS. Dans d’autres encore, le PCF partira seul. Vous la suivez bien, la stratégie du PCF en Île-de-France ?

Au siège du PCF, on laissait entendre que si les communistes en Île-de-France se rassemblaient derrière FI, cette dernière pourrait soutenir les communistes dans les Hauts de France. Allons donc voir ce qui se passe dans les Hauts de France. Aux dernières élections régionales, le Rassemblement National et la Droite s’affrontaient au deuxième tour. La droite s’est imposée avec l’appui du PS, au nom d’un « front républicain ». Cette expérience a poussé EELV, le PS, FI et le PCF à se mettre d’accord en janvier pour présenter une liste commune au premier tour. La direction du PCF espérait apparemment que cette alliance soutiendrait Fabien Roussel en échange du ralliement des communistes dans d’autres régions, et notamment en Île-de-France au profit de FI et en Nouvelle-Aquitaine au profit du PS. Mais – oh surprise ! – FI et les Verts quitte la table de négociation, début mars, pour faire une liste sans le PCF et le PS ! Après un nouveau rebondissement de dernière minute, le PCF et le PS baissent leur froc et tout le monde se rassemble finalement derrière un chef de file EELV.

En Nouvelle-Aquitaine, lors de la conférence régionale du PCF, la perspective d’avoir Fabien Roussel comme chef de file dans les Hauts de France a été utilisée comme argument pour se ranger derrière le PS en contrepartie. À côté de cela, les Verts disent vouloir partir seuls aux régionales, mais proposeraient une alliance éventuelle avec le PCF. FI ira avec le NPA (eh oui, l’opportunisme touche tout le monde) et propose, elle aussi, une union éventuelle avec le PCF. L’accord proposé par le PS est particulièrement minable – pire encore que la pitoyable proposition des Verts – puisqu’en cas de victoire de l’alliance il n’y aurait aucun élu communiste dans certains départements. Cela montre bien le respect que nous inspirons à nos « partenaires » prospectifs. La conférence régionale trouvait cet accord acceptable et s’est prononcé à 70 % pour l’union avec le PS, et le vote des militants a validé cette option. Ainsi comme le disait un camarade en réunion de section : « Soit nos chefs sont des idiots, soit ils nous prennent pour des idiots ». Il est probable que ce soit un peu des deux. Au niveau des élections départementales en Nouvelle-Aquitaine, c’est également la grande tambouille. Dans la Vienne, le PCF ira avec les Verts. Dans les Deux-Sèvres le PCF ira avec FI. Charente-Maritime, le PCF ira avec le PS. En Bretagne, le PCF se trouve dans une majorité régionale qui, selon son président socialiste, Loïg Chesnais-Girard, « va des communistes aux Marcheurs » (Le Figaro du 17 mars 2021). Et les dirigeants du PCF dans la région insistent pour que cette alliance dont les macronistes font partie soit renouvelée. Ça va loin ! Pour beaucoup de militants communistes, la ligne rouge à ne pas franchir est « pas d’alliance avec LaREM » [Voir les interventions de Boris Campos et de Gweltaz Malcoste, en annexe]. Et bien, en Bretagne, cette ligne est franchie, pour une promesse 4 ou 5 élus régionaux. La soupe est servie mes camarades… et il y en a pour tous les goûts !

Nous pourrions faire le tour de tous les départements et régions et partout ce serait le même constat. Parfois le PCF est avec le PS, parfois avec les Verts, parfois avec FI, parfois il part tout seul. Toutes les configurations sont présentes. L’impression que cela donne est que des questions de programme sont moins importantes que la chasse aux places. Comment se fait-il que le programme du Parti Socialiste soit acceptable dans une région, mais inacceptable dans une autre. C’est le même parti partout. Il en va de même pour France Insoumise ou les Verts. Clairement, la « stratégie » du PCF n’est pas fondée sur des considérations programmatiques ou politiques, mais uniquement sur l’obtention de sièges dans les institutions, où il sera le prisonnier volontaire de ses soi-disant alliés. Il se vend au plus offrant.

Le spectacle désolant de cet opportunisme fait partie des facteurs qui incitent les travailleurs à se détourner de la politique et de s’abstenir lors des élections. La gauche, dans son ensemble, est largement discréditée. Les travailleurs voient bien que ce qui intéresse les appareils politiques, c’est avant tout le pouvoir… et les privilèges qui en découlent. Partageons-nous encore quelque chose avec le Parti Socialiste, après le quinquennat de Hollande ? Ou avec les Verts, qui sont le plus souvent plus proches des macronistes que des communistes ?

Que fallait-il faire ? En 2022, le PCF prévoit de présenter un candidat (c’était en tout cas l’option prise lors de son dernier congrès), et les élections départementales et régionales nous offrent l’occasion de faire connaître le programme et les idées des communistes, d’une part, et aussi de montrer aussi nettement que possible que le PCF n’est pas un parti comme les autres, qu’il n’est pas prêt à renoncer à son programme pour obtenir des places. Et même si le PCF devait soutenir le candidat de France Insoumise en 2022 (comme le souhaite une partie de sa base), les régionales et départementales auraient pu servir à faire connaître le programme de cette alliance. Il fallait déterminer notre stratégie présidentielle avant les régionales et adopter une stratégie cohérente pour 2021 et 2022. Mais ce n’est pas ce qu’il s’est passé. Il n’y a aucune cohérence.

Comment expliquer aux travailleurs et même à nos propres militants que notre programme est moins important que d’avoir des élus ? Comment expliquer que le PCF forme des alliances différentes, d’une ville à l’autre, d’un département à l’autre, d’une région à l’autre et d’une élection à l’autre ? Les travailleurs sont perdus et écœurés devant ces volte-face, comme le sont de nombreux militants. Il est temps de le remettre sur pied avec des idées clairement communistes et une stratégie cohérente. L’opportunisme ne doit pas être une stratégie acceptable pour les communistes !


Annexe 1

Elections régionales 2021 : rompre avec la majorité sortante, construire l’alternative à gauche
Par Boris Campos, Secrétaire de la section PCF de Lorient
Le 26 février 2021

Nous allons voter du 4 au 6 mars pour notre stratégie d’alliance lors des prochaines élections régionales. Parmi les 3 propositions présentées, la première est de faire alliance avec Loig Chesnais Girard, président de région sortant et membre du parti socialiste.

Lors des dernières élections régionales, nous avons fait campagne au sein du Front de Gauche. La démarche consistait à construire une alternative à la gauche de parti socialiste. Entretemps, le mandat Hollande, en particulier, a mené à l’effondrement électoral du PS. Ils n’ont que ce qu’ils méritent : abandonnant leurs promesses de campagne, ils ont mené une politique ouvertement procapitaliste, accompagnant les contre-réformes réclamées par le patronat. La grande majorité de ses « cadres » n’a pas respecté le vote des primaires qu’ils avaient eux-mêmes organisé et, parmi eux, une grande partie a été séduite par l’ascension de Macron, abandonnant leur parti pour des promesses de postes. Ce lamentable spectacle a contribué à l’augmentation de l’abstention de manière générale et à la débâcle des socialistes en particulier.

Le PS est donc aujourd’hui largement discrédité. Faut-il exclure une alliance de principe avec ce parti ? Pour le moment, je ne pense pas. À défaut de bilan du mandat actuel pour nous aiguiller[1], une des conditions serait une alliance avec des partisans d’une aile gauche, qui remettent au moins en cause le bilan du mandat Hollande, et qui se positionnent clairement dans l’opposition au gouvernement Macron.

LCG incarne-t-il ce renouveau et cette opposition ? Il est un des héritiers de Le Drian. Sa majorité s’est divisée avec la création d’un groupe LaREM, soutenant le président de région tout autant que le président de la République. Il a tergiversé des mois pour enfin assumer qu’il était bien de “gauche”. Ce courageux socialiste s’est-il pour autant séparé des marcheurs ? Non ! En janvier, il déclarait au Figaro : « Si la question est de savoir si je serai le candidat de la majorité présidentielle, la réponse est non. Si la question est de savoir si les Marcheurs qui sont déjà à mes côtés et qui se définissent eux-mêmes comme sociaux-démocrates ont vocation à rester avec moi, ils savent que c’est oui. » (je ne suis pas abonné au Figaro alors je n’ai pas l’interview complet, mais voici l’article ou ses propos sont rapportés).

Ainsi donc, cet homme est président d’une majorité où se trouvent aussi bien des communistes que des membres de LaREM, et il souhaiterait reproduire cette alliance. Cela en dit long sur le socle idéologique sur lequel il fait de la politique : ce qu’il veut avant tout, c’est conserver son poste de président de région. C’est son problème. Un des nôtres, c’est que deux élus communistes siègent dans une majorité aux côtés de marcheurs. C’est déjà une grave erreur. Et nous répéterions délibérément cette erreur ? Le PCF aurait peut-être quelques élus le temps du prochain mandat, mais pour faire quoi ? Sur quels points programmatiques a-t-on eu des engagements solides de l’équipe de LCG ? Quel est le programme de sa liste ? Et peut-on lui faire confiance pour tenir ses engagements programmatiques envers nous ? Quelles promesses a-t-il faites aux marcheurs et autres courtisans ? Et en admettant que nous puissions obtenir quelques avancées, ce serait à quel prix ? Car le PCF ne renouera pas avec sa base (électorale, mais aussi militante) en continuant de soutenir ceux dont la base s’est détournée.

Ceci nous amène à discuter de l’argument couramment avancé : « il faut faire barrage à la droite et à l’extrême droite » ou « il ne faut pas que la région bascule à droite ». Comment prétendre faire obstacle à la droite en s’alliant avec un individu qui ne souhaite pas rompre avec la droite (LaREM) ? Comment enrayer la montée de l’abstentionnisme en s’alliant avec ceux qui, par leurs renoncements, alimentent l’abstentionnisme ? Ce qu’on nous présente comme antidote contribue au mal. Nous avons tout à gagner à nous démarquer clairement de ces gens et de leur politique.

Pour enrayer notre déclin, il y a urgence à proposer une alternative radicale, à mon sens ouvertement révolutionnaire, anti-capitaliste -communiste, tout simplement. C’est pourquoi les propositions 2 et 3 ne sont peut-être pas la solution pour recueillir une poignée d’élus à court terme. Mais, à moyen terme, sur la base d’une campagne avançant les idées du communisme, elles contribueraient à reconquérir le terrain perdu.

[1] Remarquons que nous n’avons pas réalisé de bilan avant d’avoir à nous positionner. Nous aurions un bilan si l’union est scellée. C’est à dire trop tard.


Annexe 2

Intervention de Gweltaz Malcoste faite en AG de section de Lorient, au sujet des élections régionales

Je suis étonné par le choix adopté par les délégués à la conférence régionale ; au-delà du problème soulevé par Boris (liens élus LaREM), nous pouvons aussi concrètement nous rendre compte de la politique menée par LCG depuis 2017. Certes, il a pu se positionner en faveur de salariés en difficulté ici ou là, mais il s’est surtout positionné en faveur des lobbies de l’agroalimentaire et en défenseur d’un modèle régional insoutenable :

La Région Bretagne soutient allègrement la filière volaille, la « ferme usine » de Brocéliande a ainsi bénéficié d’une subvention de 50 000 euros. La Région est même directement actionnaire d’une entreprise agroalimentaire, Yer Breizh (« la poule bretonne »), la collectivité est actionnaire à hauteur de 5% – participation qu’elle portera à 33% d’ici 2021, soit 2 millions d’euros (1).

La Région a été un acteur privilégié dans la création du groupe Ereuden (fusion de Triskalia et D’aucy). Ce géant de l’agroalimentaire qui en plus d’enfermer des milliers d’agriculteurs dans une course effrénée à la rentabilité, devient le plus gros distributeur régional de pesticides et de très loin avec environ 323 tonnes vendues pour D’Aucy, derrière Triskalia 573 tonnes.

Ce sont deux exemples parmi d’autres, j’aurais pu citer la gestion du dossier des Algues vertes (2). Les chiffres annoncés comme encourageants par la Région résultent d’une diminution des ramassages vers les centres de compostage). Je pouvais aussi prendre en exemple le livre de LCG, Le souffle breton, préfacé par Erik Orsenna, écrivain, académicien et figure tutélaire du lobby Agriculteurs de Bretagne. Je me demande alors ce que les socialistes et LCG entendent quand ils disent vouloir revoir le modèle agri-agro (Lettre de Philipe Jumeau fournie avec le bulletin de vote).

L’échelon régional est parfait pour lier les enjeux locaux concrets : fermes-usines, algues vertes, subventions et financements… Et la dénonciation du pouvoir capitaliste, sa domination de l’économie – et donc, inévitablement, de l’appareil étatique et gouvernemental.

Je conçois que les directions régionales de EELV et de l’UDB soient assez opportunistes pour effectuer un tel grand écart idéologique après s’être assurées d’un minimum d’effets d’annonce programmatiques et de greenwashing. Cependant une telle stratégie de notre part m’interroge, camarades.

Je pense malheureusement que nos cinq élus aussi combatifs puissent-ils être seraient confrontés à une situation schizophrénique intenable due à un antagonisme idéologique. Le PCF a toujours porté le rassemblement à gauche sur des bases antilibérales et en mettant au coeur de son projet l’intérêt général. Le logiciel de réflexion emprunté par LCG et sa majorité n’est en rien compatible avec cette idée. Je crains que cette stratégie d’alliance confuse avec le PS contribue à présenter le PCF comme un parti qui ne se distingue pas des autres, avec l’objectif commun de la lutte des places comme on peut l’entendre régulièrement.

Le PCF a besoin de sortir de l’ornière dans laquelle il se trouve, la stratégie qui consiste à sauver des places d’élus à court terme, sous prétexte que s’ils disparaissent le parti se rendrait invisible, est un mauvais calcul à long terme ; à l’inverse, c’est cette stratégie qui a participé à son affaiblissement.

(1) Magazine LSA « Volailles : qui est Yer Breizh ? » Marie Cadoux le 02/07/2018

(2) Communiqué de presse de l’association Halte aux Marées Vertes, Ouest-France le 27/01/2021


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Gayraud de Mazars
 
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Gayraud de Mazars » 19 Mars 2021, 21:54

Salut camarades,

La quatrième partie de notre série sur la révolution allemande...

La révolution allemande, 1917-1919. – 4. La révolution commence !
19 mars 2021, sur le site de La Riposte

https://www.lariposte.org/2021/03/la-re ... -commence/

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L’état-major allemand lance une dernière grande offensive sur le front occidental, le 21 mars, dans l’espoir de percer les lignes ennemies et de bloquer les ports maritimes au nord de la France. Malgré quelques succès initiaux, son échec – au prix d’un million de morts et de blessés supplémentaires – rend la défaite définitive de l’Allemagne inéluctable. Au milieu du mois de juillet, déjà, l’état-major allemand en est convaincu. Dans les semaines suivantes, l’armée, brisée militairement et démoralisée, commence à se disloquer. Sans la conclusion d’un armistice immédiat, elle peut s’effondrer complètement. Le 29 septembre, Hindenburg et Ludendorff, représentant l’état-major, expliquent la situation dans toute sa gravité au Kaiser. Il faut trouver un moyen d’associer les partis « parlementaires » à la direction du pays, pour qu’ils acceptent la responsabilité des conséquences économiques et sociales de la défaite. Cela signifie, concrètement, la formation d’un gouvernement avec la participation des sociaux-démocrates. Il n’y a pas d’autre choix. Il faut « démocratiser » d’en haut afin d’éviter une révolution d’en bas.

Ce projet devient une réalité le 4 octobre 1918. Le nouveau chancelier sera le Prince Max de Baden, le cousin du Kaiser. Matthias Ertzberger représentera le Parti du Centre Catholique et Philip Scheidemann représentera le SPD. Le but essentiel du nouveau gouvernement est de lutter contre toute possibilité de révolution de préserver coûte que coûte la monarchie. Alors que le SPD est formellement opposé à la monarchie, voilà qu’il se trouve embarqué dans un gouvernement dont le but est d’empêcher sa chute. La perspective de la signature d’un armistice ne peut que miner ce qui restait de l’efficacité militaire de l’armée. Pourquoi mourir pour une guerre qui est déjà perdue ? Plusieurs milliers de soldats se rendent. Plusieurs milliers d’autres prennent la fuite. Chez les travailleurs, un régime en échec est un régime affaibli, vulnérable. Des manifestations spontanées éclatent un peu partout. Liebknecht est libéré le 23 octobre.

Pendant quelques semaines, les autorités allemandes pensent pouvoir obtenir une paix « honorable » auprès de l’Entente. Mais ceci n’est qu’une illusion. La France, surtout, veut profiter de la défaite de l’Allemagne pour lui infliger un châtiment terrible, s’emparer d’une partie de son territoire, piller son économie et briser définitivement son statut de puissance européenne. L’état-major allemand refuse de se résigner à cet acharnement punitif et pense – encore une illusion – pouvoir modifier le rapport de forces en ordonnant de nouvelles mobilisations terrestres et maritimes. Mais lorsque les marins de Wilhelmshaven reçoivent l’ordre de partir en mer, vers la fin du mois d’octobre, ils y répondent par l’extinction des chaudières. Une nouvelle attaque contre la marine britannique, dans les circonstances actuelles, n’était qu’une mission suicidaire et futile. L’arrestation des mutins n’a pas, cette fois-ci, le même effet qu’en 1917. En l’espace de quelques jours, plusieurs milliers de marins marchent, l’arme à l’épaule, dans les rues de Kiel. Ils sont accompagnés des travailleurs de la zone portuaire. Les autorités militaires donnent l’ordre aux quelques unités encore fiables d’ouvrir le feu sur les manifestants, dont plusieurs sont tués. Les marins se défendent. Les unités loyales prennent la fuite. Nous sommes le 3 novembre 1918. Les événements sanglants de ce jour marquent le début de la révolution allemande. Une semaine plus tard, la monarchie va chuter.

À Cuxhaven, une grève générale éclate. Un « Conseil des travailleurs et des marins » est élu et devient la seule autorité dans la ville. Même chose à Wilhelmhaven. À Hambourg, la « modération » des dirigeants de l’USPD a failli faire dérailler la révolte. Le 5 novembre, le parti appelle à la libération des prisonniers marins, mais refuse la création d’un Conseil de travailleurs, de soldats et de marins. Mais grâce à l’audace du marin Friedrich Zeiler, de direction de l’USPD n’aura pas gain de cause. À la tête d’une centaine d’hommes, il s’est emparé du local des syndicats et a lancé un appel à une manifestation de masse pour le lendemain. Une délégation a été expédiée à la caserne pour rallier les soldats. Le lendemain, 40 000 manifestants ont défilé dans les rues de Hambourg. Un Conseil composé de délégués issus des usines et des casernes est élu. Il est dirigé par un révolutionnaire du nom de Lauffenberg. Pour les soldats et les marins révolutionnaires, l’issue de l’insurrection est une question de vie ou de mort. Ils payeraient son échec devant un peloton d’exécution.

Avec la prise d’Hambourg, la révolution se répand dans les villes du nord-ouest. Le 6, les Conseils prennent le pouvoir à Bremen, Lockstedt et Rendsburg. Le 7, la révolution gagne Braunschweig, Cologne, Hanovre et Munich. Chemnitz, Darmstadt, Dresde, Düsseldorf, Francfort, Halle, Magdebourg, Leipzig, Nuremberg, Oldenbourg et Rostock tombent le 8. Pour le moment, du moins en apparence, Berlin est encore fermement entre les mains des forces impériales. Il n’y a ni grève de masse ni mutinerie. La police assure la protection des bâtiments publics et les autorités militaires berlinoises considèrent qu’une éventuelle tentative de soulèvement révolutionnaire serait rapidement et facilement écrasée. Et pourtant, la suite des événements va démontrer que la capitale est, elle aussi, au bord de la révolution.

Les dirigeants du SPD craignent – à juste titre – que si rien ne semble changer en haut, la révolte qui couve en bas ne manque pas d’emporter tout le pays. Ils veulent que le Kaiser se retire volontairement. Non pas qu’ils envisagent l’instauration d’une république. Ils veulent seulement qu’un membre de la famille royale remplace le Kaiser actuel. Au Prince Max de Baden, Ebert pose le problème très clairement : « Si le Kaiser n’annonce pas son abdication, une révolution est inévitable. Mais je n’en veux pas. Je hais la révolution. Je la hais comme je hais le péché. »

Les dirigeants de l’USPD, les délégués syndicaux révolutionnaires et les Spartakistes ne parviennent pas à s’entendre sur la date de l’offensive révolutionnaire. Tous savent que si elle n’est pas organisée, elle se produira dans peu de temps, de toute façon. Liebknecht, pour sa part, craint que si les révolutionnaires n’en prennent pas l’initiative, les dirigeants du SPD le fassent à leur place, dans le but de limiter les conséquences du soulèvement à un simple changement de façade. Haase, le chef de l’USPD, vacille. Son but est de rétablir l’unité de tous les sociaux-démocrates et retrouver la situation d’avant-guerre, comme si le ralliement des chefs du SPD au carnage impérialiste n’avait jamais existé. Il ne veut rien faire qui rendrait cette réunification plus difficile. Les délégués syndicaux révolutionnaires sont, eux, indécis. Ils se laissent impressionner par les arguments de Haase, selon lesquels un soulèvement révolutionnaire n’est pas encore « techniquement » possible. Ces désaccords paralysent le camp révolutionnaire. Pendant ce temps, le régime profite de chaque occasion qui se présente pour lui porter un coup. Le 6 novembre, la police procède à l’arrestation de Däumig, l’un des dirigeants des délégués syndicaux. Le 7 novembre, un an jour pour jour après la prise de pouvoir des révolutionnaires en Russie, la police disperse un rassemblement commémoratif.

Finalement, Liebknecht se décide à agir, avec ou sans les autres. Il ne veut pas perdre une minute de plus. Le 8, avec son camarade spartakiste Ernst Meyer, il signe un tract appelant à l’organisation immédiate de la révolution. La diffusion de ce tract dans la capitale coïncide avec celle d’un tract similaire produit au nom de délégués syndicaux et membres de l’USPD. L’état-major a, de toute évidence, surévalué la solidité des forces dont il dispose. Le jour suivant, les soldats du régiment dénommé Kaiser Alexander sortent de leur caserne et fraternisent avec le peuple. Une seule caserne a tiré sur la foule, faisant quatre morts, dont l’ouvrier Eric Habersaath. Il jouait un rôle dirigeant dans l’organisation de jeunesse des Spartakistes. Dans pratiquement toutes les usines, les travailleurs répondent à l’appel à la grève. Nous sommes le 9 novembre 1918, six jours seulement après le déclenchement de la révolution par les marins de Kiel. Et déjà la prise de pouvoir par la classe ouvrière allemande semble être à portée de main.

Maintenant se pose la question de la composition du gouvernement. Le Prince Max de Baden cède la place à Friedrich Ebert, qui devient donc le chef du gouvernement avec, à ses côtés, Philip Scheidemann et Otto Braun. Ebert propose aussitôt l’inclusion des représentants de l’USPD, dans l’espoir qu’ils protégeraient ainsi le flanc gauche du nouveau pouvoir. C’est avec ce même objectif à l’esprit que, lorsqu’on lui demande s’il accepterait la participation de Liebknecht, il laisse entendre que cela pourrait bien s’avérer utile. Pour donner l’impression que les chefs du SPD et le gouvernement sont du côté des travailleurs, Vorwärts lance un appel tardif à la grève générale, faisant mine d’ignorer que celle-ci est déjà massivement en cours depuis le début de la journée.

Les dirigeants de l’USPD n’ont pas tous la même position sur la question de la participation au gouvernement. Dittman est pour. Ledebour est violemment contre. Ledebour a beaucoup d’influence sur des délégués syndicaux. Le parti en tant que tel ne peut pas se prononcer sur la question, compte tenu de ces divergences. Liebknecht rejoint les colonnes qui marchent sur le Palais Impérial. Emil Eichhorn, un militant appartenant à la gauche de l’USPD, mène un groupe d’hommes vers le quartier général de la police berlinoise. Les soldats qui protègent ce haut lieu stratégique passent leurs armes aux hommes d’Eichhorn, qui prennent le contrôle de l’édifice sans difficulté. Eichhorn devient de ce fait le chef de la police de la capitale. Environ 650 prisonniers politiques sont libérés, dont le dirigeant spartakiste Leo Jogiches. Rosa Luxemburg, sortant de la prison de Breslau, prend en charge la rédaction de Die Rote Fahne. Quelques tentatives de résistance, notamment devant l’université et la bibliothèque d’État, sont facilement dispersées par le peuple. Manifestations, rassemblements, fraternisations entre travailleurs et soldats. Des partisans du SPD, de l’USPD, des délégués syndicaux révolutionnaires et Spartakistes se confondent pêle-mêle en une seule masse compacte. Le peuple tient la ville.

À l’extérieur du Reichstag, une foule immense de manifestants scande ses revendications, brandissant armes et drapeaux rouges. À l’intérieur, Scheidemann, quant à lui, mange une bonne soupe au restaurant. Députés et fonctionnaires, effrayés par l’agitation sous leurs fenêtres, l’implorent de dire quelque chose pour calmer la situation. Non sans irritation, Scheidemann pose sa cuillère et va au balcon. Il déclare pompeusement que tout a changé. Ebert est désormais chef de gouvernement, chancelier du Reich. Mais voyant que ses paroles ne calment pas la foule, il rajoute « Vive la République ! » Ebert, en apprenant ce qu’il s’est passé, était furieux. Scheidemann n’avait pas le droit de proclamer la république !

Au même moment que le discours de Scheidemann, Liebknecht est arrivé au Palais Impérial, où il prononce un discours d’une tout autre teneur : « Le jour de la révolution est arrivé. Nous avons imposé la paix. La domination des Hohenzollern, qui ont vécu pendant des siècles dans ce château, est terminée. À cette heure, nous proclamons la Libre République Socialiste d’Allemagne. […] Nous devons mobiliser toutes les forces pour construire le gouvernement des ouvriers et des soldats, mettre en place un nouvel ordre étatique du prolétariat, un ordre de paix, de bonheur, de liberté pour nos frères d’Allemagne et pour nos frères du monde entier. Nous leur tendons la main et les appelons à la réalisation de la révolution mondiale ». La colère d’Ebert à propos de la déclaration « déloyale » de Scheidemann n’était qu’une comédie pathétique. La monarchie ne pouvait en aucun cas survivre aux événements révolutionnaires en cours. Il le sait pertinemment. Le jour même, le prince Max de Baden annonce l’abdication du Kaiser à Ebert, Scheidemann et Braun. La monarchie est tombée comme une pomme pourrie.

Les chefs de l’USPD, toujours indécis à propos de la participation gouvernementale, promettent de donner une réponse avant 18h00. Au début des discussions, l’opposition catégorique de Ledebour à la participation semble emporter une majorité, mais l’arrivée progressive de nombreuses délégations de soldats va changer l’humeur de la conférence. Les soldats – largement sous l’influence des dirigeants du SPD – insistent sur l’unité de « tous les socialistes » et, par manque d’expérience politique, ne voient dans les différences de programme et d’objectifs qu’autant de rivalités et de divisions nuisibles à la cause de la révolution, de la paix et de la fraternité. D’autres délégations, composées largement d’ouvriers, sont plutôt favorables à la participation gouvernementale, notamment de la part de Liebknecht, qui serait, pensent-ils, une façon d’assurer que le gouvernement réalise la paix et le socialisme. Liebknecht arrive dans l’après-midi, et parvient à la conclusion que le refus catégorique que prônait Ledebour ne serait pas compris par les masses révolutionnaires, qui désirent l’union de la totalité du camp socialiste. Ainsi, Liebknecht accepte le principe d’une participation, mais seulement si six conditions fondamentales sont respectées : la proclamation d’une République Socialiste, la nomination de représentants élus des travailleurs et des soldats à tous les postes clés de l’administration, aucune participation de représentants des partis bourgeois, la limitation de la participation de l’USPD au temps nécessaire à la conclusion de l’armistice, le contrôle des ministères « techniques » par des représentants politiques des travailleurs et la représentation égale pour chaque parti au cabinet de l’exécutif. Seul Ledebour a voté contre toute participation, même sous les conditions présentées par Liebknecht. La proposition de l’USPD a été envoyée au SPD avec deux heures de retard. Une heure après, il en avait la réponse. Le SPD n’acceptait que les deux dernières conditions. La nature du régime, disait-il, ne pouvait être tranchée que par un nouveau parlement, issu d’une Assemblée Constituante. Le gouvernement actuel n’est que provisoire et ne siégera que jusqu’à la mise en place de l’Assemblée Constituante. Surtout, il n’est pas question, pour le SPD, de remettre les rênes du pouvoir à une seule classe, et la participation de partis bourgeois lui paraissait donc indispensable. En l’absence de Haase, l’USPD s’est donné jusqu’au lendemain pour déterminer sa position concernant la réponse du parti d’Ebert. Mais la journée du 9 novembre n’est pas encore terminée. À 22h00, plusieurs centaines de délégués issus des travailleurs insurgés se réunissent dans la grande salle de réunion du Reichstag. Se considérant comme un Conseil provisoire des travailleurs et des soldats de la capitale, ils décident d’organiser une nouvelle assemblée le lendemain matin (le 10 novembre), sur la base d’un délégué pour 1000 travailleurs. L’assemblée, prévue à 10h00 au Cirque Busch, doit mettre en place un nouveau gouvernement révolutionnaire. Ce projet va directement à contresens des manœuvres d’Ebert, nommé « chancelier impérial » par un prince, alors que l’empire sans lequel ce poste n’a aucune raison d’être n’existe plus, désormais.

Dans la soirée, le prince Max de Baden rend visite à son successeur avant de quitter la capitale. Ebert lui paraît extrêmement nerveux, cédant à la panique. Il demande au prince de ne pas partir, lui propose d’assurer l’« administration » de la monarchie Hohenzollern ! Le prince, étonné, refuse la proposition sans appel. La monarchie est perdue. « Herr Ebert, dit le prince, selon son propre récit de la rencontre, « je vous confie la sauvegarde de l’empire allemand ». Ebert lui répond seulement : « J’ai perdu deux fils pour cet empire ». Plus tard encore dans la soirée, Ebert reçoit, dans le cabinet privé du chancelier, un appel téléphonique. La sonnerie venait d’un poste téléphonique strictement réservé aux échanges entre le chancelier impérial et le commandement suprême militaire. Il décroche. C’est le général Groener. Après quelques amabilités de forme, Ebert demande au général quelles sont les intentions du commandement suprême. Groener lui répond que le Kaiser dort dans une voiture du train impérial, dans lequel il fait chemin vers la Hollande. Il lui dit aussi que le Kaiser a demandé à Hindenburg de prendre en charge le commandement de l’armée et que ce dernier avait l’intention de ramener l’armée à Berlin, dès la signature de l’armistice. Pour rassurer son interlocuteur, Groener l’assure qu’il ne sera nullement question de déposer le gouvernement, dont le Maréchal Hindenburg reconnaîtra la légitimité. De même, Hindenburg adoptera une attitude « amicale » envers les conseils de soldats qui se sont constitués au cours de la révolution. Quand Groener cesse de parler, un long silence s’installe. Puis Ebert lui pose une nouvelle question : « Et qu’attendez-vous de nous ? » Groener répond : « Le commandement s’attend à ce le gouvernement l’aide à maintenir une stricte discipline au sein de l’armée et qu’il empêche la désorganisation des voies ferrées. » Ebert : « Y a-t-il autre chose ? » Groener : « Le commandement s’attend à ce que le gouvernement impérial lutte contre le bolchevisme et, pour ce faire, l’armée se mettra à la disposition du gouvernement. » Ebert, soulagé et ému, demande au général de « transmettre les remerciements du gouvernement au Maréchal. »

En vue de la conférence de délégués au Cirque Busch, au matin du 10 novembre, le député SPD Otto Wels, nommé au commandement de la garnison de Berlin par Ebert, avait fait imprimer, pendant la nuit, au moins 40 000 exemplaires d’un tract s’adressant aux soldats « qui soutiennent Vorwärts ». Le mot d’ordre principal de Wels était « Pas de lutte fratricide ! », autrement dit, pas de désunion dans le camp « socialiste », dans le camp de la révolution. Le but de ce mot d’ordre était de faire pression sur l’USPD et sur les Sparkacistes pour entrer au gouvernement et de s’associer, de ce fait, à sa politique, sous peine d’être marginalisés et d’être considérés comme diviseurs et saboteurs de la révolution. À la réunion de l’exécutif de l’USPD, Haase, après quelques hésitations, se prononce pour la participation, malgré le refus des conditions présentées par l’USPD. Il ne fallait pas, disait-il, se mettre dans le rôle de ceux qui empêchent l’unité du camp socialiste. Liebknecht n’était pas présent à cette réunion, mais, tenu au courant de ses délibérations, il a fait savoir qu’il ne participerait pas au gouvernement si l’USPD renonçait aux conditions présentées au SPD. Dans l’après-midi, l’USPD et le SPD ont conclu un accord. Le cabinet sera composé de trois « commissaires du peuple » de chacun des deux partis. L’accord précise que la politique du gouvernement sera décidée par le cabinet. L’accord stipule ensuite que « le pouvoir politique sera entre les mains des Conseils de travailleurs et de marins et que la question de la convocation d’une Assemblée Constituante sera discutée « plus tard ».

La conférence commence tardivement, réunissant entre 1500 et 2000 délégués. Ebert prend la parole. Il explique que les conditions imposées par l’Entente sont très dures, mais que l’Allemagne n’a pas d’autre choix que de les accepter pour que le carnage de la guerre s’arrête. Il annonce l’accord conclu entre le SPD et l’USPD, pour la formation d’un gouvernement « sans ministres bourgeois ». Son discours est suivi par celui de Haase, qui confirme la conclusion de l’accord. Liebknecht prend la parole. Il sait que la vaste majorité des soldats est acquise au SPD. Sur un ton calme, mais incisif, il explique sa position, bien qu’il soit régulièrement interrompu, insulté et même menacé par les délégués des casernes. Il met en garde les délégués contre le piège de l’unité : « Ces gens qui sont aujourd’hui avec la révolution et qui étaient jusqu’à avant-hier, ses ennemis déclarés, ont collaboré avec les autorités militaires pendant la guerre ». Aujourd’hui, dit Liebknecht, ils veulent monter les soldats contre les ouvriers, pour affaiblir la révolution, avant de l’étrangler : « La contre-révolution est déjà en marche. Elle est entrée en action. Elle est ici même, parmi nous ! » Sa voix est souvent couverte par les cris des soldats, brandissant leurs armes : « Unité, unité, unité ! ». La conférence valide la composition gouvernementale prévue par l’accord SPD-USPD.

Ensuite, après une « discussion » confuse et houleuse, l’élection du Comité Exécutif du Conseil des travailleurs et des soldats a eu lieu. Le comité sera composé de 12 représentants des soldats proches du SPD à côté de 12 représentants des travailleurs, dont 6 pour le SPD et 6 pour l’USPD. La déclaration finale de la conférence aura une tonalité plutôt révolutionnaire. Elle affirme que l’Allemagne est désormais une république socialiste, se prononce pour la paix et envoie des salutations fraternelles au gouvernement révolutionnaire en Russie.


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Gayraud de Mazars
 
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par com_71 » 20 Mars 2021, 01:09

La Riposte a écrit :...Comment expliquer aux travailleurs et même à nos propres militants que notre programme est moins important que d’avoir des élus ? ... L’opportunisme ne doit pas être une stratégie acceptable pour les communistes !


Et demander à la direction du PCF de défendre son programme (d'accession électorale au gouvernement -qui sera toujours un gouvernement bourgeois-), n'est-ce pas aussi de l'opportunisme ?
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: fil "interventions de La Riposte"

Message par Kéox2 » 20 Mars 2021, 13:44

Salut Gayraud,

Merçi, pour ces textes sur la Commune et sur la Révolution allemande... Mais, à la lecture des textes de militants du PCF que tu met en ligne, je me pose la question : pour qui vas-tu voter aux régionales et aux présidentielles ? Pour LO j'espère... :?:

Bien à toi.
Kéox2
 
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