Voile : Pas besoin d'une loi

Message par conformistepote » 19 Déc 2003, 23:44

a écrit :Voile : Pas besoin d'une loi

La commission Stasi vient de rendre son rapport. Il prépare le terrain à une loi qui devrait être annoncée par Chirac le mercredi 17 décembre. Un grand débat est ouvert, lourd de dangers, sur le port du voile, sur la laïcité et sur l'opportunité d'une loi.
Le port du foulard islamique exprime l'oppression et l'infériorité des femmes, quelle que soit la manière dont il est vécu par celles qui le portent. En ce sens, il signifie publiquement la soumission du corps des femmes à l'autorité de leur père, de leur frère ou de leur mari. Il prépare à l'enfermement des femmes dans la sphère domestique. Pour certaines filles, il peut s'agir d'une protection contre le sexisme, de la volonté d'affirmer une identité culturelle, mais dans tous les cas il s'agit d'une réponse déformée à une situation d'oppression. Il n'y a donc aucune hésitation, de notre point de vue, à combattre le port du voile. Tout le problème est de savoir comment aider efficacement les jeunes filles à s'émanciper.
Il y aurait environ deux mille cas de port de foulard dans les établissements scolaires. Ce qui ne représente ni une déferlante ni un chiffre insignifiant. Le contexte national et international est particulièrement favorable à l'éclosion de signes réactionnaires. Le conflit irakien, le discours étatsunien manichéen vis-à-vis de l'islam et du Monde arabe, l'impunité dont bénéficie le gouvernement israélien face aux Palestiniens forment une première matrice favorable au développement de l'islamisme. L'accumulation de lois racistes et discriminatoires en France vis-à-vis des immigré, le poids du Front national, l'absence d'égalité des droits dans l'ensemble de la vie politique et sociale, les poches d'exclusion, de chômage et de misère, qui frappent dans certaines banlieues des catégories entières de la population, représentent un terreau favorable au développement d'un repli communautaire. Communautarisme d'ailleurs revendiqué par les islamistes de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), qui négocie avec Sarkozy la mise en place de structures communautaires. De ce point de vue, la politique du ministère de l'Intérieur n'est pas "classique" pour un gouvernement de droite. Il garde les aspects répressifs et discriminatoires, mais il développe également une orientation visant à organiser les musulmans en communauté, dans un but évident de pacification sociale dans certains quartiers, et avec des arrières-pensées électoralistes.
Notre combat pour l'égalité et la justice sociale n'est pas neutre face au communautarisme religieux, quel qu'il soit. Nous nous opposons à la séparation de la société et du monde du travail en fractions communautaires aujourd'hui distinctes, demain opposées. A l'échelle européenne, c'est l'Eglise catholique qui représente le principal danger par ses positions contre l'avortement ou par sa volonté de voir inscrit l'héritage chrétien dans la Constitution. D'ailleurs, l'Eglise s'est prononcée en faveur du port du voile à l'école. Si nous sommes en faveur de l'exercice du culte musulman - les musulmans ne bénéficiant d'ailleurs pas des mêmes possibilités en matière de lieux de culte que les catholiques -, nous refusons et combattons toute politique visant à encadrer les consciences et à soumettre les âmes.
Pour les jeunes issus de l'immigration, l'école, même marquée par ses structures inégalitaires, est une chance. C'est pourquoi, si nous refusons le port du voile comme signe oppressif et distinctif, nous nous prononçons pour tout essayer, par le dialogue, la discussion, la médiation extérieure, pour éviter des exclusions qui sont toujours des échecs pédagogiques. Mais lorsque nous avons affaire à une volonté militante de faire une démonstration, de tester le rapport de forces, d'inciter d'autres filles à le porter, de refuser des cours ou des contacts physiques, le problème se déplace et il y a un devoir de protection des autres élèves.
Pour cela, il n'y a pas besoin d'une loi. Celle-ci apparaîtrait comme une stigmatisation et une vexation supplémentaire pour une population à qui l'on envoie des messages négatifs et discriminants. Une telle loi qui amalgamerait signes politiques et signes religieux, signes discrets (qui relèvent de la liberté de conscience) et signes ostentatoires, ne pourrait régler le problème. Aucun article de loi ne peut remplacer l'appréciation d'une équipe éducative sur le sens concret du port d'un signe religieux. Aucune loi ne pourra encadrer la nécessité d'un dialogue, d'une médiation, le temps à y consacrer, le moment de la décision. Au contraire, elle reviendrait en arrière sur les droits à l'expression politique des lycéens, mis dans le même sac que l'expression religieuse, sans avoir la moindre volonté de développer la laïcité, par exemple en Alsace et en Moselle, ou en supprimant les aumôneries scolaires et militaires. Plus largement, la laïcité, pour nous, c'est une manière de vivre ensemble. Faire reculer les replis communautaires, c'est avant tout casser les ghettos, défendre le plein-emploi, les services publics, investir massivement pour améliorer le cadre de vie dans les banlieues, promouvoir l'égalité des droits, dont le droit de vote. En bref, sortir du débat piégé que souhaite Chirac.

Pierre-François Grond

Rouge 2044 18/12/2003
conformistepote
 
Message(s) : 0
Inscription : 12 Oct 2002, 16:17

Retour vers Presse et communiqués

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 2 invité(s)

cron