a écrit :N'êtes-vous qu'«un sénateur de plus», tel que l'a dit Marie-George Buffet, ou s'agit-il d'un retour au premier plan du dirigeant national du PCF ?
Retour au premier plan, dites-vous : la question ne se pose pas. J'ai dirigé ce parti pendant près de dix ans, c'est un fait. Et pour la première fois dans l'histoire du PCF un ancien dirigeant n'est pas à la retraite politique après son mandat. C'est une situation inédite, mais personne ne m'a dit qu'elle était anormale. Mon départ, en 2002, je l'ai souhaité. Il a coïncidé avec un échec électoral lourd, mais vouloir faire de moi un bouc émissaire ne rendrait pas service au PCF. Personnellement, je veux m'efforcer de lui être utile dans un moment où, me semble-t-il, nous ne sommes pas de trop pour porter la parole communiste.
Vous réjouissez-vous, comme certains dirigeants, du «redressement électoral» du PCF?
Depuis la présidentielle, les communistes ont beaucoup travaillé. C'est à eux, d'abord, qu'on doit les résultats obtenus. Les régionales ont permis des succès, c'est vrai, mais aux cantonales et aux européennes nous sommes en recul par rapport aux précédents scrutins. C'est pourquoi je me méfie des «redressements» si souvent annoncés. Notre érosion électorale malheureusement se poursuit.
Pourquoi ?
Je crois que nous ne sommes pas allés au bout des enseignements à tirer de 2002. A l'époque, on a dit que les hommes et les femmes de gauche, et notamment des mouvements sociaux, les altermondialistes, les antilibéraux ne voulaient plus de la gauche. Les élections du printemps 2004 et les succès du PS montrent le contraire. Et on a aussi théorisé - on continue de le faire - à partir du score de l'extrême gauche en 2002. Je ne suis pas favorable à la recherche d'une alternative avec cette petite gauche énervée et impuissante. On vient de voir les coups très durs qu'a portés, à Londres, la mainmise des mouvements trotskistes et de groupes sectaires voire intégristes sur le Forum social européen et le mouvement altermondialiste.
Vous privilégiez toujours l'union avec le PS ?
Ma tasse de thé n'est pas la social-démocratie, mais le PS est une réalité incontournable. Cela dit, l'essentiel est le travail avec des millions d'hommes et de femmes pour inventer et coélaborer des solutions nouvelles qui rendront possibles d'autres formes d'union.
Est-ce à dire que le PCF pourrait passer son tour en 2007 ? La direction du PCF se contente de qualifier de «souhaitable» une candidature présidentielle...
La candidature communiste à la présidentielle n'est pas seulement souhaitable, elle est indispensable. Tout parti politique, compte tenu du caractère structurant de l'élection présidentielle, doit avoir son candidat. Nous avons tiré les leçons de 1965 et 1974, lorsque nous nous sommes retrouvés derrière la candidature de François Mitterrand. Ce furent des moments de fracture pour le PCF, et d'ailleurs, les deux fois, le candidat de gauche a perdu...
Ce candidat peut-il ne pas être membre du PCF ?
A mon avis, non ! Il ou elle doit être membre du PCF. Cela dit, il est trop tôt pour avancer un nom.
Le non à la Constitution européenne peut-il servir à réorienter le cours de la gauche ?
Je ne suis pas pour un non sectaire, et je me refuse à distinguer, à gauche, entre le non antilibéral et un non réputé plus mou, plus tactique. En vérité, ce à quoi nous assistons avec certains ralliements au non, c'est à une montée d'aspiration antilibérale qu'il devient de plus en plus difficile d'ignorer. Alors, pourquoi trier, pourquoi faire la fine bouche, comme le proposent certains ?
C'est un message aux présidentiables du PS ?
Non. La campagne pour le non au référendum doit être l'occasion d'un vaste débat sur la nécessité d'une autre conception de la construction européenne, en matière d'emploi et de formation, de sécurité, de droits sociaux et de démocratie, de services publics... Faire ainsi peut faire progresser le non, fortifier l'exigence d'une autre construction européenne et faire avancer les possibilités de rassemblement à gauche. Je veux y contribuer.